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Fond de Documentation et Recherche � � D�monol�trie et sorcellerie au Moyen �ge, Norman Cohn � Une approche de l'Imaginaire � partir de la chasse aux sorci�res � � La chasse aux sorci�res qui s�vit aux XVe, XVIe, XVIIe si�cles dans certaines parties d'Europe est l'aboutissement paroxystique de toute une fantasmatique dont nous retrouvons les origines d�s l'antiquit�. Que reproche-t-on aux sorci�res ? De pratiquer le mal�ficium, d'avoir �tabli un pacte avec le diable, d'�tre sous son pouvoir et d'entretenir des relations sexuelles bestiales avec lui. Surtout de pratiquer l'inceste, de d�vorer des enfants nouveau-n�s et de faire de leur chair, de leur sang ou de leurs os des breuvages dont se repa�t leur secte. A quelques nuances pr�s, il a �t� reproch� les m�mes choses dans l'antiquit� aux premiers chr�tiens, puis aux h�r�tiques pendant les XIe. XIIe. XIIIe et XIVe si�cles. De ce que r�v�le le livre de Norman Cohn, c'est que malgr� la masse de documents amass�e et �tudi�e de pr�s par lui, aucun des t�moignages ou manuscrits relatant ces pratiques ne pr�sente de coh�rence objective face au regard de l'historien. Autrement dit, ces faits sont trop incertains pour justifier l�int�r�t d�un historien. Les holocaustes ont trouv� leur auto-justification dans le d�lire de religieux obs�d�s, dans des conflits politico-�conomiques que masquait � peine les accusations de commerce avec le diable, ou dans des aveux obtenus sous les tortures les plus sophistiqu�es. Le plus extraordinaire dans tout cela, c'est qu'il existe toujours, � l'heure actuelle, des ethnologues ou des historiens pour accr�diter la v�racit� de ces pratiques monstrueuses[1]. Or, Norman Cohn par un d�pouillement scrupuleux des documents nous d�montre que ni h�r�tiques, ni sorci�res n'�taient structur�es en secte et que rien ne permet de croire les pratiques qui leur ont �t� pr�t�es. Les textes, sur lesquels se sont appuy�s les chercheurs, sont, soit des faux, ou des amalgames de sources diverses, soit ces m�mes chercheurs se sont laiss�s abuser par leur propre conviction, ou ont donn� des interpr�tations comme, celle des pratiques li�es au culte de la Nature qui ne peuvent se justifier. L�int�r�t, ici, est de voir � l��uvre une projection qui en a aveugl� plus d�un et qui aveugle encore. On pourra aussi constater que ces rumeurs se retrouvent � l�identique dans leur contenu d�s qu�il s�agit de caract�riser l��tranger, l���Alien��, le non-humain. Essayons d'�tudier les conditions d��mergence de cette projection dont la victime, ici, sera la femme. I � L'Antiquit�Premi�res pers�cutions des chr�tiens chez les Romains (177. ap. J.-C.) Il est dit que les chr�tiens (p.21) ��... tuaient et mangeaient des enfants et qu'ils se livraient � la promiscuit� sexuelle et � des orgies incestueuses... Auparavant, les chr�tiens avaient �t� affreusement tortur�s, tant en prison que dans l'ar�ne, mais rien ne put leur faire renier la foi qu'ils professaient, ni leur arracher l'aveu de crimes qu'ils n'avaient pas commis. L'un deux, attach�, br�l� vif sur un si�ge de fer rouge, criait encore � la foule�: Voil� ce qu'on peut appeler manger des hommes, et c'est vous qui le faites.�� Tel est l'exemple d'une prise de conscience de la projection. La projection s'appuie toujours sur une r�alit� qu'elle transforme, qu�elle amplifie et qu�elle inscrit dans un contexte d�lirant. Si bien que chacun peut s�aveugler et dire�: ��Mais ainsi sont les faits�! Personne ne s�y trompe, n�est-ce pas�?�� Comment la projection transform�e en rumeur s�empare-t-elle de faits r�els pour les agglutiner � d�autres contenus plus charg�s �motionnellement�?[2] Voyons ce qui permettait dans le rituel chr�tien l'accusation de cannibalisme. (p.25) �� C'est un fait qu'il y avait dans le rituel chr�tien un trait qui pouvait �tre ais�ment interpr�t� comme anthropophagique : Je veux parler de l'Eucharistie, la premi�re description que nous ayons de ce sacrement, chez Saint Paul, dans la premi�re Ep�tre aux Corinthiens, montre qu'� l'origine, les croyants se rassemblaient p�riodiquement dans une �glise pour y prendre un repas en commun, o� ils partageaient leurs provisions. Il s'agissait surtout, en rompant ensemble une miche de pain, tandis qu'une coupe de vin passait de l'un � l'autre, de relier la c�r�monie � la tradition dont Saint Paul se r�clamait � travers m�me la personne de J�sus : ��Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites ceci en m�moire de moi��. De m�me, apr�s le repas, il prit la coupe en disant : ��Cette coupe est la Nouvelle Alliance en mon sang; toutes les fois que vous en boirez, faites le en m�moire de moi �. Ceci constitue une coutume usit�e � peu pr�s partout dans le monde. Une personne m�diatise, repr�sente un ��autre chose�� charg� de puissance psychique. On dit commun�ment : � travers elle, nous faisons telle ou telle chose. Bien entendu il s'agit d'une r�f�rence � un �v�nement ou � un fait hautement significatif pour la communaut� qui c�l�bre ainsi le