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Ou la convergence des clivages | ||||||||||
Jacques Halbronn � � � Si l�on consid�re l�ensemble des clivages � caract�re social qui nous interpellent��: entre l�homme et l�animal, l�homme et la machine, l�homme et la femme, la question des �trangers, des juifs, des personnes �g�es, des malades mentaux etc., existe-t-il un espace de convergence�? Il nous semble que oui et nous l�avons d�sign� sous le nom de zone Ts�lem. (dans l�Ancien Testament, il est dit que l�homme a �t� cr�e � l�image (ts�lem) de Dieu). On usera de termes h�bra�ques�: Ts�lem (copie (tsiloum), ombre (tsel) et son oppos� Maqor (origine, source). Ts�lem serait un lieu accessible par toutes sortes de populations mais c�est aussi un seuil au del� duquel on bascule vers ce que l�on pourrait appeler le domaine du �ma�tre� et celui de l��esclave�, du Cr�ateur et de la Cr�ature. D�une certaine fa�on, cette zone Ts�lem pourrait correspondre � un �l�ment interm�diaire entre le corps et l�esprit, c�est pourquoi c�est un lieu de jonction et de rapprochement. Dans le rapport de l�homme et la machine, le Ts�lem est l�espace de l�activit� humaine qui s�offre � la machine, qui lui est, � terme, accessible. La zone Ts�lem est marqu�e par la contingence en ce que la machine n�agit que sous l�action de stimulations ou d�impulsions qui lui sont ext�rieures. Elle est en quelque sorte ��programm�e�� pour g�rer la contingence�: s�il ne se passe rien, elle ne fait rien, elle n�a rien � faire qu�� attendre. Au hasard des contingences, son animation est tr�s variable. La seule machine qui �chappe � ce sort est celle qui marque le temps. En revanche, ce n�est pas le cas du r�veil-matin qui sonne ou ne sonne pas selon son r�glage. Longtemps, il a fallu ��remonter�� les montres, lesquelles s�arr�taient, autrement, au bout d�un certain temps. D�ailleurs, les sonneries, en g�n�ral, avant de s�automatiser, �taient actionn�es, � chaque reprise, par les hommes�: sans l�homme, il n�y avait pas de sonnerie. La femme �volue �norm�ment dans le champ Ts�lem. Elle est extr�mement r�active � certains �v�nements ou plut�t types d��v�nements auxquels elle assiste et qu�elle ne prend pas la peine de contextualiser. S�il fallait replacer chaque signe dans son contexte, la femme devrait rester le plus souvent dans l�expectative, donc dans un certain ch�mage technique. C�est pourquoi elle est � l'aff�t de tout ce qui peut lui donner pr�texte � intervenir et s�insurge contre ce qui pourrait reporter une telle occasion. Le champ Ts�lem est un monde interm�diaire entre l�humain et le non humain (ce qui ne l�est pas encore ou qui ne l�est plus). L�enfant qui commence � grandir investit avec enthousiasme le Ts�lem tout comme la vieille dame qui veut montrer qu�elle est encore vive. L��tranger qui souhaite montrer qu�il est d�j� dans le coup, dans sa culture d�accueil, s�essaiera au Ts�lem tout comme le malade mental qui cherchera � donner le change en montant sa ma�trise ts�l�mique. L�animal ne sera vraiment int�gr� dans le monde humain que s�il se rend utile au niveau du Ts�lem, sous la conduite de l�homme qui le domestiquera, le dressera. Les �l�ments les plus marquants de l��tat de ts�lem sont les suivants�: l�aptitude � observer et � signaler ce qui se passe autour de soi, les changements qui se produisent, ce qui ne correspond pas � la norme, le fait d�assumer une fonction surmo�que en ce qui concerne des actes consid�r�s comme r�pr�hensibles chez autrui. � De nos jours, on n�a gu�re conscience, il nous semble, de la fronti�re qui s�pare le champ du Ts�lem de celui des activit�s sp�cifiquement humaines. Le Ts�lem est en effet le lieu o� l�Homme se d�charge d�un certain nombre de corv�es, � commencer par le fait de porter l�enfant des mois durant ou d�avoir pr�cis�ment � l�initier au Ts�lem. Or, cette fronti�re est essentielle