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Alain Kieser INANA-LYSE Lierre & Coudrier �diteur, collection recherche, 119 pages, 90 F. � C'est � une divinit� sum�rienne qu'Alain Kieser a emprunt� son nom pour former un n�ologisme "s�n�fiant" en guise de titre : "INANA-LYSE". Il est int�ressant de situer son propos dans le mythe �voqu� qui est celui de la "Ma�tresse du Ciel" qui veut devenir "Ma�tresse des enfers" : in�vitablement, elle meurt et doit d�ployer ruse et ing�niosit� pour pouvoir ressuscite. A. Kieser s'attaque d'abord � la psychanalyse devenue science institu�e, digne compl�ment de la science avec un grand "S" qui s'est annex�e le pouvoir de ma�triser la Nature. Cette partie du livre n'est pas sans faire penser � l'histoire de Job dont la foi en son seigneur Yahv� pers�cutant Job, elle n'avait outrepass� ses droits et surtout sa finalit�. Le propos d'A. Kieser n'est pas tendre et durant 80 pages, les t�tes tombent all�grement : de Bernard Henry L�vy, le dandy philosophe � la bonne conscience de l'Occident. Mais il semble qu'A. Kieser n'ait pas vocation � comm�morer � sa fa�on le bi-centenaire de la R�volution fran�aise : son propos se veut non pas contre mais en de��, englobant la psychanalyse dans une compr�hension �largie de science forg�e par l'homme occidental, avec sa culture, ses repr�sentations, son actif et son passif par rapport � lal "boue de l'occultisme" et � la barbarie qui est toujours chez les autres. Ici ce n'est plus le bruit des t�tes des poncifs de la psychanalyse en place qui tombent qu'on entend, mais peu � peu le bond que fait le coeur quand il s'agit de parler de Barbie ou des victimes de l'Holocauste. On pourrait renvoyer le service d'A. Kieser en liftant un complexe du p�re qui le pousserait � la faute : se r�volter contre sa toute puissance, mais l'auteur nous adresse d�j� un "passing shot" le long de la ligne de d�marcation de notre bonne conscience. Alors comment r�pondre ? L'auteur a d�j� eu des r�ponses � son propos novateur : fermeture des portes des m�dias ou des universit�s pour cause de non alignement. Mais enfin, est-ce si grave docteur ? La psychanalyse apr�s tout ne touche qu'une minorit�, qu'une �lite de malades et de soignants ! Le livre d'A. Kieser apporte � ce sujet un �clairage philosophique qui situe la psychanalyse et ses enjeux culturels dans la perspective d'une id�ologie, voire d'un dogme. Et c'est en arbitre du cours des choses en Occident qu'il aborde la possibilit� d'un hors jeu d�finitif du camp occidental d�meur� immobilis� dans le culte de la raison qui peut tout �clairer, m�me l'obscur inconscient du d�but du si�cle. A. Kieser remet en jeu l'obscur, jouant au filet l'inconnaissable de Kant toujours si vivement enterr�. Se situant dans une perspective philosophique et clinique, il nous invite en conclusion � explorer ces "�nigmes" de l'�tre humain qu'on avait cru encore une fois si bien r�soudre. Et le terrorisme, et les �pid�mies, et la mort omni pr�sente : est-on venu � bout de l'occultisme en sortant de "boue de l'occultisme"�? L'auteur a l'�l�gance de ne pas r�pondre, la balle est dans le camp de notre �me, avec son ineffable myst�re... Patrick ARDUISE � � � Alain Renaut L'�re de l'individu Gallimard, col. Biblioth�que des id�e, 1989, 310 pages, 115 F. � La pens�e du sujet et la cons�cration de l'individu sont deux choses diff�rentes : telle est la th�se que cherche � �tablir ce livre, fondant ainsi la pol�mique nagu�re d�clench�e contre les critiques contemporains de l'humanisme philosophique (La Pens�e 68, Gallimard, 1986, et Itin�raire de l'individu, Gallimard, 1987, en collaboration avec Luc Ferry). Mais le ton