rite. � travers les gestes d'un chef charismatique ou d'un personnage puissant, la communaut� renoue avec cette ��autre chose�� porteuse de conciliation avec l�au-del�. C'est une perp�tuation de la vieille coutume selon laquelle le roi �tait aussi le repr�sentant de la divinit� et par suite la divinit� elle-m�me. Nous sommes l� dans un jeu de repr�sentations et pour �viter le pi�ge de la confusion entre les diff�rents niveaux de r�alit� il convient d'�tre tr�s vigilant. La d�rive est rapide. Le rite, cependant sert � cela, diff�rencier les diff�rents niveaux de r�alit�. Et d'ailleurs, pour comprendre combien il est facile de passer de l'interpr�tation � l'oppression puis � la r�pression, nous devons savoir que nous, modernes, acceptons plus ou moins l'interpr�tation psychanalytique selon laquelle l'absorption de l�hostie constitue un rite cannibalique d�guis�. Les chasseurs d'h�r�tiques, les Inquisiteurs, ne disaient rien d'autre de leurs futures victimes. Il les accus�rent de se livrer � des rites orgiaques, de promiscuit� sexuelle, de cannibalisme, et de p�dophilie. Et de fa�on banale ils se donn�rent le moyen d'extraire cet archa�sme, cette bestialit� de la civilisation dont ils se sentaient les repr�sentants.[3] Durant les trois ou quatre premiers si�cles qui suivirent, plusieurs P�res de l'Eglise eurent beau s'efforcer de spiritualiser l'Eucharistie, de faire en sorte que la chair et le sang du Christ fussent pris comme une simple repr�sentation du Verbe, ils ne purent changer les conceptions de la grande masse des chr�tiens, qui accordaient d�j� � l'Eucharistie le sens que lui donnent les catholiques de l'�poque moderne. Bien rares auraient �t� les premiers chr�tiens qui auraient object� � la d�finition qui fait toujours autorit�, celle du Concile de Trente, au XVIe si�cle, et qui n'a rien perdu de sa puissance. C'est un exemple frappant de croyance dans la toute puissance de l'imaginaire sans l'acc�s au symbolique. Cet acc�s au symbolique �tant, pour la Conscience, la facult� de diff�rencier les niveaux de r�alit� et d�y adapter les comporter de l�individu. Voici ce que rapporte Tite Live sur le mal chr�tien�: (p.28). ��C'est la R�publique enti�re qu'il menace. Si vous n'y prenez garde, Romains, � cette assembl�e tenue � la face du soleil, l�galement convoqu�e par un conseil, peut succ�der une assembl�e Nocturne aussi nombreuse...�� � Remarquons l'opposition Lumi�re (soleil, jour) � Ombre (lune, nuit). C'est un rappel du Chaos. Un des premiers faits que l'on reproche au bouc �missaire est qu'il s�me le d�sordre. C'est �galement un des attributs de Satan, Le Diviseur. Sources du conflit Romain/Chr�tienL'explication du conflit doit �tre recherch� dans l'incompatibilit� absolue existant entre le christianisme primitif et la religion de l'�tat Romain. La religion n'avait jamais �t�, chez les Romains, une question de d�votion personnelle, mais un culte national. (p. 30) ��Les Dieux de Rome avaient toujours �t� consid�r�s collectivement, depuis le d�but de la r�publique, comme les gardiens de l'�tat : ils �taient la personnification religieuse d'un pouvoir surnaturel et d'un caract�re sacr� dont la communaut� sentait la pr�sence en elle-m�me.�� ��Sous l'Empire, les Dieux romains �taient intimement associ�s � la mission qui incombait � l'Empereur. Ils en vinrent � �tre tenus pour les gardiens de la paix et de l'ordre que l'empire apportait avec lui, comme la garantie, en quelque sorte, que cet empire ne dispara�trait jamais. En outre, la personne de l'empereur �tait v�n�r�e � l'image d'un Dieu. �[4] � Nous pouvons noter que les pers�cutions ont toujours lieu contre un groupe qui menace la coh�sion de la majorit�. Une communaut� marginale entra�ne un ph�nom�ne de rejet et si sa puissance vient � menacer, elle est pers�cut�e. (p. 30) ��Ce n'est qu'au cours du IIe si�cle que les chr�tiens furent calomni�s de la sorte par les non-chr�tiens, et l'on en voit ais�ment la raison. Auparavant, ils n'�taient ni assez nombreux ni assez connus pour attirer l'attention, ou pour qu'on p�t les distinguer de la grande masse des Juifs. Au cours du IIIe si�cle, en revanche, leur nombre augmenta, et surtout, ils se trouv�rent trop largement r�pandus parmi l'ensemble de la population pour que l'on p�t encore accorder cr�dit � de telles fables. Beaucoup de chr�tiens, en particulier des femmes appartenaient d�sormais souvent � des familles aristocratiques : comment de telles gens auraient-ils pu �tre soup�onn�es de se livrer � des orgies incestueuses et � des actes de cannibalisme rituel ? Au surplus, l'attitude des chr�tiens eux-m�mes �taient en train de changer. Ils n'�taient plus aussi hant�s qu'autrefois par des fantasmes de fin imminente de ce monde et de venue du millenium. La hi�rarchie prenait de l'extension, le clerg� se mettait � acqu�rir des biens, les �v�ques devenaient des dirigeants et d'importants personnages publics.