Illel Kieser 'l Baz

 

 

Celui-là, s'il est étranger sur sa terre, comment porterait-il avec lui l'espérance du peuple ?
Jean Sénac

 

 

Introduction

A l'heure des conquêtes de la technique il peut paraître obsolète de rappeler les vieilles croyances aux démons et autres merveilles du panthéon occidental. Les démons, n'est-ce pas plutôt un bon sujet de théologie ou de psychologie  ? N'a-t-on pas vu périr toutes les cohortes de démons à l'instar de celles des dieux  ?

La mémoire collective s'efforce souvent de vite oublier des terreurs quelle subissait mais en saisit-elle toujours le sens  ? Si les démons ont occupé une fonction primordiale dans l'imaginaire des sociétés antérieures à l'industrialisation on n'en a pas toujours compris le véritable impact. De ce point de vue, le sujet lui-même est sinon tabou du moins jugé désuet.

A une époque récente, la peur engendrée par la croyance aux démons jouait un rôle de contention morale capable. Cette barrière permettait d'endiguer certains débordements dont l'humanité fut, par exemple témoin dans la première moitié de ce siècle. La peur du démon pouvait faire autant que la crainte du châtiment divin. Et comment cette fonction du démon pouvait jouer un tel rôle compensateur face au débridement des passions bestiales ? Est-il tout à fait sûr que le démon fut une invention de théologien en quête de moyen de pression sur des âmes au bord de la perdition ? N'y a-t-il pas au cœur de l'homme, sise au plus profond de son âme une fonction de création d'un espace merveilleux et réel qui oppose aux instants de vérités concrètes d'autres temps plus fluides et opaques mais plus redoutables aussi  ? Faust  ne fut-il qu'un personnage de roman philosophique ?

Si cette fonction est largement reconnue pour justifier l'existence du monde  de l'Ange, on la dénie au Démon !

L'ethnologie moderne à l'écoute des sociétés « archaïques » ou « premières » nous apporte des éléments de réponses à ces questions qui jusqu'alors restaient propriété des théologiens et des philosophes. En effet le monde démoniaque prend une connotation plus neutre et psychologiquement fondée si nous écoutons nos frères mélanésiens ou lapons. Il est plus facile de parler de leurs croyances que des nôtres.  Or l'animisme contemporain nous dit quelque chose des anciennes coutumes de nos peuples. Comprendre ces mondes nous conduit à relativiser et multiplier les fonctions que nous attribuons aux démons. Échappant à l'emprise des idéologies moyenâgeuses, l'existence " d'espaces démoniaques " parvient à se justifier dès lors que l'on a une vision dialectique de la vie et du monde. L'animiste ne voit-il pas en effet  ces êtres de l'au-delà comme des émanations à priori des forces de la Nature qu'il ne comprend pas ? Pourtant ne pourrait-on pas voir dans l'existence des démons la manifestations d'un fait de nature inscrit dans l'intimité de l'homme. Il est concevable d'envisager ces êtres vivant au-delà des mondes visibles comme n'étant plus ni anges ni démons mais participant des deux à la fois et selon des règles que notre culture a oubliées. Et c'est l'Homme au cœur de la Nature qui exerce la distinction. À parler aussi des anges nous voilà donc dans un dialectique que d'aucuns s'appliquerait plutôt à situer chez de lointains parents asiatiques. Démons et anges ne seraient alors que des manifestations différenciées de forces occultes auxquelles l'intelligence n'a pas accès.

Si la foi suffit à expliquer les mondes angéliques, n'englobe-t-elle pas la présence de démons ?

Les anciennes croyances sont-elles donc si rétrogrades qu'il faille revenir au lointain passé pour les situer ou bien sont-elles l'émanations de processus extrêmement complexes au travers desquels la société se structure  ?

A l'étude du panthéon démoniaque nous verrons peut-être que la croyance aux démons dépasse les idéologies figées et se retrouve vivante au cœur même de l'ère moderne.

Car l'Homme vit au contact d'un milieu générant sa part d'effroi et de mystère tant il ne correspond plus à ses attentes. Mais les croyances modernes ont feint de se détourner d'un merveilleux jugé enfantin, si bien que l'imaginaire a fini par s'emparer des système de représentation pour figurer ce qui de toute manière est inscrit dans l'âme humaine  : anges et démons figurent aux limites du monde concret, la part d'ineffable, une sorte d'intermédiaire entre le monde l'homme et le monde divin, insondable mystère. Au delà du repérable, le monde devient flou et équivoque. Parfois l'ange prend des allures terrifiantes cependant que le démon, à se laisser si bien tromper figure un monstre naïf. Mais n'est-ce pas un jeu d'illusion qui nous fait ainsi douter des anciennes terreurs  ?

Pour mieux oublier ce qui se passe ailleurs...