cette fois-ci exc�de largement cette pol�mique, puisque c'est � une reconstruction de l'histoire des formes du sujet dans la philosophie moderne que nous convie A. Renaut. Partant des analyses de la modernit� propos�es, d'une part, par Heidegger et, d'autre part, par Louis Dumont, il s'efforce de montrer que la modernit� est moins univoque que ne le postulent, chacun � sa mani�re, ces deux penseurs. Selon lui, l'id�e du sujet est marqu�e par une double postulation, qui se trouvera plus ou moins accentu�e selon les auteurs : celle de l'ind�pendance et celle de l'autonomie. En diff�renciant rigoureusement ces deux notions, il parvient � reconstruire deux traditions de la pens�e moderne : celle qui, privil�giant l'ind�pendance, aboutit � l'individualisme et celle qui, mettant l'accent sur l'autonomie, permet de penser un sujet qui n'est pas r�ductible � un solipsisme. Au principe de la premi�re, on trouve Leibniz tandis que la critique kantienne est le v�ritable fondement de la seconde. Il est �vident que cette reconstruction pourra �tre critiqu�e : A. Renaut prend toutefois soin dans la pr�face de pr�ciser son rapport � l'histoire de la philosophie, qui ne doit pas, selon lui, venir recouvrir la t�che proprement philosophique mais au contraire la nourrir. Ainsi ce livre t�moigne-t-il d'un souci v�ritable, qu'il convient de saluer, de penser philosophiquement les enjeux contemporains. � � � � Mich�le Le Doeuff
L'�tude et le rouet� Le Seuil 1989, 384 pages, 140 F. � Le f�minisme n'est pas, pour M. Le Doeuff, le moyen dialectique de r�soudre ais�ment, en la d�passant, la difficult� qu'il y a � �tre femme et philosophe aujourd'hui? Tout au contraire. Il serait plut�t le moyen de parvenir � se maintenir dans une aporie cr�atrice l� o� l'institution philosophique, le sexisme ordinaire ou le f�mino-centrisme pr�f�rent ignorer l'existence d'un probl�me. Cette aporie est d'abord celle des femmes en philosophie : alors que philosopher semble �tre pour elles l'une des fa�ons de prendre leur libert�, elles �prouvent "quelques difficult�s" � adh�rer � ce qu'il y a de phallocratique dans la philosophie, au point souvent d'y renoncer. M. Le Doeuff refuse pourtant l'id�e trop simple que la philosophie serait par essence phallocratique; en revanche, elle �labore, avec autant de rigueur que d'humour, un nouveau concept, celui de masculinisme th�orique. Le lecteur d�couvre ainsi, au fil de pages tr�s jubilantes, que l'Etre et le N�ant doit � ce "folklore de la domination" l'assise imaginaire du concept de mauvaise foi, ou que la th�orie de la connaissance comme appropriation r�v�le une �rotique du viol tr�s douteuse. Or, une philosophie d�pourvue de ce folklore masculiniste n'est pas "f�minine", ais plus universelle. Tel est le cas de la philosophie de Simone de Beauvoir, aussi cach�e et peu syst�matique que celle de Sartre a �t� "incroyablement visible" et dogmatique. L'�tude et le rouet, opposant ces deux figures, nous invite � m�diter sur les conditions de possibilit� d'une philosophie qui serait pens�e de quelque chose au lieu d'�tre le lieu d'une pose et de l'affirmation de soi comme unique sujet parlant. C'est donc surtout un livre de philosophie qui, loin de toute cl�ture syst�matique ou d'autofondation, fait intervenir l'aporie comme une n�cessit� f�conde, assume ses propres mythes et anecdotes comme les morceaux d'imaginaire ins�parables de toute entreprise philosophique, convoque les textes sans pr�tendre en donner la v�rit� historique et, enfin, ne refuse pas d'affirmer les valeurs qui commandent le discours, sans vouloir les d�duire a priori. M. Le Doeuff renoue en cela avec le meilleur de la