Hommes et Faits
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Chaque groupe humain se fédère autour d'une représentation du monde. Celle-ci configure alors un champ de réalité et un champ de l'imaginaire. Nous avons souvent oublié l'impact de l'imaginaire sur les faits humains.frSPIP - www.spip.netHommes et Faitshttp://www.hommes-et-faits.com/Dial/IMG/siteon0.gif
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3232Dubuffet et l'art brut
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http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article1022007-10-14T10:07:12Ztext/htmlfrIllel KieserUne société de l'imageArt BrutArt-thérapieDubuffetFacteur ChevalLe concept d'Art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet pour qualifier les productions réalisées par des non-professionnels. Un anonyme demeure l'emblême de ce courant étrange, le facteur Cheval.
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<div class='rss_chapo'>Le concept d'Art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet pour qualifier les productions réalisées par des non-professionnels. Un anonyme demeure l'emblême de ce courant étrange, le facteur Cheval.</div>
<div class='rss_texte'><p class="spip">Le concept d'Art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet pour qualifier les productions réalisées par des non-professionnels. Après la Seconde Guerre mondiale, quelques artistes, adeptes d'une peinture improvisée, ressentent la nécessité de profondes remises en question. Leur art, dit « informel », ne doit rien au passé et ne subit aucune influence. Jean Dubuffet fait partie de ces peintres dont l'objectif est de s'arracher de l'emprise de la tradition et d'explorer des territoires inconnus, afin de retrouver la « spontanéité ancestrale de la main humaine quand elle trace des signes ». Tendance que Arno Stern reprendra un peu plus tard à son compte.</p> <p class="spip">Pour dénoncer le caractère sélectif et répressif de la culture officielle, il crée en 1945 le concept de l'Art brut, un art spontané et inventif refusant tout effet d'harmonie et de beauté, ayant pour auteurs des « personnes obscures, étrangères aux milieux artistiques professionnels ».
Il entendait par là un art spontané, sans prétention culturelles et sans démarche intellectuelle. Selon lui, l'art brut doit « naître du matériau [...] se nourrir des inscriptions, des tracés instinctifs ». L'art brut désigne selon lui « des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythme, façons d'écritures, etc.) de leur propre fond et non des poncifs de l'art classique ou de l'art à la mode ».</p> <p class="spip">Un des personnages le plus connu de ce courant est le Facteur Cheval, alias Joseph Ferdinand Cheval, connu aussi sous cet autre nom : Ferdinand Cheval (1836-1924). L'expérience qu'il rapporte est intéressante car elle montre combien l'acceptation simple des images intérieures peut s'avérer fructueuse. Notons cependant que le mythe construit autour du facteur Cheval est nettement plus généreux à vanter son exploit artistique qu'à nous révéler sa vie. L'objet intéresse plus que la main qui le fait naître.</p> <p class="spip">Selon ses souvenirs, en avril 1879, durant l'une de ses tournées, son pied buta contre une pierre, manquant de le faire tomber sur le chemin. Son œil ayant été attiré par la forme curieuse de la pierre, il la ramassa et la glissa dans l'une de ses poches avec l'intention de la regarder plus tard à tête reposée.</p> <p class="spip">Ce point de départ du mythe du Facteur Cheval est singulier. C'est un mouvement spontané qui fera naître un grand ouvrage. Qui n'a pas ramassé de pierre en déambulant le long d'un chemin, laissant flotter tranquillement son imagination ? Qui n'a pas gardé cette pierre, d'abord bien en évidence sur une étagère puis la laissant glisser peu à peu au fond d'une boîte obscure qui scellera ces instants bucoliques dans l'oubli ? Le Facteur Cheval a prolongé le geste premier pour lui donner une place dans sa vie. Il y a dans ce simple épisode l'essence même de l'exercice sur soi de l'imaginaire.</p> <p class="spip">Dès le lendemain, repassant au même lieu, il constatait la présence d'autres pierres ayant des formes encore plus singulières et, à son goût, plus belles que celle qu'il avait trouvée la veille. Il se fit alors la réflexion que, puisque la nature pouvait « faire de la sculpture », il pourrait très bien lui-même, fort de ses longues rêveries préparatoires, se faire architecte, maître d'œuvre et artisan dans la construction d'un « Palais idéal ».</p> <p class="spip">On peut penser que, durant ses distributions de courrier, il se laissait aller à de longues rêveries contemplatives et c'est l'incident qu'il relate qui lui permit de sauter le pas en « inventant » une œuvre que la postérité jugera extraordinaire. Il passa ainsi 33 ans de sa vie à édifier un « Palais idéal » et huit autres années à bâtir son propre tombeau, tous deux considérés comme des chefs-d'œuvre de l'art naïf.
Il est intéressant de noter l'analogie que fait le Facteur Cheval entre la nature et lui. Puisque la nature peut « faire de la sculpture », il le peut lui-même, manière d'intégrer sa psyché au sein d'un continuum immémorial tout en y puisant un modèle et une volonté. Ce qui rejoint ce que Dubuffet aspirait à créer : tirer toutes sortes de sujets « de leur propre fond et non des poncifs de l'art classique ou de l'art à la mode ».
On confond souvent l'Art brut et l'Art-thérapie, probablement parce que la simplicité que l'on trouve dans l'art-thérapie rappelle celle de l'Art brut. De même les œuvres de l'Art brut sont-elles le fait, en partie, de personnalités en difficulté psychique. L'analogie, selon toute vraisemblance s'arrête là.</p> <p class="spip">Le mouvement d'art-thérapie qui éclot actuellement s'est enraciné plutôt en milieu hospitalier, greffé, en quelque sorte, sur les anciens ateliers d'ergothérapie. Mais il doit aussi à « l'art brut » de Dubuffet, une vision particulière de l'art, moins esthétisante, plus rudimentaire, sûrement plus proche des êtres.</p> <p class="spip">Née dans l'immédiat après guerre, l'art-thérapie consiste en un accompagnement des psychothérapies et traitements psychiatriques par des créations spontanées. Les outils peuvent être multiples : peinture, musique, écriture, improvisation théâtrale, conte, clown, etc. Le projet consiste à favoriser le mouvement expressif libre de toute contrainte et de toute technique afin de laisser émerger les contenus obsédants ou non, de la psyché. En principe l'art-thérapie ne conduit pas à une interprétation. Ce courant n'a jamais vraiment débouché sur une théorisation complète, d'autant plus que de nombreux artistes ou thérapeutes ont créé leur propre technique.</p> <p class="spip">Aux confins de l'art, entre jeu et thérapie, la « Formulation », technique « inventée » par Arno Stern (1924) et reprise par de nombreux « thérapeutes » et pédagogues, appliquée avec plus ou moins de rigueur en psychiatrie, est bien plus intéressante car elle s'appuie sur la faculté primitive de l'enfant de tracer des traits.</p> <p class="spip">Voici ce que dit l'avertissement du site officiel de ce peintre-thérapeute [<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#nb1" name="nh1" id="nh1" class="spip_note" title='[1] Arno Stern official web site, http://www.arnostern.com/fr/index.html' >1</a>]
. « L'humanité s'est toujours servi de signes tracés pour communiquer. Mais si l'image a permis d'entrer en communication avec d'autres, une fonction primaire de la trace est restée inconnue.
Lorsqu'elle n'est plus destinée aux autres - lorsqu'elle est libérée de la nécessité d'être comprise par un récepteur - la manifestation peut devenir expression de la mémoire organique. La faculté de tracer apparaît très tôt parmi les gestes du petit enfant. Les toutes premières traces sont tributaires des capacités motrices. Elles se développent ensuite selon un processus programmé - et non, comme certains l'ont pensé, grâce aux observations que l'enfant fait dans son environnement. »</p> <p class="spip">Arno Stern a mis en évidence une forme constante d'évolution dans le traçage de figures des dessins d'enfant. L'enfant suivrait ainsi une sorte de manifestation primordiale et universelle qui s'exprime à travers un répertoire de figures spécifiques. Certains anthropologues ont pu vérifier cette disposition « innée » parmi des enfants de différents groupes ethniques qui n'avaient jamais tenu de crayon. Retrouver la primitivité du geste traceur libère l'individu.</p> <p class="spip">En 1987, Arno Stern fonde un domaine scientifique nouveau, la Sémiologie de l'Expression, et lui donne un cadre au sein de l'I.R.S.E. - Institut de Recherche en Sémiologie de l'Expression.</p></div>
<hr />
<div class='rss_notes'><p class="spip_note">[<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#nh1" name="nb1" class="spip_note" title="info notes 1">1</a>] Arno Stern official web site, http://www.arnostern.com/fr/index.html</p></div>
Wid ihekmen igduden
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article101
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article1012007-07-27T10:01:51Ztext/htmlfrHalim AkliChroniques laïques d'Afrique du NordHalim AklichaâbiGouloussaislamisteUn album formidable de Goloussa, au plan musical et mélodique où le violent donne la réplique au mandole sur un fond de fusion entre le terroir et le chaâbi, cette musique populaire transportée dans les gènes depuis la Kabylie pour renaître dans la Casbah d'Alger.
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique15" rel="directory">Chroniques laïques d'Afrique du Nord</a>
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot96" rel="tag">Halim Akli</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot98" rel="tag">chaâbi</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot99" rel="tag">Gouloussa</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot100" rel="tag">islamiste</a>
<div class='rss_chapo'>Gouloussa vient de réaliser un album formidable sur le plan de la création musicale et de la mélodie recherchée où le violent donne la réplique au mandole sur un fond d'une belle fusion entre le terroir et le chaâbi, cette musique populaire transportée dans les gènes depuis la Kabylie pour naître dans la Casbah d'Alger.</div>
<div class='rss_texte'><p class="spip">Le monde artistique vient d'enregistrer la naissance d'une étoile dans son ciel. Un artiste fait de convictions, de pudeur et d'authenticité, qui, pour son baptême de feu, ne s'est pas contenté d'un produit à la carte qui fait recette. Gouloussa, puisque c'est de lui qu'il s'agit, propose une œuvre inédite pour s'inscrire en faux contre cette tendance asthénique qui se manifeste par des reprises systématiques, de l'imitation à la limite du décalquage et du plagiat qui sont devenus d'une telle banalité et qui asphyxie toute créativité sans laquelle l'art est voué à la disparition.
Gouloussa vient de réaliser donc un album formidable sur le plan de la création musicale et de la mélodie recherchée où le violent donne la réplique au mandole sur un fond d'une belle fusion entre le terroir et le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Cha%C3%A2bi_alg%C3%A9rois" class="spip_out">chaâbi</a>, cette musique populaire transportée dans les gènes depuis la Kabylie pour naître dans la Casbah d'Alger.
L'artiste imprime à son premier album un style et un timbre à part, lui qui « trouve dans l'imitation une manière d'étouffer la création et partant, d'appauvrir l'art » Il y est aussi question d'une forte présence du texte engagé au verbe incisif.</p> <div style="text-align:center;"><img border="0" src="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/maiis/images/Gouloussa.jpg" width="254" height="371"></div>
<p class="spip">« Wid ihekmen igduden » puise sa substance dans le vécu quotidien d'une jeunesse et d'un peuple au prise à la menace croisée des fléaux sociaux, du désert culturel et de l'indifférence méprisante qui répond souvent à leur mal vie. La jeunesse en désarrois condamnée à vivoter et à mener une vie qui a pris depuis toujours des allures de navigation à vue. En conséquence de quoi, Gouloussa dénonce l'attitude passive de « tous », face au phénomène du suicide qui a pris, soulignons-le, des proportions alarmantes ces dernières années, emportant surtout des jeunes qui n'ont d'alternative que celle de caresser le rêve d'atteindre un jour et à n'importe quel prix l'illusoire Eden d'outre-mer, de maquiller un quotidien déprimant par l'évasion dans le monde non moins imaginaire que provoque en eux le kif, l'abus d'alcool ou l'intégrisme religieux qui se nourrit naturellement de ce vivier fait de frustration, de misère sociale et économique et enfin, le choix plus dramatique qu'est le franchissement du pas vers cet autre monde inconnu et obscur qu'on croit atteindre par le suicide ; un phénomène qui tend dangereusement à se banaliser tant et si bien qu'aucun dispositif sérieux n'est mis en place par les autorités afin de tenter de réduire le décompte macabre qui ne cesse de s'alourdir.</p> <p class="spip">Gouloussa, ce nom d'artiste qu'a pris Arezki M'foukh, évoque également un roi amazigh pour aborder une thématique intemporelle, plus que jamais d'actualité et à la portée universelle que sont la bonne gouvernance, le respect des droits des peuples, la paix, la démocratie... Ainsi, des voix innocentes d'enfants sont mises à contribution dans une émouvante authenticité pour interpeller dans « Wid ihekmen igduden », les tenants du pouvoir dans tous les pays de la planète afin d'œuvrer en faveur de la paix et du bien-être des gouvernés. Il évoque dans ce sens les conséquences des régimes rangés par la corruption et le despotisme qui se traduisent en famine, misère, conflits...</p> <p class="spip">L'inévitable hommage à Lounès Matoub nous replonge dans le contexte de l'assassinat du Rebelle pour dire la douleur encore vivace dans le cœur du petit peuple dont le traumatisme abyssal ne cesse de révéler toute son étendue. L'affliction de l'artiste qui, en sus, avait partagé le combat politique du chantre de l'amazighité en faveur des valeurs républicaines, de laïcité, et de modernité, n'a pas manqué dans son prélude de dérouler une illustre liste de disparus, partie de Kamal Amzal assassiné par les islamistes à la cité universitaire de Ben Aknoun en 1982 à Matoub Lounès en 1998, tous et toutes, victimes de l'intolérance, et de la violence aveugle des forces de l'obscurantisme et d'un Etat de non-droit.</p> <p class="spip">Faisant office de réceptacle pour les pulsations, les espérances et les ressentiments de sa société, Gouloussa éprouve la déchirure d'une mère éplorée par la perte d'un fils qui rentrant définitivement de sa caserne où il venait d'effectuer son service national et qui, en court de route, impatient de retrouver ses parents, ses amis et son village qui l'attendaient, tombe sur un faux-barrage islamiste qui l'assassine froidement. C'est une voix que l'artiste offre aux victimes du terrorisme pour aborder sans complaisance le drame de la terreur intégriste à l'ombre de la politique de « la charte pour la paix et la réconciliation nationale » qui « accorde impunité et promotion sociale aux assassins repentis et le mépris aux victimes du terrorisme qui refusent d'oublier et d'accorder le pardon à des criminels qui, en sus, ne l'ont jamais quémandé » soutient avec force conviction l'enfant prodige d'Aït-Ouelhadj.</p> <p class="spip">Arezki Gouloussa qui s'invite le temps d'une chanson dans le monde de la satire, évoque « Ali baba et les 40 voleurs » dans une allégorie que l'auditeur ne manquera pas d'adapter à sa propre réalité ; le tout sur fond de mélodie d'une douceur béate et rythmée pour accrocher l'oreille et arracher un sourire à tous ceux qui auront l'occasion d'apprécier ce premier album de Gouloussa qui aborde également d'autres questions sociales et humaines comme la perte d'une mère, l'amour, et un petit clin d'œil à l'ambiance des fêtes familiales à travers la chanson festive « Yamina ».</p> <p class="spip">« Wid ihekmen igduden » est une œuvre qui incite à la réflexion, qui interpelle les consciences et qui s'apprécie tout simplement. Pour un coup d'essai, c'est incontestablement un coup de maître ! Bravo l'artiste !</p></div>
O vieillesse ennemie !
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http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article1002007-07-20T19:12:20Ztext/htmlfrYvette Reynaud-KherlakianAnthropologieinventaire, à partir d'un recueil de conférences, d'un roman et d'un documentaire télévisé, des problèmes posés par l'allongement de la vie.
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique2" rel="directory">Anthropologie</a>
<div class='rss_chapo'>L'allongement sensible de la durée de vie pose déjà de nombreux problèmes, notamment dans l'appréhension que nous avons des catégories d'âge, figées depuis des siècles. A partir d'un recueil de conférences, d'un roman et d'un documentaire télévisé, l'auteur analyse quelques uns de ces problèmes.</div>
<div class='rss_texte'><p class="spip">Arriverait-on enfin à faire de la vieillesse un thème tout bonnement <i class="spip">humain</i> et donc susceptible, en tant que tel, de donner à penser pour tenter de mieux vivre ?</p> <p class="spip">— La fondation Eisei - dépendante du laboratoire éponyme - publie (puf 2005) <i class="spip">Le grand âge de la vie</i> un recueil de deux conférences et d'un entretien suivis de plusieurs commentaires. Il y est question de la vieillesse d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui et des problèmes matériels, éthiques, culturels que pose à nos sociétés l'allongement de la vie.</p> <p class="spip">— En 2006, un roman d'Héléna Marienské intitulé <i class="spip">Rhésus</i> (éditions P.O.L.) prend aussi la vieillesse pour thème mais sur un mode caricatural, voire burlesque qui n'est pas sans rappeler le film de Marco Ferreri <i class="spip">La grande bouffe</i> - et qui, comme lui, donne à penser.</p> <p class="spip">— Et fin janvier 2007, Arte proposait <i class="spip">Les mystères de Monte Sana</i>, un documentaire-fiction de Leo Singer et Nicolas Wadimoff, qui mêle information scientifique d'aujourd'hui et projection dans le futur : la culture des cellules-souches d'un organisme promet en effet aux corps usés (à condition qu'ils soient assortis de portefeuilles bien garnis) des lendemains renouvelables - et qui chantent...</p> <p class="spip">Un rapide inventaire de ces trois documents nous permettra peut-être de dresser un état des lieux et de dégager quelques questions clés de la broussaille des difficultés théoriques et pratiques entraînées par le grand âge aujourd'hui - et plus encore demain et après-demain .</p> <h2>LE GRAND AGE DE LA VIE</h2> <p class="spip"><strong class="spip">I) De la vieillesse magnifiée à la vieillesse marginalisée et même expulsée du monde des vivants :</strong></p> <p class="spip">Tel est l'intitulé à l'ancienne -parfaitement explicite- du premier texte, celui de la conférence de l'anthropologue Maurice Godelier. Il apparaît d'emblée que la vieillesse n'est plus ce qu'elle était.</p> <p class="spip">Dans une ethnie de Nouvelle-Guinée - les Baruya, telle que l'a observée Maurice Godelier autour de 1960, on devient vieux vers la cinquantaine. Aristote faisait à peu près la même estimation au 4<sup>e</sup> siècle avant notre ère. Pour l'un comme pour les autres, dépasser 70 ans, c'est se muer en monument historique. Le 4<sup>e</sup> âge d'aujourd'hui et surtout de chez nous est un produit du progrès technique et social. On comprend dès lors que la présence massive du 3<sup>e</sup> âge et l'augmentation régulière du 4e âge déséquilibrent le paysage social et donnent à la vieillesse une inquiétante visibilité. L'anthropologue se doit de rappeler que le statut des personnes âgées varie dans l'espace et dans le temps selon la totalité sociale du lieu et de l'époque, totalité constituée, par « des rapports politico-religieux qui débordent et traversent les rapports de parenté ». L' étude de sociétés différentes, en mettant en lumière les variétés et les variations de ce statut- doit contribuer à l'élaboration d'une anthropologie de la vieillesse qui n'en est qu'à ses balbutiements. Il faudrait d'abord établir une « matrice des transformations et des différences » du traitement du grand âge à travers l'histoire avant d'en arriver là où nous en sommes.</p> <p class="spip">C'est dire qu'il ne faut pas chercher dans les sociétés traditionnelles, quelle que soit leur organisation (prédominance du lignage patrilinéaire ou matrilinéaire ou division en classes) un modèle de traitement du grand âge. En tant que gardiens du patrimoine culturel, d'intermédiaires privilégiés entre le monde des vivants et celui des ancêtres, les vieillards ont souvent une place de choix dans les sociétés dites primitives. Et il faut comprendre que l'abandon ou le meurtre des vieux dans certains groupes n'est pas une pure et simple élimination. Avant d'être abandonné sur la glace, le vieil Inuit a choisi la femme enceinte porteuse de l'enfant dans lequel il se réincarnera ; ailleurs, la victime deviendra l'ancêtre tutélaire... Croyances et comportements tendent à maintenir la cohésion organique du groupe, dans la mort comme dans la vie.
C'est cette cohésion qui est mise à mal dans nos sociétés : l'allongement de la vie révèle brutalement la présence massive de la vieillesse - présence génératrice de ruptures et de désordres dont il faut d'abord - modestement - à faire le constat.</p> <p class="spip"><strong class="spip">II) La personne âgée dans les monothéismes</strong></p> <p class="spip">Le monothéisme, dit Joseph Maïla, inscrit d'emblée la totalité de l'existence humaine dans l'enveloppement d'une volonté divine si bien que s'unissent « dans l'âge d'un homme le temps de l'homme et le temps de Dieu ». La vieillesse ne saurait donc en être exclue.
Le regard sur la personne âgée dans chacun des trois monothéismes est plus affaire de nuances que de différences profondes :</p> <p class="spip">— Dans<i class="spip"> le judaïsme</i>, s'il est ordonné d'honorer père et mère, la vieillesse n'a pas de statut défini. Pourtant, ce sont souvent des vieillards qui, volens nolens, réalisent les desseins de Dieu sur le peuple qu'il a élu. Ainsi Abraham et la lignée des patriarches. Il y a une sagesse biblique liée à l'âge (Dieu se sert de la longue durée qu'il accorde à des individus élus pour agir dans le monde qu'il a créé) mais totalement définie par l'accueil de la volonté de Dieu. Sarah peut enfanter à 90 ans, Abraham mourir paisiblement à 175 ans « rassasié de jours »...</p> <p class="spip">— <i class="spip">Le christianisme</i> semble plus « jeuniste » : Jésus -sauveur du monde- meurt jeune et si la tradition en fait le descendant -pauvre- de David, c'est pour exalter la filiation divine plutôt que le lignage humain. La célébration de sa naissance et de sa résurrection sont les temps forts de la liturgie chrétienne. Désormais la vie est à lire dans la lumière de l'éternité. Ce qui fait la dignité de la vieillesse, c'est qu'elle rapproche la vie de l'éternité.</p> <p class="spip">— <i class="spip">Le Coran</i>, - même si les aléas de l'histoire ont entretenu ou réhabilité les hiérarchies tribales en terres d'islam -, tend à présenter la communauté des croyants comme fondement de l'organisation politique et sociale. Dans une telle perspective, aucun âge n'est privilégié. On comprend qu'après l'Evangile, le Coran ne fasse que reprendre le commandement biblique : Tu honoreras ton père et ta mère.</p> <p class="spip">Dans les monothéismes, c'est donc bien le rapport de l'homme à Dieu, qui régule les rapports entre les générations, quelles que soient par ailleurs les particularités politiques et économiques des sociétés considérées. Il revient aux lois et aux coutumes de se conformer au commandement divin...</p> <p class="spip">J'ajouterai que cela se traduit, chez juifs, chrétiens et musulmans de stricte obédience, par une <i class="spip"> sacralisation</i> de la vie, laquelle devient ainsi intouchable. Que naissent pour mourir bien vite les enfants du sida ! Que survivent malades condamnés et vieillards accablés de jours qui adressent en vain aux hommes l'humble prière que Moïse adressait à Dieu :</p> <p class="spip"><i class="spip">Laissez-moi m'endormir du sommeil de la terre...</i></p> <p class="spip"><strong class="spip"> III) Vieillesse et longévité : comment penser le procès de la vie ?</strong></p> <p class="spip">Le philosophe François Jullien part d'un constat :<i class="spip"> la pensée occidentale</i>, de l'antiquité grecque à Kant, si elle a vu la vieillesse comme état - lamentable par ci, vénérable par là - a été incapable de la penser comme procès immanent à la continuité de la vie. Même si Platon pose la question du passage de l'être au non-être, même si Aristote s'applique à situer le changement dans le mouvement qui va d'un commencement à une fin, ni l'un ni l'autre n'arrivent à penser la transition dans un processus aux limites indéfinissables. Avec la pensée grecque, la philosophie occidentale reste longtemps arrimée à l'idée de l'être-substance qui supporte le changement mais ne change pas ; selon le principe de non-contradiction, il n'y a pas de moyen terme entre l'être et le non-être. Seul Montaigne fait avec finesse le constat du vieillissement comme affaiblissement progressif qui conduit assez doucement la vie vers la mort, laquelle est donc son achèvement.</p> <p class="spip"><i class="spip">La pensée chinoise</i>, elle, parce qu'elle voit la vie comme inscrite dans le mouvement et la continuité du monde, s'applique à comprendre « les transformations silencieuses ». Toutes se rattachent à deux processus complémentaires de modification/transformation et de modification/continuation. Le premier couple exprime le délestage, le renouvellement, le deuxième l'engrangement et la durée - et l'un ne va pas sans l'autre. Ainsi va le monde dans la succession des saisons. Ainsi va la vie dans la succession de ses âges inscrite dans la respiration du monde. La vieillesse est détente, relâchement avant le repos de la mort dit le philosophe taoïste Zhuangzi contemporain d'Aristote. Quelque deux siècles avant lui, le grand Confucius voyait dans la vieillesse une sorte d'accomplissement par l'adhésion enfin pacifiée du désir à l'ordre du monde, le rite étant l'effectuation visible de cet ordre dans l'activité humaine.</p> <p class="spip">Ces deux images de la vieillesse, loin d'être antagonistes, suggèrent une même économie de la longévité par une bonne gestion de ce souffle énergétique qui constitue notre capital de vie. Il s'agit, non pas comme tend à le faire la pensée technicienne de l'occident, de plier la vie à des modèles préfabriqués de santé, de jeunesse, mais de « nourrir la vie » comme le fait le bon jardinier pour les plantes de son jardin. La médecine chinoise, si elle s'efforce de traiter la maladie, est avant tout soucieuse de maintenir la santé par une sage utilisation des énergies vitales jusqu'à leur extinction dans la mort. François Jullien souligne - avec une évidente satisfaction - qu'un texte de Kant, dans Le conflit des facultés, s'élève contre la médicalisation des troubles de la vieillesse : seule une volonté attentive peut être capable de gérer raisonnablement l'usage des dernières ressources de la vie. Alors que l'on a vu dans ces propos le signe d'une pensée sénile, François Jullien y voit au contraire l'expression d'une pensée toujours en éveil, capable de se mettre à l'écoute du corps. La pensée kantienne, quintessence du rationalisme occidental, rejoint ainsi la sagesse chinoise éminemment pragmatique. L'intelligence abat les frontières d'espace et de temps.</p> <p class="spip">C'est pourtant par une interrogation que François Jullien conclut son exposé de l'exhortation chinoise à nourrir la vie : « Mais est-ce en termes de rendement (et de capital) que nous voulons aborder la vie » ?</p> <p class="spip">Question qui s'adresse aux successeurs de Mao comme à la descendance -peut-être dévoyée- de Kant.</p> <p class="spip"><strong class="spip">IV) Aperçus</strong></p> <p class="spip">Ce titre regroupe six interventions qui jettent leur coup de sonde dans le marigot du grand âge...</p> <p class="spip">1)<i class="spip">Claudine Attias-Donfut, sociologue</i>, s'inquiète du refus du vieillissement par ceux qui vieillissent, de son coût économique et social, les besoins d'assistance augmentant avec l'âge alors que les liens sociaux se distendent, ce qui fait des vieux des immigrés dans le temps. Pourtant, « le lien intergénérationnel » reste « le lien vital » par excellence : c'est par lui qu'une génération s'affirme en s'opposant aux générations précédentes et que l'humanité s'assure une sorte d'immortalité par la succession des générations et la transmission de l'héritage culturel.</p> <p class="spip">2)<i class="spip">Marie de Hennezel écrivain et femme de terrain</i> (elle a travaillé à Paris dans le premier centre de soins palliatifs) rappelle les deux visages antagonistes de la vieillesse : décrépitude physique et mentale, sérénité rayonnante. Avec l'allongement de la vie, la prolifération de maisons de retraite-mouroirs, c'est la première image qui tend à l'emporter. Il y a urgence à traiter le grand âge de façon à sauvegarder son humanité.</p> <p class="spip">3)<i class="spip">Serge Koster, enseignant et écrivain</i>, reprend la même distinction pour suggérer que le vieillard est susceptible d'exercer une fascination érotique quand il figure la sagesse, ou la puissance du talent... Sont donnés des exemples, masculins évidemment (le Booz de la bible, Picasso...) mais on pourrait citer la femme de l'écrivain Stevenson, Marguerite Duras...</p> <p class="spip">4)<i class="spip">Serge Marti, journaliste</i>, souligne quelques effets économiques de l'allongement de la vie : d'une part, en tant que retraité aux revenus assurés, le vieillard en bonne santé est un consommateur qui joue un rôle positif dans l'équilibre économique ; d'autre part l'allongement de la vie entraîne des soins de santé et d'assistance qui grèvent lourdement les budgets sociaux. C'est de façon plutôt inquiétante que le pouvoir gris modifie l'aspect et le fonctionnement de nos sociétés.</p> <p class="spip">5)<i class="spip">Robert Misrahi, philosophe</i>, plaide pour un dynamisme du grand âge lequel requiert le recours aux techniques bio-médicales susceptibles de maintenir la santé physique et mentale et une pédagogie du temps qui permette à la conscience d'assumer activement la plénitude et la durée du présent au lieu de se perdre dans le regret du passé ou l'angoisse d'un manque d'avenir. Durer pour mieux penser et pour mieux vivre. Le vieux rêve philosophique de sagesse est à portée de temps...</p> <p class="spip">6)<i class="spip">Bertrand Vergely</i> commente la déclaration d'un mystique juif : « Il est interdit d'être vieux ». C'est qu'il ne faut pas confondre la vieillesse, le vieillissement et le fait d'être vieux.</p> <p class="spip"><i class="spip">La vieillesse</i> est un âge de la vie -inéluctable. <i class="spip">Le vieillissement</i> est le processus qui y conduit, bénéfique quand il est maturation de qualités (le vin vieux), maléfique quand il est dégradation, accentuation d'un défaut (un jeune fou peut être aimable, un vieux fou est pitoyable, voire répugnant). <i class="spip">Le fait d'être vieux</i> est une attitude indépendante de l'âge et qui ne connaît pas le vieillissement. On est vieux à n'importe quel âge quand on est figé dans une vision négative de la vie.</p> <p class="spip">Apprendre à vieillir sans être vieux : telle serait la tâche urgente - à la fois sociale et individuelle - induite par l'allongement de la vie.