Si l'on consulte attentivement les modernes comptes rendus de maladie ou les constats de défaillances techniques il apparaît que la croyance demeure même si on ne la nomme pas. L'Homme moderne semble bien être encore soumis aux mêmes terreurs que ses ancêtres. Et si ceux-ci se sont figuré leurs peurs au travers d'images que nous jugeons maintenant naïves il n'en demeure pas moins que la qualité même de ces peurs reste inchangée. Les démons ont changé de visage, ce qui les dissimule bien à nos yeux aveugles.

Il existe quelque chose dans notre siècle qui ressemble à la possession et à l'action des démons telle que l'histoire nous la donne à connaître. Les virus et les défaillances de l'électronique ne sont-ils pas les modernes représentations de l'action obscure d'un  agent qui demeure opérant depuis la nuit des temps ? Quand l'homme s'aventure vers les frontières de son domaine et de son savoir ne risque-t-il pas de se confronter à une théorie d'êtres d'outre-tombe dont l'intervention répondra à l'intégrité de ce qui se passe en lui précisément ? Ces mystérieuses défaillances techniques ne sont elles pas un des moyens qu'un quelque chose de transcendant en l'Homme s'est trouvé pour contrebalancer une volonté outrecuidante, celle de la science et de la technique qui pourrait tout  ?

Ne serait-il pas intéressant d'apprendre à connaître les démons  ? La science moderne est d'un appoint suffisant pour pénétrer ces mondes mystérieux et effrayants. L'homme affranchi peut refuser de croire à d'antiques formes psychiques mais il se doit de respecter celles-ci en leur accordant l'attention que requiert tout objet scientifique.

Nous suivrons la généalogie de leurs figures dans la culture occidentale. Mais pour mieux en comprendre le sens nous ferons appel à d'autres cultures, neutralisant ainsi l'impact des préjugés idéologiques.

Les démons convoitent ce qu'il y a de plus précieux dans l'Homme. Et ce le trésor s'est déplacé en valeur au cours des siècles.

Alors l'exorcisme moderne existe-t-il ? Et si nous vivons encore dans un monde animé de forces obscures, ne pourrions nous pas écouter plus attentivement ce que la tradition nous rapporte de ses forces et qui ressemble quelque peu à ce qu'en disent les peuplades dites archaïques ?

Première partie  : L'existence des Démons

1 – Les démons qui sont-ils ?

(40 pages environ) Cette partie tente de poser les éléments d'une démonstration sur  l'universalité de la croyance  en un monde « outre réel ». Cette conviction repose sur la structure même de la psyché humaine qui est fondamentalement religieuse. C'est cette base qui amène alors à poser l'existence du monde comme un système complet régi par un loi dialectique, dualiste, polythéiste, animiste...

 

+ Source de la croyance en des démons

         – Le démon d'antan est semblable aux virus d'aujourd'hui

         – L'atteinte portée à une intégrité

+ La notion de complétude et de totalité

         – Les deux ordres de l'univers

         – De l'ange aux démons. Les discours qui communiquent

+ Naissance des démons

         – Le rôle de l'imaginaire

         – Comprendre l'existence des démons par l'existence des anges

         – La Nature, l'Homme et le Temps

+ Les démons dans le temps - esquisse d'une généalogie démoniaque

2 – La Généalogie des démons

La conception d'un système du monde intègre tous les éléments de la vie humaine à l'intérieur d'une totalité qui tient du réel, c'est à dire de l'environnement. La présence des démons sera relative à la culture. Leur habitat change, leur mode d'action diffère mais ce qui demeure inchangé c'est la peur que l'Homme en a.

 

+ Présence des démons

         – La maladie et la souffrance, les calamités

         – Les lieux de présence des démons

         – les démons et et la vie en groupe

+ Démonologie archaïque

         – Les traditions chamaniques

         – Les cosmogonies indo-européennes

         – Démons et place de l'homme

+ La tradition sémitique

         – De la Mésopotamie à la chute de Babylone

         – Rapport aux traditions grecques

         – La source hébraïque

         – Les trois branches abrahamiques  : le Judaïsme, le Christianisme, l'Islam.

Deuxième partie  : Les démons dans la tradition Occidentale

1 – Les doctrines de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament

Cette partie expose la vision classique de la croyance aux démons. Nous verrons comment cette question a évolué dans l'univers des religions abrahamiques. Par ailleurs le point de vue ici tenu étant d'ordre anthropologique il sera fait état d'une sorte de continuité entre les croyances du monothéisme et celles des cultures plus antiques, ce qui est peu habituel.(40 pages environ)

 

+ La chute des anges et l'origine des démons

         – Les Satan et leur chef

         – Les rapports des démons à Dieu

         – Les esprits, la cohortes des instincts mauvais

+ Jésus et le Démon

         – La possession et l'exorcisme

         – Possession, divination et sorcellerie

         – La domination christique sur les démons

+ La doctrine des Apôtres

         – La doctine de l'Apocalypse

         – Le Grand Dragon

         – La lutte des démons et des anges

         – Enchaînement et libération — la doctrine du salut

2 – Les démons dans la littérature et dans l'art

Exposé classique qui englobe néanmoins certains aspects du romantisme et tente de repérer comment certains mythes contemporains trouvent leur origine dans une conception du monde qu'un animiste reconnaîtrait parfaitement.

