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Unité économique et culturelle
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À l'arrivée des Espagnols au Pérou, les chroniqueurs racontent qu'ils restèrent émerveillés à la vue des voies de communication appelées aujourd'hui chemins de l'Inca, pavées et bien entretenues et qui parcouraient tout l'empire, devant les palais majestueux et les temples aux murs recouverts de plaques d'or et qui étaient remplis d'objets d'or et d'argent. Ils ne s'intéressèrent guère aux demeures simples des gens du peuple dont seules quelques données peu spécifiques nous sont rapportées. Voici, par exemple, le témoignage de Cieza de León[1] à propos de maisons de Jauja : « Tous les édifices étaient en pierres. Le toit des maisons et des pièces était fait de très grosses poutres couvertes de paille longue. » Il ajoute une impression générale: « Les villages avaient des quartiers comme des forteresses faites en pierre, qui ressemblaient à de petites tours larges à la base et étroites en haut. Aujourd'hui, qui voit ces villages de loin croit voir des tours d'Espagne. »
Pour décrire ces maisons préincaïques et incaïques, nous nous appuierons sur l'observation des ruines, de forme circulaire ou carrée, que l'on peut trouver de nos jours dans toute la Vallée du Mantaro. Ces constructions furent faites en utilisant la technique du pircado (pierres entassées et réunies par une sorte de mortier de sable et de terre). Les murs étaient constitués par un double rang de pierres, de telle sorte que la partie la plus soignée soit tournée vers l'extérieur, alors que l'intérieur restait inégal, mal dégrossi. Nous pensons que l'objet de cette double paroi était de donner plus de solidité à l'édifice, puisque les pierres utilisées étaient fort irrégulières et que certaines de ces pierres étaient insérées entre les deux parois afin de renforcer la construction. Tout en haut de la maison étaient ménagées quelques ouvertures qui laissaient pénétrer l'air et la lumière.
Ainsi, avant la Conquête, la maison ne comptait qu'une seule pièce carrée ou circulaire qui était utilisée seulement pour dormir, ranger les outils de travail et conserver les récoltes. Les ouvertures étaient presque absentes, même en ce qui concerne les temples et les demeures nobles, peut-être à cause de la rigueur du climat et des froides nuits des Andes. L'absence d'édifices à deux étages ainsi que l'inexistence de cloisons intérieures est encore une des constantes de cette architecture, comme le signale Valcarcel,[2] remarque qui acquiert toute sa portée lorsqu'elle s'applique aux édifices nobles. Le plan circulaire, plus ancien, a peu à peu laissé place aux structures rectangulaires. Dans la région centrale, jusqu'au Cuzco, on trouve des ruines de constructions carrées et circulaires, par exemple, à Tunanmarca (Junín) et Paucartambo (Cuzco). En ce qui concerne la région de Jauja, le Père C. Buron[3] écrit, à propos des ruines de cette ville : « ... les constructions sont de trois sortes : les unes rectangulaires, de 7 mètres sur 4, d'autres cylindriques de cinq mètres de diamètre. D'autres, également cylindriques, de plus grandes proportions, peut-être destinées à des notables ou servant de dépôts de vivres ou de munitions. » Les habitations circulaires évoquent les chullpas, tours funéraires dont les restes peuvent être observés aujourd'hui encore, principalement dans le Sud, et qui étaient en fait des demeures destinées à l'autre vie. Certains indigènes ont pu être enterrés dans leur propre maison, comme le signale le Père Bernabé Cobo,[4] mais le plus souvent ils étaient ensevelis dans les chullpas, répliques, en plus exigu, de la maison. La toiture était faite d'une charpente de branches d'arbres et d'un entrelacement de roseaux assujettis par des cordes et des bandes de cuir, le tout étant recouvert d'ichu[5].
Aujourd'hui, la maison indigène huanka n'apparaît pas fort différente de ce qu'elle était dans les descriptions des chroniques. Les descriptions des demeures actuelles insistent bien souvent sur leur aspect fruste et misérable, ainsi, dans cette étude de l'O.I.T. publiée à Genève en 1953 : « La maison est généralement petite, de pierre ou de briques crues; dans une même pièce habite toute la famille, et même, parfois, quelques animaux domestiques. En principe, il n'existe pas d'installations sanitaires, même rudimentaires. » Sans qu'il soit un instant question de nier la nécessité d'une évolution en ce domaine, voici qui nous révèle un point de vue radicalement différent de celui de l'indigène quant à la fonction de la maison. Pour lui, la maison n'est pas un objet de prestige, et il y demeure fort peu : il passe la majeure partie de son temps dans les champs et au marché. La maison sert essentiellement d'abri pour dormir ou conserver quelques outils, vêtements, ou provisions. Dans la journée, la famille vit en plein air, et ne se tient pas à l'intérieur, mais dans le corral, petite cour dont la superficie est d'environ le double de celle de la maison, et qui sert, en quelque sorte, de pièce principale. Par conséquent, I'indigène ne porte guère d'intérêt à l'amélioration ou à l'ornement de ce qui n'est pour lui qu'un abri à caractère utilitaire.