�� (p. 32) � Le mode de repr�sentation des chr�tiens change aussi, � partir du moment o� la croyance en un dieu tout puissant s'effrite face � la r�alit�, ils �prouvent le besoin de se d�fendre eux-m�mes, ayant pu constater que le jugement de la justice divine se fait attendre. Pourquoi, les femmes se sont elles tant investies dans le christianisme ? D�s le d�but, on les trouve militantes[5]. Cf. R�gine Pernoud, La femme au temps des cath�drales. Des si�cles plus tard, les m�mes vices fut attribu�s aux divers groupes religieux marginaux de la chr�tient� m�di�vale, et s'incorporaient au corpus de la d�monologie chr�tienne. � ��Aux yeux des Pa�ens grecs et romains, ceux qui se livraient � des orgies et d�voraient des enfants �taient des ennemis de la soci�t� et de l'humanit�. Pour les chr�tiens m�di�vaux, il s'agissait en outre d'ennemis de Dieu et de serviteurs de Satan.�� Premi�re ex�cution d�h�r�tique en 1022. (p. 40) ��Cent ans plus tard, c'�tait devenu un lieu commun que le diable ou un d�mon subalterne, pr�sidait aux orgies nocturnes des h�r�tiques sous la forme d'un animal - un chat, d'ordinaire.�� Conrad de Marburg, grand inquisiteur, fanatique, fit p�rir et accusa d'h�r�sie un nombre incalculable de gens, du pauvre au riche. ��M�me � l'�poque de son activit� inquisitoriale, on ne rapportait la pr�sence de l'h�r�sie que dans les zones qu'il visitait, le reste du pays ne s'y int�ressait pas. Et une fois qu'il fut mort, un grand silence se fit : les chroniques n'eurent pratiquement plus rien � raconter sur les h�r�tiques, et le pape lui-m�me les oublia avant qu'il f�t longtemps. La menace satanique n'avait �videmment aucune existence r�elle; c'�tait la cr�ation de l'esprit obs�d� d'un seul homme.�� (p. 50) Exemple d'imaginaire devenant r�alit���L'�pisode n'en fut pas moins d'une importance cruciale. Pour la premi�re fois, les fantasmes d�monologiques traditionnels avaient jou� le r�le, non pas simplement de sous-produits de la pers�cution, mais de stimulants de cette derni�re. Pour la premi�re fois �galement, le pape lui-m�me avait conf�r� � ces fantasmes le poids de son autorit� , de simples contes, vox in rama fit des v�rit�s �tablies. C'�taient l� d'importants pr�c�dents. Dans les deux si�cles qui suivirent, d'autres pers�cutions devaient �tre stimul�es de la m�me mani�re, elle aussi avec le soutien et l'approbation des plus hautes autorit�s. Et chaque nouvelle pers�cution conf�ra une cr�dibilit� et une autorit� nouvelle aux fantasmes qui l'avaient anim�e et l�gitim�e, jusqu'� ce que ces fantasmes finissent par �tre accept�s comme des v�rit�s d'�vidence d'abord par beaucoup de gens instruits, puis, � la longue, par l'ensemble de la soci�t�.�� (p. 51) Quelques aper�us sur l'�volution de l'id�e du diable��Satan en fait s'est form� � partir de Yahv� lui-m�me, par suite de l'�volution des id�es sur la nature de Dieu. Lorsque Yahv� passa de la position de Dieu tribal � celle de Seigneur de l'Univers, on le consid�ra tout d'abord comme l'auteur de toutes choses existantes qu'elles soient bonnes ou mauvaises. C'est ainsi que nous pouvons lire dans Amos ( VIIIe si�cle av. J.C.)�: Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que Yahv� en soit l'auteur ?�� (p. 84)
Et le livre de la consolation d'Isra�l peut m�me encore pr�ter � Yahv� les paroles suivantes : ��Je fa�onne la lumi�re et cr�e les t�n�bres. Je fais le bonheur et provoque le malheur, c'est moi Yahv� qui fais tout cela.�� Toutefois la mentalit� religieuse s'�tant progressivement modifi�e, on en vint � juger � la fois choquante et absurde l'id�e que Dieu p�t �tre directement malfaisant et responsable du mal. C'est � ce moment l� que les aspects redoutables de la divinit� se d�tach�rent du reste de ses attributs pour s'incarner dans Satan. Ce passage du livre des chroniques semble bien �tre le seul de tout l'Ancien Testament o� il soit, d'une certaine fa�on, donn� � entendre que Satan joue le r�le d'une force du mal; c'est �galement le seul o� le nom ��Satan���qui veut dire ��l'adversaire���est utilis� sans article et prend de ce fait valeur de nom propre. Satan cesse ici de repr�senter un attribut de la personnalit� divine pour se hisser au rang d'�tre autonome, puissance qui tente les humains pour les pousser � p�cher contre Dieu. Qu'il s'agit l� d'un v�ritable tournant dans la th�ologie juda�que, le fait que, durant trois si�cles qui suivirent, le monde juif produisit une d�monologie nouvelle, aussi vaste que complexe, en constitue la preuve indubitable. En d'autres termes, le diable et tous ses serviteurs, qu'ils soient hommes ou d�mons, ne forment qu'une seule et m�me arm�e et ils sont tous pareillement condamn�s � la chute et � l'an�antissement. ��Il est �vident, aux yeux de tous, que Satan et ses arm�es sont dans une position de d�pendance absolue par rapport � Dieu et de totale impuissance vis � vis du Messie. La Foi qui �clate tout au long des pages du Nouveau Testament est celle d'une �glise � la fois jeune et militante.