tradition de la Renaissance et de la tradition platonicienne. Une philosophie foisonnante et fort r�jouissante. � � � Roberto Lionetti Le Lait du p�re pr�face de Fran�oise Loux trad. de l'ital. par Anne-Marie Castelain Imago, 1988, 168 pages, 103 F � � P�res et paternit� Revue fran�aise des Affaires sociales n� hors s�rie Minist�re du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle Minist�re de la Solidarit�, de la Sant� et de la Protection sociale, 1988, 224 pages, 75 F. � Derri�re ce titre quelque peu provocateur, Le Lait du p�re, l'auteur atteste l'existence dans des cultures tr�s diff�rentes d'une tradition folklorique centr�e sur l'allaitement masculin. Mythe extr�mement polys�mique qu'il appr�hende � travers plusieurs codes interpr�tatifs : codes biologique et psychanalytique qui lui semblent peu op�rants et auxquels il pr�f�re les codes mythico-rituel et sociologique, plus aptes � fournir une compr�hension progressive de ce motif de l'allaitement masculin. Mais d'embl�e, la richesse du folklore d�note une double opposition : l'apparition du lait dans un sein masculin peut �tre interpr�t�e soit comme une intercession divine, un miracle (saint Mamant sauvant ainsi un orphelin), soit comme la punition d'un homme doublement blasph�matoire, puisque se moquant et du miracle et du caract�re sacr� - parce que vital - de l'allaitement. Ambigu�t� du symbole donc, pouvant signifier, selon le contexte, le bien ou le mal, le sublime ou le grotesque. L'int�r�t premier de l'ouvrage est de montrer comment le th�me de l'allaitement masculin exprime clairement la dialectique et la rivalit� existant entre les sexes. L'image de l'homme qui allaite, comme celle de L'Homme enceint (R. Zapperi, PUF, 1983), ou encore le fantasme plus r�cent du clonage, est l'expression d'un r�ve d'autarcie masculine face au pouvoir procr�ateur des femmes. Cette prise en compte comme r�alit� culturelle et sociale de ce qui est biologiquement irr�el, bien que Lionetti rappelle l'importance �tonnante de th�ories m�dicales anciennes affirmant la r�alit� du ph�nom�ne, nourrit un courant d'interrogations tr�s actuelles centr�es moins sur l'enfance ou la maternit� et de plus en plus sur la paternit�. En t�moigna le dernier num�ro, pluridisciplinaire, de la Revue fran�aise des Affaires sociales, qui se donne comme objectif de r�fl�chir sur les fondements de la parentalit� au masculin. Pour plusieurs auteurs, cette r�flexion se fait dans le cadre d'une rivalit� p�re/m�re qui s'appuie sur la distinction entre maternit� biologique et paternit� sociale. La capacit� qu'on aujourd'hui les femmes de ma�triser leur procr�ation, l'existence d'un appareil l�gislatif qui a remis en cause la puissance paternelle, tout semble aller dans le sens d'une alt�ration de la paternit�, et ce au moment o� l'on voit surgir des mouvements de revendication paternelle. L'histoire d�montre Y. Kniebielher le rappelle, faisant r�f�rence � son livre r�cent Les p�res aussi ont une histoire (Hachette, 1987) que si de tout temps les enfants ont pu et peuvent toujours se passer de la pr�sence de leur g�niteur et m�me d'un p�re d�sign�, � l'inverse, chaque homme a besoin d'enfant, et que cela d�passe ce que G. David appelle le besoin d'engendrer. Les p�res, trop longtemps endormis sur leur pr�pond�rance, qu'ils croyaient in�branlable, se voient aujourd'hui d�poss�d�s (E. Sullerot). � � � Piero Camporesi L'officine des sens Une anthropologie baroque trad. de l'ital. par Myriem Bouzaher Hachette, col. La force des id�es 1989, 276 pages, 128 F. � � L'enfer et le Fantasme de l'hostie. Une th�ologie baroque trad. de l'ital. par Monique Aymard Hachette, col. La force