Conclusion (partielle et provisoire)</p> <p class="spip">Chacun des textes dont je viens de résumer le contenu dit quelque chose de la vieillesse à partir d'un domaine de réflexion et/ou d'activité sociale mais leur juxtaposition ne fait qu'indiquer le grouillement inquiétant des problèmes que pose déjà et que posera de plus en plus l'allongement de la vie. C'est grâce à un même progrès médico-social que l'enfant se fait rare par chez nous et que le vieillard prolifère (alors qu'en nombre de régions d'Afrique où sévit le sida, des hordes d'enfants survivent, assistés tant bien que mal par des grands-mères épargnées par l'épidémie). En Europe, ma génération est la première à arriver au portillon de la mort en foule compacte et traînante d'octogénaires et de nonagénaires et ce, au moment où la civilisation technico-consumériste se découvre mangée aux mites : évidence de la détérioration de notre planète, méfaits économiques et sociaux d'une mondialisation régie par les lois du marché, intégrismes religieux archaïques et dévastateurs... Au secours !</p> <h2>RHESUS roman d'Hélèna Marienské</h2> <p class="spip">Rhésus, c'est le nom : d'un roi de Thrace accouru - sur le tard et vainement - au secours de Troie ; d'une famille de singes ; d'un agglutinogène présent dans les hématies de 85 % des sangs humains... Appeler Rhésus un singe - chimpanzé ou bonobo - venu on ne sait d'où et qui va devenir le héros (mais non le sauveur : sans doute, comme son patron grec, vient-il trop tard) d'une sinistre maison de retraite, c'est suggérer la nécessité d'une transfusion d'animalité dans une humanité ravagée par l'âge, étranglée de contraintes, pourrie de haines intestines - et toujours taraudée par l'impatience du désir.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Dramaturgie</strong></p> <p class="spip">— <i class="spip">Avant l'arrivée de Rhésus</i> au Manoir, deux des pensionnaires, Raphaëlle ex-grande dame toujours libertine et Hector, ex-militant communiste que la grâce du loto a fait riche à 90 ans, ont déjà donné le branle de la révolte contre l'enfermement et le mépris. Aux misérables rivalités de clans qui fermentent dans l'enclos de la maison de retraite, ils opposent un appétit de vivre intact et une amoralité tranquille. Leurs amours, pimentés de saphisme par le recrutement de Céleste, la vieille écrivaine, font vite scandale. C'est la fille de Raphaëlle qui, du dehors, brandira la première l'étendard de l'ordre moral et déclenchera une guerre picrocholine où les forces de l'ordre moral susdit seront écharpées et devront - pour un temps - se réduire à un cordon de surveillance tendu à distance respectueuse.</p> <p class="spip">— <i class="spip">Quand survient Rhésus</i>, amené par deux comparses d'Hector, l'atmosphère est déjà survoltée. Sa présence disloque les clans et soude l'entente des vieillards : il offre à tous et à chacun l'innocence consensuelle d'une sexualité débridée, la tendresse enveloppante de ses longs bras, le secours d'une agilité joueuse ; en retour, il se laisse humaniser assez pour apprendre quelques manières de table et se faire l'auxiliaire, voire le remplaçant, de l'infirmier Ludovic, quitte à mêler allègrement pilules en tout genre avant de les distribuer en rations équitables. Soumise au traitement Rhésus, la libido des patients s'exaspère jusqu'à faire que l'un ressuscite ou que l'autre meure dans un spasme voluptueux.</p> <p class="spip">— S'exaspère aussi <i class="spip">l'opposition à toute autorité</i>. Ces vieillards en folie vont jusqu'à inquiéter le pouvoir politique. Un vieil académicien - qui fut autrefois amoureux de Raphaëlle -, pressenti comme observateur-espion glissé parmi les mutins, deviendra très vite leur complice et leur coryphée. Après une feinte réconciliation, un maître-queux est mandaté, avec victuailles et marmitons, pour organiser à l'intérieur même de la maison de retraite un somptueux banquet qui - l'excitation libertaire de Rhésus et son art du mélange aidant - entraînera la reprise de la guerre et la mort de la plupart des convives. Raphaëlle disparaîtra mystérieusement. L'académicien Dhorlac et Rhésus survivront, le premier en prison, le second encagé au zoo de Vincennes.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Journaux de bord</strong></p> <p class="spip">L'histoire nous est d'abord contée successivement par quatre des protagonistes et, à lire leurs témoignages, non pas contradictoires mais disparates -par leur contenu et par leur ton-, on se dit qu'il y a là quelque chose d'autre que le jeu de sensibilités différentes, voire divergentes :</p> <p class="spip">— Le journal de <i class="spip">Raphaëlle</i> s'arrête à l'arrivée de Rhésus. Il est centré sur le récit de ses amours avec Hector et Céleste et des persécutions que lui inflige Ludovic, l'infirmier, chargé de la punir elle, l'amoureuse, dégradée en vieillarde lubrique au nom de l'ordre moral.</p> <p class="spip">— <i class="spip">Céleste</i>, la teigneuse, - si elle s'abandonne à quelques trémolos de plume pour parler de Raphaëlle -, est surtout la chroniqueuse qui parodie - et avec talent - Homère et Rabelais pour décrire l'insurrection, dirigée par Hector le bien-nommé, insurrection qui répond aux manœuvres répressives commandées par Ingrid, la fille de Raphaëlle. Rhésus apparaît. Raphaëlle disparaît et réapparaît. Elle reçoit une lettre de son ami, l'académicien Dhorlac...</p> <p class="spip">— <i class="spip">Ludovic</i>, l'infirmier haineux, méprisant : « qui aime les vieux ? vermine... », dit, lui, la geste d'un bonobo « sociable et pansexuel » devenu « leur frère animal, leur romance, leur garde-malade... leur godemiché, leur baume et leur canne ». Et comme il n'y a que la foi qui sauve, il va jusqu'à être, ce Rhésus-là, le thaumaturge qui les ressuscite à l'occasion. Le récit de Ludovic se clôt en effet sur la résurrection de Claudine et d'Aquitaine, soit les Juliette et Romeo décrépits mais boulimiques du Manoir.</p> <p class="spip">— <i class="spip"> Dhorlac</i>, enfin. L'académicien, toujours respectueux du dictionnaire mais revenu des prestiges de l'épée et du tricorne, l'amoureux transi de Raphaëlle, se fait le rapporteur des manœuvres politiques ourdies contre les insurgés, du banquet grandiose et farcesque qui consomme leur défaite. Pour prolonger leur révolte, il endosse les accusations les plus infamantes et, dans le calme de sa cellule, il achève son travail de témoin ultime, compose, - à coups de jeux verbaux - les gloses tombales de ceux qui sont morts au champ d'honneur.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Le maître d'œuvre et son acolyte</strong></p> <p class="spip">Mais c'est le récit d'un cinquième larron, Witold, qui fait basculer le sens de cette histoire en nous en dévoilant l'origine, la nature, les mécanismes et les conséquences. Elle a été conçue par Witold - et réalisée par lui en étapes cahoteuses plus ou moins bien raccordées -, en tant que programme de téléréalité. Les récits susmentionnés ne sont donc plus que le texte fragmentaire de rôles tels qu'ils ont pu être conçus, joués et, accessoirement, vécus...</p> <p class="spip">Il a été facile de trouver des établissements prêts à choisir parmi leurs pensionnaires les loques humaines les plus représentatives des déflagrations de l'âge - et à les louer ; facile aussi de recruter des volontaires prêts à tirer vanité de l'étalage de leur décrépitude ; plus difficile de faire évoluer le spectacle selon les fluctuations du voyeurisme des spectateurs toujours avides de sensations neuves, fortes et bas de gamme. On est allé jusqu'à leur offrir la mort en direct de victimes désignées par leurs suffrages. Les pensionnaires du Manoir devenaient -littéralement et nommément - des morituriens. Mais l'abjection aussi finit par lasser. « Un programme de téléréalité, pour faire mouche, ne doit pas seulement choquer. Il doit répondre aux questions informulées », dit Witold. Rhésus a été le révélateur de quelques-unes de ces questions et, du même coup, le sauveur de l'entreprise...</p> <p class="spip">D'abord simple animal de compagnie dévolu à Hector, il a tôt fait d'éclipser la chèvre de Raphaëlle ou le crotale d'Honorine, simples figurants au pittoresque vite épuisé alors qu'il devient, lui, agent et meneur de jeu - coréalisateur en somme. Ses prouesses de copulateur infatigable et complaisant, son secourisme inconditionnel, insensible à la sanie, à la puanteur et à l'hébétude font bientôt de lui le maître à vivre - sinon à penser - des hôtes du Manoir et la coqueluche des téléspectateurs. Lesquels basculent sans états d'âme du sadisme de la mort en direct à l'attendrissement égrillard devant un bonobo voué de tout corps et de tout coeur à la survie jouisseuse de ses vieux protégés. Sa renommée met en branle « seniors du dehors », têtes pensantes des sciences humaines, hommes politiques, journalistes. L'effet Rhésus recherché par Witold enfle jusqu'à devenir le phénomène Rhésus, objet de gloses savantes et souffleur de projets de lois. Lors de l'anniversaire de l'émission, le délire des spectateurs harangués par Dhorlac improvise le sacre de Rhésus.</p> <p class="spip">Mais la royauté de Rhésus a vite fait de montrer les limites d'un pouvoir animal en milieu humain. Ce pouvoir peut bien révéler un désordre, voire l'apaiser provisoirement, mais non fonder une entente proprement humaine. Sous son égide, les révoltés du Manoir finissent par se muer en une horde lubrique et brutale vouée à l'extinction. Le spectacle implose...</p> <p class="spip"><strong class="spip">Epilogue</strong></p> <p class="spip">Mais la fin du spectacle -donc le retour des acteurs à leur condition animale ou humaine - n'épuise pas l'effet Rhésus. Et Witold d'aller du cynisme tranquille de l'arriviste comblé par le succès à la sagacité de l'observateur, - voire du moraliste -, pour en consigner et en commenter les conséquences...</p> <p class="spip">— C'est d'abord <i class="spip">la victimisation de la vieillesse</i> et son corollaire : la culpabilisation des adultes. La révélation des mauvais traitements subis par les vieillards dans certaines maisons de retraite, de l'état d'abandon où vivent nombre d'entre eux, fait tache d'huile en se répandant de la région parisienne à la France entière et de la France à l'Europe. Les vieux sont bien ces immigrés du temps évoqués plus haut. Les pays riches constatent avec effarement la prolifération de la vieillesse et la crise générationnelle qu'elle entraîne : la génération des préretraités ou jeunes retraités, nourrie d'hédonisme soixante-huitard, oublie ses parents, voire les exploite sans vergogne.</p> <p class="spip">— C'est ensuite (les observations de Witold vont jusqu'en 2017) la <i class="spip">revanche des vieux</i> qui, portés par la compassion publique et des mesures juridiques prises en leur faveur, en arrivent très vite à engager une véritable guerre des générations qui fait trembler les jeunes vieux de 70 ans devant leurs parents nonagénaires ou centenaires. Survient le procès de Marie-Michelle, de Douai, qui, après avoir subi longtemps les mauvais traitements de son père, l'empoisonne, le dépèce, consomme les meilleurs morceaux en tartare et congèle le reste en petits paquets soigneusement étiquetés (femme sans enfant, Marie-Michelle n'a - nous sommes en 2017 - qu'une retraite de misère)...
Le récit de Witold s'arrête là. On peut penser que la révolte violente des jeunes vieux n'est pas loin. Quand l'histoire se réduit à des règlements de comptes, la loi de l'Eternel retour - soit le retour du même, le retour au même - l'emporte sur tout espoir de dépassement dialectique. L'entente entre Rhésus et les pensionnaires du Manoir n'a été qu'une tentative - grossièrement jouée, rêvée - de faire revivre quelque chose de l'innocence du paradis perdu.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Post-scriptum</strong></p> <p class="spip">« D'après moi », dit l'auteur qui, le récit objectif achevé, veut « réduire le cadavre exquis de Rhésus ». Pour elle aussi il y a un avant Rhésus et un après Rhésus.</p> <p class="spip">— <i class="spip">Avant Rhésus</i>, c'est la seule présence d'un moi encombrant et tenace qui n'est jamais ce que je suis, qui voudrait bien me réduire à ce que je parais, qui s'estompe parfois dans les instants où -non-moi bienheureux- je me fonds dans la musique ou la beauté des choses. Le moi, c'est la constante menace de la pesanteur, la résistance à la grâce.</p> <p class="spip">— <i class="spip">Rhésus advient</i> d'abord comme récit - entendu, écouté - d'un fait divers : « Il entra par l'oreille gauche, la plus près du cœur » avant d'entrer en littérature : « ... et par sa bouche presque gueule je crie ma peur et ma haine longtemps encagées ». Son animalité tendre à qui souffre, brutale à qui fait souffrir, redonne à l'être sa légèreté et sa mouvance, au désir sa jeunesse... L'animal disparu, reste l'image archétypale d'un hybride débonnaire et inquiétant, bête sûrement, Eros narquois sans doute et peut-être aussi ange luciférien.
Le roman d'Héléna Marienské dispense en éclats kaléidoscopiques la présence et l'absence de Rhésus.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Conclusion 2 (encore partielle et provisoire)</strong></p> <p class="spip">Arrachons-nous au mystère Rhésus. Notre propos est ici de dégager de cette fiction exubérante ce qui nous est dit de la vieillesse d'aujourd'hui et de demain.</p> <p class="spip">— D'abord, éclate <i class="spip">une évidence scandaleuse</i> : tant qu'il y a de la vie, il y a du désir et les vieux, tout délabrés qu'ils soient, restent, - souvent en paquet mal ficelé -, sexe, cœur, regard qui cherchent l'autre. Le vouloir-vivre n'opère pas de choix moral : le vieillard libidineux serait le produit mécanique de l'un, le vieux sage le patient accomplissement de l'autre. Nous retrouvons ici quelque chose du flux énergétique de la pensée chinoise mais caricaturé et déboussolé au point d'avoir besoin d'un animal pour le réintégrer dans l'ordre du monde.</p> <p class="spip">La psychanalyse a réussi à nous faire admettre l'existence d'une sexualité enfantine. L'idée progresse d'une sexualité dégagée des tabous - et respectable en tant que composante de nos rapports à autrui et à nous-mêmes. Mais la représentation de la sexualité, si elle est libérée d'un jugement de laideur morale, est conditionnée par une publicité tout en images de jeunesse, de santé, de beauté, de liberté. C'est qu'il y a quelque chose de répugnant à imaginer le rapprochement érotique de vieux corps abîmés. Héléna Marienské le sait et elle se garde bien de toute description trop précise. Mais en poussant sur le devant de la scène de vieux cabotins et leur singe, elle grossit à la loupe une réalité encore insupportable. Les étourdissantes variations de style sont, dans ce roman, la danse des sept voiles qui pare et révèle la nudité interdite. L'art qui enveloppe et suggère dit sur l'existence bien plus et bien mieux que la fabrication éructante et prétendument interactive d'un spectacle de téléréalité.</p> <p class="spip">— La dénonciation des mauvais traitements infligés aux vieillards n'en fait pas pour autant des victimes innocentes. Ils ne sont pas tous et pas toujours aimables les pensionnaires du Manoir et leur microcosme reproduit fidèlement les mesquineries et les cruautés de la société qui les a relégués. Avec Rhésus, ils sont comme soulevés par un élan de générosité mais après lui, eux et leurs successeurs ne savent plus que s'abandonner à la frénésie sadique du pouvoir et de la jouissance. <i class="spip">La vieillesse n'a pas à être sacralisée.</i></p> <p class="spip">« Qui veut faire l'ange fait la bête » dit Pascal. La formule n'est pas réversible : qui veut faire la bête fabrique le monstre. Rhésus, qui l'eût dit ?</p> <p class="spip">— Il ne faudrait pourtant pas en conclure que <i class="spip">la guerre des générations</i> soit une fatalité. Mais elle reste une menace si on ne fait qu'opposer au pouvoir gris une niaise compassion post chrétienne pour les victimes et/ou des mesures prises dans l'urgence - et à courte vue. Tout pouvoir se mue en tyrannie si son exercice ne s'articule pas à des contre-pouvoirs.</p> <p class="spip">C'est ce que dénonce le roman d'Héléna Marienské. Guerre des sexes, guerre des civilisations, guerre des générations relèvent d'une même intempérance du pouvoir. Avant d'être un choix moral, la paix est d'abord l'équilibration interne d'un pouvoir par l'équilibrage entre pouvoirs... L'ombre furtive de Rhésus n'est peut-être après tout qu'un appel nostalgique à un ordre poétique qui équilibrerait en nous et autour de nous nécessité biologique et exigence humaine. <i class="spip">S'humaniser</i> oui, mais sans se <i class="spip">déshominiser</i>.</p> <h2>Les MYSTERES de Monte Sana</h2> <p class="spip">Nous sommes en 2026 dans une luxueuse clinique de la Côte d'Azur, Monte Sana. Là se concocte dans le secret des laboratoires, à partir de la culture de cellules-souches extraites de l'organisme de chaque patient, un élixir de longue vie à la carte qui répare, ranime, ravive.et n'en finit pas de reculer les frontières de la mort. Ici, la logique capitaliste qui fait produire de l'argent à l'argent s'applique à la vie : la techno-biologie fait produire de la vie à la vie. Le prudent conservatisme chinois de la gestion d'un capital donné n'est plus que radotage. Pour le plus grand contentement de ces sémillants joueurs de golf nonagénaires qui se laissent interviewer avec complaisance.</p> <p class="spip">Mais autour de Monte Sana des colères grondent contre ces vieux trop riches qui « refusent de mourir ». Un attentat est commis par un jeune homme qui le revendique comme une protestation contre l'exploitation éhontée des jeunes par les vieux. Le procès sera l'occasion de voir que le chemin parcouru depuis 2006 va bien en effet dans le sens d'un étouffement des jeunes générations par la survie vampirique des vieillards.</p> <p class="spip"><strong class="spip">La morale de ce documentaire-fiction est limpide :</strong></p> <p class="spip">— Soumise qu'elle est à la recherche du profit, l'utilisation des techniques médicales de prolongement de la vie favorise les nantis et creuse vertigineusement les inégalités sociales. L'inégalité devant la vie et devant la mort devient une évidence monstrueuse
<br />— La révolte des jeunes est la conséquence du déséquilibre économique engendré par l'allongement de la vie. Les repères qui fragmentaient le temps de vie et son usage se brouillent et les jeunes générations se trouvent réduites à la portion congrue. Le laisser-faire du libéralisme économique débouche sur un conflit de générations.</p> <p class="spip">— Le refus de mourir des vieux, dénoncé par le jeune terroriste, pose le problème philosophique fondamental : pourquoi prolonger indéfiniment la vie ? Pourquoi vieillir ?
L'intérêt de ce documentaire est finalement de souligner notre sempiternelle inadaptation -tant pratique qu'intellectuelle et morale- aux variations du paysage de la vie, comme à l'inéluctable échéance de la mort.</p> <h2>CONCLUSION 3</h2> <p class="spip">Alors, où en sommes-nous ? Pauvres vieux, vilains vieux, sales vieux ? Vieillards estimables, voire admirables, confits en sapience ? Le patchwork ci-dessus laisse le jugement ouvert. Ma voisine du 5<sup>e</sup> - nonagénaire - est bien près d'être exécrable ; je me suis laissé dire que je faisais, moi, une vieille personne tout à fait acceptable. Ce qui doit signifier que l'on est dans sa vieillesse ce que le temps a fait de vous et aussi ce que l'on a fait de son temps, donc une histoire au bas de sa pente et qui n'a plus, avant d'arriver à son terme, qu'à moudre un reste de vie parfois misérable.</p> <p class="spip">D'ailleurs, la question n'est pas, d'abord, de savoir ce que valent les vieux mais de prendre en compte leur présence exponentielle -afin d'estimer la place à leur accorder, pour leur bien et celui du corps social tout entier, dans un monde qui change et qui se voit changer.</p> <p class="spip">1) Il faut d'abord insister sur une urgence : <strong class="spip">en finir avec la question de l'euthanasie en général</strong> et particulièrement de l'euthanasie des vieillards à bout de souffle, question qui s'enlise dans des criailleries moralisantes et qui empêche de voir dans toute son ampleur la question de la vie et de la mort telle qu'elle se pose aujourd'hui. Il ne s'agit certes pas de traiter les déchets humains au lance-flammes mais d'affirmer qu'une société démocratique doit être capable de regarder et d'écouter ceux des siens qui ne peuvent plus ou ne veulent plus supporter d'être dépossédés de leur humanité. Le vieillard exténué doit pouvoir obtenir la potion létale qui le délivrera ; une entente entre corps médical et proches doit pouvoir mettre fin à la survie purement végétative d'un patient.</p> <p class="spip">Aux moralistes frileux qui se retranchent derrière la sacralité de la vie, je rappellerai que <i class="spip">la loi qui autorise n'est pas la loi qui prescrit</i> : elle ne fait que garantir - dans un monde où l'individu est la valeur à préserver et à faire croître - une liberté de choix minimale dans des situations irréductibles à des certitudes logiques ou expérimentales. Il en va du choix de mourir ou de laisser mourir comme du choix de l'avortement : personne ne peut dire à quel moment l'embryon est fait homme, personne ne peut dire quand la vie organique cesse d'être constituante d'une personne... La mort qu'on se donne ou que l'on donne par respect de la valeur de la vie fait de la mort un acte qui engage la responsabilité humaine. Le maintien inconditionnel de la vie la ramène à une superstition.</p> <p class="spip">2) Une deuxième urgence serait que les responsables politiques prennent en compte les problèmes économiques et sociaux posés par l'allongement de la vie. Des mesures qui prétendraient régler les questions du chômage, du temps de travail, du régime des retraites, des dépenses de santé sans se projeter dans l'avenir ne peuvent être qu'emplâtres sur jambe de bois.</p> <p class="spip">Une vie humaine, - entre naissance et mort -, apparaît de plus en plus dans sa durée, son contenu et son évolution interne comme un <i class="spip">processus indéterminé</i>. S'il y a toujours des <i class="spip">âges de la vie</i> - enfance, jeunesse, âge mûr, vieillesse - ils ne se laissent plus strictement découper selon un ordre extérieur aux individus - unité organique du corps social, ordre du monde, volonté de Dieu ou pouvoir étatique - mais s'inscrivent dans la mouvance de l'histoire des individus. C'est là la conséquence d'un individualisme qu'il faut arrimer à la solidarité sociale au lieu de le déplorer. Si contraire que ce soit aux habitudes du pouvoir, la gouvernance des sociétés doit s'ajuster à cette mouvance individualiste sous peine de marasme économique, d'injustices explosives et de guerre des générations.</p> <p class="spip">L'allongement de la vie exige une nouvelle mise en perspective du temps social, un assouplissement de ses articulations et une nouvelle distribution des activités humaines et des richesses qu'elles produisent. Si l'on peut espérer vivre en pleine forme jusqu'à 90 ans et au-delà, cela signifie que l'on peut revendiquer bien plus longtemps et bien plus tardivement qu'aujourd'hui le plein exercice de la vie adulte, - qu'il s'agisse de travail ou de procréation. On devient vieux, certes, mais beaucoup plus tard et on peut espérer, dans un proche avenir, que l'on mourra d'épuisement le plus souvent, plutôt que de maladies invalidantes et ruineuses comme Alzheimer, par exemple. Les querelles autour de la retraite à 60 ans ou de l'aménagement de l'assistance aux personnes âgées ont à s'élargir en débat autour d'un avenir qui est déjà là.</p> <p class="spip">L'état doit, sans tomber dans un assistanat débilitant, aider l'enfant à grandir, l'adolescent à mûrir, l'adulte à exercer ses responsabilités. Le vieillard - même celui de demain qui aura pris beaucoup de temps pour faire son temps - est un adulte comme les autres - voire plus riche d'expérience que certains autres - mais qui tend à se dégrader. Il faut, sans préjudice pour personne et tant que son état mental lui permet de choisir, lui laisser le droit de vivre ou de mourir ; et quand il n'a plus rien à choisir, faire que sa survie soit le moins inhumaine possible.
Il revient aux politiques et aux partenaires sociaux de convertir ces exigences en mesures légales assez souples pour s'adapter aux besoins individuels et à l'évolution des situations sociales. C'est dire que ce ne peut être l'œuvre ni d'un libéralisme intempérant, ni d'un étatisme rigide. Le réalisme politique a besoin d'utopie.</p> <p class="spip">3) Si l'allongement de la vie met à mal l'échelle traditionnelle des âges, c'est qu'il semble vider de leur contenu normatif des concepts comme celui de jeunesse ou d'âge adulte. En effet, si l'on est assuré de pouvoir être un centenaire gaillard, quand cesse-t-on d'être jeune ? Et peut-on encore parler d'un <i class="spip">devenir adulte</i> ?</p> <p class="spip">Cependant, il ne faut pas tomber dans le niais relativisme des goûts et des couleurs, ni dans le jeunisme publicitaire. La notion d'<i class="spip">adulte</i>, même si elle renvoie à un idéal plus qu'à une réalité (un prêtre disait à Malraux que l'expérience du confessionnal lui avait appris qu'il n'y avait pas d'adulte), reste centrale si l'on veut comprendre ce que peut signifier la répartition des âges de la vie. Ce n'est en effet qu'à partir d'une pensée soucieuse de cohérence, nourrie d'expérience concrète, capable de mettre le temps en perspective - soit une pensée adulte - que l'on peut parler valablement d'enfance ou de vieillesse - et de devenir adulte.</p> <p class="spip">Car il s'agit bien d'un devenir et non pas d'un état aux contours définis et définitifs. L'âge adulte supposerait un certain nombre d'années d'existence - disons, jusqu'à à 75 ans - progressivement assimilées en <i class="spip">expérience humaine</i> ; une exigence d'<i class="spip">authenticité</i> qui amène l'individu a faire ses choix existentiels selon le meilleur de lui-même et non selon la mode ou les conventions ; une <i class="spip">responsabilité</i> qui le fait s'engager - travail, vie familiale par exemple - et assumer ses engagements. Il est remarquable que ces critères [<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#nb2-1" name="nh2-1" id="nh2-1" class="spip_note" title='[1] Eric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot : Philosophie des âges de la (...)' >1</a>] : expérience, authenticité, responsabilité ne soient pas affaire de cadrage extérieur mais de maturation intellectuelle et morale laquelle sourd de l'histoire d'une vie et ne s'achève que par la mort.</p> <p class="spip">C'est dire que <i class="spip">la vieillesse, en tant que dernier épisode du devenir adulte,</i> ne relève pas uniquement d'un traitement social mais d'une éducation - et surtout d'une autoéducation qui en fait un accomplissement du devenir adulte. Là est ce <i class="spip">dynamisme du grand âge</i> réclamé par le philosophe Paul Misrahi. Il s'agit d'accompagner l'allongement de l'existence par une conscience du temps qui, en ouvrant le passé et en réduisant l'avenir, valorise le présent pour faire entrer le peu de temps qui reste dans une histoire de vie.</p> <p class="spip">Jusqu'à ce que mort s'ensuive, qu'elle soit choisie ou simplement acceptée. A la question : <i class="spip">pourquoi vieillir</i> ? il faut pouvoir répondre : pour aller jusqu'au bout de cet individu infime et nécessaire dont chaque instant recompose l'identité.</p></div>
<hr />
<div class='rss_notes'><p class="spip_note">[<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#nh2-1" name="nb2-1" class="spip_note" title="info notes 2-1">1</a>] Eric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot : <i class="spip">Philosophie des âges de la vie</i> (Grasset)</p></div>
Les dieux dans la mythologie andine
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article90
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article902007-06-25T10:44:23Ztext/htmlfrFrancisco AliagaAnthropologieNous utiliserons les chroniques en prenant en compte les risques d'erreur et de confusion qui rendent nécessaire une lecture critique : ainsi, par exemple, on a confondu l'apparition des premiers hommes sur terre avec l'apparition des premiers incas. Notre analyse se base sur le fait que les dieux ou divinités préhispaniques étaient vus et représentés comme des forces ou des énergies qui favorisaient la fécondité et la reproduction de tout ce qui existait dans le monde. Ce concept fut interprété par les (...)
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique2" rel="directory">Anthropologie</a>
<div class='rss_chapo'>Nous utiliserons les chroniques en prenant en compte les risques d'erreur et de confusion qui rendent nécessaire une lecture critique : ainsi, par exemple, on a confondu l'apparition des premiers hommes sur terre avec l'apparition des premiers incas.
Notre analyse se base sur le fait que les dieux ou divinités préhispaniques étaient vus et représentés comme des forces ou des énergies qui favorisaient la fécondité et la reproduction de tout ce qui existait dans le monde. Ce concept fut interprété par les espagnols depuis le point de vue judéo-chrétien, en leur attribuant le rôle de créateurs du monde et de l'humanité.</div>
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<!—[if gte mso 10]></p> <div class=Section1>
<strong class="spip">Traduit de l'espagnol par Mathilde Caride Prada</strong> <p class=MsoNormal>Au cours de ce bref article, nous traiterons certains aspects de la religion andine préhispanique rapportés par les chroniqueurs des 16<sup>e </sup>et 17<sup>e </sup>siècles, dans lesquels ils nous ont légué une série de discours mythiques et de légendes. Nous centrerons notre étude sur les divinités andines, en précisant le rôle qu'elles jouaient dans la conception religieuse du monde andin.</p> <p class=MsoNormal>Nous utiliserons les chroniques en prenant en compte les risques d'erreur et de confusion qui rendent nécessaire une lecture critique : ainsi, par exemple, on a confondu l'apparition des premiers hommes sur terre avec l'apparition des premiers incas.</p> <p class=MsoNormal>Notre analyse se base sur le fait que les dieux ou divinités préhispaniques étaient vus et représentés comme des forces ou des énergies qui favorisaient la fécondité et la reproduction de tout ce qui existait dans le monde. Ce concept fut interprété par les espagnols depuis le point de vue judéo-chrétien, en leur attribuant le rôle de créateurs du monde et de l'humanité.</p> <p class=MsoNormal>Avant d'analyser le contenu des chroniques et afin de détecter les difficultés d'interprétation qu'elles renferment, il nous semble qu'il convient de consulter les travaux d'autres auteurs contemporains traitant de l'origine du dieu Wiracochaet de sa signification. À ce propos, nous avons pris en compte les travaux de Pierre Duviolset E. Urbano, qui ont approfondi ce sujet.</p> <p class=MsoNormal>Duviols, dans la première partie de son article sur Wiracocha, considère cette divinité comme une sorte de Dieu Créateur, également pris pour tel par les évangélisateurs<a name="_ftnref1"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn1" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref1'><span class=MsoFootnoteReference>[1]</span></span><span
style='mso-bookmark:_ftnref1'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref1'></span>.
Il nous montre que les missionnaires essayèrent de faire du dieu Wiracocha un Dieu Créateur, apparemment dans l'objectif de le faire coïncider avec le schéma de la religion chrétienne, affirmant l'existence d'un seul Dieu Universel. Ceci leur aurait permis s'assimiler directement la divinité autochtone et facilitait donc la lutte contre le polythéisme et l'hérésie. C'est ainsi qu'ils introduisirent avec plus de facilité la révélation du Dieu Créateur Chrétien.</p> <p class=MsoNormal>Nous considérons que Duviols voit juste quant à la volonté des espagnols de réorienter et restructurer l'identité des divinités locales en adaptant les fonctions sacrées que les indiens attribuaient à leurs dieux, et en les faisant coïncider avec celles du Dieu et des saints chrétiens. Avec cette stratégie, ils pensaient gagner les âmes à la cause chrétienne et ils obtinrent des conversions grâce auxquelles ils faisaient la démonstration de leur zèle évangélisateur devant leurs supérieurs d'Espagne.</p> <p class=MsoNormal>Voici donc le concept forgé par les missionnaires, dont nous pouvons donner quelques exemples supplémentaires. Ainsi, Holguín nous dit que Wiracocha était « un épithète du Soleil, dieu des indiens, et que pour élever les espagnols au rang de Dieu, ils les appelaient Wiracocha ». Bernabé Cobo affirme : « Wiracocha est un, mais eux faisaient précéder ce nom de certains mots : parfois Titi Wiracocha, d'autres fois Wiracocha Pachayachachi, Créateur du Monde »<a name="_ftnref2"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn2" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref2'><span
class=MsoFootnoteReference>[2]</span></span><span
style='mso-bookmark:_ftnref2'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref2'></span>.
José Acosta rapporte : « Wiracocha doit être interprété comme Suprême Seigneur et Créateur de toutes choses »<a
name="_ftnref3"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn3" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref3'><span class=MsoFootnoteReference>[3]</span></span><span
style='mso-bookmark:_ftnref3'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref3'></span>.
Comme on peut le remarquer, il existe une certaine contradiction entre les trois chroniqueurs, mais au travers de ces définitions se présente un concept monothéiste de la religion.</p> <p class=MsoNormal>Tout en signalant la tendance à admettre « des interprétations fantastiques, d'influence lamentable », Duviols, implicitement, considère (comme les chroniqueurs) que l'identité de Wiracochaes unique comme Dieu ou divinité, bien qu'il ne fasse aucune analyse concernant l'origine ou la signification du nom de cette divinité, en entreprenant l'explication de Pacha Yachachi, Ticci, Usapo, Caylla.</p> <p class=MsoNormal>Nous donnerons plus loin notre point de vue sur la signification de ces noms - en plus de celle de Wiracocha. Mais nous pouvons déjà noter une certaine incertitude dans l'interprétation de Duviols, incertitude qui provient, selon nous, de l'influence chrétienne qui transparaît dans les chroniques.</p> <p class=MsoNormal>Nous examinerons en suivant la façon dont Urbano présente le dieu Wiracocha.<a
name="_ftnref4"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn4" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref4'><span class=MsoFootnoteReference>[4]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref4'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref4'></span></p> <p class=MsoNormal>Le travail de Urbano a le mérite de faire référence à des chroniques concernant la religion pré inca et inca, qui peuvent faciliter la réflexion de chercheurs intéressés par le sujet. L'analyse que fait <span class=SpellE>Urbano</span> de ces documents n'adopte pas une perspective suffisamment critique, si bien que l'auteur s'écarte de la logique andine.</p> <p class=MsoNormal>Dans le premier chapitre, « Deux cycles mythiques andins : Wiracocha et Ayar », Urbano affirme : « Une des conséquences de la double tradition herméneutique est l'existence de contradictions les plus variées dans la lecture des cycles mythiques andins »<a name="_ftnref5"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn5" title=""><span
style='mso-bookmark:_ftnref5'><span class=MsoFootnoteReference>[5]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref5'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref5'></span>.
Nous sommes d'accord avec Urbano quand il fait cette affirmation, mais il n'évite pas lui-même de tomber dans cette contradiction, étant donné qu'il situe les deux mythes à une même époque. En réalité, selon la tradition, le mythe du Dieu Wiracocha est de l'époque pré inca, alors que le mythe des Ayar désigne l'origine de la dynastie inca. Le dieu Wiracocha refait apparition postérieurement, à l'époque du sixième Inca, Yawar Huasca. Au moment où les Chancas avançaient vers la ville de Cuzco, Wiracocha apparut dans une lagune au fils de cet Inca. Il lui conseilla de faire front aux Chancas. Le fils de l'Inca gagna la guerre contre les Chancas et à partir de cette date adopta le nom de Wiracocha Inca.</p> <p class=MsoNormal>Pour résumer, le mythe du dieu Wiracocha doit être situé à différentes époques :</p> <p class=MsoNormal>1.<span style='font-size:7.0pt'> </span>Wiracocha et l'apparition de l'univers (la terre, la vie, etc.)</p> <p class=MsoNormal>2.<span style='font-size:7.0pt'> </span>Wiracochaet les héros culturels et civilisateurs pré incas.</p> <p class=MsoNormal>3.<span style='font-size:7.0pt'> </span>Wiracocha à l'époque inca.</p> <p class=MsoNormal>Urbano ne tient pas compte de ces différentes étapes dans son livre. Il oriente son analyse selon une division tripartite des fonctions andines en suivant le diagramme suivant qui ne fait pas cas de/ qui omet la chronologie.</p> <p class=MsoNormal><img border=0 width="350" height="407" id="_x0000_i1025" src="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/maiis/images/Pacha_Mama.png"></p> <p class=MsoNormal>1)<span style='font-size:7.0pt'> </span>« Réunion de trois héros, que nous suggère le cycle mythique des Wiracocha ».</p> <p class=MsoNormal>2)<span style='font-size:7.0pt'> </span>« La fonction primaire doit à présent / alors être décrite et dessinée/représentée en termes de binôme structurel, le contenu étant positif d'un côté, et négatif de l'autre.</p> <p class=MsoNormal>Urbano conclut ce chapitre en disant : « Par respect pour les éléments/faits, il me paraît préférable de ne pas aller au-delà de ce que nous ont légué les chroniqueurs utilisés jusqu'alors dans les distinctes hypothèses de lecture. Ce que je propose, quoique précaire, a pour le moins le mérite de garder intacte la logique du cycle mythique et de solutionner certains problèmes controversés, beaucoup d'entre eux étant issus d'erreurs de lecture manifestes. »</p> <p class=MsoNormal>Une telle affirmation confirme, chez Urbano, une attitude de prudence et une volonté de fidélité à la Chronique. Mais les mêmes chroniques, expression et interprétation de la pensée andine par des rapporteurs occidentaux, doivent être lues en corrigeant une focalisation qui la mutile ou la déforme.</p> <h2>Origine du nom <span class=SpellE>Wiracocha</span></h2> <p class=MsoNormal>Jusqu'ici, nous avons pu remarquer que les analyses et interprétations définissent Wiracocha comme Dieu unique et Créateur de tout. En suivant, nous analyserons le sens/signifié de Wiracocha en nous appuyant sur le document le plus pénétré de la mentalité/ l'esprit indigène, puisqu'il fut élaboré par un chroniqueur indien, Santa Cruz Pachacuti, qui nous a laissé un dessin se trouvant, selon lui, dans le temple du Soleil ou Coricancha. Ici seule nous intéresse la figure ovale, qu'il est nécessaire de situer dans le contexte du panthéon indigène.</p> <p class=MsoNormal>Santa Cruz Pachacuti écrit trois noms à l'intérieur de l'ovale, qui sont :</p> <p class=MsoNormal>Wiracocha Ticci Capacpa Unanachan</BR>
Wiracocha Pachayachachi Unanchan</BR>
Wiracocha Tonapa Pachacayocpa Unanchan</p> <p class=MsoNormal>D'après Cruz Pachacuti, la figure ovale représente « l'image du créateur du ciel et de la terre », ou
plutôt/pour mieux dire, des astres et des planètes (monde d'en haut) et de la terre (monde d'ici).</p> <p class=MsoNormal>R. Lehmann-Nitsche nous dit que cette figure représente « un œuf cosmique androgyne » appelé Wiracocha<a name="_ftnref6"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn6" title=""><span
style='mso-bookmark:_ftnref6'><span class=MsoFootnoteReference>[6]</span></span><span
style='mso-bookmark:_ftnref6'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref6'></span>.