�� (p. 89) Le diable avec l'aide de ses d�mons, inflige au corps des maladies et provoque des calamit�s collectives telle que s�cheresse, mauvaises r�coltes ou �pid�mies qui touchent aussi bien les hommes que les b�tes. Qui plus est, les d�mons ont d�sormais invent� de nouveaux tourments pour frapper l'�glise. D'un c�t� ils incitent les fonctionnaires romains � pers�cuter les chr�tiens et de l'autre ils d�tournent ceux-ci de la vraie foi.�� (p. 90) Satan, d�sormais, n'est plus d�pendant de Dieu. On peut mettre le r�cit de ces calamit�s en relation avec le mythe de Ishtar devenant st�rile quand son amant disparaissait. De m�me D�meter errant � la surface de la terre � le recherche de sa fille apr�s avoir rendu la terre infertile. L�Unit� divine r�capitule en une seule figure tous les attributs divins des mythologies anciennes. Mais il arrive que cette Unit� ne puisse supporter tous les contraires� Satan, ange d�chu est en train de na�tre comme figure de la divinit� tout en �tant singulier et autonome. Les premiers vacillements d'une repr�sentation du Monde���L'Eglise qui �vang�lisa les peuples celtiques et germaniques d'Europe �tait encore anim�e par ce sublime �lan de confiance en soi. Mais, � mesure que les si�cles passaient, des angoisses aussi neuves que terrifiantes commenc�rent � assaillir les esprits des chr�tiens, si bien que l'on en vint � se demander si le monde n'�tait pas sous la coupe des d�mons et s'ils ne disposaient pas d'alli�s humains en tous lieux, y compris au c�ur m�me de la chr�tient�.�� (p. 92) ��Satan et ses d�mons, dans l'id�e que s'en faisaient les chr�tiens des premiers si�cles de notre �re, �taient d�j� les produits d'une histoire fort longue et fort complexe, et ils continu�rent � �voluer au cours des si�cles qui suivirent. A la fin du Moyen �ge, ils �taient devenus des �tres infiniment plus puissants et plus mena�ants et ils s�immis�aient �galement bien plus activement dans la vie des individus.�� � Au XIIIe si�cle ap. J.-C, les angoisses du Millenium �treignent ces pr�lats qui alimentent les feux de l�Inquisition. La notion de salut prend une autre tournure. Douze si�cles ont pass� et la notion de salut imm�diat fait place � des conceptions plus morales. Les th�ologiens doivent faire face aux contradictions des dogmes primitifs. ��Nous sommes bien loin de l'assurance triomphante des premiers chr�tiens. D�sormais, les d�mons ne sont plus de simples ennemis ext�rieurs, condamn�s � �tre vaincus � maintes et maintes reprises par les propagateurs d'une foi militante, jusqu'au jour o� ils seront enfin �cras�s pour l'�ternit�. Ils ont envahi les moindres �v�nements de la vie, et surtout ils se sont introduits dans l'�me des individus. On ne les imagine plus comme des cr�atures mal�fiques, provoquant s�cheresses, mauvaises r�coltes ou �pid�mies, et ils en sont venus � repr�senter des d�sirs que chaque chr�tien nourrit au fond de son c�ur, sans oser pourtant les reconna�tre comme siens des gens se sentent victimes de forces qu'ils sont totalement incapables de ma�triser, et plus les sentiments de pi�t� qui les inspirent sont intenses, plus leurs maux sont nombreux : les moines et les religieuses sont ceux qui en souffrent le plus.�� (p. 92) Et, puisqu�il faut bien que la repr�sentation du mal vienne bien de quelque part, c�est de l��me tourment�e de quelques asc�tes rigides que vont appara�tre les premi�res repr�sentation de l��tranger. Le diff�rent, le contraire de soi, ce qui ne se comprend pas� constituent d�sormais des supports de projection. On discerne le rejet visc�ral du contraire en soi. On est lentement pass� d�une conception mythique du mal et de sa repr�sentation qui, en fait n�avait rien � rejeter des conceptions ant�rieures, � des figures ��modernes�� de la malfaisance. Entre temps, il fallut donner � Satan une certaine autonomie, mais pas trop car le dogme de l�unit� de Dieu eut �t� mis � mal. � Ne pourrait-on pas adopter l�hypoth�se de C. G. Jung d�apr�s laquelle, lorsqu�un arch�type se constelle, il emporte avec lui ceux qui se laissent ��poss�d�s��[6]. Il s�agit l�, non pas des sorciers, pauvres victimes qui ne surent pas toujours ce qui leur arrivait, mais bel et bien de ceux qui se livrent en toute conscience et souvent avec application � ces op�rations de purification. Le poss�dant est le vrai poss�d�. Or il est int�ressant de remarquer que ces mouvements de possession par un arch�type ne surviennent qu�� des moments particuliers. Quand la conscience perd sa rigidit�, voire sa protection contre l�assaut des forces venues de l�inconscient. Ce sont donc les individus les plus poreux qui deviennent alors les plus accessibles aux �nergies qu�ils ne peuvent canaliser. Ce qui, individuellement, pourrait conduire � une psychose se transforme en une folie collective o� les lois s�inversent et ce sont les plus fous qui tuent. Destruction des templiers par Philippe le Bel (fin XIIe si�cle)��Dot� d'une volont� de fer et d'un c�ur de pierre, il ne douta jamais un seul instant qu'il agissait pour le compte de Dieu, bien plus, que c'�tait Dieu lui-m�me qui agissait par son entremise. En renfor�ant le pouvoir du roi de France, il ne faisait qu'ex�cuter les intentions divines.