dans la mesure o� elle signale ce qui s�pare l�homme de la machine. T�t ou tard, en effet, la machine investira pleinement le domaine du Ts�lem. Certes, la machine est la cr�ation de l�Homme encore que l�on puisse dire que l�Homme, tel que nous le connaissons, n�existe pas sans elle. Autrement dit, en cr�ant la machine, l�Homme se serait ipso facto transform� en un Homo ex machina. La machine est aussi vieille que le monde, elle r�pond � un besoin d�organisation qui conduit l�Humanit� � se structurer du fait m�me de la machine qu�il met en place. Nous d�finirons l�id�e de machine comme tout processus de fonctionalisation mettant fin � un �tat d� indiff�renciation. La sexuation serait � ce titre d�j� li�e au ph�nom�ne machine et elle n�a pas commenc� avec l�Homme, elle conduit � conf�rer � certains �tres des t�ches sp�cifiques qui lib�rent les autres d�avoir � les assumer. D�une certaine fa�on, le vivant a pris exemple sur la nature et ses rythmes, en particulier sur les astres. Mais cette mise en relation - corr�lation- ne se r�duit nullement � subir ou � d�coder des �influences� mais � conf�rer des significations � des configurations perceptibles, selon un encodage arbitraire car toute �mission fait l�objet d�une s�lection du fait du r�cepteur. Il n�y a pas d��mission totale, int�grale;. toute influence est n�cessairement instrumentalis�e. En m�me temps, on peut dire que la machine rev�t un caract�re mim�tique, ce qui peut sembler paradoxal dans la mesure o� c�est l�Homme qui la produit�: disons que par la machine, l�Homme s�imite lui-m�me avec plus ou moins de succ�s et ce faisant il se d�couvre, se d�construit. Nous avons d�fini le Ts�lem comme le monde de la contingence. Pour �viter tout malentendu, pr�cisons ce point�: quelqu�un est programm� pour capter ou r�agir � certaines informations mais cela n�emp�che pas que son comportement n�impliquera pas pour autant de r�gularit� puisqu�il d�pendra de stimuli ext�rieurs dont l'occurrence est largement impr�visible. A contrario, le monde au del� du Ts�lem ne vivra pas au rythme des contingences et des accidents, nous entrons alors dans le monde de la n�cessit�. Non pas qu�� l�origine de la n�cessit�, il n�y ait du contingent mais par la suite celui-ci sera r�duit � la portion congrue et on ne s�y laissera point distraire par des al�as. .Le monde du Maqor est celui de la contextualit�, il vit donc � une cadence diff�rente, aux r�actions plus lentes, moins primaires et disons-le plut�t secondaires, selon la typologie de la caract�rologie. Ceux qui quittent ce monde pour se r�fugier dans celui du Ts�lem y �taient mal � l�aise, on pourrait parler d�une tentation d��tre plus en prise sur les choses plut�t que d��voluer dans un monde parall�le. Mais celui qui se plonge dans le monde du Ts�lem ne sera pas seul, il y retrouvera toutes sortes de populations entra�n�es par les m�mes mirages d�une pseudo-vie., que nous qualifierons de condition d�esclave par opposition � celle du ma�tre. Dans le monde du Ts�lem, si les contingences ne sont pas pr�visibles, en revanche, ceux qui y interviennent le sont totalement car ils r�agissent, selon des automatismes, � des signaux pour eux consid�r�s comme bien sp�cifiques et sans prendre la peine de mener une enqu�te avant de passer � l�acte. On con�oit d�s lors que cette �r�alit� dont il est ici question est terriblement appauvrie et limit�e dans la perception que l�on en a. � Le Maqor est plus fatiguant m�me si l�activit� y est retard�e par la qualit� d�une enqu�te toujours en progr�s et susceptible de ne jamais s�achever. Cela revient � quelqu�un qui ne pourrait jamais se reposer, avec des probl�mes restant ind�finiment non r�solus. En revanche, c�est un monde o� il n� y a pas de pause, celui de la n�cessit�. L�esclave a des moments de rel�che quand la t�che qui lui a �t� demand�e est accomplie alors que le ma�tre doit veiller � ce que la vie ne cesse. C�est pour cette raison que nous disons que le monde du Ts�lem n�est pas celui de la vie, il est une pseudo-vie, avec ce que cela peut avoir de diabolique. Le Ts�lem est en effet un monde artificiel, qui comporte des simulacres de vie et il est �tonnant � quel point nos contemporains semblent incapables de le distinguer du monde de la vraie vie, eux qui sont capables de fabriquer des machines toujours plus perfectionn�es�! Il faut apprendre � identifier les �tats de Ts�lem quand on les rencontre et ne pas se laisser leurrer, en confondant la copie avec l�original, l�automate et son mod�le. Combien d�entre nous ne sont plus que des automates tout juste capables d�enregistrer et de r�p�ter � la demande. Couper les d�un environnement tonique et ils s��teignent, d�p�rissent. L�olivier symbolise la sagesse parce qu�il se nourrit de peu et qu�il en tire le maximum. Dans le Ts�lem, au contraire, il y a un �norme gaspillage et une dispersion d��nergie. Dans notre monde, tant de morts vivants nous entourent dont l�activit� est machinale, c�est � dire non pas continue mais discontinue quant � son contenu. Nous parlons souvent avec ces personnes qui fonctionnent � la fois comme des cam�ras et des disques, observant fid�lement et r�p�tant les m�mes propos ou les m�mes gestes chaque fois que cela leur sera demand�. Le monde du Maqor est-il menac� par celui du Ts�lem��? Quantitativement, certainement. La logique de (pseudo) vie du Ts�lem est largement majoritaire sur notre plan�te, au point de devenir la norme. Rappelons que le Ts�lem n�existe initialement que comme prolongement en vue de taches et de corv�es dont le vivant veut se d�charger et la sexuation a produit du Ts�lem puisqu�il s�agit d�un clivage introduit par le vivant pour qu�une partie de lui-m�me fonctionne dans un autre registre, lib�rant ainsi du temps pour une activit� spirituelle qui doit suivre son cours et qui ne peut s�arr�ter� un seul instant comme un c�ur qui ne peut cesser de battre. Les animaux avec leur instinct ne sont-ils pas des �tres tomb�s dans le Ts�lem�? Car le Ts�lem n�est pas au commencement des choses, il n�existe que par rapport � la Vie dont il est l�imitation. Certains s�imaginent au contraire que l�on part du Ts�lem pour essayer de passer � un autre niveau dont la r�alit� est discutable�! Pour eux, la vraie vie serait pr�cis�ment celle du Ts�lem��! La femme n�est pas �trang�re � une telle croyance et d�une certaine fa�on, celui qui est prisonnier du Ts�lem est castr�. Peut-on imaginer un monde qui serait domin� par le Ts�lem et d�o� le Maqor serait �vacu� ou refoul�? Serait-il viable�? Chacun y vaquerait � sa t�che sp�cialis�e, indiff�rent � ce qui ne lui correspond pas. Personne ne serait responsable de la supervision des multiples activit�s plus ou moins m�caniques. En fait, le comble du mim�tisme, on l�a dit, c�est de nier l�existence m�me de celui que l�on imite et dont on ne sera jamais qu�un p�le reflet. En ce sens, le Ts�lem d�sire consciemment ou non l'annihilation de ce qui lui a donn� naissance et pour cela il doit prendre sa place, d�o� le r�ve d�un monde qui jubilerait de la mort du P�re. � Le monde du Ts�lem conduit � une canalisation d��nergies humaines et en ce sens il s�apparente, dans son principe, par son �mergence � la canalisation d��nergies non humaines (ex poudre, vapeur, �nergie nucl�aire) ou animales. Sa mise en place tend � mettre fin � un certain �tat de pr�carit� et de contingence en en syst�matisant les manifestations. Le monde du Ts�lem est la cr�ation de l�Homme, il explique ce qu�est l�Homme mais il n�est pas l�Homme. Encore un paradoxe�: ce que cr�e le Cr�ateur n�est pas lui mais c�est ce qui le pose en tant que Cr�ateur et c�est aussi ce qui lui permet de rester dans le monde du Maqor. JH JH � 08/01/03 | ||||||||||
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