Selon B. <span class=SpellE>Isbell</span> le dieu Wiracocha de la figure centrale est le « dieu créateur, origine et père de tous les<i> collca</i>, produit final du processus collectif.
Ensemble (ovale et <i>collca</i>) ils forment un système fermé qui est le début et la fin du cycle de reproduction »<a
name="_ftnref7"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn7" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref7'><span class=MsoFootnoteReference>[7]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref7'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref7'></span>.
Se référant au même ovale, Earls et Silverblatt affirment que « Wiracocha exprime l'univers entier, la totalité, l'éternité et l'unité de toutes les dimensions spatiales et temporelles »<a name="_ftnref8"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn8" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref8'><span class=MsoFootnoteReference>[8]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref8'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref8'></span>. Et pour <span class=SpellE>Zuidema</span> : « Wiracocha fut le premier moteur du cosmos, de la course quotidienne du soleil à travers le cycle et le retour de l'astre par l'inframonde »<a name="_ftnref9"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn9" title=""><span style='mso-bookmark:_ftnref9'><span class=MsoFootnoteReference>[9]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref9'></a></span>.</p> <p class=MsoNormal>On a pu remarquer, à la lecture de quatre auteurs, que quand ils se réfèrent à l'ovale central du dessin de Santa Cruz Pachacuti, ils font allusion simplement à Wiracocha alors que l'auteur du dessin trois noms à l'intérieur de cet ovale. Le fait qu'ils aient indiqué le seul nom de Wiracocha est peut-être dû à un souci de simplification.</p> <p class=MsoNormal>Si nous examinons, en revanche, les récits des chroniqueurs et les éclaircissements des auteurs de dictionnaires de l'époque de la conquête, nous remarquerons qu'ils donnent de l'importance aux trois autres invocations, ce qui nuance et même contredit la thèse d'une divinité unique, appelée Wiracocha.</p> <p class=MsoNormal>Par exemple, Cristóbal de Molina, bien que se référant à une prière qui identifie Wiracocha en tant que « le seigneur des mers » (de la mer du ciel comme de la mer de la terre), transcrit une autre prière qui s'adresse à Ticci Wiracocha « Racine de l'Être, Wiracocha/Dieu toujours proche/ Seigneur de l'habit resplendissant ». Une strophe du poème s'adresse ainsi au dieu : « Où te trouves-tu ? / hors du monde ? / à l'intérieur du monde ? / parmi les nuages ? / ou au milieu des ombres ? ». On affirme donc dans ces vers que Ticci Wiracocha est un être invisible de celui qui ne sait où il se trouve, et qui peut apparaître à n'importe quel moment ou époque. Bernabé Cobo indique qu'il était considéré comme une entité
mystérieuse, comme le « fondement divin », et nous le montre de plus comme un reflet de lumière et comme l'amour des eaux, origine de toutes choses et pas uniquement de l'être humain. Quant à Holguín, il associe également Ticci Wiracocha à la lumière puisqu'il nous dit qu'il est comparé au soleil. Nous pouvons ainsi vérifier que l'on semble attribuer au Ticci Wiracocha une fonction spécifique qui le distingue des autres Wiracochas. C'est selon nous une force énergétique qui a été l'origine de tout le système solaire et de tout ce qui se trouve sur terre.</p> <p class=MsoNormal>Nous reviendrons plus amplement sur ces attributions spéciales de chaque <span class=SpellE>Wiracocha</span>, après avoir tenté de nous rapprocher du sens même du terme Wiracocha grâce à une analyse étymologique.</p> <p class=MsoNormal>Si nous prenons en compte les plus anciens dictionnaires, nous verrons que Domingo de Santo Tomás traduit « Wira » par GRAISSE et « cocha » par LAGUNE. Dans les deux cas, Wiracocha en vient à signifier graisse de mer ou de la lagune, et par analogie, écume de la mer ou du lac.</p> <p class=MsoNormal>Il est intéressant d'observer que tous les mythes ou légendes ayant trait à Wiracocha, héros civilisateur de l'époque pré inca, racontent qu'il arrive de la mer et repart vers la mer. Cette vision est celle de chroniqueurs tels que Gutiérrez de Santa Cruz, Cieza de León, Fransisco de Avila, Santa Cruz Pachacuti, etc.</p> <p class=MsoNormal>Cette tradition pourrait expliquer que l'on ait qualifié les espagnols de Wiracochas, sens que donne Ludovico Bertonio, en plus de l'acception de « sage ». Cieza de León
précise, à ce propos : « les espagnols sont arrivés au Pérou par la mer et c'est la raison pour laquelle on leur donne le nom de wiracocha, qui signifie « écume de mer ».</p> <p class=MsoNormal>En examinant attentivement les interprétations des traducteurs et des chroniqueurs espagnols, nous noterons qu'ils s'écartent du sens primitif de Wiracocha. Il est assez risqué
d'assimiler « écume de mer » = « créateur du monde », même en admettant que la mer porte une connotation sacrée. Nous trouverions plus digne de foi une interprétation plus objective qui désignerait Wiracocha comme une apparition, semblable à l'apparition des écumes de mer. Si les espagnols furent appelés Wiracochas, ce serait par analogie puisqu'ils arrivèrent, ou « apparurent » par la mer. L'idée de quelque chose ou de quelqu'un qui apparaît subitement est renforcée par le sens de MITIMAE ou ÉTRANGER consigné par Huamán Poma, la dernière acception d'ÉTRANGER étant celle qui perdure de nos jours dans les communautés.</p> <p class=MsoNormal>Les difficultés d'analyse des chroniqueurs et des chercheurs sont clairement démontrées du fait des grandes variantes de perspective qu'ils apportent.</p> <p class=MsoNormal>Elles transparaissent déjà dans la transcription de Cristobál de Molina que nous citerons à présent et dont la traduction nous paraît très approximative. C'est pourquoi nous en proposons une
autre qui essaie de respecter le sens littéral et qui se rapproche ainsi de notre thèse.</p> <p class=MsoNormal>QUECHUA ESPAGNOL</p> <p class=MsoNormal> ORAISON PREMIERE AU CRÉATEUR / AU DIVIN ARTISAN</p> <p class=MsoNormal>Oh Créateur/Artisan !<BR>
qui es aux fins<BR>
du monde sans égal<BR>
qui donnas être<BR>
et Valeur aux hommes<BR>
qui dis : sois cet homme<BR>
et aux femmes :sois cette
femme ;<BR>
en disant cela, tu les fis<BR>
tu les formas et donnas à être.<BR>
Ceux que tu fis, garde-les<BR>
pour qu'ils vivent sains et saufs,<BR>
si Dangers il y a, qu'ils vivent en Paix.<BR>
Où es-tu ?<BR>
Dans les hauteurs du ciel ou en bas,<BR>
dans les Tonnerres<BR>
ou les nuages<BR>
des Tempêtes ?<BR>
Entends-moi<BR>
Réponds-moi et<BR>
Accorde-moi et<BR>
donne-nous<BR>
la vie perpétuelle,<BR>
Pour toujours.<BR>
de ta main ; cette<BR>
offrande<BR>
reçois-la<BR>
où que tu sois<BR>
oh ! Créateur !<BR></p> <p class=MsoNormal> (extrait de <i class="spip">Fables et rites des Incas</i>, par Cristóbal de Molina)</p> <p class=MsoNormal> </p> <p class=MsoNormal><strong class="spip">Notre traduction</strong> (qui respecte le sens Wiracocha = Apparition)</p> <p class="spip">Apparition du commencement<BR>
Apparition de la lumière<BR>
Apparition de l'Habit Brillant<BR>
Toi qui fertilises y crées en disant<BR>
Que ce soit un homme,<BR>
que ce soit une femme,<BR>
Toi tu donnes des ordres,<BR>
En ordonnant,<BR>
En disposant,<BR>
Immobile tel un cristal<BR>
Sans souffrir de faim.<BR>
Où te trouves-tu ?<BR>
Regardant sur les montagnes<BR>
à 'intérieur des montagnes<BR>
au-dessus des nuages<BR>
sur ou au-dessus des ombres ?<BR>
écoute-moi,<BR>
réponds-moi<BR>
Blanc ou Noir,<a name="_ftnref10"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn10"><span style='mso-bookmark:_ftnref10'><span class=MsoFootnoteReference>[10]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref10'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref10'></span><BR>
Terre puissante.<BR>
Très puissant lever du jour,<BR>
Protège-moi,<BR>
Couvre-moi,<BR>
Hisse-moi,<BR>
Si je suis fatigué,<BR>
Appelle-moi auprès de toi<BR>
Où que tu te trouves,<BR>
Apparition.<BR></p> <p class="spip"> </p> <p class=MsoNormal>Plus près de nous, la définition que donne Lehmann-Nitsche de Ticci Wiracocha s'en tient à une traduction littérale qui nous peut nous surprendre. Il nous dit : « De toute l'expression, les deux mots les plus intimement liés sont Huira et Tijsi qui signifient de manière agglutinée « graisse d'origine », pour mieux dire « lave ». Cela veut dire que Ticci Wiracocha, dans l'ensemble, doit être traduit par « lac de lave ».</p> <p class=MsoNormal>Duviols, dans une analyse qu'il fait de Ticci conclut : « quant au contenu que nous devons attribuer au mot Ticci uni à Wiracocha, je crois qu'il doit essentiellement être celui de « Fondateur de la lignée », de « Père des Races et des Ethnies ». Ce qui reviendrait à dire origine de la fraction de l'humanité qui le reconnaît comme dieu et le considère, bien sûr, comme origine et commencement/principe. Quant à la notion de fin et de commencement, il est possible qu'elle coexiste avec la première, surtout à une époque tardive, après que la pensée magico-religieuse a évolué vers une étape théologique. » « Pour le moment je propose de traduire Ticci Wiracocha Pachayachachi par Wiracocha, Père de l'humanité, Maître qui sait ordonner le monde ».</p> <p class=MsoNormal>Pour trouver une définition de Ticci Wiracocha, Duviols se trouve confronté à un dilemme, dû au fait que son analyse est orientée vers une signification généalogique d' « origine de la Race », « Fondateur de lignée », « Fondement », et cela contraste avec le sens réel de Ticci « Commencement et fin » au niveau cosmique, qui l'éloigne du concept social. Il finit par proposer une définition
de Ticci Wiracocha, mais en y incluant Pachayachachi, sans l'avoir pris en compte dans son analyse. Ainsi, il nous dit que « Wiracocha est le Père de l'humanité », oubliant complètement la définition qu'il avait donnée de Ticci, en alléguant la définition de Pachayachachi « Ordonnateur du monde ».</p> <p class=MsoNormal>Quant à Urbano et Earls, ils se limitent essentiellement à analyser le concept de Wiracocha en nous en proposant une définition qui nous paraît vague et incomplète.</p> <p class=MsoNormal>Ainsi, Urbano fait référence aux noms du Wiracocha principal (sans préciser lequel d'entre eux) : « On peut affirmer que tous insistent sur un rôle de sage, de maître et responsable des activités des héros wiracochas ». En ce qui concerne Earls, dans sa définition, il parle seulement de Wiracocha, mais il nous semble qu'il se réfère a Ticci Wiracocha en tant que principe de création : « On peut affirmer que Wiracocha représente la totalité, l'éternité, et paradoxalement, sa création ».</p> <p class=MsoNormal>On peut constater, à la lecture des chercheurs, et même des chroniqueurs, qu'ils insistent sur le concept de CRÉATION -ce qui nous rapproche de la mythologie chrétienne - alors que les indigènes ont comme fondement de leur propre mythologie le concept d'APPARITION : le monde n'est pas créé mais il « apparaît », non pas selon un schéma spiritualiste et providentiel mais comme phénomène surgi de la conjonction de l'énergie et de la matière.</p> <p class=MsoNormal>Pour ce qui suit nous analyserons les documents qui décrivent la divinité appelée Wiracocha Pachayachachi Unanchan et le rôle qu'elle joue dans la religion dans la religion andine.</p> <p class=MsoNormal>Voyons ce que disent les chroniqueurs à l'égard de cette divinité. Sarmiento de Gamboa affirme que Wiracocha Pachayachachi signifie « créateur de toutes choses »<a name="_ftnref11"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn11"><span style='mso-bookmark:_ftnref11'><span class=MsoFootnoteReference>[11]</span></span><span
style='mso-bookmark:_ftnref11'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref11'></span>,et nous précise que cette divinité créa en premier le monde (la terre), puis, les êtres vivants. José Acosta dit que les indigènes avaient idée de l'existence d'un Être Suprême, Créateur universel, qu'ils l'appelaient Wiracocha, et à qui ils donnaient le nom qui signifiait « excellence » avec les titres de Pachacamac ou Pachayachachi, c'est-à-dire « Créateur du ciel et de la terre », et de Usapo, c'est-à-dire « admirable »<a name="_ftnref12"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn12"><span style='mso-bookmark:_ftnref12'><span class=MsoFootnoteReference>[12]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref12'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref12'></span>. Acosta montre que Pachayachachi et Pachacamac sont la même divinité. On l'appelle Wiracocha Pachayachachi dans le zone sud et Pachacamac sur toute la côte centrale.</p> <p class=MsoNormal>À la lecture de ces définitions, on n'observe pas de différence essentielle avec les qualités qu'on attribue à Ticci Wiracocha. Cependant, en s'attachant à une analyse étymologique, nous proposerons une traduction du nom de ce nouveau wiracocha : Wiracocha : Apparition, Pacha :Terre, et Yachachi : celui qui enseigne, le sage. L'ensemble voudrait dire : « celui qui sait faire apparaître ou surgir toutes les choses sur terre ».</p> <p class=MsoNormal>La majorité des chroniqueurs que nous avons cités s'accordent à dire que le dieu Wiracocha Pachayachachi est l'origine ou l'apparition de tout le système de vie qui existe sur terre. Nous pourrons ajouter qu'autant Wiracocha Pachayachachi que Pachacamac sont la représentation de la terre ou élément féminin duquel surgissent/apparaissent toutes les choses. Santa Cruz Pachacuti le confirme en écrivant au sujet de cette divinité : « Que celle-ci soit femme ». À l'intérieur de la trilogie des divinités de l'ovale, ce Wiracocha Pachayachachi représente donc le principe féminin.</p> <p class=MsoNormal>La troisième divinité, appelée Wiracocha Tonapa Pachacayocpa, est aussi, selon Santa Cruz Pachacuti<a name="_ftnref13"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn13"><span style='mso-bookmark:_ftnref13'><span class=MsoFootnoteReference>[13]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref13'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref13'></span>, un dieu créateur, mais lui-même a été créé en tant qu'élément masculin, comme l'indique l'inscription : Cay Cari Cachon, qui veut dire « Que lui soit un homme, ou un mâle ».</p> <p class=MsoNormal>Par rapport à Tonapa, comme nous allons le vérifier, les chroniqueurs nous disent que Tonapa porte aussi comme noms Tarapaca (=aigle de alcón) ou Cernacuy Camayoc (= celui qui est chargé d'avertir, de prévenir, le prophète), Pachacan (= serviteur), Bichay (= dans les hauteurs), Wiracocha Pachayachachi Cachon (= apparition de la terre productrice).</p> <p class=MsoNormal>Si nous analysons les noms donnés actuellement à Tonapa, nous remarquons que Tarapaca signifie « ouragan de sable » et qu'il présente une analogie avec l'expression Bichay Camayoc : « qui concerne les hauteurs, aigle, vent, altitude », désignant ainsi l'espace, le monde d'en haut. Cunay camayoc signifie « celui qui annonce ou provoque l'arrivée de Tonapa masculin sur la terre féminine ». Apparemment, tous ces noms indiquent l'époque des semences, de la fécondation de la terre par l'énergie (air, pluie, foudre).</p> <p class=MsoNormal>Santa Cruz Pachacuti décrit Tonapa comme un homme blanc et barbu.
L'élément le plus important de la description est que Tonapa porte un bâton dont nous préciserons l'importance ultérieurement. Pachacuti se demande si ce personnage ne serait pas l'apôtre Saint Thomas, et quelques lignes plus loin, il nous apprend qu'on appelle ce personnage Tomapa Wiracocha Pachacan, ce qui veut dire « apparition du rayon/ de la foudre serviteur/ servante ».</p> <p class=MsoNormal>Ramos Gavilán<a name="_ftnref14"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn14"><span style='mso-bookmark:_ftnref14'><span class=MsoFootnoteReference> [14]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref14'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref14'></span> affirme qu'il s'agit d'un saint apôtre que les indigènes appelèrent Tupaca, ce qui, d'après lui, signifie « Grand sage et Seigneur/Maître ». La description qu'il fait est quasi identique a celle de Santa Cruz Pachacuti relative à l'histoire de Tonapa, qui finit par s'en aller vers la mer.</p> <p class=MsoNormal>Selon Ludovico Bertonio<a name="_ftnref15"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn15"><span style='mso-bookmark:_ftnref15'><span class=MsoFootnoteReference>[15]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref15'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref15'></span>,
« Il est appelé Tonapa par ces indiens et dans d'autres provinces du Pérou, Equeco (= ancêtre) ». il nous dit également que Tonapa ou Tunapa signifie racine (origine) de parenté/parentèle (ancêtre), pour mieux dire, origine des ancêtres. Ainsi, Tonapa et Equeco sont un seul et même personnage. Le Equeco, à l'époque actuelle, est la divinité de l'abondance, très vénérée dans la région de Puno et de Bolivie.</p> <p class=MsoNormal>Si on approfondit un peu plus le sens de Tonapa, nous verrons que, dans la zone Aymara, on donne ce nom à la foudre, alors qu'on l'appelle Illa en quechua. De la même manière, le bâton ou la lance que porte Tonapa est la représentation de la foudre, qui a un rôle de fécondation de la terre.</p> <p class=MsoNormal>Nous pouvons conclure, pour résumer, que Wiracocha Tonapa Pachayocpa Unchanchan veut dire : signe et apparition du fécondateur de la terre, qui procrée l'abondance.</p> <p class=MsoNormal>À ces trois principales divinités de l'époque pré inca, nous pouvons ajouter trois autres divinités qui sont de grande importance et qui ne furent pas prises en compte par les chroniqueurs comme il aurait convenu. Il s'agit de Konticci Wiracocha, ou simplement Kon, de Imaymana Wiracocha et de Taguapaca.</p> <p class=MsoNormal>Commençons par analyser les chroniques qui parlent du dieu Kon.</p> <p class=MsoNormal>Bartolomé de las Casas y Betanzos<a name="_ftnref16"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn16"><span style='mso-bookmark:_ftnref16'><span class=MsoFootnoteReference>[16]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref16'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref16'></span> disent que Condici Wiracocha (Kon Ticci Wiracocha), nom qui signifie « créateur du monde », se trouve aux confins du monde. Ce dieu avait un fils appelé Taguapica Wiracocha (Tawa Paca Wiracocha), qui faisait tout le contraire de son père. Le dieu Kon jeta son fils à la mer pour faire disparaître le mauvais sort, mais on n'eut jamais la certitude de la mort de Tawapaca.</p> <p class=MsoNormal>López de Gómara rapporte : « Au commencement du monde, il vint par le septentrion un homme appelé Kon, qui n'avait pas d'os. Il était très rapide et il écourtait son chemin en abaissant les collines et en élevant les vallées par le seul pouvoir de la parole et de la volonté. Il créa l'homme et la femme, et lui/leur donna beaucoup de fruits, du pain et d'autres choses nécessaires à la vie. »<a name="_ftnref17"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn17"><span style='mso-bookmark:_ftnref17'><span class=MsoFootnoteReference>[17]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref17'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref17'></span></p> <p class=MsoNormal>Las Casas précise que « le dieu Kon Ticci Wiracocha, créateur du monde, se trouvait aux confins extrêmes de ce monde ». <span class=GramE>si nous nous référons a la conception indigène du monde, et si nous devons choisir parmi les trois « mondes » qui le composent : monde d'en haut, monde d'ici et monde d'en bas, quant à nous, nous conserverions le mode d'en bas, lieu où reposent les ancêtres, pour identifier ces « confins extrêmes ». Effectivement, selon les chroniqueurs, cette divinité est liée à l'apparition des êtres vivants sur la terre. C'est un dieu du monde d'en bas et nous pouvons supposer que ce dieu créateur appartient au premier âge de l'humanité.</p> <p class=MsoNormal>En suivant, nous allons essayer de voir qui est la divinité appelée Tawa Paca, le destructeur du monde. Si Kon Ticci Wiracocha a jeté son fils à la mer, cette attitude peut être interprétée de deux manières : tout d'abord, que le fait de l'avoir jeté à la mer a pu être avec l'objectif de le purifier et tout le mal s'en aille avec l'eau. Ensuite, il a pu le punir pour l'éliminer et qu'ainsi « meure le mauvais sort », comme l'écrit Las Casas.</p> <p class=MsoNormal>Quand il se réfère à Tawa Paca, Sarmiento de Gamboa<a name="_ftnref18"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn18"><span style='mso-bookmark:_ftnref18'><span class=MsoFootnoteReference>[18]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref18'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref18'></span> nous dit presque la même chose que Las Casas, à la différence que l'identité du père n'est pas celle de KON. « Après le déluge, Wiracocha Pachayachachi, alors qu'il détruisait la terre, sauva trois hommes, dont un s'appelait Taguapaca, pour qu'il lui servît d'aide. Tagua Paca désobéit à Wiracocha Pachayachachi, qui ordonna qu'on le mît sur un radeau sur le lac Titicaca, mains et pieds attachés. Le radeau avec sa charge suivit le fleuve par où se déversent les eaux du lac, et on ne le vit plus jamais »<a name="_ftnref19"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn19"><span style='mso-bookmark:_ftnref19'><span class=MsoFootnoteReference>[19]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref19'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref19'></span>.</p> <p class=MsoNormal>Dans les deux cas, Tawapaca est lié à l'idée de destruction d'une zone géographique ou de la terre.</p> <p class=MsoNormal>Voyons à présent quelle est la signification du nom Tawapaca et quelle est son origine. Tagua ou Tawa veut dire quatre. Quant à Paca, d'après Lira<a name="_ftnref20"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn20"><span style='mso-bookmark:_ftnref20'><span class=MsoFootnoteReference>[20]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref20'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref20'></span>/Liara, ce mot signifie « ce qui est dissimulé, caché, secret, occulte, mystérieux ». Pour Guardia Mayorga<a name="_ftnref21"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn21"><span style='mso-bookmark:_ftnref21'><span class=MsoFootnoteReference>[21]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref21'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref21'></span>, Paka a un sens similaire : « caché, secret, mystérieux ». Pour Jesús Lara<a name="_ftnref22"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn22"><span style='mso-bookmark:_ftnref22'><span class=MsoFootnoteReference>[22]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref22'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref22'></span>, il signifie « dissimulation ». À partir de ces éléments, nous pouvons déduire que Tawa Paca peut désigner « Les quatre mystères », c'est-à-dire les quatre éléments qui peuvent détruire la terre : l'air (les typhons), la terre (les séismes), le feu (les volcans) et l'eau (les inondations ou les déluges). Dans leurs aspects catastrophiques, ces éléments apparaissent d'une manière imprévisible en détruisant tout, et dans ce cas, en détruisant l'œuvre de Wiracocha Pachayachachi ou de Kon Ticci Wiracocha.</p> <p class=MsoNormal>Nous pouvons nous référer à des exemples concrets qui permettent de déterminer à quoi correspond exactement l'idée de Paca, dans son double aspect de mystère et de destruction.</p> <p class=MsoNormal>À l'époque actuelle, il existe un rapace, une espèce de chouette à qui on donne le nom de Paca Paca. Cet animal nocturne est, pour les habitants des Andes, de mauvais augure. Si on se réfère au sens précis de Paca Paca, on peut vérifier que la répétition du terme a une fonction d'intensification et renforce ainsi le sens, en insistant sur l'idée de mystère maléfique. Les paysans croient que si la Paca Paca chante sur leur toit, une personne de leur famille va mourir. Ainsi donc, la Paca Paca est considérée comme la messagère de la mort ou de la destruction de la vie.</p> <p class=MsoNormal>En lien avec le mot Paca, on peut aussi découvrir le terme de Pacay. Si, comme nous venons de le voir, Paca désigne ce qui est caché, dissimulé, Pacay désigne l'action de se cacher ou de se dissimuler. Pacay est aussi le nom d'un fruit qui est produit dans les vallées tempérées ou en forêt. Ce fruit a la forma d'une grande gousse/cosse. Quand on l'ouvre, on peut voir qu'elle cache une pépin/une graine de couleur bleu noir et que cette graine ou pépin cache à son tour un germe de couleur jaunâtre et blanchâtre dans sa partie centrale. Cette description nous permet de mieux comprendre le concept de PAGUA PACA. Comme on peut le remarquer, dans le fruit, chaque partie en cache ou en couvre une autre.</p> <p class=MsoNormal>Nous pouvons noter que les termes de Paca, Paca Paca, et Pacay conservent entre eux une étroite relation dans leur signification. Dans les trois cas, il est fait référence à la disparition ou la destruction de quelque chose. De la même manière, Tagua Paca a quelque chose à voir avec la destruction et la mort, au travers des « quatre mystères » qui sont latents dans la terre et qui menacent l'humanité.</p> <p class=MsoNormal>Nous allons à présent nous intéresser à d'autres divinités terrestres qui ont une grande influence sur la production agricole. Il s'agit des divinités appelées Imaymana Wiracocha
et Topaco Wiracocha.</p> <p class=MsoNormal>Dans le contexte agricole, Cristóbal de Molina<a name="_ftnref23"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn23"><span style='mso-bookmark:_ftnref23'><span class=MsoFootnoteReference>[23]</span><span style='mso-bookmark:_ftnref23'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref23'></span> nous dit que Pacha Yachachi eut deux fils, l'un appelé Imaymana Wiracocha, et le second Tocapo Wiracocha. Molina ajoute que Imaymana avait en ses mains tous les pouvoirs. Pachayachachi lui ordonna d'aller dans les Andes, d'en parcourir tous les territoires (vallées et montagnes/<i>punas</i>), « et donner des noms aux fleurs et aux fruits qu'il trouverait, en enseignant aux habitants lesquels étaient comestibles et ceux qui ne l'étaient pas, ceux qui pouvaient servir comme remède, ainsi que l'époque à laquelle se développaient/produire les fleurs et les fruits ». Ce fut Imaymana qui enseigna aux hommes les vertus curatives des plantes, et leurs pouvoirs mortels.</p> <p class=MsoNormal>Selon nous, Imaymana Wiracocha veut dire : apparition de tous les végétaux, comestibles, médicinaux et de toutes les plantes. Cette divinité représente quant à elle l'époque de floraison des plantes et des fruits, autrement dit, le printemps.</p> <p class=MsoNormal>Dans la partie basse du dessin que nous laissa Santa Cruz Pachacuti, on peut lire « les yeux d'Imaymana ». Et plus bas on peut également lire : »mauray cuñay ñawin », ce qu'il traduit par : les yeux qui ordonnent à toutes les choses (mauray : diversité, multiplicité, cunay : ordonner, et ñawin : les yeux).</p> <p class=MsoNormal>Voyons maintenant quelle est la signification de « les yeux de toutes les choses » et celle de « les yeux qui ordonnent à toutes les choses ».</p> <p class=MsoNormal>Nawin désigne les grains et les tubercules sélectionnés parmi les meilleurs pour être semés. On donne aussi ce nom lors des rituels agricoles à toutes les parts ou portions de toutes sortes qui sont mises de côtés avant d'être offertes à la divinité. Ces portions assignées aux divinités sont appelées coca ñawi pour la coca, ou chicha ñawi pour la chicha, par exemple.</p> <p class=MsoNormal>Si nous nous reportons à la seconde traduction, « les yeux de toutes les choses », nous pouvons considérer que l'apparition des sept Pléiades : « les yeux de Imaymana », donne à tous les végétaux l'ordre de se reproduire, et de même qu'à l'homme. Avec l'apparition en décembre de ces étoiles, les indigènes incas savaient que le printemps commençait. Ainsi, Imaymana désigne les sept étoiles dont l'apparition détermine le commencement de la floraison des plantes. Les indigènes considéraient que la nature obéissait à un ordre de Imaymana.</p> <p class=MsoNormal>En ce qui concerne le second fils appelé Tocapu</span>, Molina le considère comme « le créateur ». Cette divinité reçut le même ordre que son frère aîné Imaymana</span>, mais il devait aller dans les plaines et travailler « jusqu'au plus bas de ces villages » (la côte)<a name="_ftnref24"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftn24"><span style='mso-bookmark:_ftnref24'><span class=MsoFootnoteReference>[24]</span></span><span style='mso-bookmark:_ftnref24'></span></a><span style='mso-bookmark:_ftnref24'></span>.</p> <p class=MsoNormal>Si on traduit le mot Tocapu, il veut dire « beauté du vêtement, vêtement luxueux, habit de cérémonie ». Cette interprétation n'a rien à voir avec l'agriculture, à moins qu'on la fasse au niveau métaphorique. Dans ce cas, on pourrait interpréter que Tocapu signifie que la terre, à l'époque du printemps, se vêt de son plus bel habit de verdure brodé de fleurs et de fruits. Tocapu Wiracocha serait la représentation du printemps sur la côte. Ceci pourrait donner un sens au nom de cette divinité : apparition du printemps.</p> <p class=MsoNormal>Ces deux personnages mythiques représentent l'apparition des fleurs dans toute la végétation de la terre. Imaymana dans la zone andine et Tocapu dans les vallées tempérées et sur la côte. Ces deux zones géographiques offrent des climats différents : tandis que dans les Andes (montagne), les mois de juin, juillet et août ont un climat d'automne, sur la côte, ces mois sont ceux de l'hiver. Ces différences climatiques sont une raison suffisante pour faire une distinction entre les deux divinités. D'une certaine manière, ces divinités remplissent leurs rôles respectifs pour que vienne le printemps dans les deux zones géographiques.</p> <h2>Conclusion</h2> <p class=MsoNormal>Comme on a pu l'observer au long de cet article, les divinités ou dieux dont nous avons traité sont liés, dans la conception andine, au concept d'apparition, alors que dans la conception européenne des chroniqueurs, on les donne à voir comme des dieux créateurs du monde.</p> <p class=MsoNormal>À partir des documents consultés, nous pouvons constater que la pensée andine prenait en compte les trois premières divinités comme l'origine de l'apparition de notre système solaire. Ils sont « commencement et fin de tout », comme le dit Santa Cruz Pachacuti. Les autres divinités son celles qui font apparaître sur la terre la végétation et les êtres vivants. Chaque divinité ou dieu accomplit un rôle déterminant dans son milieu.</p> <p class=MsoNormal>Nous pensons que les chroniqueurs des 16<sup>e</sup> et 17<sup>e</sup> siècles ont mal interprété les discours mythiques de l'époque pré inca et inca, étant donné qu'ils connaissaient mal la langue quechua et que les traducteurs quechuas parlaient mal l'espagnol. De là viennent les erreurs dans la chronologie. Ils confondirent les mythes pré incas avec ceux de l'époque inca et vice-versa. L'apparition des premiers hommes sur terre en vint à se confondre avec l'apparition des premiers incas Manco Capac et Mama Ocllo ou des frères Ayar.</p> <p class=MsoNormal>Par incompréhension du sens métaphorique du quechua, toutes les interprétations ou analyses furent faites depuis le point de vue de la mentalité européenne de l'époque. Ainsi, par commodité, ils retinrent seulement le nom de Wiracocha, qui veut dire Apparition et non Divinité, sans tenir compte du véritable nom des divinités comme Ticci, Pachayachachi, Tocapu, Imaymana, etc. ces erreurs se sont perpétuées jusqu'à nos jours y beaucoup de chercheurs continuent en persistant à faire de Wiracocha une divinité.</p> <h2> Bibliographie</h2> <p class=MsoNormal>Aliaga, Fransisco, <i>Pratiques et croyances religieuses dans les Andes centrales du Pérou</i>. Thèse de doctorat de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales E.H.E.S.S., Paris, 1984.</p> <p class=MsoNormal>Aliaga, Fransisco, <i>La vie quotidienne de la Vallée du Mantaro</i>, Ed. L'Harmattan, Paris, 1985.</p> <p class=MsoNormal>De Avila, Fransisco, <i>De dioses y hombes de Huarochiri</i>, Museo nacional de historia I.E.P., Lima, 1966.</p> <p class=MsoNormal>Bertonio, Ludovico (1612), <i>Vocabulario de la lenguaAymara</i>, Ed. Plazmann, Leipzip, 1956.</p> <p class=MsoNormal>Betanzos, Juan de (1557), <i>Suma Narración de los Incas</i>, Collección de libros y documentos referentes a la historia del Perú, Tome VIII, 2de serie, Lima, 1924.</p> <p class=MsoNormal>Cieza de León, Pedro (1550), <i>Señorío de los Incas</i>, Instituto de Estudios Peruanos, Lima, 1967.</p> <p class=MsoNormal>Cobo, Bernabé (1653), <i>Historia del Nuevo Mundo</i>, Ed. Atlas, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid, 1956.</p> <p class=MsoNormal>Duviols, Pierre, <i>La lutte contre les religions dans le Pérou colonial</i>, Institut d'études françaises, Lima, 1971.</p> <p class=MsoNormal>Earls, John ; Silverblatt, Irene, <i>La realidad física y social en la cosmología andina</i>, Actes du XLIL Congrès international des Américanistes, Vol. 4, Paris, 1976.</p> <p class=MsoNormal>Guaman Poma de Ayala, Felipe (1913), <i>Nueva crónica y buen gobierno...,</i> Institut d'ethnologie, Paris, 1936.</p> <p class=MsoNormal>Guardia Mayorga, César, <i>Diccionario Quechua-Español</i>, Ed. Los Andes, Lima, 1971.</p> <p class=MsoNormal>Isbel, Billy, <i>La otra mitad esencial</i>. Estudios Andinos, Cuzco, 1976.</p> <p class=MsoNormal><span class=GramE>Las Casas, Bartolomé de, <i>Apologética Histórica</i>, B.A.E. Madrid.</p> <p class=MsoNormal>Lira, Jorge, <i>Diccionario Kechwa-Español</i>, Tucumán, 1944.</p> <p class=MsoNormal>Lopez de Gomara (1552), <i>Historia General de las Indias</i>, Ed. Espasa Calpa, 2do Vol., Madrid, 1941.</p> <p class=MsoNormal>Lara, Jesús, <i>Diccionario Quechua-Español</i>, Enciclopedia Boliviana, Ed. Amigos del Libro, La Paz, 1978.</p> <p class=MsoNormal>Molina, Cristóbal de, <i>Rito y Fábulas de los Incas, La crónica de las Molinas</i>, Colección Pequeños y Grandes Libros de Historai de América, Lima, 1943.</p> <p class=MsoNormal>Murua Fray Martín de, <i>Historia General del Perú, Origen y descendencia de los Incas</i>, Vol. 2, Madrid, 1962.</p> <p class=MsoNormal>Santa Cruz de Pachacuti, Joan (1613), <i>Relación de Antiguedades de este Reyno</i>, Ed. Atlas B.A.E. Tomo 209, Madrid, 1950.</p> <p class=MsoNormal>Urbano, Enrique, <i>Wiracocha y Ayar</i>, Centro de studios rurales andinos Bartolomé de Las Casas, Cuzco, 1981.</p> <p class=MsoNormal>Zuidema, Tom, <i>Rito, Mito, Calendario y Geografía en el Perú Antiguo</i>, XLIL Congrès International des Américanistes, Vol. 4, Paris, 1976.</p> </div></div>
<div class='rss_ps'><div id=ftn1> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn1"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref1"><span
style='mso-bookmark:_ftn1'>[1] </span></a>- Les noms quechuas de Wiracocha « supposé » Dieu créateur des évangélisateurs. Allpanchis n°9, p.53, 63</p> </div>
<div id=ftn2> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn2"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref2"><span style='mso-bookmark:_ftn2'>[2] </span></a>- Bernabé Cobo, 1964, <i>Historia del Nuevo Mundo</i>, p. 155-156, B.A.E. 12.</p> </div>
<div id=ftn3> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn3"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref3"><span style='mso-bookmark:_ftn3'>[3]</span></a> - J. <i class="spip">Acosta, Historia Natural y Moral de las Indias</i>, Chap. IV p. 142, B.A.E. Madrid.</p> </div>
<div id=ftn4> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn4"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref4"><span
style='mso-bookmark:_ftn4'>[4]</span></a> - Urbano, « Wiracocha y Ayar », p. XXII-XLV, Centro de estudios rurales Bartolomé de las Casas, 1981, Cuzco.</p> </div>
<div id=ftn5> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn5"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref5"><span style='mso-bookmark:_ftn5'>[5]</span></a> - O. Urbano, op. cit. p. XVIII</p> </div>
<div id=ftn6> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn6"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref6"><span style='mso-bookmark:_ftn6'>[6]</span></a> - Lehamann-Nitsche, 1928, <i>Astronomía Inca</i>, p.30-31.</p> </div>
<div id=ftn7> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn7"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref7"><span style='mso-bookmark:_ftn7'>[7]</span></a> - Billy Isbell, « La otra mitad esencial », p. 37-56, Estudios andinos, año 1.</p> </div>
<div id=ftn8> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn8"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref8"><span style='mso-bookmark:_ftn8'>[8]</span></span></a> - Earls et Silverblatt, « Realidad física y social en la cosmología andina », p. 318.</p> </div>
<div id=ftn9> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn9"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref9"><span style='mso-bookmark:_ftn9'>[9]</span></a> - T. Zuidema, 1971, cit. p. 39</p> </div>
<div id=ftn10> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn10"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref10"><span style='mso-bookmark:_ftn10'>[10]</span></a> - Blanc : en état d'être fécondé (= semence, grain, eau). Noir : en état de gestation</p> </div>
<div id=ftn11> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn11"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref11"><span style='mso-bookmark:_ftn11'>[11]</span></a> - Sarmiento de Gamboa, Op. cit. p.109-110</p> </div>
<div id=ftn12> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn12"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref12"><span style='mso-bookmark:_ftn12'>[12]</span></a> - José Acosta, Op. cit. p. 142-143</p> </div>
<div id=ftn13> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn13"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref13"><span style='mso-bookmark:_ftn13'>[13]</span></a> - <i>Antiguedades de este Reynado</i>. p. 282-283-284.</p> </div>
<div id=ftn14> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn14"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref14"><span style='mso-bookmark:_ftn14'>[14]</span></a> - Ramos Gavilán, 1621, <i>Historia de nuestra Señora de Copacabana</i>, p. 28, La Paz, 1976</p> </div>
<div id=ftn15> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn15"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref15"><span style='mso-bookmark:_ftn15'>[15]</span></a> - <i class="spip">Diccionario aymara,</i> p.192</p> </div>
<div id=ftn16> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn16"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref16"><span style='mso-bookmark:_ftn16'>[16]</span></a> - Las Casas, <i>Apologética Historia</i>, B.A.E., Tome 105 p. 433, Betanzos, <i>Suma narración de los Incas</i>, B.A.E., Tome 209 p. 9-11</p> </div>
<div id=ftn17> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn17"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref17"><span style='mso-bookmark:_ftn17'>[17]</span></a> - Gómara, <i>Historia Natural y Moral de los Indios</i>, Chap. 28, p. 126. Murúa, <i>Historia General del Perú</i>, Tome II.</p> </div>
<div id=ftn18> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn18"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref18"><span style='mso-bookmark:_ftn18'>[18]</span></a> - Gamboa, 1572, <i>Historia Indica</i>, B.A.E., Tome 135, p. 208-209, Madrid.</p> </div>
<div id=ftn19> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn19"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref19"><span style='mso-bookmark:_ftn19'>[19]</span></a> - Cieza de León fait allusion à cette légende, <i>Señorío de los Incas</i>, p.8-12, I.E.P., 1967, Lima.</p> </div>
<div id=ftn20> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn20"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref20"><span
style='mso-bookmark:_ftn20'>[20]</span></a> - Liara, 1945, <i>Diccionario Kechua-Español</i>, p. 110, Tucumán</p> </div>
<div id=ftn21> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn21"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref21"><span style='mso-bookmark:_ftn21'>[21]</span></a> - Guardi Mayorga, 1959, <i>Diccionario Kechua-Español</i>, p. 110.</p> </div>
<div id=ftn22> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn22"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref22"><span style='mso-bookmark:_ftn22'>[22]</span></a> - Jesús Lara, 1978, <i>Diccionario Qheshwa</i>, p. 158, Ed. Amigos del Libro, Bolivie.</p> </div>
<div id=ftn23> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn23"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref23">[23]</span></a> - Cristóbal de Molina, Op. cit. p.12.</p> </div>
<div id=ftn24> <p class=MsoFootnoteText><a name="_ftn24"></a><a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ftnref24"><span style='mso-bookmark:_ftn24'>[24]</span></a> - Cristóbal de Molina, Op. cit. p.13.</p> </div></div>
Evhémère et les monstres
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article99
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article992007-06-24T13:28:00Ztext/htmlfrAnthropologieEvhémèreMichel MeurgermonstresHeuvelmansPontoppidanOudemansdugongsRevue PlanèteOn doit à Evhémère une imposante cosmogonie qui expliquait la genèse des Dieux sur des bases psychologiques. Probable précurseur de nos experts contemporains, selon lui, tout pouvait s'expliquer et la formidable doctrine qu'il élabora eut d'amples succès.