�� (p. 108) ��Les templiers furent accus�s d'adorer une idole. Il s'av�re que ceci est faux mais que " dans le contexte des interrogatoires et des proc�s, il �tait n�cessaire qu'il y en ait une , en tant qu'incarnation de la puissance satanique.�� (p. 116) Le v�ritable, le grand sacril�ge de Templiers fut d�adresser leur action au b�n�fice d�une puissance temporelle, le Roi de France. Ce qui constituait une puissante r�gression vers le paganisme ancien, un retour � la divination d�un roi ou d�un empereur, comme le fut l�Inca au P�rou ou l�Empereur dans la Gr�ce antique. Le maleficium avant 1300��C'�tait quand survenait un d�sastre impr�visible et incompr�hensible que les gens en cherchaient l'explication dans le maleficium.�� (p. 188) Deux temps apparaissent dans cette dynamique de relation entre l��tre humain et sa divinit�: quand un malheur le frappe, dont il ne conna�t ni la source ni la raison, les forces du Chaos menacent d�envahir le monde r�el. Exorciser la menace constitue donc un r�flexe naturel que tous les humains du genre sapiens sapiens ont eu d�s l�origine. Dans le polyth�isme, il suffit de trouver un dieu qui soit de mauvaise humeur et l�affaire est faite� Cela n�emp�chera jamais les sacrifices ni le rejet du ��contraire de soi��. Cependant le principe d�ordre et de coh�rence et respect�. Dans le monoth�isme, Dieu source et aboutissement de toute chose ne peut �tre � l�origine du mal. Satan lui-m�me voit son autonomie relativis�e par la mission que Dieu lui a confi�. Peut-on alors cherch� le mal en soi�? Certes�! A travers la confession, on per�oit que le clerg� avait d�j� fait face � cette id�e. Mais cette reconnaissance int�rieure a forc�ment des limites car elle met en danger la puissance du dogme lui-m�me. Un vrai croyant ne peut-�tre malfaisant. Il devient alors plus ��logique�� de rechercher la source du mal au dehors de soi, parmi les �tres qui occupent les limites de la communaut� deviennent alors des proies faciles pour la projection. La communaut�, celle des fid�les n�est constitu�s que des cr�atures de Dieu, les autres occupent les limites. Cela va jusqu�� une traduction g�ographique�: ghetto, quartiers r�serv�s, syst�me de castes, etc. Le pacte avec le DiableC�est pourquoi on reprochera aux sorciers d'honorer d'autres puissances que celle de Dieu. Il fallait cela pour expliquer la menace du Chaos. Dans la figure du sorcier se constelle la menace supr�me�: le renversement d�une cosmogonie. � ��Thomas d'Acquin soutient que toute tentative de communiquer avec un d�mon (id�e de pacte), que ce soit explicitement ou tacitement, n'est pas simplement un p�ch�, mais revient � apostasier la foi chr�tienne. Il en est ainsi parce que, dans chacune de ces tentatives, le culte qui devrait �tre rendu � Dieu seul est en partie d�tourn� au profit de ses cr�atures, et, qui plus est, d'un ange d�chu et rebelle.�� (p. 213) Rien n�est plus terrifiant pour l��tre humain que de voir sombrer les piliers de sa repr�sentation du monde. Pire que la mort personnelle, c�est un an�antissement du monde habit� dont il s�agit. La Sorci�reLa femme demeurera longtemps la figure de projection privil�gi�e. D�j� sous Ovide, les striges, oiseaux extraordinaires, et mal�fiques, en lesquels certaines femmes pouvaient se transformer. (p. 248) La sorci�re est capable de transformation magiques : reste de notre animalit� craintive, ni b�te, ni femme.� On projettera les m�mes images sur les h�r�tiques. Parfois ce sera un animal qui les supportera, tel le chat, longtemps symbole de Satan. Le corpus juridique germanique (VIe), s'�tait fait de la sorci�re l'id�e d'une femme sinistre et cannibale, d�voreuse d�enfant. Le cannibalisme est une charge commune retenue contre les chr�tiens, h�r�tiques et les sorci�res. Ce sera aussi une accusation retenue contre les juifs durant les vagues d�antis�mitisme des XVe et XVIe si�cles. La constante de ces accusation � l��gard d��tres qui se tiennent aux limites de la communaut� laisse supposer qu�il s�agit d�une r�surgence de figures archa�ques. Dans de nombreux rites pa�ens on s'attribuait les valeurs guerri�res de l'ennemi en mangeant ses visc�res symbolisant ses diff�rentes vertus. � La gloutonnerie cannibale des figures diaboliques n�est pas sans similitudes avec la repr�sentation moderne des trous noirs, les monstres avaleurs de lumi�re. Dans le discours m�me de la science, d�une cosmogonie suppos�e �tre indemne de toute souillure religieuse, nous retrouvons le monstre avaleur. C�est aussi la science qui peut nous donner une explication coh�rente, li�e � la notion de repr�sentation du monde. L�image qui nous est donn�e des trous noirs est celle de monde dont les ��vertus�� r�elles sont inconnues. On conna�t seulement leur pouvoir colossal de condensation et leur capacit� � attirer vers eux toute forme de mati�re et donc de vie. De m�me absorbe-t-il la lumi�re, tout au moins celle que nous connaissons. Il s�agit d�une image devant laquelle notre savoir est impuissant. Tout juste nous est-il possible de rapporter des images semblables. Ainsi, la dialectique entre le