des id�es 1989, 256 pages, 128 F. � � A une imposante �rudition d'historien s'ajoute ici un v�ritable talent d'�crivain : les deux libres de Piero Camporesi apportent un �clairage neuf et extr�mement d�paysant sur l'Italie et l'Europe baroques, du XVIe au XVIIIe si�cle. Peu de travaux dans le champ de l'histoire des mentalit�s ou de l'anthropologie culturelle ont r�ussi � ce point � d�voiler des pans in�dits de la civilisation moderne, � d�busquer des comportements et des textes aussi insolites, dissimul�s dans les trait�s de th�ologie, les archives priv�es et les sommes m�dicales, bref, � donner au lecteur une telle impression d'alt�rit�. Les Tupinambas cannibales du Nouveau Monde et les aborig�nes d'Australie sont des cousins familiers et rassurants en comparaison de ces Italiens qui ex�crent les fromages, de ces anatomistes qui diss�quent des corps morts ou vifs, de ces fous de Dieu qui se mortifient par d'incroyables supplices d�passant l'imagination la plus folle du Divin Marquis. Sc�nes, pens�es, �crits et rites de l'extr�me, o� se disent l'inconscient collectif comme les obsessions les plus intimes, les hantises de la mort, du salut et de la souffrance, une fantasmatique du monde naturel, de la transmutation de la mati�re, de la pourriture et de la vermine, des secrets interdits du corps humain, des fluides, des os, des muscles et des humeurs, des pommes et des fleurs printani�res. Aux c�t�s de M. Foucault, M. de Certeau, Kr. Pomian, J. Le Goff et M. Serres, P. Camporesi nous offre d�sormais une hallucinante arch�ologie des savoirs et des croyances, il nous introduit au c�ur d'un univers mental travers� d'odeurs fortes, de visions insoutenables, de r�gimes alimentaires aberrants, de curiosit�s morbides, de disciplines cruelles impos�es au corps pour sauver l'�me. Du chevalet du bourreau, nous passons au scalpel du chirurgien et � la carte in�dite du corps �corch�, puis aux mani�res de table et � l'anti-cuisine des ordres monastiques et des ermites, avant de longer les paillasses des l�proseries et de descendre dans la cave o� fermentent les fromages maudits. Le parcours s'ach�ve, Dieu merci, au grand air, dans des jardins lubriques et parfum�s, dans les p�turages des bergers et les labours des paysans. P. Camporesi nous explique in fine comment les Travaux et les Jours d'H�siode se perp�tuent dans les savoirs traditionnels des gens de la campagne. Cette anthropologie du corps et des sens approfondit l'enqu�te d�j� ouverte dans La Chair impassible (Flammarion, 1986) : elle n'est pas sans rapport avec les grands th�mes de la th�ologie baroque offerte par le second livre publi� dans la collection de Fr. Azouvi : apr�s la d�couverte r�cente du Purgatoire m�di�val, nous sommes convi�s � une descente aux Enfers, dans l'imaginaire de la souffrance et du ch�timent, dans cette grande peur qui hante et fascine l'humanit� chr�tienne. Univers violent, riche en sensations fortes, auquel font contrepoint l'hostie, ses myst�rieuses vertus, le symbolisme et la mise en sc�ne th��trale de la communion. Ces deux livres, publi�s en Italie en 1985, feront date : une excellente traduction fran�aise, un style envo�tant et l'originalit� m�me du sujet comme des cheminements suivis les recommandent � un tr�s large public. � � � Carmen Bernand et Serge Gruzinski De l'idol�trie. Une arch�ologie des sciences religieuses � L'ethnologue et l'historien relisent enfin sans condescendance les textes des d�couvreurs de l'Am�rique, mexicaine ou p�ruvienne surtout : j�suites espagnols, aristocrates m�tis, et cur�s d'Indiens, ceci pour une nouvelle connaissance de ce "laboratoire de la modernit�", et l'�dification d' "une