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique2" rel="directory">Anthropologie</a>
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot79" rel="tag">Evhémère</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot80" rel="tag">Michel Meurger</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot81" rel="tag">monstres</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot82" rel="tag">Heuvelmans</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot83" rel="tag">Pontoppidan</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot84" rel="tag">Oudemans</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot85" rel="tag">dugongs</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot86" rel="tag">Revue Planète</a>
<div class='rss_chapo'>On doit à Evhémère une imposante cosmogonie qui expliquait la genèse des Dieux sur des bases psychologiques. Probable précurseur de nos experts contemporains, selon lui, tout pouvait s'expliquer et la formidable doctrine qu'il élabora eut d'amples succès. L'evhémèrisme connaît de nombreux adeptes contemporains. Même s'il s'agit d'une adhésion inconsciente et involontaire, la volonté de tout expliquer est un des grands mythes de notre histoire.</div>
<div class='rss_texte'><p class="spip">Un article de</p> <h2>Michel Meurger</h2> <p class=MsoBodyTextIndent2 style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><i><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Essayiste, Directeur de collection aux éditions Encrage, collaborateur de diverses
institutions et entre prises de recherche (dont L'Encyclopédie du conte de l'Institut de Folklore de l'Université de Gottingen), Michel Meurger a publié en France, en Angleterre, au Canada, aux États-Unis et en République Fédérale. Il est l'auteur de « Lake monster traditians, a cross- cultural analysis » (London Forteah Tomes 19S8). Il a également produit des très nombreux articles sur la place de la science dans la littérature de science-fiction. Il vient de publier : « Histoire naturelle des dragons. Un animal problématique sous l'œil de la science », dont nous rendrons compte. Le présent article est extrait de <b>L'autre face l'autre monde</b>, éd. Lierre et Coudrier, juin 1991.</span></i></p> <div class=Section1> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>L'on doit à un philosophe grec du </span>
<span style="font-variant: small-caps; mso-bidi-font-size: 11.0pt">iv</span><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'><sup>e</sup> siècle avant notre ère, Evhémère, une importante doctrine sur la genèse des dieux. Selon sa proposition, les personnages divins ne seraient au départ que
des hommes supérieurs, sacralisés par l'admiration ou la crainte du commun des mortels. Evhémère illustrait sa thèse en publiant une biographie sur chacun des dieux avec leur lieu de naissance et de mort, ainsi que l'emplacement de leur tombeau. Le point saillant de l'Evhémérisme est son réductionnisme. En effet,
Evhémère tend à ramener le sacré au profane en offrant une explication psychologique pour le processus de divinisation. Il n'est donc guère surprenant
que cet aspect ait retenu l'attention des critiques des religions établies. L'on voit ainsi l'Evhémérisme apparaître dans l'ancienne Rome comme machine de
guerre contre le paganisme. Les Pères de l'Église surent ainsi le mobiliser contre le polythéisme. Les théologiens de l'époque médiévale le reprirent à leur
tour. Les philosophes ne négligèrent point l'arme que leur fournissait le philosophe antique. Voltaire est l'auteur de<i> Dialogues d'Evhémère.</i> Pour
lui, le vieux Grec défend le point de vue des : </span></p> <p class=MsoNormal align=left style='margin-left:34.0pt;text-align:left;
mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>« Gens de bon sens qui n'ont </span></p> <p class=MsoNormal align=left style='margin-left:34.0pt;text-align:left;
mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Voulu reconnaître de vérités </span></p> <p class=MsoNormal style='margin-left:34.0pt;mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Que celles qu'ils sentaient par</span></p> <p class=MsoNormal style='margin-left:34.0pt;mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>L'expérience ou qui leur étaient </span></p> <p class=MsoNormal style='margin-left:34.0pt;mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Démontrées par les mathématiques<a style='mso-endnote-id:edn1' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn1" name="_ednref1" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[1]</span></a> »
</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Sous la plume de l'hôte de Ferney, Evhémère apparaît comme un apôtre du sens commun et de la méthode expérimentale. </span></p> <h3>Oannés et l'astronome </h3> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Il serait facile de suivre la fortune moderne
de cette interprétation purement rationaliste de l'Evhémérisme. L'astronome
Carl Sagan, par exemple, envisage sérieusement que le dieu sumérien Oannés
représenté comme un homme-poisson, pourrait bien être un cosmonaute enfermé
dans sa combinaison spatiale. Nous avons ici à faire au plus naïf
Evhémérisme.
De même, Von Daniken, l'avocat des cosmonautes de l'Antiquité qu'il
« découvre » dans tous les documents de l'histoire sacrée, n'est
pas, comme le croient<b> </b> ses adversaires rationalistes, le représentant
du plus noir « irrationalisme », mais bien au contraire, de
l'Evhémérisme-rationaliste le plus systématique. Déjà au siècle des lumières,
dans son<i> Histoire du Monde Primitif,</i> Delisle de Sales affirmait que : « Le fameux amphibie Oannés, qui fut le législateur de la Chaldée, était
probablement un étranger qui avait abordé en descendant l'Euphrate, dans la
plaine où on bâtit dans la suite Babylone. Le premier homme qu'un sauvage voit
venir à lui dans un canot, doit lui paraître un poisson, puisqu il en habite
l'élément »<a style='mso-endnote-id:edn2' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn2" name="_ednref2" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[2]</span></a>.
</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>« Étranger en canot » ou « cosmonaute », dans
les deux cas, nous avons affaire au même type de raisonnement. Sagan et Delisle
de Sales refusent, dès l'abord, de considérer Oannés dans son contexte
socioculturel. Le surnaturel devient un naturel exotique. Le Dieu-des-eaux se
change en voyageur venu d'au-delà des mers ou du système solaire. Mêmes
présupposés chez Sagan et Delisle d'une pensée sauvage incapable d'interpréter
correctement le perçu. La sacralisation d'Oannés est donc à la fois pour
l'écrivain du XVIII<sup>e</sup> siècle et l'astronome du </span>
<span style="font-variant: small-caps; mso-bidi-font-size: 11.0pt">xx</span><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'><sup>e</sup> siècle,
le produit d'un malentendu. Incapables de distinguer l'homme de son canot ou de
sa combinaison spatiale, les Chaldéens ont cru voir en lui un être
supra-normal. L'Evhémérisme implique une supériorité de l'interprétation
moderne sur l'interprétation antique. Autrefois, les Primitifs se trompaient en
prenant un voyageur pour un être divin. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Aujourd'hui, Delisle de Sales ou Carl Sagan
rétablissent la vérité. La démarche évhémériste consiste ici à reconstituer une
séquence temporelle en suggérant que l'interprété ne correspondait pas au
perçu. Ni Delisle de Sales, ni Sagan n'ont conscience qu'ils substituent,
rétrospectivement, leur propre définition de la rationalité à celle des
Chaldéens. Or, cette définition est le résultat d'un long processus cognitif,
par lequel le concept de lois objectives a fini par réglementer impérativement
le vécu. Il ne saurait donc être question de partir « coloniser »
l'histoire des croyances à l'aide de solutions interprétatives présentes. Tout
le processus de l'historien des mentalités consiste justement à l'inverse, à
restituer au vécu passé ses propres définitions contextualisées. L'Evhémérisme,
cette décontextualisation forcenée, n'est donc pas une méthode scientifique.
Mais il comporte un autre versant. L'Evhémérisme réduit le surnaturel au
naturel. Toutefois, il implique, comme nous l'avons vu, un réel originel. Même
déformé par la crainte et la. superstition, Oannés a bien existé ; La méthode
évhémériste consiste donc en un échange et non en une désintégration. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'> </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>En insistant sur cette réalité originelle,
l'on peut ainsi renforcer la tradition à l'aide de l'outillage de la raison.
C'est pourquoi, à côté d'un évhémériste rationaliste, l'on trouve un
évhémériste fidéiste. De ce dernier, les érudits jésuites s'étaient fait une
spécialité. Que l'on pense à Athanasius Kircher, consacrant de copieuses
monographies à l'Arche de Noé et à la Tour de Babel, tentant d'en prouver
l'historicité par la démarche conjecturale. Pour Kircher, l'Evhémérisme sert à
affirmer que la Bible a dit vrai. Le vaisseau de Noé a réellement existé et le
savant jésuite nous montre comment une construction rationnelle a pu permettre
à un couple de chaque espèce animale d'y trouver place. Kircher fournit de
même, des cartes du monde anté et post-diluvien. Il se demande également si la
Tour de Babel aurait pu atteindre la lune<a style='mso-endnote-id:edn3'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn3" name="_ednref3" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[3]</span></a>.
</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Tout ce remue-ménage spéculatif a pour
principal motif le raffermissement de la foi. En un âge où les libertins
contestent la lecture de l'Ecriture, Kircher leur oppose un Evhémérisme
consistant, non à substituer la nature à la surnature, mais à fortifier le
Divin par l'érudition spéculative. L'archéologie, en exhumant les restes de
l'Arche ou de la Tour de Babel, confirmerait le Verbe. Kircher accumule donc
les archéologies scripturales. Cet Evhémérisme-là est éminemment sélectif,
choisissant préférentiellement de renforcer les sujets bibliques. Ainsi les
dragons. Notre Jésuite cherche donc des relations contemporaines qui semblent
en confirmer l'existence<a style='mso-endnote-id:edn4' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn4"
name="_ednref4" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[4]</span></a>.
</span></p> <h3>Le serpent de mer et l'évêque </h3> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>L'application de l'Evhémérisme à l'histoire
naturelle a eu pour conséquence un makntien de la croyance aux monstres, sous
réserve d'une profonde reconversion. Un bon exemple en est fourni par l'œuvre
de l'évêque de Bergen, Erik Ludvigsen Pontoppidan (1698-1764). </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Ce prélat danois consacre en effet un
chapitre de son grand ouvrage<i> Det förste forsög paa Norges naturlige
historie</i> (histoire naturelle de Norvège 1751-1753) à l'étude des monstres
marins du Septentrion. Il étudie respectivement le <i>havmand</i> (homme
marin), le <i>soe-orm</i> (serpent de mer) et le <i>kraken<a style='mso-endnote-id:
edn5' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn5" name="_ednref5" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[5]</span></a></i>.
Dans les trois cas, le savant prélat trouve de bonnes raisons pour croire en
leur existence. Celles-ci sont essentiellement basées sur l'unanimité et la
concordance des témoignages. Ces informations ont été fournies par deux groupes
sociaux : les pêcheurs et les marins norvégiens. J'ai déjà étudié ailleurs
certains points du dossier de Pontoppidan<a style='mso-endnote-id:edn6'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn6" name="_ednref6" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[6]</span></a>.
C'est sa méthode qui va m'occuper ici. Dans sa préface, l'évêque de Bergen nous
éclaire sur ses procédés d'information. Il a tiré profit de visites pastorales
qui lui prenaient deux à trois mois, pour se documenter. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Faisant de nécessité vertu, dit-il,
« j'ai passé une partie de mon temps de voyage à converser avec les guides
et cochers désignés aux différentes étapes pour me fournir le service de
voitures. J'ai ensuite examiné leurs réponses à mes diverses questions avec les
ministres des paroisses ou autres gens bons connaisseurs du pays, et tout ce
qui est confirmé par plusieurs témoignages, ou non contredit, ou douté, je
l'intègre parmi mes observations variées »<a style='mso-endnote-id:edn7'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn7" name="_ednref7" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[7]</span></a>.
En ce qui concerne le problème spécifique des monstres marins, Pontoppidan,
avec cette méthode, semble se plier au précepte Baconien, exposé dans le<i>
Novum Organum</i> (1620), de faire une « compilation » des monstres et des
prodiges, collection assemblée cependant dans un esprit de « sélection
rigoureuse »<a style='mso-endnote-id:edn8' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn8" name="_ednref8"
title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[8]</span></a>.</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Les anecdotes des guides et des cochers sont
donc soumises à l'analyse critique des pasteurs locaux et, si elles réussissent
à passer ce cap, sont enregistrées comme matériaux d'histoire naturelle. En
dépit de ces garanties, pareille méthode, sur un terrain aussi idéologique que
celui des monstres, s'avère tout à fait mystifiante. Tout d'abord, le choix
d'informateurs parmi les cochers était sans doute commode. Il n'en était pas
moins problématique.</span><span style='mso-bidi-font-size:11.0pt;color:lime'><</span><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Les paysans norvégiens étaient contraints de
par la loi de transporter les représentants du pouvoir, servitude dont ils
s'acquittaient avec une profonde rancœur. Halvdan Koht remarque qu'il
« n'y a pour ainsi dire aucun sujet qui ait provoqué de la part des
paysans plus de plaintes que ces servitudes qui leur étaient imposées pour ces
transports ».</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Et l'historien cite une légende à ce propos,
celle de l'évêque qui<b>,</b> pour prix de sa brutalité<b> </b>envers les
chevaux, se fait gifler par le palefrenier<a style='mso-endnote-id:edn9'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn9" name="_ednref9" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[9]</span></a>. Ajoutons à cela que la période pendant laquelle Pontoppidan accomplissait ses visites pastorales, les années 1750, était un temps difficile, où la vie chère générait des conflits sociaux qui culminèrent en 1765, dans la rébellion des « Strilar », pêcheurs et paysans, précisément dans la région de
Bergen<a style='mso-endnote-id:edn10' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn10" name="_ednref10" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[10]</span></a>.
Les gens du peuple, chargés du voiturage, pouvaient peut-être, à travers des histoires
d'horrifiques monstres marins, tenter d'impressionner et d'effrayer ce prélat
si avide de savoir. Rien ne permet de supposer qu'ils étaient de simples
réservoirs d'informations. En tout cas, Pontoppidan était le représentant d'une
vision du monde qui s'opposait à la leur, sur le point précis des monstres. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Pour les pêcheurs et les marins, remarque
l'auteur de<i> L'Histoire naturelIe de Norvège,</i> les poissons étranges qu'ils ramènent parfois dans leurs filets sont des T </span><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>« </span><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>roldfisk »,
c'est-à-dire des « poissons de mauvaise augure » qu'ils rejettent à
la mer. « Car les pêcheurs sont persuadés que s'ils les conservent à bord,
leur pêche sera infructueuse ou ils seront frappés de quelque autre
malchance ». « Cette superstition est très désavantageuse à l'étude
de la Nature » en conclut le prélat naturaliste<a style='mso-endnote-id:
edn11' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn11" name="_ednref11" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[11]</span></a>.
</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Il s'agit ici de la valeur de présage
accordée aux monstres, croyance tombée en discrédit auprès des classes
dominantes<a style='mso-endnote-id:edn12' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn12" name="_ednref12"
title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[12]</span></a>. Dans le
processus de séparation entre la culture instruite et la culture populaire, la
première avait tendu de plus en plus à ne conserver de la notion de monstre que
la définition naturaliste, laissant à la seconde l'interprétation surnaturelle
stigmatisée sous le terme générique de « superstition »<a
style='mso-endnote-id:edn13' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn13" name="_ednref13" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[13]</span></a>.
L'Evhémérisme appuyé sur la méthode baconienne de ségrégation des données
consistait donc à éliminer la gangue superstitieuse entourant le noyau factuel,
afin de révéler l'observation naturelle. </span></p> <h3>Naturalisation du mythe </h3> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Mais que se passait-il dans le cas de
créatures purement fabuleuses ? Dans son désir d'éliminer les enjolivements
imaginaires qu'il présupposait, le savant avait tendance à évacuer les éléments
les plus explicitement surnaturels, pour ne conserver que les données les plus
plausibles. Dans le cas de l'homme-marin, cela donne le résultat suivant chez
Pontoppidan : l'évêque de Bergen rejette les récits de tritons annonçant les
désastres, mais admet tout de même, l'existence d'humanoïdes à queue de
poisson. L'opération de triage, contrairement aux espoirs du prélat-naturaliste,
n'a pas banni le mythe. Elle l'a simplement modifié. Au prix de la perte de sa
définition surnaturelle populaire. L'homme-marin norvégien acquiert un nouveau
statut, celui de conjecture scientifique légitime. Un esprit de la nature des
pêcheurs du Septentrion se change en espèce intelligente marine. Le folklore
devient anthropologie. Ce processus de naturalisation du mythe était un
phénomène général. À l'époque des enquêtes de Pontoppidan sur l'homme-marin et
le serpent de mer, en 1752, l'Académie royale des Sciences de Suède recevait et
examinait un « pouce d'esprit des eaux » en provenance du lac
Helga,
dans le Smaland<a style='mso-endnote-id:edn14' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn14" name="_ednref14"
title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[14]</span></a>. Un
compatriote de Pontoppidan, l'illustre anatomiste Thomas Bartholin, n'avait-il
pas publié en 1654, ses conclusions sur sa dissection d'une
« sirène »<a style='mso-endnote-id:edn15' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn15"
name="_ednref15" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[15]</span></a> ? </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>En voulant se démarquer de la croyance,
l'empirisme, lorsqu'il était uni à l'Evhémérisme, en renforçait les virtualités
naturalistes, lui offrait un nouveau domaine d expansion, celui des
dissertations savantes. L'on assista ainsi à la naissance de tout un <i>systema
naturae</i> conjecturel dont le plus illustre représentant, après
l'homme-marin, est le serpent de mer. Véritable « création » de Pontoppidan,
établie. comme je l'ai montré<a style='mso-endnote-id:edn16' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn16"
name="_ednref16" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[16]</span></a>, à partir de la rationalisation d'un cycle de récits populaires sur des ophidiens géants à tête équine, la représentation moderne et instruite du Grand Serpent de l'Océan a eu la vie dure. Les vulgarisations du </span>
<span style="font-variant: small-caps; mso-bidi-font-size: 11.0pt">xix</span><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'><sup>e</sup>
siècle firent subir un traitement inégal aux trois monstres marins de
Pontoppidan. L'homme-marin et le Kraken furent interprétés comme des
fabrications imaginaires à partir d'animaux réels : les phoques et les
céphalopodes colossaux. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Le Serpent de Mer, lui, fut tantôt nié,
tantôt admis. Nous avons là, en fait, les deux tendances de l'Evhémérisme. Plus
réductionniste dans le cas du Kraken et de l'homme-marin, plus radical, dans le
cas du Serpent de Mer. L'un des motifs de soutien de Pontoppidan à la réalité
du Serpent, était qu'il fournissait un modèle naturel au léviathan de la Bible<a
style='mso-endnote-id:edn17' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn17" name="_ednref17" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[17]</span></a>.
Par contre, sa découverte pouvait signifier pour les rationalistes, la victoire
du naturel sur les superstitions. C'est l'interprétation qu'en donne le premier
biographe du Serpent de Mer, le zoologiste hollandais Antoon Cornelis Oudemans.
Dans la préface de son ouvrage imposant de 592 pages, consacré au « Great
Sea-Serpent » (1892), Oudemans compare sa quête pour la reconnaissance
savante du monstre à celle de Chaldni, l'homme qui réussit à faire admettre les
météorites à une institution scientifique divisée. Selon le savant hollandais,
si les loups-de-mer ne rapportent plus d'histoires de sirènes et de Krakens,
c'est qu'instruits, ils savent maintenant que les premières n'étaient que des
dugongs et les seconds<b> </b>des calmars géants. Cependant, Oudemans reprend
les anecdotes de Pontoppidan sur le Serpent de Mer en les critiquant et les
émondant<a style='mso-endnote-id:edn18' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn18" name="_ednref18" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[18]</span></a>.</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>L'affirmation selon laquelle ]es marins de la
fin du <span style="font-variant: small-caps">xix</span><sup>e</sup> siècle ne croyaient plus au Kraken et aux sirènes, est
purement gratuite. Les gens de mer continuèrent à croire à un peuple
d'humanoïdes marins, distincts des phoques et des dugongs, bien avant dans
notre siècle. Quant au Kraken, un séjour sur la côte ouest de Norvège en 1985 a
pu me convaincre que sa représentation, indépendante de celle du calmar ou de
la pieuvre, figurait encore dans les récits de pêcheurs avant la Grande Guerre.
Néanmoins, la société dominante imposant sa propre conception de ces créatures,
les gens de mer étaient certainement devenus plus réticents pour en parler.
Oudemans confond une croyance avec son affirmation publique. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Plus libres sur la croyance controversée du
Serpent de Mer, les marins pouvaient trouver là un exutoire à leurs convictions
relatives aux monstres marins. Avec Oudemans, le processus de naturalisation
des anecdotes de Pontoppidan s'est encore accru. Il trouvera un point culminant
dans l'ouvrage du Dr Bernard Heuvelmans, hardiment intitulé :<i> Le Grand
Serpent de Mer : le- problème zoologique et sa solution</i> (1965). Comme son
prédécesseur, cet auteur croit à la réalité du monstre qu'il prétend détecter à
travers les documents anciens. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Heuvelmans reprend lui aussi le dossier de
l'évêque de Bergen. Son livre est encore plus copieux que celui d'Oudemans (751
pages) et encore plus érudit. Toutefois, il ne représente aucun progrès en ce
qui concerne la méthode d'approche des textes anciens. Heuvelmans considère que
l'homme du <span style="font-variant: small-caps">xviii</span><sup>e</sup> siècle possédait les mêmes critères de jugement
que celui du XX<sup>e</sup> siècle. Il se réjouit donc de voir un témoin du
Serpent de Mer à la tête de cheval faire enregistrer légalement, en 1751, une
prétendue observation<a style='mso-endnote-id:edn19' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn19"
name="_ednref19" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[19]</span></a>.
Il ignore le fait que les cours de justice avaient alors à statuer sur la
factualité des témoignages de séductions par Satan ou par les Femmes Sauvages<a
style='mso-endnote-id:edn20' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn20" name="_ednref20" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[20]</span></a>.</span></p> <h3>De la croyance aux monstres </h3> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>A l'époque de Pontoppidan, la culture
paysanne jouissait d'un grand prestige, même auprès des puissants. Pontoppidan
lui-même et l'évêque Gunnerus, en 1768, avaient célébré les merveilles
réalisées par les artisans, les sculpteurs sur bois et sur pierre<a
style='mso-endnote-id:edn21' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn21" name="_ednref21" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[21]</span></a>.
Ces artistes rustiques reproduisaient souvent les monstres traditionnels et,
parmi eux, le serpent à tête de cheval, le lindorm et la femme marine. Que des
gens, influencés par ces images, prétendent les avoir observés, quoi de plus
compréhensible !<a style='mso-endnote-id:edn22' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn22" name="_ednref22"
title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[22]</span></a>. C'est la
croyance collective qui garantissait l'unanimité et la concordance entre les
témoignages qui avaient tant impressionné l'évêque de Bergen. En 1804,
l'écrivain allemand Ernst Moritz Arndt, fit un voyage en Suède. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Sur la route du Jämtland, l'un de ses cochers
le régala d'histoires d'ours féroces et de Lapons sauvages. Il était surtout
inépuisable, raconte Arndt, en ce qui a trait aux Esprits des Eaux et des Bois
qu'il prétendait avoir rencontrés. Un jour de printemps, alors qu'il se
trouvait dans la forêt, une jeune fille aux longues nattes blondes vint
s'asseoir près de son feu. Il remarqua qu'elle avait des griffes aux doigts,
comprit qu'il s'agissait d'une Skogsra, d'un esprit des bois. Il lui demanda
alors si elle voulait partager son repas. Elle acquiesça d'un signe de tête. Il
lui tendit de la nourriture au bout de sa hache, car il ne voulait pas se
trouver à portée de ses griffes. <b></b></span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>A ce moment elle disparut en riant comme une
chandelle que l'on renverse<a style='mso-endnote-id:edn23' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn23"
name="_ednref23" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[23]</span></a>.
</span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Qu'aurait pu faire Pontoppidan d'un tel récit ? En retranchant le final, la disparition surnaturelle, il aurait pu le
réinterpréter comme une rencontre avec la représentante d'un peuple primitif
caché dans les profondes forêts septentrionales. Pour Heuvelmans, ce serait
peut-être, dûment émondé, un exemple de contact avec une néanderthalienne
survivante. La science ne gagne rien à de telles conversions. Les
pseudo-néanderthaliens reliques sont tout aussi élusifs que la surnaturelle
Skogsra. Et la croyance en l'esprit des bois persiste encore aujourd'hui au
Jamtland, comme on me l'a affirmé, lors d'un séjour. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Les anecdotes d'observations de monstres
marins que contient<i> L'Histoire Naturelle de Norvège</i> ne sauraient être
considérées comme des ethnotextes. Elles sont certes parties de récits de
pêcheurs et des marins de la côte ouest, mais l'imprimé n'en fournit qu'une
révision, au terme de complexes processus d'adaptation à la culture dominante.