 

+ Dans la littérature et dans l'art

         – Le mouvement des idées de l'antiquité

         – Le courant gnostique

         – La sculpture, la littérature romantique, la poésie

+ Impact des idées sombres sur la culture et la philosophie

         – Les penseurs sombres du XIX^e siècle

         – L'aube de la modernité et la postmodernité

         – L'assombrissement de la pensée philosophique

Troisième partie  : Situation et présence des démons

1 – Démons et itinéraire spirituel

Qu'en est-il de l'impact des démons ? Cette partie développe une sorte de caractérologie du démon. C'est une ethnographie du monde démoniaque qui nous aidera à comprendre combien l'homme reste immuable dans ses fondements psychologiques. Prenant garde au piège du moralisme, et nous appuyant sur ce que l'histoire nous apporte, ce chapitre sera une sorte de démonstration selon laquelle nul ne peut échapper au caractère sacré de la vie. Plus la connaissance s'accentue et plus le mystère s'épaissit... ailleurs. Telle semble être la rançon du savoir. Vouloir y échapper serait illusoire. (40 pages environ)

 

+ Le démon et la divinité

         – Le médiateur, le bon et le pire

         – Diverse figures démoniaques

         – Le rapport par l'oracle

+ Les caractères démoniaques

         – Refuges des démons,  sources, grottes, et lieux obscurs

         – Nature des démons — consistances et caractères

         – Les démons  et la Nature — rapport avec la Terre

         – Les démons et le corps — souffrance et maladie

+ Les démons et l'Homme

         – L'adversaire

         – Le refoulement et le bouc émissaire

         – L'épreuve et la clef d'évolution

         – Le témoin et la morale, enjeu culturel

2 – Quelques annales démoniaques

Au travers de mythes, d'anecdotes et de documents sociologiques, la croyance aux démons illustrée et relativisée. Ce chapitre rapporte certains textes anciens à l’examen attentif de faits divers contemporains.

 

+ Description de quelques démons

+ Des mythes généalogiques

+ Des mythes modernes

+ Les démons et l'histoire

Conclusion

Eléments Bibliographiques

– Bril (J.), Lilith ou la mère obscure, Payot, Paris, 1982.

– Cohn (N.), Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen-Age, Payot, Paris, 1982.

– Collectif C.N.R.S, Sources Orientales, Le monde du sorcier, Paris, le Seuil, 1966.
            "            "                       "            "            , Génies, anges et démons, Paris, le Seuil, 1971.

– Collectif, Satan, Numéro spécial de la revue des études Carmélitaines, Desclée de Brouwer, Bar le Duc, 1948.

– Corbin (Henri), Face de Dieu, Face de l'homme, Paris, Flammarion, 1983.

– Durand (G.), Les structures anthropologiques de l'Imaginaire, Dunod, 1972, Paris.

– Eliade (Mircea), Occultisme, sorcellerie et modes culturelles, Gallimard, Paris, 1976.

– Kramer (S.N.), L'Histoire commence à Sumer, Arthaud, Paris, 1950.

– Langton (E), La démonologie – Etude sur la doctrine juive et chrétienne, son origine et son développement, Payot, Paris, 1951.

– Marques – Riviere (J.), Amulettes, talismans et pantacles dans les traditions orientales et occidentales, Paris, 1938.

– Petitjean (A.), Imagination et réalisation, Denoël et Steele, Paris, 1936.

– Puech (H. C. sous la direction de), Histoire des Religions, Encyclopédie la Pleïade, 1970.

– Rops (Daniel), La Bible apocryphe – En marge de l'Ancien Testament, Cerf-Fayard, Paris, 1953.

– Roux Georges, La Mésopotamie, essai d’histoire politique, économique et culturelle, Le Seuil, Paris 1985.

– Teyssedre (B.), Naissance du Diable, De Babylone aux grotte de la mer Morte, Albin Michel, Paris, 1985.

– Vaux (R. de), Histoire ancienne d'Israël, Paris, 2 vol, 1971–1973.

Les grands livres sacrés

– La Bible de Jesuralem (B.J.), Paris, éd. du Cerf – Zodiaque, 1978.

– Le Coran, (R.B.), Maisonneuve et Larose, Paris, 1966.

– Le Zohar, ed. Verdier, coll. les Dix paroles, Paris, 1981.

–  Brhad-Aranyaka-Upanisad, les Belles Lettres, Paris, 1961.

– Théogonies, Hésiode, Belles Lettres.

Glossaire

– Animisme  :

– Apocalypse  :

– Catharisme  :

– Conscience morale  :

– Cosmogonie  :

– Esotérisme  :

– Gnose  :

– Hérésie  :

– Imaginaire  :

– Occultisme  :

– Système du monde  :

– Théurgie  :

– Théogonie  :

– Thériomorphe  :

– Zoomorphe  :