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Aspects du drame contemporain
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Compte rendu du livre de C.G Jung

Premi�re parution in Revue Psych�, d�cembre 1948

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Juliette BoUtonier

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C. G. JUNG : Aspects du drame contemporain,�
pr�face et traduction de R. Cahen - Salabelle. (Librairie de l�universit� Georg et C., Gen�ve,�
�ditions de la colonne Vend�me, Paris, 1948).


Voici le second ouvrage de JUNG dont nous devons la traduction � son �l�ve M. Cahen-Salabelle qui s'est donn� la t�che de faire conna�tre la pens�e de JUNG aux lecteurs de langues fran�aise. Le traducteur, dans la pr�face, nous annonce trois autres ouvrages importants traitants des probl�mes de clinique, de p�dagogie, et de psychiatrie, mais il a intercal� dans ce plan de publication ces ��aspects du drames contemporain�� en raison de leur valeur d'actualit�. En effet quand la maison br�le, on doit penser � �teindre l'incendie avant de se pr�occuper de l'hygi�ne du logement. Mais sans doute aussi les critiques qui ont �t� faites de l'attitude de JUNG pendant la guerre ont-elles paru � cet auteur dignes de provoquer une r�ponse et une justification dont ce livre est le r�sultat.


L'ouvrage est compos� essentiellement de trois articles dont le premier ��Wotan��, qui n'est pas ignor� des lecteurs de Psych�, avait �t� publi� en 1936, le second en 1926, le troisi�me en 1945. Cet ordre non chronologique a une valeur logique, car le premier article donne une explication de l'Allemagne nazie par le r�veil de l'arch�type Wotan, le second situe la Suisse � et en particulier la Suisse allemande � par rapport � l'Allemagne, � l'occasion d'un jugement assez d�sobligeant de Keyserling sur l'homme suisse, (dans ��Analyse spectrale de l'Europe��), la troisi�me (��Apr�s la catastrophe��)�voque la situation psychologique de l'Allemagne, publiquement convaincue d'avoir �t� l'auteur des abominations qui se sont accomplies dans les camps de concentration et dans les prisons pendant la guerre. Tout le peuple allemand doit se sentir accabl� par un sentiment de culpabilit� collective auquel il ne peut pas �chapper en invoquant son ignorance ou son refus d'un r�gime qu'il a engendr�. Il vaut mieux pour tout Allemand s'avouer coupable, cette attitude est la seule psychologiquement susceptible de ne pas aggraver le Mal. Mais de quoi est-il coupable et est-il seul coupable ? En r�alit� c'est le monde dit civilis� tout entier qui est coupable avec lui.

L'Allemagne fait partie de l'Europe, et aux yeux d'un Hindou par exemple, les atrocit�s allemande sont europ�ennes, tout comme nous confondons dans le m�me bloc tous les peuple de l'Inde. Cette v�rit� est encore plus sensible pour un suisse allemand, �lev� dans le respect de la culture germanique et conscient des liens qui l'unissent � son ��arri�re pays spirituel�� (p. 219), bien que l'�volution de la Suisse ait abouti � en faire une nation qui s'oppose trait pour trait � la nation allemande : limit�e � un petit nombre d'hommes, attach�e � son sol, m�fiante � l'�gard des id�es nouvelles, d�cid�e � chercher dans ses propres et rares ressources ses moyens d'existence au lieu des chercher chez d'autres peuples (bien entendu nous exprimons ici les id�es de JUNG).�

La Suisse est aux antipodes d'un peuple suggestible et toujours pr�t � se laisser s�duire par ce qu'il croit �tre le progr�s, intuitif, ��assoiff� d'infini�� comme la Faust de Goethe, ��si essentiellement allemand��. Mais si profond�ment que diff�rent la psychologie du peuple allemand et du peuple suisse, ils n'en sont pas moins plus proches l'un de l'autre que de certains peuples europ�ens, et l'on comprend que le drame allemand ait pu toucher Jung de tr�s pr�s. Il s'agit selon lui d'une psychopathie collective qui menace � notre �poque tous les groupes humains trop �tendus et � tendance totalitaire, au sein desquels les �tres perdent leurs instincts de conservation pour chercher uniquement leur salut dans d'autres hommes auxquels ils se fient aveugl�ment au nom de ces quelconques syst�mes en ��isme��, qui, dit Jung, ont remplac� les anciens dieux dont ainsi les noms riment maintenant tous ensemble. Cette maladie psychique menace toutes les vastes collectivit�s o� l'homme a perdu de vue le r�el au profit du social. Alors il attend tout de l'�tat ou du groupe et perd tout ce qui, psychologiquement, peut faire de lui une personne, il ne s'aper�oit m�me plus qu'il est esclave. Et le groupe accomplira, sans en avoir conscience, les pires atrocit�s.


Si l'Allemagne nous a ainsi fourni une d�monstration exemplaire des catastrophes qui guettent les soci�t�s humaines, nous aurions donc bien tort de croire que sa catastrophe n'est pas la n�tre. D'autres que Jung, et qui n'�taient pas psychiatres, ont signal� le danger de ��l'univers concentrationnaire�� qui para�t bien plus un produit du monde moderne qu'un monstruosit� �trang�re � l'homme. Mais est-il tellement s�r que la bombe d'Hiroshima ne p�se pas autant sur le destin des peuples dits civilis�s que les fours cr�matoires et les chambres � gaz d'Auschwitz et d'ailleurs ?

��Le feu qui s'est d�cha�n�� en Allemagne doit sa naissance � certaines conditions psychiques qui se retrouvent partout. � proprement parler d'ailleurs le signal n'a pas �t� donn� par l'embrasement allemand, mais par le d�cha�nement de l'�nergie atomique, qui met dans la main de l'homme le moyen d'une auto-destruction radicale�� (p. 232).


Quel est donc le rem�de ? Jung se d�fend de l'apporter sous la forme de quelque chose en ��isme��, puisque c'est l� notre mal. Nous ne pouvons pour le moment rien de plus que nous surveiller nous-m�mes en tant qu'individus pour �chapper � la psychose collective, et ce n'est pas si facile. Nous devons aussi garder le plus possible un contact culturel avec les �tres et les groupes qui nous paraissent atteints d'une psychopathie puisque le seul rem�de contre ��le terrible danger qu'est l'agglom�ration en masse�� est la culture. (p. 219).

Notre impuissance � changer le destin des groupes ne doit en aucun cas �tre une excuse pour abandonner le contr�le de nous-m�mes. Et quand nous lisons la derni�re phrase du livre : ��il est vraiment temps que l'humanit� songe aux choses essentielles et entre autres qu'elle soumette la question d'�tre ou de n'�tre pas � une discussion approfondie ; car ce qui maintenant menace rel�guera dans l'ombre la catastrophe europ�enne tel un fugace pr�lude�� , rappelons-nous qu'une antique sagesse nous a transmis la l�gende du juste sauv� seul du d�luge et suffisant pour sauver l'humanit�.

Juliette Boutonier � tous droits r�serv�s.

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