La narration de rencontres avec l'homme-marin et le serpent de mer a été
rationalisée par les pasteurs locaux, puis par l'évêque lui-même. L'écrit
transmet donc non pas la version populaire mais au contraire une traduction
évhémériste. Ajoutons que cette version fait elle-même l'objet de découpage
durant tout le XIX<sup>e</sup> siècle. La variante que nous en offre
aujourd'hui un dépisteur d'animaux mystérieux comme Heuvelmans, est donc
extrêmement éloignée de celle des informateurs norvégiens. L'auteur du<i> Grand
Serperit de Mer</i> applique consciemment la méthode évhémériste. Dans un
article de la revue<i> Planète</i> où il exposait ses théories, il affirme franchement
qu' « Evhémère avait raison »<a style='mso-endnote-id:edn24'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn24" name="_ednref24" title=""><span
style='mso-special-character:footnote'>[24]</span></a>. L'on ne saurait être plus clair. Pourtant, le serpent de mer et ses
pareils n'ont nullement été factualisés. Pontoppidan, Oudemans et Heuvelmans
ont simplement substitué une description savante à la définition populaire. Au
nom du réel evhémériste, c'est pourtant toujours la foi qui guide le croyant
aux monstres. </span></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><b><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'> </span></b></p> <p class=MsoNormal style='mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><b><span
style='mso-bidi-font-size:11.0pt'>Notes</span></b></p> </div>
<div style='mso-element:endnote-list'><![if !supportEndnotes]><br clear=all>
<hr align=left size=1 width="33%">
<div style='mso-element:endnote' id=edn1> <p class=MsoNormal style='margin-left:17.0pt;text-indent:-17.0pt;line-height:
normal;mso-hyphenate:none;tab-stops:0cm 36.0pt 72.0pt 108.0pt 144.0pt 180.0pt 216.0pt 252.0pt 288.0pt 324.0pt 360.0pt 396.0pt 432.0pt'><a
style='mso-endnote-id:edn1' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref1" name="_edn1" title=""><span style='mso-special-character:footnote'>[1]</span></a><span
style='font-size:10.0pt'> - Dialogues d'Evhémère, in : <i>Œuvres complètes de
Voltaire</i>, tome 36. Ghota C., G. Ettinger, 1786, p. 495. Sur la méthode
d'Evhémère</span><span lang=EN-GB style='font-size:10.0pt;mso-ansi-language:
EN-GB'>, voir Ruthven Todd :<i> Tracks in the Snow : Studies in English.</i>
Sciences and Art, London, Grew Walls Press, 1946, p. 30-31.</span><span
style='font-size:10.0pt'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn2> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn2' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref2"
name="_edn2" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[2]</span></a> - Delisle de
Sales :<i> Histoire du monde primitif.</i> Paris, 1779, 4<sup>e</sup> édition
refondue, tome 5, p. 292. Pour l'hypothèse de Sagan, cf. I.S. Shklovski et C.
Sagan :<i> Intelligent Life in Universe.</i> <span lang=EN-GB style='mso-ansi-language:
EN-GB'>San Francisco, Holden Bay, 1966.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn3> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn3' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref3"
name="_edn3" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[3]</span></a> - <span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Cf. Jocelyn Godwin :<i> Athanasius Kircher</i>
(1979). Trad. éd. Jean-Jacques Pauvert, 1980, p. 25-39.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn4> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn4' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref4"
name="_edn4" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[4]</span></a><span
lang=DE style='mso-ansi-language:DE'> - </span><span lang=DE style='mso-bidi-font-size:
8.0pt;mso-ansi-language:DE'>Cf. A. Kircher :<i> Mundus Subferraneus-Amsterdam.</i>
</span><span lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>J.
Jansson, 1965, II, p. 91-97.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn5> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn5' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref5"
name="_edn5" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[5]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - </span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>J'utilise la
traduction anglaise : Erik Pontoppidan :<i> The Natural History of Norway</i>.
London, A. Linde, 1755, chap. 8, II : « Concerning certain sea-monsters or
strange and uncommon sea-animals », p. 183-218.</span><span lang=EN-GB
style='mso-ansi-language:EN-GB'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn6> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn6' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref6"
name="_edn6" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[6]</span></a> - <span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Cf. mon ouvrage ;<i> Lake Monster Traditions. </i></span><i><span
lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>A cross
cultural analysis.</span></i><span lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:8.0pt;
mso-ansi-language:EN-GB'> </span><span style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>London,
Fortean Tomes, 1988, p. 12-31 (Homme-marin et serpent de mer). Sur la sélection
idéologique. et la refonte des informations par Pontoppidan, dans le cas du
serpent de mer, l'on pourra consulter mon article :<i> A cultural archaelogy of
the Norse sea-serpent.</i> </span><span lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:
8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>In :<i> Fortean Times.</i> </span><span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>London, n” 51, niver 1988-1989, p. 63-68. L'on
trouvera enfin quelques éléments sur le Kraken de Pontoppidan dans mon article
d'Etudes Lovecraftiennes, n' 9 (déc. 1990).</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn7> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn7' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref7"
name="_edn7" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[7]</span></a> - <span
lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Pontoppidan : op. cit. préface, p. XVIII.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn8> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn8' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref8"
name="_edn8" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[8]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - </span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Francis Bacon :<i>
Novum Organum,</i> in :<i> The Works.</i> Ed. Basil Montagu, London Pickering,
1831, vol. 4, p. 138.</span><span lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn9> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn9' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref9"
name="_edn9" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[9]</span></a><span
lang=NL style='mso-ansi-language:NL'> - </span><span lang=NL style='mso-bidi-font-size:
8.0pt;mso-ansi-language:NL'>Haldvan Koht :<i> Norslc Bondereising.</i> </span><span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Trad. Les Luttes des paysans en Norvège.
Paris, Payot, 1929, p. 217-218.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn10> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn10' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref10"
name="_edn10" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[10]</span></a><span
lang=NL style='mso-ansi-language:NL'> - </span><span lang=NL style='mso-bidi-font-size:
8.0pt;mso-ansi-language:NL'>Koht : op. cit., chap. 20.</span><span lang=NL
style='mso-ansi-language:NL'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn11> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn11' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref11"
name="_edn11" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[11]</span></a><span
lang=NL style='mso-ansi-language:NL'> - Pontoppidan : op. cit. II. 185.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn12> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn12' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref12"
name="_edn12" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[12]</span></a> - <span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Sur cette question des présages du XVI<sup>e</sup>
siècle, voir Jean César :<i> La nature et les prodiges. L'insolite au XVI<sup>e</sup>
siècle en France.</i> Genève, Droz, 1977.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn13> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn13' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref13"
name="_edn13" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[13]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - </span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Cf. Peter Burke :<i>
Popular Culture in early modern Europe.</i> London, Temple Smith, 1978. </span><span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Burke envisage la séparation entre les deux
cultures au plan européen. Il note qu'elle s'effectuera avec des rythmes très
différents selon les pays. Au XVIII<sup>e</sup> siècle, les Norvégiens
instruits parlaient danois, langue de la cour du royaume dano-norvégien,
installé à Copenhague, p. 272.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn14> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn14' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref14"
name="_edn14" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[14]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - </span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Cf. M. Meurger :<i>
Lake Monster Traditions,</i> p. 17.</span><span lang=EN-GB style='mso-ansi-language:
EN-GB'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn15> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn15' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref15"
name="_edn15" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[15]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - </span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Ibid, p. 202-204.</span><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn16> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn16' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref16"
name="_edn16" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[16]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> -</span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'> Cf.<i> A cultural
archaeoIogy of the Norse Sea-Serpent,</i> p. 64-65.</span><span lang=EN-GB
style='mso-ansi-language:EN-GB'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn17> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn17' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref17"
name="_edn17" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[17]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - </span><span lang=EN-GB
style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Pontoppidan : Nat.
Hist., II, p. 206.</span><span lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> </span><span
lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:8.0pt;mso-ansi-language:EN-GB'>Cf.<i> Lake
Monster Traditions,</i> p. 17.</span><span lang=EN-GB style='mso-ansi-language:
EN-GB'></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn18> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn18' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref18"
name="_edn18" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[18]</span></a><span
lang=EN-GB style='mso-ansi-language:EN-GB'> - A. C. Oudemans : <i>The
great Sea-Serpent. A historical and Critical Treatise</i>. </span>Leiden, E.J.
Brill, 1982, préface, p. 9-10, 11, 112-115.</p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn19> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn19' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref19"
name="_edn19" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[19]</span></a> - B.
Heuvelmans : <i>Le Grand Serpent de Mer, Le problème Zoologique et sa solution</i>.
Paris, Plon, 1965, p. 68-77.</p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn20> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn20' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref20"
name="_edn20" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[20]</span></a> - Cf. Lake
Monster Traditions, p. 17.</p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn21> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn21' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref21"
name="_edn21" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[21]</span></a> - <span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Voir le chapitre de Halvdan Koth : op. cit.,
sur la culture paysanne norvégienne au XVIII<sup>e</sup> siècle, p. 183.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn22> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn22' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref22"
name="_edn22" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[22]</span></a> - <i><span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Lake Monster Traditions,</span></i><span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'> p. 19-21, sur les modèles artistiques<b> </b>des
observations de « sirènes » nordiques.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn23> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn23' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref23"
name="_edn23" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[23]</span></a><span
lang=DE style='mso-ansi-language:DE'> - </span><span lang=DE style='mso-bidi-font-size:
8.0pt;mso-ansi-language:DE'>Ernst Moritz Arndt :<i> Reise durch Schweden im
Jahre 1804.</i> </span><span style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Nouvelle édition
Erdmann s.d., p. 195-197.</span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn24> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn24' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref24"
name="_edn24" title=""><span style='mso-special-character:
footnote'>[24]</span></a> - <span
style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>V.-B.Heuvelmans :<i> A la recherche du serpent
de mer,</i> in : Planète, n' 3, février-mars 1962, p. 94-103<b> (p. 96),</b>
voir débat entre Heuvelmans et moi, in Fortean Times, n” 54. Printemps 1990.<i>
Interpreting Myth,</i> p. 46-50. </span></p> <p class=MsoEndnoteText><span style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Karen Larsen a
insisté sur le piétisme de l'évêque Pontoppidan et voit en lui la clé de son
intérêt pour l'éducation populaire (K. Larsen :<i> A History of Norway !
Princeton.</i> </span><span lang=EN-GB style='mso-bidi-font-size:8.0pt;
mso-ansi-language:EN-GB'>Princeton University Press, 1950, p. 338).</span></p> <p class=MsoEndnoteText><span style='mso-bidi-font-size:8.0pt'>Peut-être
peut-on également attribuer à l'effet de ce piétisme, le désir de l'évêque de
Bergen de venir à bout des « superstitions » de ses paroissiens et, pour le cas
qui nous intéresse, de leur croyance en des monstres marins originaires d'une
culture populaire étrangère à la fois à la culture religieuse et à la culture
scientifique dont il était le représentant. Pontoppidan aurait ainsi mis au
service de la Mission intérieure, en Norvège même, l'esprit piétiste qui
poussait les Danois de son temps, comme Thomas Von Westen et Hans Egede, à
aller convertir les Esquimaux du Groenland.</span></p> </div>
</div></div>
Exploration de l'imaginaire
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article98
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article982007-06-11T15:15:26Ztext/htmlfrPr. Juliette BoutonierPsychologieJuliette BoutonnierClaude PrevostPsycho-philosophieG. BachelardLa persistance dans le psychisme de l'adulte de formes de pensée irrationnelles n'implique nullement que ce domaine de la vie mentale doive échapper à toute loi. Déjà des travaux nombreux et célèbres ont prouvé que la manière dont l'enfant se représente le monde, si elfe n'est pas logique, n'en est pas moins déterminée. L'irrationnel a ses lois, et ceci doit être vrai pour l'adulte comme pour l'enfant.
-
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique5" rel="directory">Psychologie</a>
/
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot76" rel="tag">Juliette Boutonnier</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot77" rel="tag">Claude Prevost</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot78" rel="tag">Psycho-philosophie</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot87" rel="tag">G. Bachelard</a>
<div class='rss_chapo'>La persistance dans le psychisme de l'adulte de formes de pensée irrationnelles n'implique nullement que ce domaine de la vie mentale doive échapper à toute loi. Déjà des travaux nombreux et célèbres ont prouvé que la manière dont l'enfant se représente le monde, si elfe n'est pas logique, n'en est pas moins déterminée. L'irrationnel a ses lois, et ceci doit être vrai pour l'adulte comme pour l'enfant.</div>
<div class='rss_texte'><h4>par le Dr. Juliette Boutonier Professeur à la Faculté des Lettres de Strasbourg (à l'époque)
</h4> <p class="spip">L'imaginaire précède le réel. Le mythe devance
l'expérience, le rêve mêle sa trame à l'enchaînement des phénomènes
naturels, jusqu'au moment où la pensée scientifique nous met en présence de la réalité. Mais l'avènement de cette pensée scientifique exige, pour chaque civilisation, comme pour chaque individu, une évolution dont il n'est pas possible de brûler les étapes. Ainsi le rationnel se prépare au travers de l'irrationnel. Il y a plus : la pensée de l'adulte raisonnable peut se concevoir comme une fonction soumise à des rythmes, ainsi que la plupart des fonctions vitales. Il n'est pas possible de toujours raisonner, pas plus que de ne jamais dormir. Ceux qui se flattent de ne jamais cesser de raisonner sont en général ceux qui déraisonnent irrémédiablement et sans arrêt jusqu'à la « folie raisonnante ». Les repos nécessaires de la pensée raisonnable (rêves, effusions sentimentales, jeux de l'esprit) nous rendent sensible l'importance, pour la santé psychique, du jeu normal des fonctions mentales irrationnelles, où la pensée scientifique plonge des racines, tout comme le tissu nerveux ou d'autres tissus hautement différenciés soutiennent d'étroits rapports avec le tissu conjonctif, tissu dit autrefois « de soutien », non sans quelque mépris, et dont le rôle apparaît aujourd'hui capital.</p> <H3>La fonction de l'irréel</H3> <p ALIGN="JUSTIFY">La persistance dans le psychisme de l'adulte de formes de pensée irrationnelles n'implique nullement que ce domaine de la vie mentale doive échapper à toute loi. Déjà des travaux nombreux et célèbres ont prouvé que la manière dont l'enfant se représente le monde, si elfe n'est pas logique, n'en est pas moins déterminée. L'irrationnel a ses lois, et ceci doit être vrai pour l'adulte comme pour l'enfant.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">A vrai dire, nous ne cessons pas d'imaginer le monde en même temps que nous apprenons à le connaître. Mais l'imaginaire et le réel, indifférenciés pour ainsi dire chez l'enfant, se distinguent plus facilement dans l'esprit de l'adulte. Il n'en est pas moins vrai que notre passé, comme notre présent, prouvent l'existence, à côté de la <i>« </i>fonction du réel », de ce que Gaston Bachelard a nommé quelque part la « <i>fonction de l'irréel </i> ».</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Cette fonction est mise en évidence par les tests projectifs utilisés dans la psychologie moderne. Chacun de ces tests est un objet réel autour duquel l'individu sollicité organise l'univers à sa manière. Qu'il s'agisse d'une histoire à achever, d'une image à interpréter, d'une tache d'encre à décrire, chaque objet ainsi proposé révèle ce que nous pourrions appeler une activité imaginaire structurante.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Le test de Louisa Duss - destiné surtout à des enfants - nous en donne l'exemple le plus simple. Il s'agit d'achever une histoire dont on lit à l'enfant le commencement, telle celle-ci : « Un enfant rentre de l'école et sa maman lui dit : « Ne commence pas tout de suite tes devoirs, j'ai une nouvelle à t'annoncer. » Quelle est cette nouvelle ? » Chaque enfant construira à sa manière la fin de l'histoire et fera surgir autour des linéaments primitifs un univers organisé suivant des lois qui sont caractéristiques de sa propre mentalité. Le test de Rorschach - source inépuisable de recherches fructueuses - propose à l'interprétation un objet - des taches d'encre - dont la signification est totalement arbitraire et par conséquent singulièrement révélatrice. Le test de Murray, dit T.A.T., offre des images lourdes d'interprétations affectives multiples, des visages aux expressions parfois ambiguës, autour desquels le sujet doit construire une histoire qui souligne l'originalité de sa perception de l'image, indissociable de sa manière personnelle de donner un sens à l'univers. Certains tests composés d'images en désordre, sortes d'histoires sans paroles qu'il faut reconstituer, peuvent aussi être utilisés comme tests projectifs. En tout cas, dans ces divers tests, on saisit toujours sur le fait des processus irrationnels de construction du monde, tout prêts à fonctionner à la première occasion. Mais, si irrationnels qu'ils soient, ces processus ne sont pas quelconques, car ils dénotent une orientation affective déterminée. Certains tests ont été choisis (surtout certaines fables de Duss) en raison même des résonances affectives qu'ils ne manquent pas de provoquer. Mais toujours, autour des objets proposés, tout un univers se cristallise en images évocatrices d'angoisse, de drames, de mort, ou de paix et d'amour. En dehors de leur interprétation technique précise, ces tests nous rendent donc tout à coup sensibles les <i>catégories
affectives </i>avec lesquelles chaque être humain construit le monde.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">A vrai dire, une fois les yeux ouverts sur cet aspect de la
réalité, on s'aperçoit que toutes les créations spontanées - celles
surtout oui ne sont pas soumises à une autocritique - ont la même valeur révélatrice que les tests. C'est ainsi que les dessins exécutés spontanément par les enfants ont une tout autre valeur que celle qu'on a cherché à leur attribuer en fonction de l'intelligence seule. Il ne s'agit pas seulement de savoir comment ils sont faits (et l'adresse ou la maladresse elles-mêmes sont pourtant significatives, quand elles sont limitées à un objet déterminé ou à une catégorie d'objets), mais pourquoi ils sont choisis. Une étude patiente montrerait que certains dessins apparaissent à un certain âge, et que s'il s'agit d'un enfant d'un âge déterminé, ce n'est pas par hasard qu'il dessine avec insistance une maison, une auto ou un personnage humain, Sans doute des expériences récentes peuvent influencer le dessin : l'enfant répète ce qu'il a appris à faire en classe, ou près de ses parents.
Mais n'est-ce pas alors parce qu'il a peur d'innover, et se croit obligé
d'imiter les adultes, par crainte d'être critiqué ? Cette appréhension, qui
est déjà un trait de caractère que l'on peut corriger, n'empêche d'ailleurs
pas que l'enfant trahisse certains goûts par le choix qu'il fait, et qu'il
mette dans ses dessins quelque chose de son âme du moment.</p> <p ALIGN="JUSTIFY"> </p> <p ALIGN="JUSTIFY">Ainsi, récemment, un enfant de sept ans dessine devant moi une montagne (sujet favori depuis quelques jours), mais ce jour-là, il la creuse d'un volcan, puis il fait passer un train sur le flanc de la montagne, et l'image du train se superpose, au milieu de la montagne, à celle du profond cratère qui la traverse. Or, sur le wagon qui se trouve ainsi placé en travers du cratère, l'enfant écrit « Fragile », parce que, me dit-il, dans ce wagon, il y a des choses qui se cassent. Il parle beaucoup du train et plus du tout du volcan. Je lui fais cependant remarquer que son wagon « Fragile » est très mal pincé, se trouvant au milieu du cratère et que s'il y a une éruption...
« C'est ennuyeux, dit-il, mais on ne peut pas faire passer le train ailleurs ». Un moment après, sa mère survenue, demande s'il m'a raconté ce qui lui était arrivé dans la semaine : il ne me l'avait pas raconté, du moins avec des mots... Car la mère alors m'apprend qu'il s'est montré agité et maladroit cette semaine, au point d'avoir cassé une assiette et je ne sais quel autre objet fragile. A ce moment nous pouvions mieux comprendre le dessin où se rencontraient le volcan et le wagon « Fragile ».</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Des cas privilégiés tels que celui-ci doivent nous ouvrir les yeux sur la valeur profonde de dessins en apparence banaux.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Voyons par exemple <i>la maison, </i>dessin spontané de bien des enfants de cinq à six ans. La maison est un objet, mais ce n'est pas cet objet qu'ils dessinent, c'est une maison où l'on retrouve quelque chose d'eux et de leur situation affective.</p> <p ALIGN="JUSTIFY"> </p> <p ALIGN="JUSTIFY">Une petite fille énurétique a dessiné un jour devant moi une maison, et sur la façade elle a figuré un robinet dont l'eau coulait : on ne pouvait pas, m'a-t'elle expliqué, fermer ce robinet, il coulait tout le temps et il inondait le jardin et même la maison. Cette image en apparence saugrenue, que l'on ne peut rattacher à aucune expérience, s'accorde au contraire fort bien avec ce que nous savons de son incontinence...</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Un autre enfant revient avec obstination, certains jours, sur un dessin qui représente une maison en démolition, hérissée d'échelles. Or, il n'y a pas de chantier ni de maison en démolition qu'il ait l'occasion de voir. Cette image vient donc de lui et de sa situation affective.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Et c'est ici que le dessin spontané de l'enfant rejoint, on le voit, le test projectif. Ce que l'enfant dessine, c'est un fragment de lui-même, ou si l'on veut c'est l'un des objets à travers lesquels il devient lui-même ; car comment pourrait-il devenir lui-même si ce<b> </b>n'est par ce tissu serré de relations établies entre l'être et les choses, qui lui permettent de prendre forme, comme la plante qui s'enracine dans le sol ? Cet objet que l'enfant dessine est un moment de sa vie, c'est son problème ou son amour. N'y revient-il pas comme un adolescent amoureux retrouve sous sa plume distraite les initiales ou le nom de la personne aimée ?</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Animisme que tout cela, dira-t-on. Et c'est vrai. Mais peut-être n'a-t-on pas mesuré complètement ce que cela signifie ; selon cet animisme, tout objet est un état d'âme. Par exemple, la maison ne se sépare pas de la vie profonde et intime de l'enfant, à l'âge où il est étroitement dépendant de ses affections familiales et surtout de l'influence maternelle. Suivant l'âge de l'enfant et peut-être surtout suivant son niveau affectif, certains objets sont pour lui privilégiés, parce qu'en les évoquant il se place dans le climat affectif dont il a besoin pour s'épanouir complètement.</p> <p class="spip">Les périodes sensibles découvertes par Maria Montessori doivent exister dans tous les domaines où se manifeste l'évolution de la mentalité enfantine, et il y a sûrement des périodes sensibles de la vie affective, dont une étude attentive des activités spontanées de l'enfant nous livrerait le secret.</p> <H3>Les objets de l'imaginaire</H3> <p ALIGN="JUSTIFY">Ainsi les objets « réels » que dessine un jeune enfant sont plus révélateurs de son monde intérieur que des enseignements que lui a apportés l'expérience. Leur nom familier ne doit pas nous faire illusion et ils ne diffèrent pas essentiellement des êtres fabuleux avec<i> </i>lesquels ils voisinent souvent, tels par exemple le loup. Ce loup, dont la plupart des enfants n'ont évidemment aucune expérience véritable, dont ils ont certes entendu parler, mais dans certains cas, à peine une ou deux fois, a la même valeur révélatrice dans leurs dessins que certaines réponses à un test projectif. Le loup est quelque chose de l'âme de l'enfant qui a besoin d'exister, une manière d'être dont il lui faut prendre conscience et à l'égard de laquelle en même temps il réagit, car dessiner le loup n'exclut pas qu'on en ait peur, ni surtout qu'on suscite en face de lui les chasseurs qui le tuent. Le conflit ainsi figuré illustre un moment dramatique de l'âme enfantine, et il ne nous reste plus qu'à tenter de comprendre quels instincts violents l'enfant cherche, peut-être à tort d'ailleurs, et souvent sans grand
succès, à réprimer.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Mais, si imaginaires que soient les objets avec lesquels il crée l'univers de ses fantaisies, l'enfant ne les invente pas complètement. La maison, l'avion, les bombardements, procèdent en quelque façon de l'expérience, le loup, la sorcière, le diable en proviennent aussi ; car, bien qu'il s'agisse dans ce dernier cas d'une expérience conventionnelle, l'enfant ne fait pas la différence. Comment la ferait-il ? La seule réalité qu'il puisse atteindre est toujours si profondément façonnée par la vie sociale qu'elle paraît tout lui devoir ; qu'il soif plus ou moins civilisé, qu'il soit campagnard ou citadin, l'enfant n'est d'abord en contact qu'avec des êtres
humains et attentif aux objets mêlés à leur existence : s'il s'éloigne de
l'abri - hutte ou palais - où il vit, il suivra le chemin, le sentier ou l'adulte qui le guide. Toutes ces choses dont est faite la vie quotidienne prennent forme par le langage, l'image, mais on parle aussi bien des gens absents que du loup ou du croquemitaine, et on fait leur portrait. C'est donc avec des éléments imaginaires provenant du milieu social <i>physique </i>et <i>mental, </i>caractéristique d'une civilisation donnée, que l'enfant donne une forme à
son âme du moment. Il serait extrêmement intéressant de comparer les
créations spontanées - dessins, contes - d'enfants appartenant à des
sociétés profondément différentes, tant par leur industrie et leur
civilisation que par leur folklore et leurs religions, et de chercher s'il
existe une équivalence affective profonde entre certains objets ou certains
êtres fabuleux à travers les diverses civilisations. Si l'on en croit Jung,
cette équivalence existe. Elle est au point de départ de sa conception des <i>archétypes</i>.
Les archétypes sont « des systèmes disponibles, images et émotions à la fois » - nous dirions volontiers des <i>images-émotions </i>- qui sont liés par leur tonalité affective. Ainsi l'archétype de <i>la mère </i>rassemble les images non seulement de la femme qui en a joué le rôle, mais du foyer, de la maison, des terres cultivées qui l'entourent, du champ de blé, de la vache qui donne le lait, du troupeau. Tout cela, dit Jung, ne constitue que cette partie de l'archétype qui se relie directement à l'image de la mère et aux premières expériences de l'enfant. Mais à mesure que l'enfant grandit, et que l'image des parents se rapetisse, les réalités jusque là éclipsées par les personnages humains prennent un relief nouveau. Alors d'autres puissances « qui
portaient auparavant le masque des parents » se dévoilent : la terre, l'eau, par exemple, si nous nous bornons à l'archétype maternel. Ces objets nouveaux sont « <i>la réalité correspondant à une conscience de soi d'un degré plus élevé </i> ».</p> <p ALIGN="JUSTIFY">On peut ainsi explorer le domaine d'un archétype à travers les images poétiques auxquelles il a donné naissance, et qui toutes procèdent d'une tonalité affective commune. C'est ce travail que Gaston Bachelard a fait pour l'Eau, l'Air et le Feu, en montrant comment chacun de ces éléments détermine un horizon imaginaire qui a ses perspectives propres, et révèle en même temps un monde spécifique de sentiments humains. Nous aimerions un jour voir compléter ces études par une recherche plus systématique des types auxquels les divers éléments correspondent : types déterminés suivant l'âge (ne sait-on pas que barboter dans l'eau, plonger ses pieds dans les flaques d'eau quand il pleut, peut être à un certain âge un irrésistible besoin pour
certains enfants ?) ou, suivant le caractère, car il est possible que ces éléments soient de véritables réactifs psychologiques.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Mais en outre, il y a une distinction que nous voudrions essayer de faire parmi ces familles affectives d'objets imaginaires qui correspondent à un archétype. Certaines images paraissent construites avec des éléments empruntés directement à l'expérience : la maison, la mer, la flamme..., d'autres font intervenir des êtres mythiques qui sont déjà une interprétation de cette expérience, la nymphe, la sirène, la sylphide... Sans doute ces créations fabuleuses ne sont trop souvent que des souvenirs scolaires auxquels une rhétorique désuète se croit obligée de recourir. Mais nous aurions tort de nous laisser aveugler par ces abus. L'étude des rêves nocturnes prouve que des personnages mythologiques peuvent y être évoqués ou recréés (sans souvenir récent ou même sans souvenir conscient) par tout
individu, même fort ignorant. Le rêve éveillé dirigé, pratiqué selon la
technique de Robert Desoille, conduit à la même conclusion : quand le sujet parvient à atteindre une certaine concentration mentale, il évoque des images qui ne sont plus directement en rapport avec les souvenirs et les événements de sa vie personnelle, mais qui paraissent inspirées par certains personnages mythiques ou fabuleux (un archange, le nautonier Caron...) Sans doute ces thèmes mythologiques sont beaucoup plus rares, généralement, dans les rêves nocturnes et même dans les rêves éveillés que les évocations d'images plus banales. La technique de la psychanalyse freudienne ne fait aucune différence
entre l'interprétation des rêves contenant des symboles mythologiques et celle des rêves banaux. C.-G. Jung au contraire, s'il n'interprète pas à proprement parler ces rêves autrement que les autres, leur accorde une valeur spéciale, parce qu'il y voit une manifestation de l'inconscient collectif, plus profond et moins fréquemment apparent que l'inconscient personnel. De tels rêves, selon sa théorie, peuvent donc éclairer le médecin sur les causes les plus secrètes de la névrose, causes qui sont inscrites dans le destin de l'espèce plutôt que dans celui de l'individu. On peut vérifier en tout cas, que les images qui relèvent de l'inconscient, collectif, au cours du rêve éveillé, ont une valeur affective réellement spécifique : plus solennelles et plus impersonnelles, elles ne sont obtenues que si le sujet s'engage totalement dans son rêve, et leur pouvoir cathartique est très supérieur à celui des images bannies d'un rêve éveillé superficiel.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Nous inclinerions donc volontiers à croire que les rêves
nocturnes, eux aussi, engagent plus ou moins profondément l'individu. De toute
évidence, certains rêves ne sont que le prolongement des activités de la
journée, quelquefois leur stérile répétition (et nous ne sommes pas
éloigné de penser que les rêves des animaux doivent être de ce genre : quand
nous voyons, par exemple, un chien de chasse endormi pousser de petits
jappements rythmés et ses pattes tressaillir par saccades, il paraît évident
qu'il rêve qu'il poursuit quelque gibier). Il y a des êtres humains qui
finissent par s'enliser si profondément dans une existence monotone que
l'imagination est bannie non seulement de leur pensée consciente, mais presque
de leurs rêves, de ceux du moins dont ils sont en état de prendre conscience,
car souvent ils disent qu'ils ne rêvent pas. Les rêves eux aussi ont donc
leurs degrés de profondeur, et il y n une manière superficielle de vivre
l'imaginaire comme le réel.</p> <H3>Imaginaire et création</H3> <p ALIGN="JUSTIFY">Mais plus la personne s'engage authentiquement dans le réel
comme dans le rêve, plus elle aboutit à des vues impersonnelles. Il ne faut
pas crier au paradoxe : rien ne donne à l'homme de science, au chercheur, un
sentiment de vie personnelle aussi intense que le moment de la découverte
véritable. Or, ce qui caractérise cette découverte, c'est d'être une
certitude communicable, lumineuse pour toutes les intelligences et riche de
conséquences éclatantes pour tous les esprits, succédant à des hypothèses
confuses, incertaines, mal reliées entre elles par des expériences isolées
qui faisaient l'effet d'histoires sans suite. Il est donc bien vrai que l'acte
le plus personnel de l'esprit, celui de la découverte, aboutit, dans la science
au moins, à une création qui prend une valeur impersonnelle. Cela paraît
peut-être moins vrai pour l'art que pour la science, et nous ne voudrions pas
refaire ici un long procès, mais apporter seulement notre témoignage. Il nous
semble que la seule œuvre d'art qui dure est celle à travers laquelle, par des
moyens personnels, l'artiste a atteint ou révélé un point de vue sur le monde
qui dépasse sa personne. Les œuvres des malades, névrosés ou aliénés, ne
sont <i>esthétiquement </i>valables que si elles nous forcent un moment à
oublier qu'elles sont des documents sur un cas, si elles nous invitent à passer
de ce malade à un être qui n'est plus uniquement fui. Ainsi toute œuvre d'art
véritable rejoint-elle ou crée-t-elle un mythe impersonnel. Les autres ne sont
que des curiosités qui se démodent. Et il ne serait pas excessif d'affirmer
que les œuvres qui traversent les siècles sans perdre de leur force sont les
plus lourdes de cette impersonnalité qui est le comble de l'humain.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">La création artistique suppose donc, croyons-nous, comme la
découverte scientifique, un approfondissement de la pensée personnelle qui
aboutit à l'enrichissement de la pensée collective. Pourtant, nous dira-t-on,
rien de stérile comme ces répétitions incessantes d'un même thème par
l'imagination humaine, avec plus ou moins de succès, au cours des siècles. On
voit progresser la science, on ne voit pas progresser l'art. Où est alors
l'enrichissement de la pensée collective par l'art ?</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Notons d'abord que les progrès de la science, si rapides
qu'ils soient, n'excluent pas certaines répétitions vaines de recherches sur
un même thème. Pour une découverte éclatante, que de patientes démarches
demeurées obscures et en apparence inutiles ! Pourtant, tout se passe comme si,
à travers ces efforts dispersés et souvent même dirigés vers des buts
diamétralement opposés à l'objectif final encore inconnu, la vérité
mûrissait dans la pensée collective ; un jour elle éclôt un peu partout.