Actuellement, on construit les maisons avec des briques crues de terre mêlée avec de la paille de la puna (ichu) ou de la paille de blé ou d'orge. La paille constitue un tissu intérieur qui a la propriété de mieux conserver la forme de la brique et d'éviter qu'elle ne se fissure lorsqu'elle sèche au soleil. Chaque brique mesure 40 cm de long sur 20 de large, et 10 de hauteur. Elle est moulée dans un moule de bois qui est immédiatement retiré une fois que la forme a été donnée au mélange humide de terre et de paille. Il faut compter une semaine pour que la brique soit sèche. Ce travail pénible est fait par les hommes, après la récolte; il y a alors plus de temps pour faire des travaux, la saison favorise le séchage de la brique, et cette période d'abondance permet de fêter dignement la construction de la maison.
Lorsque l'on commence la construction d'une maison, la première chose que l'on fait est de payer la Terre Mère (Pagar la Madre Tierra, la Pachamama). Coutume traditionnelle que certains observent avec une grande vénération, alors que d'autres accomplissent ce rite par habitude, sans même en connaître la signification profonde. Le propriétaire de la future maison paie la terre, mais c'est un rezador ou un pongo (sorcier), qui est chargé de célébrer la cérémonie. Ce rite, encore en vigueur dans toute la zone andine du Pérou, est pratiqué depuis les temps les plus reculés. Dans son Historia natural y moral de las Indias, le Père Acosta nous dit que les indigènes « adoraient aussi la Terre, qu'ils appelaient Pachamama, tout comme les anciens la déesse Tellus et la Mer... » et il poursuit en évoquant ce qu'aujourd'hui nous appelons le paiement à la terre: « Au Pérou, ils avaient l'habitude de sacrifier de la coca, qui est une herbe qu'ils apprécient fort, et du maïs, qui est leur blé, des plumes de couleurs, de la verroterie, des coquillages de mer qu'ils appellent mollo et parfois de l'or et de l'argent représentant de petits animaux. »
A cette cérémonie, assistent de nos jours, dans la Vallée du Mantaro, le propriétaire de la maison, les personnes de la famille et parfois quelques amis. On commence par distribuer de la coca quinto[6], qui est une coca très appréciée, dont les feuilles sont rondes, plus grandes que celles de la coca ordinaire. Chaque personne choisit trois feuilles parmi les meilleures et les dépose dans une assiette, un puco (assiette de bois) ou un mate (calebasse coupée en deux, qui sert d'assiette) pour les offrir à la Pachamama. Puis on commence à chacchar (mâcher) la coca, à laquelle on ajoute de la chaux, ou de la llipta, cendre de quinua, ou encore de la tocra, sorte de bonbon fait pour la circonstance et qui contient de la cendre de quinua. Ces substances permettent d'extraire l'alcaloïde de la feuille. Bien entendu, I'alcool de canne à sucre (cañazo), ou de raisin (pisco), que l'on boit pendant toute la cérémonie, est de rigueur. Une fois que la coca a été macérée, le rezador ou le laiqa commence son travail en préparant les petits objets que le propriétaire de la maison a achetés: deux petites poupées en pierre de Huamanga[7] représentant le couple qui habitera la maison, des animaux domestiques sculptés dans la pierre ou faits en terre cuite, une petite maison figurant celle que l'on va construire. Tous ces objets symboliques sont offerts d'abord à la Pachamama, puisqu'on en occupe une partie et qu'il faut la payer, puis au dieu local, pour qu'il écarte les mauvais esprits et la malchance que peut receler le terrain choisi. Le pongo se met à prier tandis qu'il creuse un trou à l'endroit où se trouvera la cour — ou l'entrée — de la maison. Tous les objets énumérés y sont soigneusement déposés sur une couverture, ainsi que de la coca quinto. Le tout est arrosé d'alcool de canne à sucre ou de pisco, et recouvert de terre. Il est difficile de savoir ce que dit le pongo, car on l'entend seulement murmurer. Ce paiement se fait pour que tout aille bien dans la future maison, pour que les animaux se reproduisent, pour que les habitants soient heureux et en bonne santé et qu'aucune personne envieuse ou vindicative ne jette de sort au couple des propriétaires de la maison.