conscience humaine et la r�alit� op�re-t-elle � travers un jeu de projection et d�introjection. On projette sur l�autre des vertus personnelles ou bien on introjecte celle d�un objet externe, souvent d�un mod�le mais on a vu qu�il pouvait tout aussi bien s�agir des vertus d�un ennemi. Ainsi dit-on que le sexe de la femme et plus particuli�rement de la m�re menacerait le sujet d�engloutissement. Ce qui serait g�n�rateur des plus formidables angoisses. Par la bouche ou par le sexe, l�an�antissement serait le m�me. Fa�on d�expliquer une cosmogonie avec les figures d�une autre� � Charlemagne, en 789: ��Si quelqu'un, tromp� par le Diable, croit, comme il est courant chez les pa�ens, que quiconque, homme ou femme, est une strige et mange les hommes, et si, pour cette raison, il fait p�rir cette personne par le feu ou en mange la chair, ou la donne manger � d'autres, il sera ex�cut�.�� (�) ��Il en ressort qu'� la fin du VIIIe, les Saxons, qui �taient encore en grande partie pa�ens, non seulement croyaient aux striges cannibales, mais avaient eux m�mes coutume de les manger, sans doute de fa�on � neutraliser une fois pour toutes leur pouvoir surnaturel de destruction.�� (p. 250) ��As-tu cru ce que de nombreuses femmes, retournant � Satan, croient et affirment �tre vrai, (...) que dans le silence de la nuit tranquille, quand tu t'es mise au lit, et que ton mari repose sur ton sein, tu es capable, tandis que tu es encore dans ton propre corps, de sortir � travers les portes et de voyager � travers les espaces du monde, en m�me temps que d'autres qui sont pareillement tromp�es, et que, sans armes visibles, vous tuez des gens qui ont �t� baptis�s et rachet�s par le sang du Christ, et ensemble, faites cuire et d�vorez leur chair; et que l� o�� �tait le c�ur, vous mettez de la paille ou du bois ou quelque chose de la sorte; et apr�s avoir mang� ces gens, vous les ramenez � la vie et leur accordez une br�ve p�riode � vivre ? Si tu as cru cela, tu feras p�nitence au pain et � l'eau pendant cinquante jours, et de m�me chacune des sept ann�es suivantes.�� (p. 250) � Il est clair ici que ce qui est attribu�e � Satan et aux femmes (parce que cr�dules, sottes, sans jugement, sans intelligence pour se laisser influencer par de telles croyances) c'est le domaine du fantasme, de l'irrationnel, de l'invisible et de l'inconscient. Il y a l� un myst�re que nous ne sommes pas encore pr�ts de percer. Le fait que ce myst�re prenne la femme pour principal agent demeure un autre myst�re que n�explique ni le sexe des dieux ni l�attribution de pouvoirs sociaux aux masculins. Il semblerait que ce soit plut�t le contraire. C�est parce que l�homme a projet� sur la femme des figures terrifiantes li�es au Chaos qu�il s�est arrog� le pouvoir de maintenir l�ordre social. Et il fallait qu�il y eut dans cette mystification un formidable pouvoir pour que les femmes elles-m�mes acceptent le joug ainsi dress�. Vers 906, �� propos de ces croyances dans des pouvoirs surnaturels li�s � Satan et dont les sorci�res sont les victimes, voici les recommandations que l'on peut trouver dans un canon destin� aux pr�tres�: ���Ils leur faut, du haut de la chaire, pr�venir leurs fid�les que tout cela est une illusion, inspir�e non par l'esprit de Dieu, mais par celui de Satan. Car Satan sait tromper les sottes en leur montrant, pendant leur sommeil, toutes sortes de choses et de gens. Mais � quel r�veur n'est-il pas arriv� de sortir de lui-m�me, au point de croire voir des choses qu'il ne voyait jamais quand il �tait �veill� ? Et qui serait assez stupide pour penser que ce qui ne s'est pass� que dans l'esprit s'est aussi pass� dans la chair ? Chacun doit �tre amen� � comprendre que pareille chose est un signe de ce que l'on a perdu la vraie foi et que l'on appartient, non pas � Dieu, mais au diable.�� (p. 253) Pouvoir de l'imaginaireJusqu'au XIIIe si�cle, l'Eglise nie l'existence des sorci�res nocturnes, et les dames nocturnes sont r�put�es appartenir au monde des r�ves. Les peines encourues �taient l�g�res car c'�tait tomber dans les erreurs des pa�ens et les pi�ges du Diable que de se laisser aller � de telles croyances. Au XIIIe si�cle le ton change : deux femmes furent jug�es par l'inquisition (p. 259) ��non pas parce qu'elles se figuraient avoir accompagn� Diane, mais parce qu'elles l'avaient en effet accompagn�e. Une d'elle reconnut avoir eu des relations sexuelles avec le Diable Toutes deux furent ex�cut�es.�� ��Mais une �poque devait venir o� l'attitude de l'�lite instruite serait tr�s diff�rente. Au XIVe et XVe si�cles, certains lettr�s se mirent � reprendre � leur compte les deux fantasmes des ��sottes�� et des ��ignorantes�� pour en faire un fantasme unique, o� des masses organis�es de sorci�res volaient la nuit et se livraient � des orgies cannibales sous la conduite des d�mons. Et cela contribua effectivement � d�clencher la grande chasse aux sorci�res.