arch�ologie des sciences religieuses". Par son entreprise encyclop�dique, Las Casas fonde le comparatisme, la dimension historique et psychologique des faits religieux et, une nouvelle fois, s'affirme comme un des esprits les plus surprenants de son temps dans sa r�habilitation des soci�t�s indig�nes. A travers la cat�gorie de l' "idol�trie" se pense l'alt�rit�, se dessine l'occidentalisation. Pendant tout le XXe (?) si�cle, quelques faits fascinent : la possession ou le sacrifice humain, moins unanimement d�nonc� qu'on n'attendrait. D'abord syst�me marqu� par le thomisme, l'idol�trie est ensuite pens�e comme un mode de vie diff�rent de celui des Europ�ens, une peste, dont il faut supprimer les vecteurs culturels : mots, textes, hallucinog�nes. Les trait�s d'extirpations traquant le d�tail, l'intime, sont une mine pour l'ethnologue qui y retrouve les hantises du XVIIe si�cle envers tous les d�viants, Indiens confondus avec juifs et sodomites. Avec les Lumi�res, l'idol�trie sert tout juste � troubler l'image de la religion des Europ�ens et les voyageurs savent alors d�couvrir en Patagonie l'ath�isme tandis� que les j�suites quittent le religieux pour la politique dans les derni�res r�ductions du Paraguay. Les auteurs ont ainsi cherch� comment comprendre l'autre sans passer n�cessairement par la grille religieuse, mais en pr�f�rant les d�tours par l'image, le corps ou le temps, plus fascinants souvent pour les Indiens que le rapport aux "dieux". � � � Roger Martin-Achard La Mort en face selon la Bible h�bra�que Labor et Fides, col. Essais bibliques, 1988, 136 pages, 112 F. � L'ouvrage b�n�ficie d'une exploration approfondie du th�me de la mort dans la Bible, dont les travaux du pasteur R. Martin-Achard t�moignent depuis longtemps (De la mort � la r�surrection, 1956, l'article du Suppl�ment au Dictionnaire de la Bible, 1981). La synth�se est pr�cieuse, car la Bible ne se laisse approcher aussi facilement que par ceux qui connaissent les cl�s de ce d�dale de textes empil�s � travers les �ges et les cultures. L'id�e de la mort dans la Bible n'est pas monolithique. en trois chapitres, le pasteur, savant et p�dagogue, d�veloppe une conception �volutive de la foi de l'H�breu amoureux de la vie envers et contre tout, lucide devant la mort, soucieux d'assurer le culte de Yahveh par- del� le tr�pas. Une rapide incursion dans les conceptions de la mort du Proche-Orient contemporain de la Bible donne � l'ensemble une solidit� encyclop�dique. La conception biblique de la mort constitue le socle des th�ories occidentales ult�rieures, elle en est l'�pure d�nu�e d'excroissances romantiques. La foi en la r�surrection qui se profile dans cet univers aust�re, o� le culte des morts est durement r�prim�, n'en prend que plus de valeur proph�tique. Les textes choisis sont minutieusement comment�s et situ�s dans une progression th�matique et chronologique. � � � Le Voyage nocturne de Mahomet suivi de l'Aventure de la parole compos�, traduit et pr�sent� par J. E. Bencheikh pr�face d'Andr� Miquel Imprimerie nationale, col. Orientale 1988, 308 pages, 245 F. � En islam, o� l'image est interdite, seul le songe furtif de la nuit autorise une �vasion �perdue dans l'imaginaire. Fameuse sourate XVII du Coran qui ouvre une br�che dans la transcendance absolue de Dieu et lance une �chelle entre la cr�ature et son cr�ateur; le texte en est ici minutieusement comment�, et comme naturellement illustr�. Ainsi, ce livre sorti tout droit des presses de l'Imprimerie nationale recueille une longue tradition populaire qui s'est plu � r�ver le voyage nocturne de Mahomet dans l'espace des images, aux confins de l'enfer et du paradis, guid� par