La maison compte une seule pièce, parfois deux. Dans le premier cas, la pièce unique sert de chambre à coucher et de dépôt de grains et de tubercules. Dans le second, la première pièce sert de chambre et dans le deuxième, on garde les produits des récoltes. Dans toutes les circonstances, la cuisine est construite en annexe, à l'extérieur. Elle s'appuie sur la maison, et elle est plus basse, plus petite, plus rustique. Elle est parfois faite uniquement de branchages, mais le plus souvent, c'est un réduit de briques crues. Le manque d'ouvertures explique que la cuisine soit généralement noircie par la fumée. On y élève des cochons d'Inde et des lapins. Les poules s'y promènent en toute liberté. Parfois, la cuisine est divisée en deux parties, I'une pour élever des cochons d'Inde et des lapins et l'autre pour la cuisine proprement dite.
Ces maisons sont généralement prolongées par le mur qui entoure la cour où l'on élève des vaches, des moutons, de la volaille... La cour occupe environ 300 m2 alors que la maison couvre 100 m2 — cuisine comprise — si elle comporte deux pièces, un peu moins si elle n'en comporte qu'une. La toiture est faite d'une charpente en bois, généralement de l'eucalyptus, car c'est un bois plus résistant et plus durable que les autres. Dans les endroits les plus reculés, on assujettit encore les poutres avec des lanières de cuir de vache mouillé, et parfois avec des chevilles de bois qui, enfoncées à la base du toit, soutiennent l'ensemble. Une fois achevée la charpente, on l'y attache perpendiculairement aux poutres maîtresses avec des cordes fines et résistantes de minces branches d'eucalyptus ou des roseaux, de façon à former un entrelacement qui supportera la paille. Celle-ci est si bien attachée que, lorsqu'il pleut, I'eau ne tombe pas à l'intérieur.
Lorsque le toit est terminé et si la construction a été faite en ayni, on fait une petite fête au cours de laquelle les propriétaires de la maison régalent généreusement parents et amis qui sont venus travailler avec des boissons alcooliques, de la chicha, des mets typiques. La fête est animée par un groupe de musiciens.
Dans les régions plus métissées, ou cholas, souvent citadines, la façon de construire est souvent très semblable, tant du point de vue du plan que de celui du matériau. Toutefois les maisons ont parfois deux étages, et la cour que l'indigène utilise pour élever ses animaux est utilisée par le métis comme patio, et même, dans quelques cas rares, comme jardin. Le deuxième étage comporte généralement trois ou quatre pièces, selon l'importance de la famille et l'argent disponible pour faire faire les aménagements, puisque dans le monde métis a disparu l'habitude de l'aide mutuelle. Pour la toiture, on utilise le même matériau que pour la charpente, c'est-à-dire l'eucalyptus, mais les tuiles ou la tôle ondulée remplacent parfois la paille : dans ce cas, des lattes d'eucalyptus remplacent les branches ou les roseaux. Les matériaux plus récents tendent à remplacer peu à peu la paille.
Lorsque la construction est terminée, le métis procède au baptême de sa maison. Les parrains se chargent de faire venir le curé, et le beau-frère du propriétaire (masi) grimpe sur le toit afin d'y placer la croix bénie par le curé. Cette croix est généralement en fer blanc peinte de différentes couleurs et ornée de motifs, par exemple un coq, le soleil, la lune, le drapeau, etc. Parfois, la croix est remplacée par de petites églises en céramique, selon le goût du propriétaire. Du faîte de la maison, le beau-frère jette des bonbons à l'assistance. Le baptême est. une fois encore, prétexte à fête.
Le mobilier de la maison n'est guère compliqué, tant chez l'indigène que chez le métis huanka.
Pour dormir, I'indigène possède un lit où il dort avec sa femme et le plus petit des enfants, les autres enfants dormant selon leur nombre, dans un ou deux lits. Ces lits sont parfois constitués uniquement de peaux de mouton ou de lama jetées sur le sol ou sur des estrades. Parfois, on trouve des sommiers rustiques. Les indigènes se couvrent avec de grosses couvertures et les ponchos qu'ils confectionnent eux-mêmes. D'autre part, ils rangent leurs vêtements dans une malle en bois peint aux couleurs vives. Quelquefois, ils possèdent des chaises et une petite table, mais ils ont généralement l'habitude de s'asseoir sur le sol ou de se tenir accroupis, pendant la conversation.