�� L'hyst�rie une petite fille des sorci�res ? " Naissance de l'hyst�rie ?Le plus surprenant est que certaines femmes adh�rent enti�rement aux id�es de sorci�res qui volent, tuent et mangent les enfants. Elles t�moignent m�me en ce sens. Mais quelle signification donner � ce corps qui s'envole ? (p. 263) D�sir d'�chapper � leur destin de femmes, confin� uniquement dans la procr�ation�? Se demande N. Cohn. D�sir inconscient d'affirmer la puissance de leur esprit en prenant le risque d��tre an�antie ? La plupart des historiens notent qu�au XIIe si�cle quelque chose se produit qui �chappe au contr�le de la conscience, mettant l�Europe en feu.[7] ��Les Benandanti comme ils le d�clar�rent eux-m�mes � plusieurs reprises faisaient ces exp�riences en �tat de catalepsie : tout au long de la p�riode concern�e, ils gardaient le lit, immobiles et frapp�s de stupeur. C'�taient leurs esprits, disaient-ils, qui sortaient se battre ; en v�rit�, si l'esprit ne r�ussissait pas � revenir promptement, le corps mourait.�� � S�agit-il d�une flamb�e de l'inconscient face aux dogmes devenus trop rigides ? On se posera la m�me question avec la pouss�e de l�antis�mitisme dans l�Europe des ann�es 30. On a donn� des raisons �conomiques, sociales, politiques. Aucune hypoth�se ne peut totalement expliquer le ph�nom�ne. Outre qu�il n�a jamais �t� tenu compte de la r�ponse � la question suivante�: pourquoi les images charg�es d�affects peuvent-elles vivre dans l�ombre, de mani�re ophidienne durant des si�cles et soudain exploser en un gigantesque �v�nement religieux�? Tant que nous n�aurons pas r�pondu � ces questions, nous ne pourrons pas nous permettre de donner un avis sur la flamb�e actuelle de l�Islamisme� ni �tre totalement serein face aux �v�nements des Balkans, du Rwanda, etc. � Il survient donc un moment o� l�image affect s�agglutine � d�autres et se propage gr�ce � la ferveur de quelques illumin�s. ��Au cours du XVe si�cle, inquisiteurs et magistrats la�cs commenc�rent � combiner ces diverses imaginations avec le st�r�otype d'une secte adoratrice du diable, orgiaque et infanticide. Quelques inquisiteurs atypiques, (...) avaient fourni ce qui paraissait �tre une confirmation du st�r�otype; ils avaient pu le faire gr�ce � la proc�dure inquisitoriale, et, en particulier, � l'emploi de la torture. De leur c�t�, l��v�que Ledrede de Kilkenny et le juge suisse Pierre de Greyerz avaient introduit le maleficium dans le tableau, en m�me temps que des traits emprunt�s � la magie rituelle - et la torture, ici encore, avait jou� son r�le. Le vol nocturne vint d�sormais s'y ajouter. Aux si�cles pr�c�dents, les gens instruits avaient rejet�s ce fantasme, mais c'�tait d�sormais une autre affaire : ce fut pr�cis�ment parce que la notion de voyages nocturnes � des fins de cannibalisme, non seulement cadrait avec le st�r�otype existant, mais le rendait bien plus cr�dible, qu'elle exer�a une forte s�duction sur ceux dont la t�che �tait de traquer et de juger les h�r�tiques. Il fallait que les histoires que quelques accus�s avaient racont�s spontan�ment fussent confirm�es par les autres et on utilisa de nouveau la torture pour s'en assurer. Et cela finit par devenir un lieu commun, admis par la plus grande partie de la soci�t�, qu'il y avait des h�r�tiques qui, outre qu'ils perp�traient les horreurs qui leur �taient traditionnellement attribu�s, volaient la nuit vers leurs assembl�es.�� (p. 271) L�imaginaire, comme force capable de consteller des images vari�es et complexes, auparavant isol�es, doit �tre consid�r� comme une dimension � prendre en compte. Il serait faux de voir dans les pers�cutions les cons�quences unique de guerres civiles, de facteurs religieux, politiques, �conomiques ou sociaux. Tout s�encha�ne�! Et il n�existe pas v�ritablement de facteur isol�. � N. Cohn souligne�: ��Le cas Adeline, (...)montre elle aussi de la fa�on la plus vivante que le proc�s d'un seul individu, quand il �tait conduit selon la proc�dure inquisitoriale par des autorit�s convaincues de la r�alit� du vol nocturne et du sabbat, pouvait d�boucher sur un proc�s de masse.�� Car sous la torture, il devait d�noncer tous ceux qu'ils avaient vus au sabbat. De d�nonciation en d�nonciation, nombre de gens furent br�l�s.�� (p. 273) Un ph�nom�ne singulier que l�on pourrait croire exceptionnel d�clenche soudain la furie des foules. Tout � coup, des peuples entiers s�auto-d�truisent de mani�re aveugle et bestiale tout en �tant convaincus qu�ils agissent pour leur salut. On peut constater, � partir de la notion de constellation d�arch�type que C. G. Jung a mis en �vidence, que ces chasses aux sorci�res s'ordonnent autour de fantasmes pr�cis dont on trouve la trace quasiment � l�identique chez tous les peuples et � des moments particuliers de l�Histoire. En Europe, il faudra cinq si�cles pour que ces images se constellent en une institution parfaitement organis�es et dont les buts, tout inhumains qu�ils aient pu �tre, s�inscriront � l�int�rieur m�me du dogme chr�tien. Et nous ne parlons l� que ce qui se passa en Europe, il n�est pas question de la traite des esclaves ni des conversions forc�es des indiens du P�rou ou du Mexique. Rationalisation des peurs paysannes��Peur paysanne, car confront�s � la nature, soumis aux catastrophes naturelles, la peur de l'inexplicable du d�sastre �tait toujours l�.