LE DIEU OBJET de M. AugÉ

 

 

Comment comprendre la croyance en des dieux-fétiches ? Comment apprécier les spéculations, les commentaires, et les exégèses auxquels se livrent les devins et les vieux sages des peuples Yoruba, Ewe, et Fon ? La réponse de l'ethnologue à ces questions présuppose celle donnée à d'autres questions que M. Augé formule ainsi : ô Que suis-je ? Que suis-je ? Qu'est-ce que l'autre ?».

Ces interrogations ne sont pas futiles; bien au contraire, elles expriment le défi posé au savoir anthropologique. Si, comme le souligne M. Augé, « l'anthropologie est toujours anthropologie d'une autre anthropologie », on comprend, alors, qu'il importe à l'ethnologue de s'interroger sur les conditions de son propre mode de connaissance. Mais l'originalité de la réflexion épistémologique de l'ethnologue réside en ce qu'il ne se réfugie pas dans l'étude abstraite des procédures logiques de l'hypothèse, de l'induction, et de la déduction. De même ne se laisse t-il pas prendre au piège de l'introspection phénoménologique. L'ethnologue prend le temps d'un détour qui est celui de l'étude de l'idéologique (M. Augé) des représentations et des pratiques de ceux avec lesquels il a choisi de dialoguer. On ne peut connaître l'homme sans chercher à comprendre comment il imagine ses dieux. « Nos symboles comme nos dieux sont à notre image, à l'image de notre corps, même si, par un étrange mélange d'orgueil et d'humilité, certains d'entre nous pensent, ce qui revient peut-être au même, avoir été façonnés à l'image de Dieu ».

L'auteur poursuit ainsi une étude incisive et brillante sur les mécanismes de la pensée symbolique qui s'inscrit dans le prolongement de ses travaux précédents. Cet ouvrage se propose aussi comme un long commentaire de quelques fragments de théorie sémiotique que CL. Lévi-Strauss a développés dans son Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss. Enfin, la stratégie textuelle de l'auteur lui permet d'ouvrir plusieurs voies de dialogue entre la pensée africaine et des exemples tirés d'autres univers symboliques, du Japon ancien, de la Grèce antique, ou encore, des feuilletons télévisés et du cinéma fantastique.