Dans la chambre du métis, on peut voir un grand lit de fer pour les époux et des estrades ou des petits lits pour les enfants. Leurs couvertures ont été achetées sur le marché et ils utilisent des matelas de paille ou, plus rarement, de laine. Pour ranger leurs vêtements, ils ont une petite armoire, une malle de bois ou de cuir et des valises. Ils possèdent également des chaises et une table dans la pièce qui sert de salle à manger. Les amis sont reçus dans le patio autour duquel sont disposés des bancs.
Tant chez l'Indien que chez le métis, le sol de la maison est en terre battue. Très rarement le métis couvre le sol de sa maison de carreaux ou de plancher, sauf s'il habite la ville.
En ce qui concerne la cuisine, elle est petite et basse de plafond chez l'indigène et comporte un fourneau rustique, construit avec des pierres et de la terre mêlée avec du sucre. Les pierres doivent être poreuses pour résister aux hautes températures, sinon elles éclateraient et risqueraient de blesser quelqu'un. Le mélange de sucre et de boue forme une couche résistante et brillante. On place sur ce fourneau, carré ou rond, des barres de fer plates. Les autres ustensiles importants de la cuisine sont le mortier et le batán. Le mortier est utilisé pour moudre des condiments et des épices, en petites quantités. Il est en pierre et sa partie creuse a un diamètre de 20 cm environ. Il est complété par le pilon, également en pierre. Le batán et son complément, la mano sont eux aussi en pierre, mais leurs dimensions sont beaucoup plus importantes. Elles peuvent être variables, mais en général, le batán mesure à peu près 60 cm de long, 40 cm de large et 20 cm de haut. Très lourd, il est installé une fois pour toutes dans la cuisine ou tout près de la porte, à l'extérieur. Le batán proprement dit est carré ou rectangulaire; il est creusé de telle façon que la mano, qui a la forme d'une demi-lune, s'y adapte parfaitement. C'est dans le batán que sont moulus grains, légumes, afí (piment fort), etc.
Il y a un demi-siècle, les assiettes étaient des mates (demi-calebasses). Puis elles furent en bois, et en terre cuite. Enfin sont apparues des assiettes et des tasses en émail, en aluminium, et même, en matière plastique, qui sont achetées sur le marché ou dans une boutique.
Il y a trente ou quarante ans, j'ai pu voir dans quelques communautés, qu'on avait l'habitude de se nourrir en utilisant les cinq doigts réunis de la main pour manger les légumes, les purées ou les crèmes de céréales. Lorsque le plat était presque fini, on le nettoyait en y passant le doigt. Plus tard, on acheta des cuillères en bois, puis en fer, en aluminium, en antimoine et en matière plastique.
En ce qui concerne les marmites, elles étaient autrefois toujours en terre cuite. Aujourd'hui, les indigènes cuisinent toujours dans ces marmites, bien que quelques-uns acquièrent des marmites en aluminium, généralement employées uniquement pour faire bouillir l'eau, car ils disent qu'elles dénaturent le goût de la cuisine. C'est d'ailleurs pour conserver un goût spécial à leurs plats qu'ils n’utilisent que du bois pour cuisiner.
La cuisine sert de salle à manger. Tous les membres de la famille s’asseoient autour du fourneau ou des marmites, accroupis les plus petits, les plus âgés installés sur des poyos, rondins de bois d'un diamètre approximatif de 25 cm sur 15 cm de haut.
Le métis est beaucoup mieux adapté à certaines commodités citadines. La cuisine est beaucoup plus vaste, le mobilier comporte une petite table, des chaises et des bancs. Pour faire la cuisine, ils utilisent une cuisinière ou un réchaud à kérosène et ils ont toujours en réserve un fourneau à bois. Parmi les divers ustensiles de cuisine qu'ils possèdent, on trouve des marmites en fer, en aluminium et aussi en terre cuite. Ils se servent comme l'Indien, du mortier et du batán. Leur vaisselle est constituée par des pots, des tasses et des assiettes en émail, en faïence et en aluminium, parfois en matière plastique; les couverts sont en fer chromé ou en aluminium.
Le métis possède parfois une salle à manger indépendante avec une table dont les dimensions sont fonction du nombre des enfants. Cette table est ornée d'une nappe en toile cirée ornée de dessins géométriques ou de fleurs. Les chaises sont en bois ou de fabrication plus rustique, à base de roseaux tissés sur une armature de bois. La table sert également de bureau aux enfants qui y font leurs devoirs scolaires.