Rien de frappant comme la simultanéité des découvertes scientifiques. Des
chercheurs, indépendants les uns des autres et qui s'ignorent, font les mêmes
découvertes à quelques mois ou quelques semaines près. Et ceci dépend
davantage de l'outillage mental que de la similitude, qu'on pourrait parfois
invoquer, des appareils de recherche, car la coïncidence est aussi frappante en
mathématiques pures que dans les sciences expérimentales ou naturelles.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Quand les artistes reviennent sur un même thème, cela ne
veut donc pas dire qu'ils ont une activité stérile, mais que le problème
humain qui les hante n'est pas résolu. Nous pensons maintenant surtout à la
production littéraire : nous comparerions volontiers <i>la. </i>production
littéraire des sociétés humaines à ces dessins que nous donne un enfant an
cours de séances successives de psychanalyse. S'il refait toujours le même
dessin, ou s'il revient toujours sur îe même thème, il faut penser que dans
ce dessin se trouve exprimé le problème affectif qu'il a besoin de résoudre
à ce moment, soit en raison de son âge et de son évolution normale, soit en
raison d'une fixation névrotique. Quand son conflit intime sera dénoué, il
abordera d'autres sujets. Ainsi les œuvres littéraires, croyons-nous,
correspondent en quelque façon à des problèmes affectifs qui se posent pour
une société et une civilisation. Mais ce n'est pas quand cette correspondance
est évidente qu'elle est la plus profonde : les œuvres nées de l'actualité
immédiate ne sont pas plus instructives que les dessins trop directement
inspirés à un enfant par la leçon qu'on vient de lui faire le matin même en
classe, ou le récit des incidents récents avec lesquels un adulte « meuble »
une séance de psychanalyse. Nous ne voulons pas dire que ces œuvres de
circonstance ne nous apprennent rien sur la mentalité de leur époque, comme il
serait exagéré de prétendre qu'un psychanalyste ne peut rien tirer des
dessins dont un enfant a gardé le souvenir instructif, ou des propos d'un
adulte préoccupé par un événement qu'il vient de vivre. Mais pour qu'une
œuvre littéraire inspirée par l'actualité ait une valeur esthétique
réelle, il faut qu'elle dépasse cette actualité, faute de quoi, même si son
succès commercial est énorme, on peut être sûr qu'il ne sera que passager,
car il répond à des passions éphémères que l'artiste flatte, et relève
plutôt de la mode que de l'art. C'est pourquoi, sans doute, tant d'artistes
préfèrent, pour traiter des sujets actuels, mettre en scène des personnages
d'une autre époque, ou mieux encore des héros de légendes ou de mythes. Mais
cette précaution, ou cette protection instinctive contre le malheur du temps,
restera inutile, l'œuvre ne dépassera pas son époque, si l'artiste ne s'est
pas aventuré au delà des remous affectifs qui distraient l'homme de lui-même
sans l'instruire sur lui-même.</p> <H3>Imaginaire et événements</H3> <p ALIGN="JUSTIFY">D'ailleurs, l'actualité ne pénètre dans l'art qu'à
travers une certaine affabulation. Et même quand l'œuvre manque son but, et
qu'elle apparaît d'emblée maladroite ou ridicule, H est instructif de
rechercher quel est l'élément imaginaire dont l'auteur a cru devoir se servir
comme ingrédient pour nous préparer un régal esthétique. Or, qu'il s'agisse
de guerres ou d'explorations, de navires qui coulent, d'avions qui se perdent,
ou de destins glorieux, ce que nous retrouverons toujours, plus ou moins
adroitement mêlé au thème initial, c'est une « histoire d'amour ». Il y a
bien peu d'exceptions à cette règle, que le cinéma vérifie souvent d'une
manière presque caricaturale, et qui s'applique même en dehors de l'actualité
proprement dite, chaque fois qu'un autour s'inspire de l'histoire pour
construire un drame ou un roman. Ce procédé souligne la part énorme faite à
l'amour par l'art, surtout par la littérature et l'art dramatique, à notre
époque, il s'agit bien entendu de l'amour sexuel qui unit l'homme et la femme ;
les autres sentiments humains (amour maternel, paternel, sentiments familiaux,
religieux, etc.), sont éclipsés par lui. C'est à lui seul qu'on pense quand
on parle de l'amour. Or, cet amour est bien le thème essentiel que l'on
retrouve, depuis deux ou trois siècles, au fond de la plupart des œuvres littéraires
(et qui en tout cas est rarement complètement absent), dans les pays de
civilisation européenne tout au moins. Si nous rappelons ces faits trop connus,
c'est pour aligner ce paradoxe : voici des sociétés bouleversées en fait par
des transformations sociales sans précédent, engagées dans dès guerres
incessantes, continentales, coloniales, mondiales ; créatrices d'une science
qui ouvre à la pensée et à la technique humaines des horizons illimités, des
sociétés dont l'histoire dira qu'elles ouvrent l'âge atomique. Ne serait-on
pas en droit de croire que leur littérature porte la marque de ces gestations
gigantesques ? Or, si l'on s'en tenait à la production littéraire pour
connaître ce que furent ces sociétés, si par exemple quelque mauvais génie
détruisait notre civilisation et n'en laissait subsister, pour renseigner sur
elle de lointaines générations futures venues d'une autre planète, que nos
drames et nos romans, ceux qui prendraient connaissance de ces œuvres
pourraient croire que l'amour a été la préoccupation essentielle et à peu
près unique des hommes modernes. Pourtant, si importante que soit la place que
l'amour occupe en fait dans la vie, il est loin de jouer un rôle aussi capital.
Pour beaucoup d'êtres il n'a été qu'un sentiment confus et épisodique, vite
éclipsé par les exigences de la vie matérielle : le travail, les charges
familiales, le<sub> </sub>souci du lendemain. D'autres ont préféré en
réalité à l'amour la<sub> </sub>richesse, la puissance, la science. Et
pourtant, depuis deux ou trois siècles au moins, le rêve obstiné des poètes
et des écrivains tourne autour du même problème : l'amour. Leur succès même
prouve que ce rêve répond à une exigence profonde des hommes de leur époque.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Pour comprendre ce paradoxe, nous sommes tentés de faire
appel à ce que la psychanalyse nous a appris des individus : on sait que Freud
a d'abord proposé une explication de la vie affective de l'homme en fonction
d'un pouvoir d'amour, qu'il a appelé libido<i>, </i>qu'on a proposé de
traduire par « aimance ». Cette libido passe, au cours de la vie de l'enfant
par diverses phases dont chacune correspond à l'activité et aux instincts
caractéristiques d'un âge donné. Par exemple, téter est pour le nourrisson
un besoin, un plaisir, et constitue la principale activité dont il soit capable
de prendre l'initiative. C'est la phase orale de la libido. L'évolution
affective ne se fait normalement que si, à chaque phase, la libido a pu être
satisfaite. Dans le cas contraire se produisent des refoulements. L'éducation
doit en principe adapter l'enfant à la vie sociale en lui demandant
d'inévitables sacrifices, mais au moment où il est capable de les faire et
d'apprécier la contrepartie qu'ils lui apportent. Ainsi évitera-t-on le plus
possible les refoulements en utilisant la tendance naturelle de la libido à se
transformer et en respectant les lois de son évolution. L'individu normal
arrivé à l'âge adulte, s'il dispose intégralement de sa libido, de son
pouvoir d'amour, sera capable d'aimer : <i>physiquement </i>d'abord, l'acte
sexuel ne posant pas pour lui de problèmes ; <i>affectivement, </i>ou si l'on
préfère, <i>tendrement, </i>car il ne dissociera pas la tendresse et la
sensualité. Il sera capable de <i>faire un choix et de s'y tenir, </i>car
trouvant une satisfaction totale près de l'être auquel il s'attache il
n'éprouvera pas le besoin de lui être infidèle, ni de fuir ses
responsabilités d'adulte pour rester enfant au lieu de devenir père ou mère
à son four. D'ailleurs tout ceci ne constitue que l'un des plans - celui de
la vie sexuelle et de la vie familiale - sur lesquels s'épanouit ce pouvoir
d'amour, dont les possibilités peuvent être immenses : car l'être normal
n'épuise pas sa libido dans la vie sexuelle et familiale, il peut encore donner
beaucoup de lui-même à son travail, à ses amis ou à ses semblables,
s'attacher à un idéal, non sans effort peut-être, mais avec joie. Or, que se
passe-t-il quand l'évolution affective a été entravée ? L'individu ne peut
pas aimer complètement : c'est tantôt l'impuissance ou la frigidité, tantôt
l'absence de tendresse, la dissociation de la tendresse et de la sensualité, la
chimérique poursuite d'un amour parfait, avec son cortège de déceptions et
d'infidélités ; c'est la peur ou la haine de tout ce qui entrave une liberté
illusoire : l'amour durable, le mariage, l'enfant. Cette inquiétude affective
s'accompagne souvent d'une inadaptation plus ou moins apparente dans tous les
domaines où s'exerce l'activité : dégoût ou prompte lassitude devant le
travail, stérilité de l'action, mauvaise orientation de l'effort. L'impression
d'insatisfaction est permanente. Alors s'installe l'obsession de l'amour.
L'homme croit qu'il est victime des circonstances, du hasard, qui ne lui ont pas
permis de satisfaire son besoin d'aimer. Malgré les déceptions répétées,
malgré l'âge, il espère trouver l'amour qui le comblera. S'il en a <i>\e </i>temps
et les moyens, sa vie deviendra une poursuite perpétuelle de l'amour à travers
des sensations nouvelles ou des êtres nouveaux. Ne pouvant être satisfait que
passagèrement et incomplètement, l'être humain, homme ou femme, est toujours
prêt pour de nouvelles aventures et toujours attentif à ce qui peut réveiller
son démon.</p> <H3>Amour et malaise dans la civilisation</H3> <p ALIGN="JUSTIFY">Donc, chez l'individu, l'obsession de l'amour traduit
l'impuissance à aimer, et met en évidence à la fois une exigence essentielle
de son instinct et un défaut de sa nature. Nous pouvons supposer que la même
loi reste valable quand il s'agit des sociétés : l'obsession de l'amour
reflétée par la littérature et l'art dans une civilisation exprimerait avant
tout l'échec de cette civilisation à satisfaire un instinct profond de
l'espèce, et le malaise latent créé dans la société par l'insatisfaction
qui en résulte. Si notre hypothèse est exacte, le parallélisme peut se
poursuivre plus loin : . on peut craindre, en effet, que routes les activités
d'une société dont l'art est obsédé par l'amour soient condamnées à la
stérilité, à l'impuissance ou à l'échec, comme celles de l'être névrosé
dont nous parlions tout à l'heure. On peut redouter qu'une telle société soit
prête pour toutes les aventures et pour toutes les catastrophes, comme un homme
aux sens inquiets est capable de renier en une heure d'exaltation passionnée
tout ce qu'il avait construit au cours de longues années de labeur. De telles
vues peuvent paraître fort aventureuses : pourtant, tout le monde reconnaît
volontiers aujourd'hui que dans les sociétés modernes tout ne paraît pas
aller pour le mieux, et qu'il n'y a rien d'extraordinaire à admettre qu'elles
peuvent souffrir de quelque vice latent. Ce qui semblera excessif c'est de voir
un rapport entre des difficultés politiques, économiques, intéressant
d'énormes masses d'êtres humains, et l'obsession de l'amour. Si nous relevons
cette objection inévitable, c'est pour remonter à l'erreur qu'elle suppose.
L'obsession de l'amour, chez l'individu, ne signifie nullement que seul le
problème des rapports sexuels doive être résolu pour obtenir sa guérison.
L'obsession de l'amour est un signe de désadaptation, mais elle ne localise pas
le mal. En d'autres termes, l'homme qui souffre de ne pas pouvoir aimer prend
conscience par cette impuissance d'un défaut de sa nature, mais il faut
chercher la cause de ce défaut, et on la trouvera quelquefois fort loin de la
vie sexuelle proprement dite. Même si cette cause est toujours « libidinale »
au sens freudien de ce terme, elle peut être très éloignée des faits sur
lesquels se concentre l'attention de l'homme qui cherche vraiment l'amour.
Veut-on un simple exemple ? Pour aimer, il faut d'abord être capable de
s'intéresser vraiment n une autre personne qu'à soi-même, et bien souvent
l'homme obsédé par l'amour ne pense qu'à lui : il s'agira d'abord de trouver
la cause de cette attitude, pour la corriger ensuite au cours de cette
rééducation affective lente et détournée qu'est une psychanalyse.</p> <p ALIGN="JUSTIFY">Il ne faudrait donc pas avoir la naïveté de croire qu'il
suffirait de poser et de résoudre le problème de la vie sexuelle (d'ailleurs
est-ce si facile ?) pour du même coup rendre parfaites nos sociétés.
L'obsession de l'amour dans ces sociétés prouve seulement qu'il y a un
problème à résoudre, mais ne nous apprend pas lequel. Tout ce que nous
pouvons dire, c'est que notre civilisation ne permet pas à l'homme de trouver
une satisfaction à laquelle il aspire, et qu'il en prend conscience, à l'âge
adulte, comme d'une aspiration confuse à l'amour : mais de quoi a-t-il besoin
exactement, qu'est-ce qui lui manque réellement ? Sans doute y a-t-il pour lui
à la fois besoin d'aimer et difficulté à aimer, <i>mais ceci est sûrement un
effet et non une cause. </i>La raison du malaise est ailleurs. Nous ne
prétendons pas que nos recherches nous amèneront à le découvrir. Notre but
actuel est plus modeste : l'obsession de l'amour a engendré depuis plusieurs
siècles une énorme littérature de laquelle nous voudrions dégager quelques
mythes. Nous nous proposons ainsi d'explorer un aspect du monde dont les lois,
pour être celles de l'imaginaire, n'en paraissent pas moins s'imposer avec une
rigueur presque aussi stricte que les exigences du réel.</p> <p class=sign>Juliette Boutonier</p></div>
Symboles et mythes
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article97
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article972007-06-11T09:44:46Ztext/htmlfrMaryse ChoisyAnthropologieMaryse ChoisySymboleRevue PsychéMaryse Choisy fut, durant plus de 20 ans, l'animatrice d'un vaste mouvement de refondation des représentations du monde moderne. Créatrice et animatice de la revue Psyché, elle tenta de réunir dans un même ensemble des chercheurs, des physiciens, des psychanalystes, des théologiens, des philosophes.
-
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique2" rel="directory">Anthropologie</a>
/
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot73" rel="tag">Maryse Choisy</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot74" rel="tag">Symbole</a>,
<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?mot75" rel="tag">Revue Psyché</a>
<div class='rss_chapo'>Maryse Choisy fut, durant plus de 20 ans, l'animatrice d'un vaste mouvement de refondation des représentations du monde moderne. Créatrice et animatice de la revue Psyché, elle tenta de réunir dans un même ensemble des chercheurs, des physiciens, des psychanalystes, des théologiens, des philosophes. Las, ses tentatives s'échouèrent sur la grève aride des particularismes et des egos. La réflexion qu'elle suscita n'eut, apparemment, pas de suite. Pourtant, nous devrions la relire car son message est encore porteur d'un futur, au moment où nul philosophie ne s'avère en mesure d'englober dans une même cohérence les drames de la planète.</div>
<div class='rss_texte'><p class=MsoNormal>Le public français lira, étonné, que, dans l'esprit de Maryse Choisy, la psychanalyse n'est pas cette doctrine réduite à l'espace freudo-freudien mais qu'elle s'étend à des espaces bien plus vastes, à l'anthropologie, à l'archéologie...</p> <p class="spip">Cela nous encourage à une méditation qui pourrait être salutaire.
Et si nous reprenions nos affaires à ce point où l'Europe sortait de l'empire du Mal ?</p> <p class=MsoNormal><span style='text-transform:uppercase;mso-font-width:100%'>C</span><span
style='mso-font-width:100%'>e<span style='text-transform:uppercase'> </span>qui
« caractérise la psychanalyse en tant que science, c'est moins la matière
sur laquelle elle travaille que la technique dont elle se sert. On peut, sans
faire violence à sa nature, l'appliquer aussi bien à l'histoire de la
civilisation, à la science des religions et à la mythologie qu'à la théorie des
névroses. Son seul but et sa seule contribution consistent à découvrir
l'inconscient dans la vie psychique. »<a style='mso-endnote-id:edn1'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn1" name="_ednref1" title=""><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[1]<![endif]></span></a><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Aujourd'hui nous tenterons
de suivre le fil secret des mythes.<o:p></o:p></span></p> <p class=DefaultText style='tab-stops:36.0pt'><span style='mso-bidi-font-size:
10.0pt;mso-bidi-font-family:"Times New Roman";mso-font-width:100%'>Et d'abord
qu'est-ce qu'un mythe ? D'où vient la chaleur qui s'en dégage ? Pour répondre à
ces questions essentielles il faudrait d'abord examiner les éléments du mythe :
les symboles. Quel psychanalyste n'a été frappé par la merveilleuse imbrication
des conflits infantiles dans les grands archétypes de l'histoire humaine ? Les
mêmes symboles qui troublent nos rêves dorment' quelque part dans la mémoire
cosmique. Ce langage imagé est le seul dont l'inconscient dispose.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Qui sait s'il ne remonte
pas au-delà du pithécanthrope ? Les quelques expériences faites sur les
dons artistiques des chimpanzés le donneraient à supposer : « L'un des
singes voulant reproduire la chambre dans laquelle il était enfermé a dessiné à
grands traits la note dominante de cette pièce, c'est-à-dire la fenêtre. Un
autre voulant figurer son gardien, s'est borné | à tracer un œil vigilant moulé
sur une tige sans importance. »<a style='mso-endnote-id:edn2' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn2"
name="_ednref2" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[2]<![endif]></span></span></a></span><span
style='mso-bidi-font-family:Arial;mso-font-width:100%'><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Comment mieux expliquer
que la chambre, c'est d'abord la fenêtre par où l'on peut sauter, que le
gardien, c'est le regard gênant qui empêche de fuir ? Le symbole est une action
virtuelle ou un obstacle à cette action. Il porte en lui tout son sens
biologique et son dynamisme. Des milliers d'années le <span style='letter-spacing:
-.05pt'>séparent du verbalisme actuel.</span></span><span style='mso-bidi-font-family:
Arial;mso-font-width:100%'><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Le symbolisme fait partie
de la vie psychique inconsciente. C'est la « langue fondamentale ».
Ce véritable espéranto est un legs phylogénique. « Contrairement aux
représentations des rêves qui, elles, sont variées, les interprétations des sym<span
style='letter-spacing:-.1pt'>boles sont on ne peut plus monotones »<a
style='mso-endnote-id:edn3' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn3" name="_ednref3" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[3]<![endif]></span></span></a>.
Et les condensations </span>d'un Picasso sont plus proches du schéma dynamique
de cet œil sur un bâton, dessiné par les chimpanzés, que de la peinture <span
style='letter-spacing:-.3pt'>artificielle et rationalisée.</span></span><span
style='mso-bidi-font-family:Arial;mso-font-width:100%'><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Freud, le premier,
déchiffra la réalité intérieure derrière les images du rêve. C'est là une de
ses plus intéressantes décou- vertes. Combien pourtant l'ont taxée de
« littérature » ! Combien ont crié à l'arbitraire pour n'avoir
pas su l'assimiler ! « Des critiques bienveillants nous assurent qu'ils
seraient prêts » <span style='letter-spacing:-.15pt'>à accepter nos thèses
si nous voulions bien renoncer à ce malheu</span>reux symbolisme. Hélas, il est
à la base de tout. Et il est si peu arbitraire qu'il est affaire de
constatation, je dirais presque de statistique. Le symbole est en effet un
autre nom de l'association que personne ne conteste. Il sous-entend simplement <span
style='letter-spacing:1.75pt'>en </span><span style='letter-spacing:-.3pt'>plus
que des <i>réactions affectives analogues se répètent à l'égard des </i></span><i><span
style='letter-spacing:-.1pt'>objets associés. </span></i><span
style='letter-spacing:-.1pt'>En d'autres termes, la théorie du symbole revient </span>à
substituer à l'association des idées une association des tendances. En outre
elle ne se contente pas comme l'ancienne psychologie à tracer un cadre
théorique mais elle décrit déjà certains de ces groupes associatifs concrets,
particulièrement <span style='letter-spacing:-.05pt'>fixes. »<a
style='mso-endnote-id:edn4' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn4" name="_ednref4" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[4]<![endif]></span></span></a><o:p></o:p></span></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-bidi-font-family:Arial;mso-font-width:100%'><![if !supportEmptyParas]> <![endif]><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Le symbole repose donc sur
des associations. Tout se passe comme si les éléments liés dans un de ces
symboles collectifs et qui correspondent en tous points aux éléments d'une
association individuelle, avaient besoin pour s'éveiller dans la mémoire
cosmique de revivre dans l'expérience de chaque enfant. Le symbole éternel
renforce l'association particulière. L'association particulière le confirme.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>On songe au vieux dicton
hermétique : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut. » Et
pourquoi après tout une réalité changerait-elle en s'incarnant dans un bébé,
puisque les <span style='letter-spacing:-.05pt'>causes qui l'ont engendrée
subsistent encore ?</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Mais la psychanalyse est
d'abord une science d'observation. <span style='letter-spacing:-.05pt'>Chaque
théorie doit se sustenter de faits concrets. Précisément </span>les exemples
cliniques abondent dans ce domaine. Pfister<a style='mso-endnote-id:edn5'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn5" name="_ednref5" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[5]<![endif]></span></span></a>
cite le cas d'un petit garçon qui à deux ans rêve d'un ours. Il en a
terriblement peur. Une analyse montre clairement que cet ours n'est pas autre
chose que l'image du père. Le père est barbu, poilu. De plus il effraie
l'enfant avec un petit ours de <span style='letter-spacing:-.05pt'>bronze.
L'association paraît simple.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Mais voici qui l'est
moins. C'est que précisément l'association ours = père appartient au fonds
collectif et se retrouve dans divers folklores. Coïncidence ? Allons donc !
Trop fréquentes, ces sortes de coïncidences ! Le hasard a bon dos. Pourquoi
rêver d'un ours plutôt que d'un martinet ? Lui aussi s'associe avec un père
sévère. Chez le sujet de Pfister le symbole universel s'est cristallisé à
l'occasion du petit ours de <span style='letter-spacing:-.25pt'>bronze.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.15pt;mso-font-width:100%'>Baudouin<a
style='mso-endnote-id:edn6' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn6" name="_ednref6" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[6]<![endif]></span></span></a>
montre également comment chez Victor Hugo, </span><span style='mso-font-width:
100%'>par exemple, les symboles collectifs : aigle = père et empereur = père
viennent renforcer son association particulière <span style='letter-spacing:
-.05pt'>qui pose l'équivalence de son propre père, général de l'Empire, </span>de
l'aigle impérial et de Napoléon.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>A chaque instant
l'imagination enfantine recrée les mythes <span style='letter-spacing:-.15pt'>ancestraux.
Comment ne pas invoquer ici cette fixation hérédi</span>taire de certaines
associations si chère déjà à Darwin ? Freud ne postule pas davantage lorsqu'il
replace le complexe d'Œdipe dans son atmosphère de totémisme.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Mais la théorie jungienne
sur le mythe se rapproche davan<span style='letter-spacing:-.15pt'>tage des
philosophies <i>gestaltistes. </i>La libre activité de la fantaisie </span><span
style='letter-spacing:-.05pt'>telle qu'elle s'exerce dans les rêves, les
visions, les méditations, </span>produit des formes qui apparaissent comme des
motifs caractéristiques. C.-G. Jung mentionne les régulateurs essentiels : le
multiple chaotique et l'ordre, la dualité, l'opposition du clair et du sombre,
du haut et du bas, de la droite et de la gauche, l'union des oppositions dans
un troisième terme, le quaternaire (carré, croix), la rotation (cercle, boulet)
et finalement la convergence, l'ordonnance réglée selon un système quaternaire.
Dans la mesure où l'évolution se laisse fixer sur des matériaux objectifs, il
semble bien que la convergence soit le sommet jamais dépassé jusqu'ici. D'après
l'expérience de Jung elle coïncide pratiquement avec l'effet thérapeutique le
plus puis<span style='letter-spacing:-.1pt'>sant. Il estime que ces symboles
indiquent à la fois des abstrac</span>tions extérieures et les expressions les
plus simples des prin<span style='letter-spacing:-.1pt'>cipes formels <i>(Gestaltungsprinzipien)
</i>opératifs. La réalité con</span>crète est infiniment plus variée et plus
intuitive. Elle dépasse le pouvoir des représentations. Dans toutes les
mythologies du monde il n'est pas de motif qui n'émerge à l'occasion de ces <span
style='letter-spacing:-.3pt'>formes.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>D'autre part, Charles
Baudouin, par ses travaux pratiques <span style='letter-spacing:-.1pt'>sur
l'inconscient collectif, a confirmé ce qu'on a trop longtemps </span>considéré
comme une vue de l'esprit. Ainsi il a proposé à des nombreux sujets en analyse
comme inducteur d'associations <i>l'image bipolaire </i>telle qu'elle est
concrétisée dans l'emblème chinois connu sous le nom de <i>tai-ghi-tou </i>(un
cercle divisé en deux parties égales, blanche et noire, séparées par une ligne
en S. Au cœur du renflement de la partie blanche figure un point noir et
symétriquement un point blanc marque le renflement de la partie noire).
Naturellement Baudouin s'est assuré d'abord que ses sujets ignoraient la
signification officielle de ce symbole du taoïsme. Ensuite il leur a demandé de
dire ce qu'ils y voyaient (comme on peut voir certaines figures dans les nuages
ou les taches d'encre de Rohrschach). À partir de là <span style='letter-spacing:
-.05pt'>il les a priés de se laisser aller à une association d'idées libre. Il </span>les
a écoutés pendant un quart d<sup>'</sup>heure sans intervenir. <o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Le résultat de ses
observations est extrêmement troublant.<a style='mso-endnote-id:edn7'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn7" name="_ednref7" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[7]<![endif]></span></span></a>
A travers toutes ces réponses de sujets les plus variés courent les mêmes
thèmes, les mêmes réactions. Mais plus saisissante encore que la coïncidence de
ces associations spontanées entre elles est leur coïncidence avec la
signification que les maîtres <span style='letter-spacing:-.05pt'>du taoïsme
eux-mêmes ont inscrit et résumé dans le <i>tai-ghi-tou.</i></span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>De tels faits montrent que
la fantaisie menée par ces régulateurs inconscients se retrouve en fin de
compte identique aux célèbres monuments de l'activité spirituelle transmis par
la tradition ou découverts par les ethnologues. Jusqu'à un certain point ces
symboles abstraits sont conscients. Qui ne peut compter quatre ? Qui donc
ignore ce qu'est un cercle ? Mais en tant que principes formatifs ils sont
inconscients comme est inconsciente leur signification psychologique. La main
qui conduit le crayon ou le pinceau, le pied qui esquisse le pas de danse, le
cerveau qui pense ne savent pas ce qui les inspire. Selon Jung un <i>a priori </i>inconscient
régit le devenir de la forme. On a le sentiment d'être livré à un hasard subjectif
sans limites et on ignore que chez le voisin l'inconscient conduit pour les <span
style='letter-spacing:-.1pt'>mêmes raisons aux mêmes formes. Sur tout ce
processus semble </span>planer je ne sais quelle obscure prémonition de la
forme et aussi de son sens. Mais pour Jung forme et sens sont ici identiques. A
mesure que la forme naît, le sens s'illumine. A vrai dire chaque forme
représente son propre sens. Jung assure <span style='letter-spacing:-.05pt'>que
pour guérir ses malades il peut se passer de la signification. </span><span
style='letter-spacing:-.1pt'>Mais la connaissance a des exigences plus sévères.
Elle veut des notions valables pour tous et qui ne soient pas données <i>a
priori. </i></span>Pour cela il faut traduire le symbole éternel toujours
présent, toujours opératif, dans la langue scientifique de l'actualité <span
style='letter-spacing:-.2pt'>momentanée.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>A partir de ces
expériences et de ces réflexions, C.-G. Jung <span style='letter-spacing:-.35pt'>a
reconnu qu'il <i>y a certaines conditions collectives inconscientes tou</i></span><i><span
style='letter-spacing:-.15pt'>jours présentes qui agissent à la fois comme
régulateurs et comme </span>stimulants de l'imagination créatrice</i>. Elles
suscitent les formes correspondantes et utilisent le matériel conscient actuel.
Ces conditions, Jung les nomme archétypes. Dans la mesure où les archétypes
moteurs s'engrènent sur la formation des contenus inconscients, ils se
comportent comme des instincts. <span style='letter-spacing:-.1pt'>L'archétype
jungien est donc une image pulsionnelle, un </span><i><span style='letter-spacing:
-.05pt'>pattern of behaviour</span></i><span style='letter-spacing:-.05pt'> et
en même temps une dynamique. La </span>réalisation de la pulsion ne s'opère pas
par la descente dans la sphère instinctive, mais par l'assimilation de l'image
qui la <span style='letter-spacing:-.05pt'>symbolise. Contre cette descente au
contraire la conscience se </span>révolte. Elle a peur d'être avalée par
l'inconscient de la sphère pulsionnelle. Cette peur est à la source du mythe du
héros. Plus on s'approche du monde des instincts, plus violent s'affirme le
besoin de fuir la nuit pulsionnelle. Mais l'archétype, <span style='letter-spacing:
-.15pt'>forme primitive « incontemplable » en soi que nous ne connais</span><span
style='letter-spacing:-.1pt'>sons qu'à travers les images archétypiques, est un
but spirituel, </span>miroitant devant la nature humaine. Vers cette mer, tous
les <span style='letter-spacing:-.05pt'>fleuves se fraient une voie en
méandres. Pour lui le héros lutte </span>contre le dragon.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>L'archétype a beaucoup de
points communs avec les idées-forces de Fouillée. A la lumière des
connaissances psychana<span style='letter-spacing:-.05pt'>lytiques, Fouillée
serre de plus près les vérités de la sociologie </span>que ne le font Durkheim
ou Lévy-Bruhl, davantage ridés par le temps. Mais l'archétype rappelle aussi l'</span><span
style='font-family:Symbol;mso-font-width:100%'>eidoz</span><span
style='mso-font-width:100%'> de Platon. <span style='letter-spacing:-.15pt'>Pourtant
Jung lui-même se défend contre l'interprétation méta</span>physique de ses
archétypes : « Certaines idées se rencontrent en tous lieux et à
toutes les époques. Elles peuvent même apparaître, en quelque sorte, par
génération spontanée, en dehors de toute immigration et de toute tradition...
Ceci n'est pas de la philosophie platonicienne, mais de la psychologie
empirique. »<a style='mso-endnote-id:edn8' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn8" name="_ednref8"
title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:
footnote'><![if !supportFootnotes]>[8]<![endif]></span></span></a><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Sur quoi Jung se base-t-il
donc pour affirmer que Platon ne faisait pas, lui aussi, de la
« psychologie empirique » ? Les traditions orphiques et
pythagoriciennes qui sous-tendent la <span style='letter-spacing:-.3pt'>doctrine
des </span></span><span style='font-family:Symbol;mso-font-width:100%'>eidoz </span><span
style='letter-spacing:-.3pt;mso-font-width:100%'>ne sont pas des vues
intellectuelles comme nos </span><span style='letter-spacing:-.05pt;mso-font-width:
100%'>philosophies contemporaines. Ce sont des expériences vécues. </span><span
style='mso-font-width:100%'>L'initiation antique est une prise de conscience
concrète d'une partie de l'inconscient collectif.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Tout le malentendu vient
ici de l'interprétation anachronique de faits <i>vécus </i>par la psyché.
L'explication rationnelle n'explique pas le contenu affectif. Ainsi le <span
style='text-transform:uppercase'>xix</span><sup>e</sup> siècle s'est gargarisé
de mythes solaires. Mais que signifie le soleil pour l'inconscient collectif ?
Sûrement pas un phénomène astronomique. Il représente le <i>man</i> créateur de
Dieu le Père. Le ciel est à l'intérieur de chacun de nous.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.05pt;mso-font-width:100%'>Par
la psychanalyse nous nous apercevons que ces astres qui </span><span
style='mso-font-width:100%'>vivent en nous, qui progressent sur notre zodiaque
intérieur, que ces archétypes ne sont pas seulement des figures décoratives
communes à tous les hommes, ni même les poteaux <span style='letter-spacing:
-.05pt'>indicateurs d'une croissance psychique. Qu'un psychiatre </span>comme
Strauss les dise « formes imagées données à une idée catathymique »<a
style='mso-endnote-id:edn9' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn9" name="_ednref9" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[9]<![endif]></span></span></a>
ou que Baudouin les appelle des « nœuds d'énergie »<a
style='mso-endnote-id:edn10' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn10" name="_ednref10" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[10]<![endif]></span></span></a>,
il est certain que les symboles fournissent la <span style='letter-spacing:
-.05pt'>vraie clef dynamique de la vie. Ces grandes forces qui dorment </span><span
style='letter-spacing:-.1pt'>dans le fonds commun de l'humanité sont mises à la
disposition de chacun de nous.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Mais alors ? Attention !
Il devient dangereux de jouer avec les symboles. On ne saurait brandir
impunément ni la gueule du dragon, ni la lance du héros, ni le croissant, ni le
triangle, ni la croix chrétienne, ni le svastika. J'ai conté ailleurs que la <span
style='letter-spacing:-.1pt'>croix gammée - <i>souvastika</i> ou le svastika
aux potences inver</span>sées - avait appartenu à une dynastie des rois Jainas
auprès desquels les Borgias n'étaient que de la petite bière. Notre époque sait
le potentiel d'agressivité qu'elle charrie. Dans le même article j'avais noté
que la Russie soviétique et athée <span style='letter-spacing:-.1pt'>a beau
entasser après coup les explications, les dates, les docu</span>ments,
« rationaliser » son emblème, croire que son choix était volontaire,
l'étoile à cinq branches lui a été imposée par son inconscient national. Il
n'est pas de symbole qui puisse mieux exprimer le « matérialisme
historique » de l'évolution <span style='letter-spacing:-.2pt'>humaine.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Dans la mesure où ils
mettent en œuvre des grands archétypes, le rituel, le blason, le drapeau, le
talisman même sont <span style='letter-spacing:-.15pt'>efficaces. Il ne s'agit
pas ici de magie, mais de dynamique. </span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.15pt;mso-font-width:100%'>Bau</span><span
style='mso-font-width:100%'>douin souligne « que l'interprétation magique
attribuant une force propre <i>(mana) </i>à des paroles ou à des gestes rituels
ne serait erronée que par son recours à un certain mode de trans<span
style='letter-spacing:-.05pt'>mission de la force. La force est là, mais elle
est d'ordre psycho</span>logique. Il n'y a certes pas lieu de penser que de la
parole ou du geste magique émane physiquement une action, mais ils évoquent
dans l'esprit une image chargée d'énergie et qui fait son œuvre<a
style='mso-endnote-id:edn11' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn11" name="_ednref11" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[11]<![endif]></span></span></a>.
Cela est peut-être fort humiliant pour le rationalisme superficiel de ces deux
derniers siècles, mais il nous avait dessiné de l'homme une image si
dangereusement anodine qu'il a peut-être mérité quelque pénitence. Aussi bien,
le moment est venu d'un rappel à l'humilité. »<a style='mso-endnote-id:
edn12' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn12" name="_ednref12" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[12]<![endif]></span></span></a><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Une autre conséquence
encore découle de la conception dynamique des grands symboles. S'ils possèdent
une part de fixité remarquable et une forte charge d'énergie, ils doivent, une
fois excités, déclencher une explosion dans un sens défini. Leur action
apparaît précise et jusqu'à un certain point prévisible. Baudouin nous a montré
dans l'analyse de ses sujets les associations régulières des archétypes.