les anges et leur hi�rarchie. On voit le Proph�te converser avec Adam, les Patriarches, Mo�se, et nouer avec J�sus un lien sensible. L'entreprise d�joue les pi�ges des folklores ab�tardis et s'impose une rigueur scientifique des plus modernes, notamment pour l'�tablissement du texte et son �dition critique. Jamel Eddine Bencheikh, dans une tr�s belle postface, d�voile un projet qui int�resse tout autant l'ethnologue, le psychologue, le philologue, le th�ologien. Des notes abondantes, �rudites, tracent des rep�res dans le foisonnement des versions, des variantes, des excroissances, et ancrent toujours la sourate et ses commentaires dans la pure tradition coranique. Les r�f�rences aux travaux universitaires d'Occident et d'Orient �tayent la foi du croyant orthodoxe et la raison de l'intellectuel. L'ouvrage jette les bases d'une eschatologie musulmane trop m�connue, que les islamologues ont tout int�r�t � enseigner. La science des r�cits apocalyptiques arabes �voque un dialogue entre les religions en ce lieu o� bouillonnent les mythes et les images arch�typales. Figure paradoxale du sommeil qui dit la proximit� lumineuse de l'homme et de Dieu et supplante les rationalismes st�riles, le livre page apr�s page s'efface devant le myst�re qu'il �crit et lib�re le vrai r�cit de l'ascension (Mir radj). Le voyage de Mahomet est un voyage mystique, et tout commentaire s'�puise � en d�crire la richesse infinie. En ces temps o� certains �crits d�clar�s sacril�ges enflamment encore les fanatismes, ce livre admirable devrait r�concilier les extr�mes en les invitant � plonger dans l'univers merveilleux de la po�sie mystique. � � � Yvette Duval Aupr�s des saints, corps et �mes Etudes augustiniennes 1988, 230 pages, 180 F. CNRS � L'antique coutume (d�s le IIIe si�cle) de se faire inhumer "aupr�s des saints", c'est-�-dire � proximit� d'un sanctuaire, t�moigne d'une volont� de faire habiter sous un m�me toit les saints et les d�funts et, ainsi, de solliciter l'hospitalit� divine. Y. Duval a rep�r� les traces de cette pratique persistante en �tudiant minutieusement les tombes d'Afrique du Nord et surtout les inscriptions fun�raires qui �crivent sous des formes m�taphoriques et po�tiques une v�ritable th�ologie de la vie post mortem. Le vocabulaire utilis� est celui de la communaut� des vivants et des morts, du compagnonnage, de la cohabitation, et le s�pulcre devient l'instrument m�me de l'alliance. En insistant sur les m�rites du d�funt, les textes dessinent la ressemblance qu'il entretient avec la perfection du saint et "le tire ad sanctos", mais seule la ressemblance justifie l'inhumation aupr�s des saints. De nombreuses �pigrammes (sous le pape Damase en particulier) d�noncent les abus de cette pratique pour des d�funts qui n'auraient pas m�rit� un tel honneur : une s�pulture privil�gi�e usurp�e par un p�cheur indigne, loin de lui garantir les secours des saints par la proximit� physique des saintes reliques, doit lui valoir un accroissement de peine. L'important travail de topographie et d'arch�ologie concernant ces �pigrammes, leur retranscription, leur analyse litt�raire met � jour un discours chr�tien des premiers si�cles dont la port�e rivalise avec la grande litt�rature patristique : l'accueil des corps d�funts dans la compagnie des corps des saints ou leur rejet doit inciter les fid�les � une vie terrestre plus sainte en leur montrant que les secours des saints patrons ne sont assur�s qu'aux membres d'une m�me famille spirituelle. Dans ces cimeti�res muets r�sonne la th�ologie d'augustin pour qui le corps donne � l'�me une forme et demeure le vestige de ses m�rites et de sa foi. � � � Joseph