Le cholo emprunte le cadre de sa vie domestique tantôt à l'Indien, tantôt au métis. Même alors qu'il possède plus de possibilités économiques que le métis, sa maison est très semblable à celle de l'indigène, car il est moins sensible à la dignité et au prestige que peut apporter une belle maison, et plus enclin à faire prospérer ses richesses. Par contre, il achètera volontiers des meubles et des ustensiles que possède le métis, souvent par souci de commodité. Là encore, son sens pratique et son adaptabilité le distinguent des autres catégories sociales. Francisco Aliaga – 1984 [1] – Comme nous l’apprennent les chroniques, les Espagnols furent émerveillés de la grandeur des ouvrages d'architecture qu'ils trouvèrent au Pérou. Palais et temples, silos et même voies de communication qui permettaient d'atteindre les limites de l'Empire, méritent de longues descriptions qui font défaut en ce qui concerne les habitations simples des gens du peuple. Cieza de León remarque le contraste existant entre les splendides édifices de la capitale et les maisons des humbles : « Il y avait de grandes rues, étroites toutefois, et les maisons étaient faites de pierres, si bien assemblées que cela illustre l'ancienneté de l'édifice, tant ces pierres étaient grandes et bien disposées. Les autres maisons étaient toutes en bois, en paille, et couvertes de terre, car on ne voit aucun reste de tuile, de brique, ni de chaux. » Plus loin, lorsqu'il évoque la région du Collao, il se montre fort surpris de constater l'application qu'apportaient les indigènes à l'édification et à l'aménagement de leur sépulture, alors qu'ils ne semblaient guère s'intéresser à leur propre demeure : « ... assurément, je m'étonnais fort de penser que les vivants n'avaient guère souci de posséder des maisons grandes et bien arrangées et de voir avec quel soin ils ornaient les sépultures où ils devaient être enterrés comme si en cela consistait tout leur bonheur. » Ainsi, les chroniques se bornèrent à donner quelques indications spécifiques au sujet de l 'habitat de l'indigène, alors qu'ils évoquaient longuement les splendeurs des palais et des temples aux murs recouverts à la feuille d'or et qui abritaient de fabuleuses richesses. Selon les zones géographiques et les ressources naturelles offertes par les diverses régions, on pouvait observer des différences importantes en ce qui concerne le matériau utilisé en construction lors de l'époque incaïque et préincaïque. Ainsi, sur la côte, on utilisa, pour les maisons ordinaires, la brique crue (adobes) et pour les temples et les forteresses, de grands blocs de brique crue (adobones) et des murs de pisé, de terre et de paille. Dans la montagne, presque toutes les constructions étaient faites de pierres assemblées avec un mortier de boue et de sable (pircado). Dans les forêts, pour des raisons évidentes, le matériau de base était le bois. Les ruines qui restent jusqu'à nos jours confirment la prédominance de la terre dans l'édification des maisons et même des palais ou des temples de la côte (Chavín, Pachacamac), alors que dans la montagne prédomine la pierre. Les facteurs climatiques pouvaient déterminer, en ce qui concerne les demeures plus humbles, un style de construction plus légère et plus fragile. Augustin de Zárate (chap. 6, p. 524) nous dit que dans la zone nord du Pérou, de Tumbez à Trujillo « les Indiens ne vivent pas dans des maisons mais sous des arbres de branchages », ce qui est parfaitement explicable par la température élevée qui règne dans cette région proche de la ligne équatoriale. [2] – Luis E. Valcárel, Etnohistoria del Perú antiguo, p. 121. [3] – Cité par Clodoalda Alberto Espinosa Bravo, Jauja antigua, Lima Peru, 1964. [4] – Bernabé Cobo, Bibliothèque des Auteurs Espagnols, tome 1, p. 91-92. [5] – Il faudrait évoquer par ailleurs un autre type de construction qui, bien que se présentant dans la montagne, fait appel essentiellement à la terre et aux branchages. Lorsque Augustin de Zárate parle des Indiens de la montagne, il nous dit qu'ils sont fort différents de ceux des plaines par leur force, leur courage et leur jugement et qu'ils vivent «de façon plus civilisée, dans des maisons couvertes de terre» (chap. 9, p. 535). Ce type de construction, rectangulaire, existe encore de nos jours, par exemple dans la région d'Arequipa, à la Pampa de la Joya. Il est fort possible qu'il ait été plus répandu qu'à l'heure actuelle avant la Conquête. La fragilité de ces édifices faits d'une armature de branchages recouverts de boue peut en expliquer la disparition. [6] – Coca quinto : le nom vient de la façon dont était appelé l'impôt versé au roi, le quinto (le cinquième). [7] – Pierre de Huamanga: pierre blanche, facile à travailler provenant de Huamanga (Ayacucho). | ||
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