« Tel symbole nous achemine vers tel autre, parce qu'il est la source d'un
courant d'énergie ainsi orienté. »<a style='mso-endnote-id:edn13'
href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn13" name="_ednref13" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[13]<![endif]></span></span></a>
Nous somme ici à l'origine énergétique du mythe. Nous pouvons même le définir
« drame formel d'une portée restreinte ou universelle, dans lequel les <span
style='letter-spacing:-.05pt'>personnages sont des symboles ».<a
style='mso-endnote-id:edn14' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn14" name="_ednref14" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[14]<![endif]></span></span></a></span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Parce qu'ils fournissent
aux symboles un médium pour leurs relations réciproques, leurs combinaisons,
leurs condensations, les mythes permettent d'orienter leur courant d'énergie,
de délivrer et de réaliser leur virtualité dynamique. A la science d'extraire
la vérité des mythes. La valeur de certains mythes, comme par exemple le mythe
du progrès, ne joue que pour un temps et un lieu donné. D'autres au contraire,
demeurent vrais pour tous les temps et pour toutes les races. Nés des
constantes du cœur humain, ils <i>y </i>trouvent toujours un écho. Même alors
pourtant leur histoire est faite d'une succession de verticales ascendantes et
d'horizontales ternes. Seule persiste à travers les âges leur armature
rationnelle.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Aux moments où
l'inquiétude fait relâche, la science paraît s'écarter de ces condensateurs de
dynamisme. Aux moments de mue, les hommes cherchent à tâtons leurs mythes
oubliés, les savants eux-mêmes orientent leurs travaux vers l'azimut du ciel,
les philosophes essaient de combler le fossé entre les vues des croyants sur
l'univers et les théories matérialistes.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>La vie et la mort des
mythes semblent donc suivre non pas le rythme des idées pures, mais la présence
ou l'absence de certaines circonstances particulières qui créent des remous
affectifs et sociaux. Pour échapper à l'angoisse du doute, au désordre, à
l'anarchie, les groupes humains se tournent vers le dynamisme des mythes. Mais
ce dynamisme ne saurait jouer qu'à travers des représentations nouvelles et
dans de nouveaux états d'équilibre de la société. La vieille image du Roi est
dévi<span style='letter-spacing:-.1pt'>talisée comme le sont du reste le régime
monarchique ou l'admi</span>nistration tsariste, par exemple. Le mythe originel
reparaît quand le groupe reporte son amour sur Napoléon et non sur Louis </span><span
lang=EN-US style='mso-font-width:100%;mso-ansi-language:EN-US'>XVI, </span><span
style='mso-font-width:100%'>sur Staline et non sur un Romanoff.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Après la mort du Père, il
faut un autre Père. Mais le mythe du Père, même transféré d'un objet à l'autre, demeure éternel. Cette formule maladroite, ce cliché politique et sociologique : <i><span style='letter-spacing:-.45pt'>périodes alternées de révolution et de réaction </span></i><span style='letter-spacing:-.45pt'>traduit en fin de
compte </span>les époques de dépassement du père où le fils se révolte, en
proie à l'angoisse de la mue, et les périodes d'équilibre stable. Le mythe qui
possède le plus de dynamisme vaincra. Quand Hegel parle du meilleur idéal
représenté par les armées triomphantes, il ne dit pas autre chose que les
Freudiens.</span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Certains mythes sont vrais
non seulement mythologiquement, mais aussi historiquement et ontologiquement.
Au <span style='letter-spacing:-.05pt'>théologien d'en faire la distinction. Le
psychologue, lui, </span>n'examine que la vérité mythologique, c'est-à-dire la
capacité dynamique du mythe pour l'intégration ou la désintégration <span
style='letter-spacing:-.05pt'>de la psyché humaine, pour son achèvement final
dans le Centre </span>des centres, pour l'établissement de la paix entre
peuples et collectivités. Toutefois une psychologie solide liée à une théologie
solide me paraît utile.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Tous les mythes sont
vrais. Rien n'est plus vrai qu'un mythe. La projection d'une collectivité ne
fait qu'actualiser un phénomène intérieur. Karl Marx aurait pu ne pas exister,
ou être un <span style='letter-spacing:-.05pt'>monsieur quelconque. Un farceur
qui aurait composé le </span><i>Capital</i> en le signant Karl Marx aurait
obtenu exactement le même effet. Peu m'importe de savoir si Œdipe et Jocaste
sont issus de l'imagination populaire ou sophoclienne, ou s'ils ont bu et mangé
comme vous et moi. Par cette résonance qu'ils trouvent en nous, ils ont plus de
réalité universelle que Monsieur et Madame Dupont en chair et en os que je peux
toucher du doigt tous les jours.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>L'existence est une
surdétermination, dans l'acception freudienne du mot. Par les analyses
cliniques nous savons que plus un symbole du rêve est important, plus il est
surdéterminé à la fois dans les souvenirs refoulés de l'enfance, dans
l'inconscient archaïque et dans les événements actuels. De même plus un mythe
est vrai, plus il a de significations. Et <i>toutes </i>ses significations sont
exactes. Par exemple François Berge donne plus loin comme ancêtre du carnaval,
le <i>char naval, </i>le char-bateau promené en souvenir du Déluge à la pleine
lune du mois d'Anthestérion (au début du printemps) pour la fête des fleurs de
Dionysos. Mais la « kabbale française » des ésotéristes <span
style='letter-spacing:-.05pt'>fait dériver carnaval de <i>carne vale, </i>l'adieu
à la chair au début du </span>carême. Rationnellement et grammaticalement, les
deux étymologies ne sauraient être vraies en même temps. Pour la logique
affective les deux sens ont leur sens et se rejoignent dans l'inconscient
collectif. De même, l'ogive des cathédrales symbolise-t-elle la voûte des
arbres ou les mains qui prient ?<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Dans cet esprit, nous
publions, à titre de curiosité, à côté de la tradition freudienne sur le
complexe d'Œdipe, trop connue mais mal comprise parfois, l'interprétation
religieuse de ce grand helléniste, Mario Meunier (en qui nous saluons le
nouveau lauréat de l'Académie)<a style='mso-endnote-id:edn15' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn15"
name="_ednref15" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span
style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[15]<![endif]></span></span></a>,
l'interprétation adlérienne de Mme Sofie Lazarsfeld et l'interprétation
jungienne de Bachofen commentée par Raoul Hausmann. Loin d'être diminuée à
travers toutes ces variantes, la valeur orthodoxe du complexe d'Œdipe se trouve
à mon avis enrichie au contraire par une si parfaite correspondance entre le
collectif et l'individuel.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Toutes les références à la
linguistique, aux cycles solaires, à la météorologie, aux rites de fertilisation
de la terre, au <span style='letter-spacing:-.15pt'>contenu sexuel, aux lois
cosmiques, sont vraies en elles-mêmes. </span>Elles deviennent puériles dès
qu'elles se prétendent arguments contre l'historicité. Elles ne la prouvent ni
ne la détruisent. <span style='letter-spacing:-.05pt'>Nouvelle sur
détermination, l'historicité obéit à d'autres règles. </span>Ainsi il paraît
absurde de nier la vie d'un saint sous prétexte que sa date de naissance
« colle » trop bien avec une réalité d'ordre astronomique. Du moment
qu'un mythe est surdéter<span style='letter-spacing:-.05pt'>miné en raison
directe de sa valeur on conçoit que le surnaturel </span>se donne les gants de
réunir un maximum de réalités. Tout est possible à l'Omnipuissance, même
l'existence. Un dieu' doit être une réalité dynamique, une réalité intérieure,
une réalité psychologique en même temps qu'une réalité météorologique,
physique, cosmique. Il peut souffrir en nous et - pourquoi pas ? - souffrir
sous Ponce Pilate, bien qu'à mon avis l'historicité ne soit pas la part
essentielle. Il peut aussi être préfiguré, pressenti en d'autres mythes,
d'autres noms, d'autres lieux, d'autres temps.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.15pt;mso-font-width:100%'>Que
le symbolisme ne s'oppose pas à l'existence - comme le </span><span
style='mso-font-width:100%'>soutiennent ceux qui craignent les coïncidences -
trouve une illustration amusante dans l'histoire de la psychanalyse elle-<span
style='letter-spacing:-.05pt'>même. Supposons que la civilisation actuelle soit
annihilée par une bombe atomique. Dans plusieurs siècles, les savants
matérialistes de la terre neuve se pencheront sur cette curieuse religion que
fut la psychanalyse. Ils concluront que les trois demi-</span>dieux qui
fondèrent le dogme 'étaient des personnages my<span style='letter-spacing:-.2pt'>thiques.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.05pt;mso-font-width:100%'>Leur
raisonnement sera impeccable. En effet, démontreront-</span><span
style='mso-font-width:100%'>ils, comment accepter que Freud, Adler, Jung soient des noms d'état-civil à la manière des Dupont, Millier, Smith ou Popoff. <span
style='letter-spacing:-.1pt'>De toute évidence ce sont là des sobriquets <i>symboliques
</i>donnés </span>en vertu de la doctrine qu'ils représentaient. Freud a soutenu <span style='letter-spacing:-.25pt'>que le <i>principe de plaisir </i>régissait toute notre vie affective. Freud </span><span style='letter-spacing:-.2pt'>signifie
<i>joie </i>en allemand. Adler a imposé sa théorie de la volonté </span>de
puissance. Qui ignore qu'Adler est la traduction d'<i>aigle ? </i><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Le symbole est transparent. Et Jung ? Il s'est spécialisé dans les <i>archaïsmes de
l'inconscient collectif. </i>Jung veut dire <i>jeune. </i>Il a retrouvé la
jeunesse de l'humanité. Et vous voulez me faire croire que ces trois types-là ont vécu ? La coïncidente a la part <span style='letter-spacing:-.05pt'>trop belle.</span></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Il y aura peut-être à
cette époque quelques esprits irrationnels qui parleront de l'influence des
noms, du logos, de l'omniscience de l'inconscient et autres sottises
littéraires. Mais la science officielle les aura vite réduits au silence.
Encore une fois, même dans cet exemple absurde, à la limite, l'historicité est
d'une importance secondaire. Pour nous, psychologues, un mythe est vrai s'il
dégage une certaine quantité de dyna<span style='letter-spacing:-.55pt'>misme.</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Notre époque n'a-t-elle
pas inventé des mythes nouveaux ? A chaque instant elle en propose. Mais nous
les appelons par d'autres noms. La foi moderne exige une théorie scientifique
pour oser s'affirmer. Nos mythes ne portent plus les syllabes harmonieuses d'<i>Oidipous</i>
ou <i>lokastis</i>. Ils se camouflent sous <span style='letter-spacing:-.15pt'>la
désinence plus 1947 de isme « <i>What's in a name ?</i> »... La rose </span>de
la Juliette shakespearienne sent aussi bon sous un autre nom. L'essentiel n'est
pas dans les lettres qui précèdent un isme, mais dans le dynamisme qu'elles
charrient.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Chaque fois qu'un mythe
naît, nous courons vers lui avec tout notre enthousiasme. Nous espérons qu'il
accordera aux hommes le libre épanouissement. En effet un certain
épanouissement a lieu. Mais le soir, à l'heure des comptes, il nous appa<span
style='letter-spacing:-.05pt'>raît toujours trop chèrement acheté, avec tant de
sacrifices, tant </span>de destructions. Et chaque fois nous nous demandons si
le jeu paie la chandelle.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.25pt;mso-font-width:100%'>Nous
oublions que les mythes valent ce que valent les hommes </span><span
style='mso-font-width:100%'>qui les nourrissent. Nous oublions que le mythe est
une projection extérieure du conflit entre les instincts de vie et les
instincts de mort, du conflit amour-haine, au plus secret des âmes. Voilà
pourquoi tous les mythes cultivent l'amour pour certains êtres et la haine pour
les autres. Il leur faut des alliés et des <span style='letter-spacing:-.2pt'>ennemis.
« Dans les ennemis ils rangent tous ceux qui s'opposent </span>à la
convention mythique, soit par leurs actes, soit par leur existence même, soit
parce qu'ils ont le malheur de prouver que le système auquel on a besoin de
croire, ne s'impose pas rationnellement à toutes les intelligences. »<a
style='mso-endnote-id:edn16' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn16" name="_ednref16" title=""><span
class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[16]<![endif]></span></span></a><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Les mêmes mécanismes qui
jouent pour les individus jouent aussi pour les groupes. La psychanalyse a
montré comment les <span style='letter-spacing:-.05pt'>conflits intérieurs se
balancent entre la <i>perversion </i>et la <i>névrose. </i></span>« Une
névrose est le négatif d'une perversion. »<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Pendant la période de
perversion, l'être donne libre cours à ses pulsions instinctives, brutes,
infantiles, anarchiques. Mais il se heurte aux réactions violentes de la
famille et de la société. Alors, effrayé devant le scandale, le désordre, les
conséquences imprévues où ses actes l'entraînent il se réfugie dans la névrose,
c'est-à-dire dans une inhibition exagérée. Il n'ose plus rien faire. Il se
méfie de ses meilleurs dons. Il s'interdit la moindre expression non censurée.
Il cherche un père. Il se souvient que son premier compromis avec le monde
extérieur fut acquis grâce à cette première autorité acceptée. Il fera donc un
transfert de père sur le chef qui passera à portée de son angoisse.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Les peuples aussi ont
leurs époques de décharges affectives où vole un « souffle
révolutionnaire ». Mais les excès mêmes de l'agressivité créent la
panique. Et (si paradoxal que cela paraisse) les plus épris de liberté se
tournent alors vers le dictateur - souvent paranoïaque - sur lequel se
condensera leur angoisse. Puis vient le moment où ce dictateur lui-même aura
fini sa mission. Comme l'a montré Laforgue, à son tour il sera sacrifié. Son
rôle ultime consistera à jouer le bouc émissaire. Il n'est pas défendu
d'espérer qu'un jour l'âme collective atteindra le stade où ce dynamisme
instinctif s'exprimera en créations harmonieuses et non plus en gestes
destructeurs.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>C'est la question même que
pose Paul Valéry : « II s'agit de savoir si ce monde prodigieusement
transformé, mais terriblement bouleversé par tant de puissance appliquée avec
tant d'imprudence, peut enfin recevoir un statut rationnel, peut revenir
rapidement, ou plutôt peut arriver rapidement à un état d'équilibre supportable ? En d'autres termes, l'esprit peut-il nous tirer de l'état où il nous a
mis ? Notez que le mot « <i>rationnel » </i>que je viens
d'employer est, au fond, l'équivalent du mot « <i>rapidement », </i>car
il est certain que l'équilibre renaîtra fatalement, comme l'équilibre s'est
rétabli après la ruine de l'empire romain, mais il ne s'est rétabli qu'au bout
de plusieurs siècles. Il s'est rétabli <i>par les faits, </i>tandis que la
question que je pose est celle de savoir si l'esprit, agissant directement et <span
style='letter-spacing:-.15pt'>immédiatement, pourra rétablir <i>rationnellement,
</i>c'est-à-dire </span><i>rapidement, </i>un certain équilibre en quelques
années. »<a style='mso-endnote-id:edn17' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_edn17" name="_ednref17"
title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-special-character:
footnote'><![if !supportFootnotes]>[17]<![endif]></span></span></a><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>C'est que précisément je
ne crois pas que « le mot <i>rationnel </i>soit tout à fait l'équivalent
du mot <i>rapidement »</i>. Je me méfie des lenteurs de l'intelligence
pure. Pour « arriver <i>rapidement </i>à un état d'équilibre
supportable » il faut un élan dynamique que le « <i>rationnel »</i>
à lui seul paraît incapable de fournir. Le « <i>rationnel »</i>
demeure néanmoins indispensable pour l'arrangement systématique de la matière
dynamique. Sans la prise de conscience, les éléments de l'inconscient sont
stériles.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Ainsi j'ai vu ce mois deux
pièces que l'irremplaçable Jouvet <span style='letter-spacing:-.1pt'>a réunies
(avec astuce ou par hasard ?) sur le même programme. </span>Henriette Brunot
vous en parlera longuement plus loin. <i>Les bonnes </i>de M. Genêt avaient
trop de défauts littéraires, esthétiques et autres pour les énumérer dans cet
espace restreint. Une telle agressivité se dégageait de cette œuvre que j'en
arrivais à ressentir une sorte de malaise, comme si un agent phy<span
style='letter-spacing:-.05pt'>sique m'atteignait directement. C'était barbare,
affreux, régres</span>sif, infantile, stupide, haineux, atroce, fou... mais
dynamique.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><i><span style='mso-font-width:100%'>L'Apollon de Marsac, </span></i><span
style='mso-font-width:100%'>au contraire, apportait cette douceur de vivre, ce
charme giralducien, fruit d'une civilisation millénaire, dont toute mon
adolescence était baignée. La mélancolie des choses finissantes donnait à cette
bluette, toute en sourires, la beauté immatérielle des héroïnes tragiques, la
grâce émouvante des automnes dorés. Ce rêve avait une odeur de cendres.
Qu'est-ce qui mourait sous mes yeux que je ne reverrais plus, <span
style='letter-spacing:-.35pt'>jamais plus, ô Poë ? Quel <i>Ave Caesar, morituri te salutant</i> !</span> Tout ce
que j'avais aimé, tout ce que j'étais capable d'aimer, se trouvait soudain
enterré. Le présent devenait passé. On ne pouvait pas recommencer Giraudoux.
C'était déjà de l'histoire, avec tout ce que l'histoire comporte d'<i>unique</i>. Au soleil de midi la nuit est un mythe.<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>Mais peut-être pouvait-on
prendre le contenu <i>instinctif </i>de <span style='letter-spacing:-.25pt'>Genêt
et le <i>civiliser </i>à la Giraudoux ?</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.2pt;mso-font-width:100%'>Alors
j'ai songé au mot célèbre de ce pape - de ce très grand </span><span
style='mso-font-width:100%'>pape - des premiers siècles. Il avait tout fait pour sauver ce qui restait de souffle latin. Mais Rome était finie. Sans appel finie. L'Église ne devait pas lier sa fraîche vie à la mort. Et le plus
civilisé des papes dit simplement : « Passons aux Barbares » !</span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.1pt;mso-font-width:100%'>Aux
époques de mue, il faut savoir passer au camp des Barbares. Mais il faut être sûr, d'abord, que c'est bien le camp de <span style='letter-spacing:-.05pt'>la plus grande vie. Allons toujours à la plus grande vie. La vie </span>est le vrai critère. L'amour du neuf n'est pas un signe. Les vieillards blasés aussi ont l'amour du neuf. Tant de choses neuves contiennent à leur naissance un germe de mort. Tant d'enfants s'éteignent quand les centenaires restent. Il est aussi des mythes mort-nés.</span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>L'humanité est encore jeune. Qu'est-ce qu'une bagatelle de mille ou deux mille siècles qui nous sépare du sinanthrope ? <i>Les forces expansives </i>qui permettent le développement de l'âme collective et de cette unification finale où chaque individu garde ses vertus propres n'ont pas encore vaincu les forces destructrices qui tendent à nous ramener au néant, ce néant auquel nous venons à peine d'échapper.</span></p> <p class=MsoNormal><span style='letter-spacing:-.15pt;mso-font-width:100%'>Nous
sommes ce champ de bataille perpétuel où les instincts </span><span
style='mso-font-width:100%'>de vie triomphent pour quelques années seulement
des instincts de mort qui nous reprennent à l'heure de l'agonie. Pour sortir <span
style='letter-spacing:-.1pt'>de cette duperie individuelle, pour monter sur le
plan de l'éter</span>nel, nous devons d'abord dépasser ce qui en nous est voué
à la destruction finale. Seul l'amour oblatif - l'expression supérieure des
instincts de vie - peut nous faire accéder au Tout et nous rendre indépendants
du temps, de l'espace, de la désintégration. Quel mythe nous donnera rapidement
ce plus grand amour, pour vaincre la guerre et la destruction ? On <span
style='letter-spacing:-.05pt'>cherche un mythe moderne...</span><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>On cherche... Et s'il
était déjà trouvé ?<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoBodyTextIndent2 align=right style='text-align:right'><span
style='mso-font-width:100%'>Maryse Choisy<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'>In « Psyché, Revue
Internationale de Psychanalyse et des Sciences de l'Homme », N° 8, juin
1947. Tous droits réservés<o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'><![if !supportEmptyParas]> <![endif]><o:p></o:p></span></p> <p class=MsoNormal><span style='mso-font-width:100%'><![if !supportEmptyParas]> <![endif]><o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote-list'><![if !supportEndnotes]><br clear=all>
<hr align=left size=1 width="33%"> <p class="spip"><![endif]>
Nous donnerons prochainement une biographie la plus vaste possible de cette aventurière de l'esprit.</p> <p class="spip"><a href="http://www.hommes-et-faits.com/contributions/bio_Choisy.html" class="spip_out">Biographie sommaire de l'auteur</a></p></div>
<div class='rss_ps'><div style='mso-element:endnote' id=edn1> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn1' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref1"
name="_edn1" title=""><span style='mso-font-width:100%'><span style='mso-special-character:
footnote'><![if !supportFootnotes]>[1]<![endif]></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - S. Freud, <i>Introduction à la</i> <i>psychanalyse,
</i>Payot, p. 416.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn2> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn2' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref2"
name="_edn2" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[2]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Dr Fernand MERY : <i>Bêtes et gens devant
l'amour, </i>p. 95. Cf. aussi sur les dessins des singes, les expériences de
Hachet-Souplet et mon propre livre : <i>Quand <span style='letter-spacing:-.25pt'>les
bêtes sont amoureuses.</span></i><o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn3> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn3' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref3"
name="_edn3" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[3]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> -Dr. Sigmund Freud<i>, Introduction à la
psychanalyse</i>, Payot, Paris, 1945.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn4> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn4' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref4"
name="_edn4" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[4]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Charles Baudoin, L'âme enfantine et la
psychanalyse, p. 49.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn5> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn5' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref5"
name="_edn5" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[5]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Pfister, Die behandluny'schtuerarzichharer und
abnormer Kinder.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn6> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn6' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref6"
name="_edn6" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[6]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Charles Baudouin, <i>Victor Hugo</i>.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn7> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn7' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref7"
name="_edn7" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[7]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Charles Baudouin, <i>Les symboles fixes, centres
d'énergie, </i>in Revue de Psycho<span style='letter-spacing:-.1pt'>logie des
Peuples, n° 3, nov. 1946, p. 211.</span><o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn8> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn8' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref8"
name="_edn8" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[8]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - C.-G. Jung<i>, Psychologie et religion</i>, chap.
I.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn9> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn9' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref9"
name="_edn9" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[9]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - <i>Catathymique </i>est un mot employé par
Kretschmer pour désigner la conception magique de la pensée : idée = action.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn10> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn10' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref10"
name="_edn10" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[10]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Cf. Baudouin, <i>Mobilisation de l'énergie</i>.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn11> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn11' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref11"
name="_edn11" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[11]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - C'est en somme une action comparable à celle
qu'exerce à un étage plus <span style='letter-spacing:-.05pt'>humble, le signal
extérieur déclenchant un réflexe conditionnel.</span><o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn12> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn12' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref12"
name="_edn12" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[12]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Ch. Baudouin, <i>Les symboles fixes, centres
d'énergie, </i>in Revue de Psychologie des Peuples, n° <i>3, </i>nov. 1946, p.
224.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn13> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn13' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref13"
name="_edn13" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[13]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - <i>Loc. <span style='letter-spacing:.55pt'>cit.,</span>
</i>p. 223.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn14> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn14' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref14"
name="_edn14" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[14]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Dr. E.-B. Strauss, <i>Quo vadimus ?, </i>in
Psyché, n° 3, p. 20.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn15> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn15' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref15"
name="_edn15" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[15]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - L'article est publié ici en son intégralité,
NDLR.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn16> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn16' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref16"
name="_edn16" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[16]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Cf. Dr H. Arthus, <i>La genèse des Mythes</i>,
Entretiens de Pontigny, oct. 1938.<o:p></o:p></span></p> </div>
<div style='mso-element:endnote' id=edn17> <p class=MsoEndnoteText><a style='mso-endnote-id:edn17' href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/#_ednref17"
name="_edn17" title=""><span class=MsoEndnoteReference><span style='mso-font-width:
100%'><span style='mso-special-character:footnote'><![if !supportFootnotes]>[17]<![endif]></span></span></span></a><span
style='mso-font-width:100%'> - Paul Valéry, <i>Variété III</i>, p. 278.<o:p></o:p></span></p> </div></div>
Spécial élections présidentielles en France
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article91
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article912007-06-10T06:41:00Ztext/htmlfrIllel KieserTémoignages et carnets de bord11 juin 22h <br />Désolé de la déception de ceux qui sont venus voir si nous allions à nouveau donner des indications sur les résultats en provenance des rédactions étrangères. <br />Nous n'avions pas l'intention de faire quoique ce soit à propos des législatives qui paraissaient données d'avance, non pas à cause des sondages mais plutôt à cause d'un mal bien plus profond qui atteint la classe politique, y compris l'UMP qui avait pour consigne, ce soir, de la jouer douce. Consigne probalement venue de l'Imperator. Il faut faire (...)
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique4" rel="directory">Témoignages et carnets de bord</a>
<div class='rss_texte'><p class="spip"><strong class="spip">11 juin 22h</strong></p> <p class="spip">Désolé de la déception de ceux qui sont venus voir si nous allions à nouveau donner des indications sur les résultats en provenance des rédactions étrangères.</p> <p class="spip">Nous n'avions pas l'intention de faire quoique ce soit à propos des législatives qui paraissaient données d'avance, non pas à cause des sondages mais plutôt à cause d'un mal bien plus profond qui atteint la classe politique, y compris l'UMP qui avait pour consigne, ce soir, de la jouer douce. Consigne probalement venue de l'Imperator. Il faut faire semblant d'avoir le triomphe modeste, c'est une stratégie de dominateur.</p> <p class="spip">Les urgences sont ailleurs, comme nous le disions plus tôt, le mal est en amont, bien avant le politique. Les politiques n'ont jamais, nulle part, fait preuve d'invention. Les idées, la création, l'inventivité viennent d'ailleurs.</p> <p class="spip">Nous allons réflechir à la meilleure manière de participer à l'émergence de nouvelles idées.</p> <p class="spip">Merci de votre visite et sûrement à très bientôt.</p> <p class="spip">Nous vous tiendrons informés.</p> <p class="spip"><strong class="spip">5 mai 19h 15</strong><BR>
Les estimations de la plupart des correspondants étrangers, y compris chinois, semblent se stabiliser et concordent. NS serait l'élu de la France !</p> <p class="spip"><strong class="spip">5 mai 17h 45</strong><BR>
Le quotidien belge Le Soir annonce ses premières estimations et commentaires</p> <p class="spip"><a href="http://www.lesoir.be/la_une/index.shtml" class="spip_out">Le Soir</a> <a href="http://www.lesoir.be/la_une/index.shtml" class="spip_out">http://www.lesoir.be/la_une/index.shtml</a></p> <p class="spip"><strong class="spip">5 mai 18h 20</strong></p> <p class="spip"><a href="http://www.letemps.ch" class="spip_out"><i class="spip">Le Temps</i></a> affine régulièrement ses estimations des sorties d'urnes.</p> <p class="spip">Et l'UMP prépare déjà la fête d'intronisation en finissant d'installer de vastes chapiteaux sur la place de la Concorde.</p> <p class="spip"><strong class="spip">5 mai 16h 45</strong></p> <p class="spip">Selon le quotidien <i class="spip">Le Temps</i>, les premiers sondages à la sortie des urnes donnerait NS en tête...</p> <p class="spip"><strong class="spip">5 mai 12h 15</strong></p> <p class="spip"><strong class="spip">Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux</strong>, <i class="spip">samedi 14 avril 2007, 09:34</i></p> <p class="spip">Sous ce titre, Meskens Joelle, journaliste du quotidien belge <a href="http://www.lesoir.be/actualite/edito/article_522708.shtml" class="spip_out">Le Soir</a> évoque le danger que NS peut représenter pour l'Europe et pour la France en particulier. Il est rarissime que la presse européenne prenne ainsi parti dans une élection majeure. C'est dire que les craintes de beaucoup en France sont désormais relayées par la presse étrangère, bien moins impliquée que la nôtre dans une forme nouvelle d'autocensure.</p> <p class="spip">S'agit-il, comme le disent tant de partisans de NS, telle Simone Veil, d'un dangereux effet de rumeur, ou d'un pressentiment funeste ?</p> <p class="spip">Pour Meskens Joelle, il ne fait pas de doute : "<i class="spip">Cette fois pourtant, on ne peut plus rester sans le dire. Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux. Parce que le candidat de l'UMP à l'Elysée a franchi la ligne rouge. Ses propos sur le caractère inné de la pédophilie ou de la tendance suicidaire bouleversent tous les principes de l'humanisme</i>."</p> <p class="spip">Il s'agit bien d'humanisme et d'éthique, notre candidat semble bel et bien incarner des valeurs que l'on n'avait pas vu réapparaître depuis de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, quand la France laïque entamait un combat sans merci contre le cléricalisme. En affirmant qu'il faut balayer les principes de Mai 68 jugés rétrogrades, il avance que l'on peut aussi songer à fouler au pied les idéaux de la Révolution.</p> <p class="spip">Les comparaisons avec Bush junior ne valent pas. Le phénomène est bien plus fondamental qu'il n'y paraît, car la personnalté singulière du bonhomme compte. Les ressorts personnels de l'individu jouent autant que les idéologies auxquelles il se réfère sans cesse.</p> <p class="spip">Si Bush incarnait les valeurs d'une élite financière, NS se sert de ses amitiés côté de la grande finance pour réaliser son mythe. Il ne fait autant doute pour lui qu'il est l'agent d'un grand destin. Cela est d'ordre mystique et n'a rien à voir avec le politique. Le pouvoir politique et financier sera pour lui le moyen de réaliser ce somptueux destin.</p> <p class="spip">NS n'a de sentiment pour aucune idéologie, il ne vibre pour aucun principe fondamental de l'humanisme, il est mû par le cynisme le plus total, l'absence notable de toute forme de sentiment pour ses compatriotes. C'est un manipulateur, la trahison est son moyen !</p> <p class="spip"><strong class="spip">5 mai 10h 15</strong></p> <p class="spip">De nombreux quotidiens européens francophones annoncent qu'ils donneront des résultats dès 18h mais ils sont déjà difficiles d'accès.</p> <p class="spip">Nous maintenons donc les références que nous avons données hier.</p> <p class="spip">Le quotidien belge <i class="spip">Le Soir</i> s'interroge sur certains silences de la presse hexagonale, notamment sur la vie privée de nos candidats...</p> <p class="spip"><a href="http://www.lesoir.be/dossiers/presidentielles/actu/article_526561.shtml" class="spip_out">http://www.lesoir.be/dossiers/presidentielles/actu/article_526561.shtml</a></p> <p class="spip">Si l'on scrute les commentaires sur cette fin de campagne, on assiste de plus en plus à une mise en cause de la façon dont nos journalistes et commentateurs semblent fonctionner dans une forme de complicité silencieuse avec les "dominants".</p> <p class="spip">Cela n'est pas forcément le résultat d'une crainte vénale mais bien plutôt d'un mode de fonctionnement qui s'inscrit de plus en plus dans notre paysage médiatique. C'est bien plus grave !</p> <p class="spip"><strong class="spip">4 mai 19h 15</strong></p> <p class="spip">La campagne du deuxième tour s'achève, les sondages annoncent l'élimination certaine de Ségolène Royal et, déjà, les commentateurs, validant ces "prédictions", évoquent les 100 jours durant lesquels, en effet, Naboléon IV va mener une politique au pas de charge, occupant les écrans pendant qu'en coulisse sa garde suisse mettra en oeuvre des mesures contraire à ce qu'il annonce...</p> <p class="spip">En attendant, il y a les résultats, les vrais et la plupart des blogs politiques ferment l'accès aux commentaires, interdiction de publication des résultats oblige. Nous ne sommes pas concernés, étant domicilié au Canada.</p> <p class="spip">Nous donnons les URL de quelques sites qui avaient annoncé les résultats sortis des urnes dès 18h 15 le dimanche 22 avril :</p> <p class="spip"><strong class="spip">Le Soir</strong> : http://www.lesoir.be/la_une/index.shtml<BR>
Le site était saturé, il fallait attendre près de 20 mn pour y accèder.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Le Temps</strong> : http://www.letemps.ch/<BR>
Le quotidien suisse avait organisé son site pour faire face à l'énorme afflux d'internautes et il donnait les premiers résultats fiables dès 18h 15. L'accès était rapide.</p> <p class="spip">Le quotidien <i class="spip">Corriere della Sera</i>, http://www.corriere.it/ donnait également des résultats et des commentaires assez tôt dans la soirée.</p> <p class="spip">Le quotidien ElPais, http://www.elpais.com/ faisait de même vers 19h.</p> <p class="spip">A bientôt pour la campagne du troisième tour. Et il y aura sûrement un quatrième tour si les sondages ont raison.</p> <hr class="spip" /> <p class="spip"><strong class="spip">26 avril 20h 15</strong></p> <h2>Extraits de quelques discours de Nicolas Sarkozy</h2>
<h3>Centralisme, renforcement de l'Etat</h3> <p class="spip">« Un mot à présent des rassemblements estivaux. Nous avons, en dépit du contexte international, préservé les renforts saisonniers indispensables pour encadrer ces mouvements. Je veux remercier les préfets de l'Ariège et d'Eure-et-Loir, qui ont géré avec beaucoup de professionnalisme deux rassemblements sensibles. J'observe une fois de plus que le préfet, à condition de s'engager personnellement sur le terrain, est le seul à même de désamorcer les conflits, de mettre en relation l'ensemble des acteurs, de coordonner, d'animer et de rassurer. En cela, il incarne la place centrale que l'Etat doit continuer à tenir, quelle que soit l'autonomie des collectivités. »</p> <h3>Insécurité</h3> <p class="spip">Intervention du Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire devant les Préfets, vendredi 9 septembre 2005.</p> <p class="spip">« Ne nous y trompons pas : si les sondages semblent indiquer que l'insécurité est un problème moins présent à l'esprit de nos concitoyens, qui constatent les efforts réalisés depuis trois ans, cela ne signifie pas que la bataille soit gagnée sur tous les fronts, ni qu'on puisse considérer que le plus dur est derrière nous.</p> <p class="spip">Le 3 avril 2007 à Lorient, Nicolas Sarkozy s'est adressé aux pêcheurs au cours d'un discours particulièrement virulent.</p> <p class="spip">« Ici on ne brûle pas la voiture de son voisin, ici on ne se laisse jamais aller à la violence gratuite. Chez les marins, on ne fraude pas, on ne triche pas. Ici quand on manifeste, quand on recours à la violence, ce n'est jamais pour se distraire, ce n'est jamais pour nuire à autrui, c'est parce qu'on est désespéré, c'est parce qu'on n'a plus de recours et qu'on se sent condamné à la mort économique et à la mort sociale. »</p> <p class="spip">« Quand l'assistanat paie plus que le travail, quand la fraude reste impunie, quand l'argent public est détourné ou gaspillé, on démoralise la France qui travaille. »</p> <h3>Les problèmes ethnico religieux</h3> <p class="spip">Alain Finkielkraut avait déclaré au quotidien israélien <i class="spip">Haaretz</i> : « En France, on voudrait bien réduire les émeutes à leur niveau social. Voir en elles une révolte de jeunes de banlieues contre leur situation, la discrimination dont ils souffrent et contre le chômage. Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou arabes et s'identifient à l'islam. Il y a en effet en France d'autres immigrants en situation difficile, chinois, vietnamiens, portugais, et ils ne participent pas aux émeutes. Il est donc clair qu'il s'agit d'une révolte à caractère ethnico-religieux. »
Nicolas Sarkozy avait alors défendu le philosophe au grand jury <i class="spip">RTL-LCI-Le Figaro</i>, affirmant que « M. Finkielkraut est un intellectuel qui fait honneur à l'intelligence française et s'il y a tant de personnes qui le critiquent, c'est peut-être parce qu'il dit des choses justes ».</p> <p class="spip">Dans un entretien publié dans l'<i class="spip">Express</i> du 17 novembre 2005, Nicolas Sarkozy rapportait que « la polygamie et l'acculturation d'un certain nombre de familles font qu'il est plus difficile d'intégrer un jeune français originaire d'Afrique noire qu'un jeune Français d'une autre origine. » Rajoutant plus loin : « Je ne veux pas de l'ordre des mafias et je ne veux pas plus de l'ordre des barbus. Je veux l'ordre de la République ».</p> <p class="spip">A Doha cette fois-ci. Sur Al Jazeera
« Ne mêlons pas l'islam, qui est une religion de paix, à des comportements qui sont des comportements de voyous. Je n'aime pas l'amalgame et je ne le pratique jamais ».</p> <h3>La fascination biogénétique</h3> <p class="spip"><i class="spip">Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, Convention pour la France d'après
Assemblée nationale - mercredi 5 avril 2006
V<sup>e</sup> République : réconcilier efficacité et responsabilité</i></p> <p class="spip">« Pour ma part, je ne crois pas que le gène du sursaut se situe dans le changement des institutions. »</p> <h3>L'exercice du pouvoir</h3> <p class="spip">« Je ne souhaite pas que le Président de la République ait plus de pouvoirs qu'il n'en a déjà. Je propose même qu'il en ait plutôt moins. Mais je souhaite que cette réalité du leadership présidentiel soit reconnue et assumée. C'est une question de transparence du pouvoir. »</p> <hr class="spip" /> <p class="spip"><strong class="spip">22 avril 20h 15</strong></p> <h2>Les tentatives de séduction</h2> <p class="spip">Au vu des premiers résultats, les tentatives de séduction vont commencer vers l'ex-candidat Bayrou. Cette élection présidentielle française est importante de plusieurs points de vue : l'Europe d'abord - qui en a parlé durant cette campagne de premier tour ? - de la culture en général.</p> <p class="spip">La culture, ce n'est pas l'artisterie et son statut, c'est d'abord un projet de société, ce sont aussi les débats, engagés par ceux que l'on nomme les intellectuels, sur les grands thèmes de société : l'histoire, la philosophie, la morale, le sacré, la place d'un pays dans le concert des nations, les échanges. Les politiques doivent y puiser les arguments de leur propre programme au plan moral, des choix et des orientations politiques et économique. Sauf mutation dont le sens nous aurait échappé, c'est la tête qui pense et la main qui fait. Or, depuis le début des années 80, qui conduit le politique ? Sûrement pas la tête ! C'est une oligarchie de leaders de multinationales, portes parole d'actionnaires soucieux d'abord de leur profit, qui dictent les obligations auxquels les politiques doivent souscrire s'il veulent ne pas être menacés par des mesures de rétorsion financières. C'est donc la main qui pense et la tête a, depuis longtemps, renoncé à se relever le défi lancé par les gigantesques défis de la mondialisation et de la domination de la technologie. Les politiques ne dirigent plus, il ne contrôlent plus, ils gèrent sous l'œil suspicieux d'invisibles oligarques, capables ici ou là d'entretenir des armées, de faire et défaire des gouvernements.</p> <p class="spip">Or, quel candidat nous a fait part d'un véritable projet ? Chacun s'est contenté de discourir plus ou moins habilement sur les thèmes imposés par les sondages, lesquels sont commandés par une presse aux bottes des industries de l'armement. Il n'y a plus ni presse ni édition libre.</p> <p class="spip">Depuis l'effondrement des « idéologies », de Marx à Charles Maurras, plus aucun clerc n'a tenté de penser la démesure dans laquelle la planète entière s'enlise : excès induits par la progression reptilienne du monstre nommé « Marché », perte insensée des grands idéaux qui portèrent l'humanité durant quelques siècles. Le seul ordre qui s'impose, silencieux et masqué, obéit aux lois d'un matérialiste outrancier et vénal qui aurait foulé aux pieds les grands thèmes moraux de l'humanité. L'holocauste aurait pu nous servir de leçon, tempérant l'orgueil immense de la pensée rationaliste. Nous n'en cultivons que le souvenir pour mieux l'oublier au quotidien. La démesure nous place désormais face à un désastre planétaire annoncé et face à la nécessité urgente de restaurer les lois essentielles du « vivre ensemble ».</p> <p class="spip">La culture, c'est d'abord l'éducation, la transmission transgénérationnelle. La culture c'est aussi la fluidité et la souplesse des circuits d'informations, leur perméabilité au renouvellement des pensers. Or, les sociétés s'enferment dans une frilosité qui les empêche d'assimiler tout thème de transformation, toute idée trouble de mutation. Le matérialisme a chassé l'imaginaire, l'inventivité donc. Le matérialisme structure et ossifie nos cultures. Il ne peut qu'en résulter une inévitable et longue phase de mort et de mélancolie.</p> <p class="spip">Face à des candidats qui nous parlent d'espérance, on sourit. Voilà enfin des futurs comptables heureux ! Normal, ils fonctionnent dans l'éphémère et le déni !