�� Ne fait-on pas de m�me aujourd'hui en rendant les pollutions humaines responsables des perturbations climatiques qui s�annoncent. Dans les ann�es 60, au moment des lancements des premiers Spoutniks, on accusa d�j� les ondes qu�ils �mettaient de perturber le climat. Depuis, la science a progress� dans la connaissance que nous avons des facteurs en cause mais la rumeur, elle, n�a fait que s�amplifier. Et nous pouvons dire que de nouvelles sorci�res sont probablement en train de na�tre. ��A partir du XVe si�cle, de r�gion en r�gion, les choses prirent cet aspect officiel qui faisait jusqu'alors d�faut, et les peurs paysannes purent d�sormais s'exprimer par des accusations formelles.�� (p. 275) Orages malfaisants, maladies de l'homme et de l'animal, impuissance des clercs devant les catastrophe, tout s�expliquait par le maleficium. Et on connaissait avec certitude l�agent propagateur des forces du Chaos, la sorci�re, l�h�r�tique, le maure, puis, plus tard, ce sera le Juif, pourquoi pas le Hutu, si ce ne n�est le Tutsi, ailleurs l�homosexuel� Explosion de la chasse aux sorci�resLes ��experts�� sauront toujours donner des pr�cisions �labor�es pour caract�riser l�agent du maleficium. ��Jusqu'au moment o� la grande chasse aux sorci�res ensorcela litt�ralement tout et tous, le sorcier fut presque par d�finition une femme.�� (p. 284) Mais pas n'importe quelle femme, elle se distingue de la communaut� par son veuvage, son �ge avanc�, sa laideur ��effrayante � voir ��par un caract�re excentrique, solitaire, acari�tre��. Solitaire de dangereuse�! L�h�r�dit� l� aussi �tait pr�sum� jouer un r�le. ��Un sorcier n'�tait pas seulement une personne mauvaise et dangereuse : il personnifiait le mal et l�apostasie. Enfin : une repr�sentation pr�cise, concr�te; d�limit�e du mal !�� (p. 289). � Ce sont les certitudes avanc�es par quelque autorit� qui endigue soudain les flots du Chaos, au prix du sacrifices d��tres apparemment humains mais qui ne sont que les cr�atures de l�indicible� La panique provoqu�e par les rumeurs autour et � propos de la contamination par le VIH ne sont pas si lointaines, pour nous exhorter � la prudence quant aux certitudes que nous avan�ons d�s que nous touchons � ces zones de l�imaginaire. Par ailleurs, � l�heure o� le tyran Milosevic se retrouve devant le Tribunal p�nal international, plus de dix ans apr�s qu�il eut commenc� � exhorter ses troupes � divers massacres, il y a quelque raison de s�inqui�ter. Il serait na�f de croire qu�en traduisant une poign�e de tyrans sanguinaires devant un tribunal, on arr�tera le mouvement d�vastateur d�un arch�type qui se met en mouvement. Et, plut�t que de soulever des batailles m�diatiques contre ��Loft Story��, on pourrait se pencher un peu plus sur ces incendies qui couvent, pr�ts � incendier des morceaux de la plan�te. Il y a des priorit�s�! Illel Kieser 'l Baz [1] � Voir p. 32, m�me Marx est tomb� dans le fantasme du cannibalisme attribu� aux premiers chr�tiens. Tout comme, de nos jours, sur la base de faits av�r�s, les sectes � on ne sait pas trop ce que c�est � sont r�put�es abriter des pratiques incestueuse, voire des sacrifices humains. Et, on nous dira�: � Mais, ce ne sont pas des fantasmes, vous ne pouvez nier cela�; voyez ce qui s�est pass� avec l�Ordre du Temple Solaire, etc.��. Nous r�pondrons�: ��Au pr�texte qu�en France, le Minist�re de l��ducation Nationale a ferm� les yeux sur les pratiques de p�dophiles dangereux, d�truisons l��ducation Nationale car le crime de p�dophilie y est pratiqu� comme un rite�!�� [2] � Notons que le g�nocide perp�tr� au Rwanda s�est propag� ainsi, par la rumeur lentement amplifi�e et se chargeant de contenus �motionnellement incontr�lables. C�est en cela que la communaut� internationale est responsable. L�Histoire nous enseigne des faits que nous avons analys�s et nous refusons de nous servir de ces donn�es pour anticiper sur l��v�nement. Psychologiquement, cela veut dire que nous y consentons. [3] � En cela, la Psychanalyse s�est �rig�e toute seule en nouvelle morale et en dogme des temps modernes. [4] � Cela ne nous dit-il rien�? Voyons, transformons cette proposition ainsi�: ��Sous l'�gide des �tats Unis, les id�aux d�mocratiques �taient intimement associ�s � la mission qui incombait � cette Nation. Ainsi les Am�ricains en vinrent � �tre tenus pour les gardiens de la paix et de l'ordre que l'empire apportait avec lui, comme la garantie, en quelque sorte, que cet empire ne dispara�trait jamais. � [5] � Voir ce que dit Michelet � ce propos. [6] � On comprend que ce terme puisse choquer mais il faudra bien un jour se d�barrasser des peurs de la religion et des fant�mes du pass� et cesser ainsi de cr�er des tabous ��en papier��. Ce terme est ici le plus appropri�. [7] � Lire les travaux de l��cole de Jean Delumeau et notamment son ouvrage cl�, La peur en Occident. |
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