Les métamorphoses de l'irreprésentable
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Sur Michel Foucault

 

 

Pascal Houba

 

 

Selon Kant, l'expérience est médiatisée par un ensemble de catégories a priori qui sont les conditions de possibilité des objets de l'expérience (les phénomènes). Ces catégories permettent une universalité dans l'appréhension des phénomènes. Selon Foucault, ces catégories a priori ne sont pas tout à fait universelles mais obéissent à une historicité (on pourrait aussi observer des variations spatiales mais qui sont en fait d'une certaine manière dues également à une historicité, les différents peuples humains pourraient être dès lors considérés comme appartenant à des temporalités hétérogènes). Cela implique que les catégories définissent l'ensemble des choses qui sont énonçables, visibles, etc., bref représentables à un moment donné, définissant donc un a priori historique, « distribution originaire du visible et de l’invisible dans la mesure où elle est liée au partage de ce qui s’énonce et de ce qui est tu » (Naissance de la Clinique). Cette variation historique n'est pas continue mais opère par sauts définissant des époques historiques. Foucault appelle ces époques historiques épistémè (Dans une perspective ontologique, Heidegger parlait d' « époques de l'être » et d'historialité) : « dans toute culture et à un moment donné, il n’y a jamais qu’une épistémè qui définit les conditions de possibilité de tout savoir » (Les Mots et les Choses). Les catégories ne permettent cependant pas de représenter adéquatement la totalité de l'expérience. Par conséquent, à une structure de catégories (épistémè) donnée correspond un irreprésentable qui lui même peut varier selon les époques.

 

Par exemple, la folie qui était pensée comme un rapport direct à Dieu (rapport à l'Infini) avant l'âge classique, le délire étant l'expression de l'inspiration divine, deviendra la déraison en référence au pouvoir tout puissant accordée à la raison à l'époque classique (Descartes) et est maintenant déterminée par un ensemble de catégories médicales définies par l'homme, c'est-à-dire par un sujet constituant mais fini (cf. L'Histoire de la Folie à l'âge classique). De même, le sexe deviendra la sexualité (cf. La Volonté de Savoir, L'histoire de la sexualité I). Les catégories font donc l'objet d'une construction. Cette construction se manifeste à travers un changement progressif des pratiques concernant l'objet en question.

De là, on peut dire que le rôle de l'artiste est d'exprimer l'irreprésentable à travers l'œuvre d'art, c'est-à-dire ce qui se trouve « à la limite » de ce qui peut se représenter au moment de la création. Il peut notamment y arriver en mettant en relation un certain visible avec un certain énonçable sachant que l'irreprésentable du visible (l'invisible) ne coïncide pas forcément avec l'irreprésentable de l'énonçable (l'indicible). Cette mise en relation peut prendre la forme de la métaphore ou de la métonymie. Il n'est pas étonnant que l'on retrouve les deux fonctions associées par Lacan au travail du rêve selon Freud (déplacement, condensation). Dans les deux cas (oeuvre d'art et inconscient), on retrouve le même surgissement créatif face à l'irreprésentable, à l'inconnu.

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