Si la campagne présidentielle française s'enlise dans des disputes sur la sécurité, l'ordre, l'identité, l'apparition de plus en plus marquée de deux castes - les « gens », de plus en plus pauvres et soumis, les people, de plus en plus riches et arrogants - , c'est bien parce qu'il n'a pas été pointé de dénominateur commun à ces thèmes.</p> <p class="spip">La culture, comme outil de transmission des connaissances et des grands thèmes éthiques est au centre. On l'a oubliée !</p> <p class="spip">L'Europe enfin ! Il s'agit de la naissance d'une immense nation au cœur du monde, phénomène que l'Histoire n'a pas relaté depuis des siècles. Et nous n'en tirons aucune fierté, aucun espoir, mais beaucoup de gémissement et de pleurnicheries. Il est vrai que la construction de l'Europe n'est plus l'immense chantier, le défi lancé par quelques visionnaires mais un vaste marché. Il est donc évident, quasiment logique, que cette Europe ne soit plus qu'un espace géographique à envahir. Rien de bien exaltant !</p> <p class="spip">La dimension de l'Europe des peuples est largement oubliée.</p> <p class="spip">Prochain article de Kieser l Baz : <i class="spip">Le portrait psychologique du petit Poutine français</i>.</p> <p class="spip">Internet est un outil de contournement et de traversée des hiérarchies établies. Il faut s'en servir avec vigueur et opportunité !</p> <p class="spip">Pour cette campagne de deuxième tour nos colonnes sont ouvertes aux internautes.</p> <hr class="spip" />
<h2>Les résultats avant 20h</h2> <p class="spip">Lors de la soirée de commentaires de cette fin de premier tour, c'est le le journal <strong class="spip">Le Temps</strong> qui donnait une estimation à 19 h 15. La plus proche des chiffres annoncés par les rédactions à 20 h.</p> <p class="spip">Dès 18 h 15, certains quotidiens espagnols, italiens et canadiens donnaient des résultats "sortis des urnes" proches des fourchettes définitives.</p> <p class="spip">Présidentielle française 2007 : Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy en tête</p> <p class="spip">Les premières tendances (sondages sorties des urnes)</p> <p class="spip">Candidats Voix (selon LeTemps.ch)</p> <p class="spip">1. Nicolas Sarkozy (UMP) 26-30 %</p> <p class="spip">2. Ségolène Royal (PS) 23-27 %</p> <p class="spip">3. Français Bayrou (UDF) 16-20 %</p> <p class="spip">4. Jean-Marie Le Pen (FN) 11-14 %</p> <p class="spip">Tous les sites étrangers étaient proches de la saturation voire inaccessibes. Seul <i class="spip">Le Temps</i> avait prévu une page spéciale. Il faudra s'en souvenir pour le second tour.</p> <p class="spip"><strong class="spip">21 avril 12h</strong></p> <p class="spip">L'information étant libre, nous prenons position dans le débat qui agite le landerneau des marchands d'armes - pardon, des médias.
Dès 18h 30, les médias et les partis politiques reçoivent les premiers réultats de sondages sortis des unrnes mais la loi impose de ne pas les publier. Vers 19 h les estimations d'après dépouillement sont connues et discrètement distribuées. Ces résultats sont fiables.</p> <p class="spip">20 minutes.fr avait d'abord annoncé sa décision de publier les chiffres diffusés auprès des médias et des partis politiques mais, revirement sous la pression, ce média s'est rétracté et il interdit à tous ses blogueurs la publications des premiers résultats.</p> <p class="spip">Voici les URL de quelques sites qui donneront ces résultats sortis des urnes avant 20h dimanche :</p> <p class="spip"><strong class="spip">Le Soir</strong> : http://www.lesoir.be/la_une/index.shtml</p> <p class="spip"><strong class="spip">Le Temps</strong> : http://www.letemps.ch/
Le quotidien suisse donnera au plus tôt des résultats dans la journée de dimanche.</p> <p class="spip"><strong class="spip">Le blog de Morandini</strong> : http://www.jeanmarcmorandini.com/news.php ?id=4683</p> <p class="spip">A bientôt pour la campagne du second tour.</p> <p class="spip">Réagissez : pour rendre la pédocriminalité imprescriptible, signez la pétition sur le site <a href="http://petition-antiprescription.net/signatures/index.php" class="spip_out">Au nom de l'enfance violée</a>.</p></div>
La psychanalyse est une coque vide
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article96
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article962007-06-09T03:01:28Ztext/htmlfrIllel KieserPsychologieLa psychanalyse fut une véritable aventure à l'aube du <span style="font-variant: small-caps">XX</SPAN><SUP>e</sup> siècle, mais elle ne sut pas suivre l'évolution qui agita ce siècle. Les successeurs de Freud s'enfermèrent dans une idéologie rigide et dans un dogmatisme sectaire voire féroce. Cela dura un temps. Désormais la psychanalyse est une coque vide.
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique5" rel="directory">Psychologie</a>
<div class='rss_chapo'>La psychanalyse fut une véritable aventure à l'aube du <span style="font-variant: small-caps">XX</SPAN><SUP>e</sup> siècle, mais elle ne sut pas suivre l'évolution qui agita ce siècle. Les successeurs de Freud s'enfermèrent dans une idéologie rigide et dans un dogmatisme sectaire voire féroce. Cela dura un temps. Désormais la psychanalyse est une coque vide.</div>
<div class='rss_texte'><p class="spip">La parution de mon étude sur la pédocriminalité, <i class="spip">Inceste, pédocriminalité, crimes contre l'humanité</i> - mars 2007, Lierre & Coudrier éditeur -, semble susciter quelques critiques de la part de collègues psychanalystes. Il se dégage trois types de critiques : <br>
Je reprendrais à mon compte des éléments du <i class="spip">Livre noir de la psychanalyse</i> ;<br>
ma démonstration de la théorie Œdipienne s'établirait sur une confusion entre le réel et le symbolique ; <br>
enfin, assimiler la transgression du tabou de l'inceste à un crime contre l'humanité ne repose sur aucune base juridique.</p> <p class="spip">Concernant le premier point, une sorte d'écriture mimétique du <i class="spip">Livre noir de la psychanalyse</i>, la critique ne m'étonne pas. Chacun sait que les intégristes et les dogmatistes n'accordent crédit qu'aux écrits de leur foi. Quand, en 1974, à L'Hôpital Marcel Rivière, je dénonçais l'hégémonisme de la psychanalyse et sa volonté d'universalité, nul ne pouvait accepter une parole aussi outrancière. Les temps n'étaient pas venus. Que le <i class="spip">Livre noir de la psychanalyse</i> fasse maintenant débat résulte d'un effet de manche un peu tardif, d'autant plus opportun que le courant comportementaliste et causaliste de la psychologie s'érige en successeur de la psychanalyse.</p> <p class="spip">Plus tard, en 1982, encore, je dénonçais l'impasse de la psychanalyse comme recours scientifique possible en psychologie. J'insistais sur la façon particulière dont la psychanalyse semblait ignorer l'histoire, reléguant de nombreux penseurs dans les limbes de la barbarie, comme si l'inconscient n'avait commencé d'exister qu'avec Freud. J'y développais la thèse selon laquelle la notion d'imaginaire pouvait fort bien se substituer à celle d'inconscient avec l'avantage certain d'une vision plus globale des phénomènes psychiques. Je m'appuyais alors sur la pensée de deux grands philosophes d'expression arabe, Ibn Sina et Ibn Arabi. Une partie de ma démonstration fut publiée en 1989 par les éditions Lierre et Coudrier sous le titre : <i class="spip">Inanalyse ou le déclin de la psychanalyse en Occident</i>. J'ai poursuivi ces recherches sur l'imaginaire et elles feront l'objet d'une publication prochaine sous le titre : <i class="spip">Les empreintes du futur</i>.</p> <p class="spip">Cependant, même à cette époque, je n'étais pas moi-même un novateur, car dès le début des années 70, la psychanalyse fut mise en critique au plan historique, anthropologique et clinique. Mais les croyances se nourrissent des critiques qui leur sont adressées et rien n'est plus difficile que d'argumenter contre la mauvaise foi d'un prêcheur.</p> <p class="spip">Il ne fallait pas être grand clerc, à l'époque, pour constater que la défense de la psychanalyse tenait plus du débat doctrinaire que de la recherche scientifique.</p> <p class="spip">Le public français ignorait largement que l'on devait à Pierre Janet de nombreuses hypothèses cliniques que Freud s'empressa d'assimiler à sa doctrine, tout en méprisant ce « petit français ». Après avoir été délaissée par Freud, l'hypnose fut réintroduite en France, pour innover, grâce à de talentueux thérapeutes comme François Roustang, mais on oubliait les travaux de Robert Desoille sur le rêve éveillé dirigé...
Lors d'une conférence donnée au premier congrès maghrébin de Psychologie, <i class="spip">Culture et identité</i>, 14-15-16 mars 1989 - Hammamet, Tunisie, je mettais en doute l'universalité de la théorie du Complexe d'Œdipe, ce qui me valut d'être exclu du congrès et le texte de ma conférence fut mis à la trappe lors de la publication des actes du congrès. Dans cette conférence, je présentais des hypothèses anthropologiques pour refondre les notions d'identité et de culture. La lecture de A. Leroi-Gourhan, de Robert Jaulin m'avait largement convaincu de la nécessité d'une exploration pluridisciplinaire qui inclurait l'ethnologie et l'anthropologie historique pour nourrir les recherches en psychologie clinique.</p> <p class="spip">En neurophysiologie, les travaux de Michel Jouvet à Lyon s'avéraient extrêmement prometteurs et tendaient à valider les hypothèses de Jung sur l'inconscient comme ferment de création. Actuellement ce chercheur continue de publier... au Canada et les résultats de ses recherches servent désormais à l'exploitation outrancière de brevets. Foin de la recherche fondamentale.</p> <p class="spip">Comme la recherche ne peut progresser que dans l'échange et la communication, le foisonnement des années 60 - La revue Psyché disparut à cette époque, s'y exprimaient de nombreux chercheurs venus d'horizons très divers, il n'y eut plus d'équivalent après - s'éteignit rapidement dans le silence : aucun congrès de psychologie en France, l'édition prise d'assaut par les cartels lacaniens au point que des œuvres de fond demeurent encore inédites, notamment les écrit de Pierre Janet, Maryse Choisy, Mary Balmary, Claude Prévost et j'en oublie beaucoup.</p> <p class="spip">Il aura fallu plus de trente ans, en France, pour que l'on produise enfin des écrits « apostats ». Entre temps, il faudra bien affronter la vague comportementaliste qui déferle sur les sciences humaines, il s'agit, n'en doutons pas, d'un retour inévitable sur le dogmatisme et l'hégémonisme de la psychanalyse. Le pendule reviendra lentement à un point d'équilibre et l'on pourra, sans doute, reprendre les recherches avec plus de sérénité, là où elles s'étaient arrêtées dans les années 60.</p> <p class="spip"><i class="spip">Le Livre noir de la psychanalyse</i>, publié sous la direction de Catherine Meyer, est un corpus d'articles de plus de 800 pages dont l'ambition affichée est de contredire les théories et de réfuter les succès de la psychanalyse. Ce livre, paru en septembre 2005, rassemble une quarantaine d'auteurs de différentes nationalités et de différentes spécialités : historiens, psychiatres, philosophes...</p> <p class="spip">Il s'agit en fait d'un ouvrage qui attaque la psychanalyse, non sur le fond mais sur la forme. Il s'agit d'un procédé juridique bien connu aux USA, attaquer les personnes sur le plan moral et éthique pour discréditer leurs œuvres. Les psychanalystes français ont fait de même dans les années 80 en tentant d'accuser C.G. Jung de collusion avec le nazisme pour discréditer son œuvre. Que les psychanalystes se retrouvent maintenant les sujets de tels procédés est un retour d'une histoire qu'ils ont eux-mêmes écrite.</p> <p class="spip">Mais <i class="spip">Le Livre noir de la psychanalyse</i>, ne s'attaque nullement à la théorie psychanalytique, tout juste, son pouvoir de guérison est-il mis en doute. Il n'est nulle part fait critique de l'incapacité dans laquelle la psychanalyse s'est trouvée de faire le lien avec l'histoire, de donner une claire représentation des événements tant contemporains que passés. Par suite la psychanalyse et sa fille la psychologie clinique sont dans l'incapacité de produire une quelconque prospective historique. Cela a laissé le champ libre aux historiens et aux sociologues. Ce n'est pas un hasard si l'on convoque quasi exclusivement des sociologues dès qu'il s'agit de donner un avis sur des faits contemporains.</p> <p class="spip">De même n'est-il jamais question dans les nombreux articles de ce document, d'une remise en cause des catégories nosographiques largement inspirées par la psychanalyse.</p> <p class="spip">Les historiens, grâce à des personnalités ouvertes telles Vidal Naquet, Duvignaud, etc. a très rapidement intégré la dimension anthropologique dans ses recherches. La sociologie, par exigence pour combler un vide, a donné à l'expression francophone des penseurs contraints d'intégrer la psychologie à leur démonstration, Maffesoli, Yves Lecerf, Bourdieu.</p> <p class="spip">La psychanalyse ignore le fait ethnique, même si Tobie Nathan, prolongeant les travaux de Georges Devereux, a tenté de combler un manque. La méthode comparatiste si familière désormais aux archéo-anthropologues et aux historiens est largement ignorée des psychanalystes. Pourtant sur des terrains comme celui de l'anorexie, par exemple, s'intéresser au brahmanisme pourrait nous apporter des enseignements intéressants à propos de ce qui sous-tend la capacité du jeûne prolongé chez les adeptes. Non seulement, nous y trouverions des informations sur les mécanismes psychologiques mis en jeu mais nous pourrions aussi aider les anorexiques, durant leurs crises, en leur apportant les enseignements issus d'une étude attentive de personnes qui soutiennent ces jeûnes durant plusieurs mois parfois. L'apport de la physiologie serait également fructueux. Mais l'histoire aurait aussi son mot à dire en nous renseignant sur ces ascètes du désert qui, au début de l'ère chrétienne ou peu avant, s'engageaient, durant plusieurs années parfois, dans la solitude la plus totale en plein milieu du désert. Dans mon étude sur le voyage de Mohammed - Le Prophète de l'Islam - j'aborde cette question. (« Le voyage nocturne de Mohammad » et « L'imaginaire, les rêves et l'Histoire », sur le site <i class="spip">Hommes et Faits</i>)</p> <p class="spip">C'est à la lecture minutieuse des témoignages antiques que l'on entrevoit la rigidité matérialiste et causaliste de nos théories psychologiques contemporaines.
Plus loin encore, en se cantonnant à l'individu seulement, la psychanalyse s'aliène la possibilité d'une vision globale, donc historique, donc politique. Et elle ne peut alors dire qu'une chose, la politique, comme l'art ne sont que sublimation plus ou moins réussie d'une névrose.</p> <p class="spip">Si la chose est vraie, admettons, pourquoi dès lors, ne pas accepter de se lancer dans l'interprétation de l'histoire en dressant des lignes pour le futur. C'est la voie de toute science, savoir pour prévoir ?</p> <p class="spip">La psychanalyse ne peut envisager l'étude l'histoire qu'en la réduisant à sa propre dimension et en faisant entrer de force l'événement dans ses registres sémantiques. C'est là une fâcheuse tendance de nos mentalités hégémonistes : l'assimilation et la digestion du corps étranger.</p> <p class="spip">Ainsi, pour la psychanalyse, la création du monde ne serait que pathologie... Qu'elle résulte du Big Bang ou de l'œuvre de Dieu, la vie découle du pathos. Peu de penseurs ont insisté sur cette vision pessimiste des fondateurs de la psychanalyse, Freud en tête. Or, resituer cette doctrine dans le contexte du moment, entre deux mondes, entre deux siècles, au début de l'industrialisation à outrance du monde et de ce qui laissera probablement une empreinte profonde dans l'histoire de l'humanité, apporterait de précieux renseignements. L'œuvre de Freud ne peut pas être dissociée du courant romantique allemand. Que nos cultures aient plongé dans la démesure, par la guerre, par la marche vorace du « Marché », par la déshumanisation a totalement échappé à la psychanalyse. Freud a voulu hisser la psychologie hors de la « boue noire » de la barbarie, il a dépossédé l'homme du sentiment en le réduisant à des mécanismes, ouvrant une voie royale au comportementalisme contemporain qui achèvera son œuvre.</p> <p class="spip">Or, je ne conçois pas de science humaine qui ne saurait avancer une expertise, même prudente, sur les dévoiements collectifs.</p> <p class="spip">Je ne conçois pas l'individu sans une place dans le collectif, dans le temps et dans l'espace. Je ne conçois pas d'œuvre humaine sans l'émergence d'une part d'imaginaire qui aurait bien plus à voir avec un mystère nommé univers que ne l'envisagent nos modernes psychanalystes.</p> <p class="spip">La psychanalyse est une doctrine qui dérive de la prétention d'une forme de mentalité qui voudrait tout nommer et tout contrôler. J'ai nommé, ailleurs, cette mentalité : Conscience Blanche</i>, pour faire contrepoint à la mentalité soi disant primitive de l'Afrique. Pour dire aussi qu'il existe à coup sûr d'autres formes de conscience que celle que nous connaissons et qui ne serait que le fruit circonstanciel d'une culture. Si l'on s'en tient, par exemple, aux données qui nous viennent des traductions des traités chinois de « médecine traditionnelle, le <i class="spip">So Wen</i>, entre autres, il y aurait cinq formes différentes de conscience... De même, selon ces traités, entre le physique et le psychique la différence ne serait que dans la manifestation car, d'un point de vue dynamique, il n'y aurait de différences que qualitatives. La médecine traditionnelle chinoise nous permet aussi de prévoir et de dire pourquoi tel trauma aura une manifestation physique et non psychique...</p> <p class="spip">La psychologie moderne en est incapable. Que l'on croit ou non de telles assertions, qu'on les disent primitives, n'a pas d'importance, il est cependant du devoir d'un chercheur scrupuleux de les étudier d'un peu plus près, plutôt que de crier : « Halte, primitif, fétichiste ! » et de s'en retourner avec arrogance à la lecture de ses grimoires.</p> <p class="spip">Concernant maintenant la critique qui m'est adressée sur ma volonté affichée d'inscrire le crime d'inceste comme crime contre l'humanité. Je ne fais là que me reporter aux sources du droit et rappeler la détermination de ceux qui, au lendemain de la Shoah, voulurent que plus jamais cela ne se reproduise. Leur volonté s'appliqua, à l'époque, aux atteintes collectives car on en sortait à peine et nul n'aurait imaginé que l'Europe puisse en arriver là. Le « crime contre l'humanité » fut ainsi inventé, sur le fond, comme une atteinte à la pérennité de l'humanité entière. Quand on constate que la transgression du tabou de l'inceste se répand comme une épidémie, que chaque enquête voit s'alourdir le nombre de victimes ; quand on sait que ce tabou est universellement répandu, on s'interroge ; quand le mal se « banalise » et qu'il touche la souche de nos lignées humaines - l'enfant -, je n'imagine pas d'autre dénomination que « crime contre l'humanité ». Si je lis Anna Arendt, je me trouve conforté dans cette démarche. Il y a bien quelque chose de fondamental dans ce tabou et si l'humanité a traversé tant d'épreuves tout en évoluant, on peut lui accorder le bénéfice d'une certaine sagesse, même occasionnelle. Par contre on pourrait s'interroger sur l'éthique d'une culture, la nôtre, tout à fait éphémère au regard de l'Histoire, qui ne parvient même pas à envisager l'inceste comme un crime, qui érige la pédocriminalité en argument touristique, qui feint d'ignorer que ce mal gagne chaque jour un peu plus, qui érige l'esclavage sexuel au rang d'institution...</p> <p class="spip">Quant à l'argument selon lequel je ferai une confusion entre le « réel » et le « symbolique », ceux qui en usent ignorent de quel point de vue ils se placent ainsi que les mots de l'histoire des religions. Ils sont à ce point inconscients de leur placement doctrinal et religieux qu'ils me traitent, en fait, d'idolâtre. L'Afrique n'ignore pas ce que ce terme voulut dire dans l'histoire du colonialisme et de l'évangélisation forcée, l'Amérique indienne ne l'ignore pas non plus. J'ai résisté à l'évangélisation forcée, j'ai la chance de ne pas craindre le bûcher. L'argument est théologique car la « théorie du complexe d'Œdipe » résonne comme un dogme fondamental dans l'édifice doctrinal de la psychanalyse. Y porter atteinte c'est vouloir la détruire. Je n'ai jamais eu ce souci, peut-être les rédacteurs du <i class="spip">Livre noir de la psychanalyse</i> sont-ils animés par un tel objectif. Pour ma part, j'ai appris de certains de mes pairs que la psychologie était une science jeune et que la théorie devait s'effacer devant ce qui lui résistait, qu'il fallait s'en tenir au terrain, que du témoignage de l'être pouvait surgir une vérité. Je m'en tiens à cela et les soucis doctrinaux de mes collègues psychanalystes me laissent indifférents. Cependant, il est temps maintenant de ne plus leur laisser un seul pouce du terrain de la prise de parole. Si les éditeurs demeurent encore frileux, Internet est là pour fournir aux lecteurs attentifs et bien moins crédules qu'il n'y paraît des informations diversifiées.</p> <p class="spip">La psychanalyse fut une véritable aventure à l'aube du <span style="font-variant: small-caps">XX</SPAN><SUP>e</sup> siècle, mais elle ne sut pas suivre l'évolution qui agita ce siècle. Les successeurs de Freud s'enfermèrent dans une idéologie rigide et dans un dogmatisme sectaire voire féroce. Cela dura un temps. Désormais la psychanalyse est une coque vide. Cela ne veut pas dire que les psychanalystes, thérapeutes en exercice soient tous des sectateurs intégristes. Nombreux sont ceux qui ont sut faire évoluer leur pratique au gré de l'évolution des mentalités. Ils n'ont pas, cependant, de cadre théorique pour rendre leur pratique cohérente et pleine de sens. Les mots manquent.</p></div>
Une militante égyptienne des droits de l'homme en danger
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article95
http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article952007-06-08T16:55:15Ztext/htmlfrHalim AkliChroniques laïques d'Afrique du NordDe manière insidieuse mais imperturbable, l'obscurantisme islamique poursuit son travail de sape partout où les autorités légales s'effacent, traduisant leur peureuse impuissance.
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<a href="http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?rubrique15" rel="directory">Chroniques laïques d'Afrique du Nord</a>
<div class='rss_chapo'>De manière insidieuse mais imperturbable, l'obscurantisme islamique poursuit son travail de sape partout où les autorités légales s'effacent, traduisant leur peureuse impuissance. La femme, les femmes sont les premières visées et l'on est stupéfait de la haine qu'elles suscitent. On assiste, ébahi, à l'invasion d'une puissante maladie collective.</div>
<div class='rss_texte'><p class="spip">L'écrivain féministe égyptienne Nawal al-Saadaoui, accusée d'apostasie dans son pays s'est réfugiée à Tunis en attendant son procès. Elle affirme être la cible d'un « complot politique sous couvert de l'islam ». Psychiatre et auteur d'une quarantaine d'ouvrages traitant de la condition des femmes, Nawal Sadaaoui est poursuivie pour « mépris de l'islam » et doit comparaître le 18 juin devant un tribunal pénal égyptien.
Pour avoir publié en janvier 2007 « Dieu démissionne au sommet » pièce de théâtre de fiction, Nawal Saadaoui, militante politique des droits de l'homme et du citoyen, est l'objet d'une offensive politique et religieuse. Accusée d'islamophobie, elle est jugée « folle »et est poursuivie par la justice. Pire elle aurait déclaré notamment que le pèlerinage à La Mecque était un reste de paganisme et que le Coran n'obligeait pas les femmes à porter le voile.</p> <p class="spip">Pour achever cette accusation d'apostasie, le 9 avril, un avocat égyptien, Nabih al-Wahch, a déposé plainte contre la militante dans le but de la séparer de son époux, l'accusant d'avoir « méprisé l'islam ». Le mufti d'Egypte, plus haute autorité religieuse du pays, a considéré qu'elle a « renié les enseignements de la religion » et qu'en « s'écartant du cercle de l'Islam », elle est devenue indigne d'un conjoint musulman. Nawal Al-Saadaoui a dénoncé les accusations portées contre elle et affirme que ni elle, ni son époux, le psychiatre Chérif Hetata, n'accepteraient « le divorce, ni l'exil, quelque soit l'issue du procès ».</p> <p class="spip">Pour avoir écrit dans sa pièce que Dieu était un esprit, et ni une femme ni un homme, elle est accusée d'« hérésie » par les autorités d'Al Azhar, l'université islamique du Caire. Nawal El Saadawi est menacée. De plus, 5 de ses œuvres ont été censurées à la Foire du Livre en janvier dernier au Caire.</p> <p class="spip">Nawal El Saddaoui a publié une soixantaine d'ouvrages. Ses œuvres, écrites en arabe, ont été traduites dans plus de 30 langues. Elle est reconnue, estimée dans le monde entier. Elle vient de recevoir le prix international de la littérature africaine. Malgré les pressions, elle n'a jamais renoncé à penser, à écrire, à dénoncer l'intolérance.
Seuls l'écrivain Ibrahim Abdel-Méguid et Naguib Mahfouz se sont élevés contre cette inquisition. Le prix Nobel de littérature égyptien est menacé pour sa part de se voir retirer le titre d'écrivain par ses collègues.
Cette offensive n'est pas isolée et semble tout à fait concertée et appliquée avec une détermination qui traduit la faiblesse des autorités égyptiennes. Déjà les fondamentalistes avaient mené une campagne haineuse contre l'écrivain marocain Mohamed Choukri, auteur du <i class="spip">Pain nu</i>. Ils s'en prirent ensuite à la romancière locale Nawal al-Saadaoui, dont le procès doit s'ouvrir bientôt, obligeant le ministère de la Culture à interdire la vente des livres de ces auteurs en Égypte. Ils s'en prennent maintenant à un autre écrivain marocain : Mohamed Berrada qu'ils accusent de collusion avec l'ennemi au moment où son oeuvre devait être traduite en hébreu.</p> <p class="spip">Oui, Nawal El Saadawi est un problème pour l'intégrisme islamiste égyptien. Parce qu'elle est féministe et laïque convaincue, son combat est universel, il est celui de toutes les femmes et de tous les hommes épris de liberté et de laïcité. En cela, elle mène notre combat.</p> <p class="spip">Pour soutenir Nawal Saddaoui, rejoignez le Bureau laïque international <a href="mailto:[email protected]" class="spip_out">[email protected]</a></p> <p class="spip">Avec le Bureau laïque international, soutenez toutes les combattantes et tous les combattants féministes et laïques de par le monde !</p></div>
<div class='rss_ps'>On pourra consulter avec profit le site : <a href="http://www.wluml.org/french/index.shtml" class="spip_out">Femmes sous lois musulmanes</a></div>