Ratzinger La Th�ologie de l'histoire de saint Bonaventure trad. de l'all. par Robert Givord, r�vis� par L. Burger et Fr. Vinel PUF, col. Th�ologiques, 1988, 212 pages, 168 F. � La publication, tardive, en langue fran�aise du travail fondamental de J. Ratzinger sur la d�finition du sens chr�tien de l'histoire r�pond sans doute � des pr�occupations th�ologiques renforc�es par la crise que traverse l'�glise en cette fin de XXe si�cle. Ainsi, en reprenant l'�tude toujours inachev�e de l'�uvre m�di�vale du franciscain Bonaventure, J. Ratzinger confirme une r�action anti-aristot�licienne typiquement franciscaine et nie d�finitivement l'�ternit� du temps; une r�action qui se prolonge en antiphilosophisme dans la mesure o� la philosophie voudrait s'affranchir de la th�ologie; finalement, une r�action antithomiste qui d�clare provisoire toute th�ologie rationnelle et sp�culative et annonce l'av�nement d'une pure th�ologie de la foi et de l'amour. La manipulation des concepts m�di�vaux des Rupert de Deutz, Honorius d'Autin, Anselme de Havelberg, en arri�re-fond d'Augustin, atteint des sommets sans que jamais la clart� fasse d�faut. Le lieu o� se croisent les pens�es du Pseudo-Denys et de Joachim de Flore, soit tr�s exactement, selon Bonaventure, la charit� de Fran�ois d'Assise, est plus que jamais d'actualit� pour r�concilier la raison et la foi dans le temps de la Cr�ation : l'�uvre de six jours ("L'Hexameron") est certes inachev�e, mais la Paix du Septi�me Jour se profile d�j� sur cette terre o� Dieu aime �tablir sa demeure chaque fois que l'amour triomphe, hic et nunc et non dans l'�ternit� d'un Dieu lointain et d�sincarn�. L'ouvrage inaugure une nouvelle collection dirig�e par R�mi Brague et Jean-Yves Lacoste qui entendent r�int�grer � la culture universitaire le domaine th�ologique expuls�, en France, depuis bient�t un si�cle, du "savoir qui pr�tend � l'universel". La d�monstration, extr�mement brillante, de la pens�e du docteur s�raphique conforte ce projet en prouvant la possible connaissance de Dieu dans le temps m�me de l'histoire. � � � Franco Lo Chiatto et Sergio Marconi Galil�e entre le Pouvoir et le Savoir trad. de l'ital. par Simone Matarasso Gervais Alin�a, 1988, 300 pages, 210 F. CNL � La r�ouverture de l'affaire Galil�e par Jean-Paul II en 1979 dans l'encyclique Redemptor... hominis t�moignait du souci de red�finir les rapports entre la science et la religion catholique. Le remarquable dossier constitu� par F. Lo-Chiatto et S. Marconi permet de d�voiler au jour les enjeux r�els du conflit entre la recherche scientifique et le pouvoir religieux, qui constitue, selon l'expression du cardinal Koenig, "une blessure toujours ouverte" depuis le proc�s de Galil�e et son abjuration en 1633. La recherche d'une solution honorable par l'�glise catholique passe aujourd'hui par la reconnaissance de la pluralit� des r�gles d'interpr�tation de l'�criture sainte et l'affirmation de l'importance �pist�mologique de l'ex�g�se galil�enne qui porte entre la physique et les textes sacr�s. La republication d'une partie des documents r�unis par Antonio Favaro en 1907 (Galileo e l'inquisizione), ainsi que l'�dition des lettres coperniciennes et la correspondance in�dite entre Galil�e et Peiresc, grand �rudit proven�al, d�montrent � quel point le projet scientifique galil�en mena�ait les fondements m�mes de l'h�g�monie culturelle de l'�glise. Une notice biographique et un tableau chronologique compar� apportent d'utiles informations sur le contexte culturel et politique du proc�s fait � Galil�e et contribuent � une mise au point historique rigoureuse. � |
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