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� Bamony, Pierre, To Eskhaton, le triangle de la mort � Essai d�anthropologie critique, Grenoble, Thot 2000, 559 p. L�usure, support du temps, achemine toute chose vers son terme. En effet, l�usure d�sint�gre tout compos� en le r�duisant en des �l�ments invisibles. De m�me, l�h�t�rog�n�it� des cultures ramen�e � leur dimension homog�ne, telle la figure de la civilisation contemporaine sous sa figure occidentale et de plus en plus am�ricaine (mais ce sont moins les Hommes eux-m�mes comme r�alit�s concr�tes qui sont vis�s ici que la forme mortif�re de leurs actions � politique, gestion �conomique mondiale, etc.� qui est appr�hend�e intellectuellement), conduit l�Humanit� � sa mort in�luctable : ce que R. Jaulin appelle la dynamique � H�breu-Pharaon �. Le Triangle de la mort est donc l�analyse de l�Orientation de l�Humanit� contemporaine vers la mort possible, la mort ensemble ou rien du tout. Cette actualit� permanente de la mort dans les actions des Hommes s'accompagne en nous, c�est-�-dire sous l�angle individuel, d'un double processus, int�rieur et ext�rieur : int�rieur par les mutations continues de vies �l�mentaires (cellules, neurones) de notre usine biochimique � force de d�pense d'�nergies pour conserver la machine en bon �tat. Ces modifications internes se conjuguent avec les processus externes : l'injure du temps qui fait son oeuvre en nous et malgr� nous ; qui tisse autrement les traits de notre corps-peau, qui les d�tend, les transfigure en une modalit� que nous ne voudrions voir : le calme de la vieillesse. L'exposition permanente de ce corps-peau � un environnement vital satur�s d'�tres, chimie naturelle ou factice, subit sans cesse les intemp�ries insidieuses de cette ext�riorisation ; les intrigues sous-jacentes de ce devenir n�cessaire d'une nature finie, vou�e � l'�chec, d�s l'origine dans sa tentative de r�sistance au c�ur de la mort. Cette totale figure du mourir, constitutif de notre �tre singulier, nous am�ne � l'id�e que la mort n'est pas � craindre. D'une part, nous ne pouvons �chapper � l'usure, ph�nom�ne permanent d'alt�ration du vivant, � moins de vouloir souffrir en se voilant les yeux devant la r�alit� par le d�sir de s'installer dans le ciel des illusions. D'autre part, toute naissance en ce monde est inauguration de la mort. Toute existence v�hicule en soi la mort. La mort est donc, pour la vie, le commencement et le terme. En ce sens, en �tre conscient, c'est combattre la peur insens�e, instinctive m�me qu'on en peut avoir. Pour s'en convaincre, que chacun regarde autour de soi, dans l'espace humain, il ne rencontrera jamais un �criteau portant la mention : "danger de vie", mais bien toujours : "danger de mort". Xavier Bichat, dans ses recherches physiologiques sur la vie et la mort d�finit celle-l� de la mani�re suivante : "la vie est l'ensemble des fonctions qui r�sistent � la mort... Tel est, en effet, le mode d'existence des corps vivants, que tout ce qui les entoure tend � les d�truire. Les corps inorganiques agissent sans cesse sur eux ; eux-m�mes exercent les uns sur les autres une action continuelle ; bient�t, ils succomberaient s'ils n'avaient en eux-m�mes un principe de r�action. Ce principe est celui de la vie" (p. 43, Masson et Cie, Gen�ve, 1962). Une telle d�finition est juste � condition de ne pas consid�rer la vie comme une r�alit� qui lutterait contre une autre, en l'occurrence, la mort. Claude Bernard l'a montr� apr�s Bichat : la vie n'est pas, puisque selon lui, " la vie, c'est la mort". Et nous sommes, reconna�t Georges Canguilhem, commentateur de cette pens�e de Claude Bernard, "port�s � appeler la mort illusoirement la vie" (�tudes d'histoire et de Philosophie des sciences, p. 355, J. Vrin, Paris, 1975) Vue sous cet angle, la vie est inscrite au c�ur d'un cercle vaste qui la contient et ce cercle est, par essence, mortif�re. La vie, en r�alit�, n'est pas devant nous, comme un d�ploiement, mais se niche au c�ur de l'instant salvateur. Elle n'est pas ext�rieure mais au-dedans de l'�tre vivant. Hormis ce qui fait advenir la mort de l'ext�rieur,- le terme m�me d'accident l'indique bien-, toute vie est expos�e comme par n�cessit� � la mort. Pas plus une personne dans le grand �ge, que le jeune sujet humain ou que l'ovule qui vient d'�tre f�cond� n'est plus proche de la mort. Devant la mort, nous avons l'�galit� de fortune. D�s lors, la mort quitte le champ de la repr�sentation qui la voit sous la figure d'une entit� ext�rieure au vivant. Elle n'est pas � craindre puisqu'elle est constitutive de notre vie ; elle fait corps avec notre corps-peau. Si nous avons peur de nous-m�mes, alors c'est une question de pathologie remarquable. Si la vie se niche au c�ur de l'instant, chacun aspirera � une soif de vivre malgr� les parasites de notre existence par nos diverses activit�s respectives qui nous font oublier souvent que toute notre r�alit� g�t dans l'ici et maintenant. Dans cette mesure, vivre, c'est consentir consciemment au mourir et se pr�parer avec s�r�nit� � la mort. C'est vivre intens�ment dans le champ de l'instant. Bien vivre n'est rien d'autre que bien mourir.
� Bamony, Pierre, La solitude du mutant � �loge de la bi-culture Grenoble, Thot, 2001, 426 p. Dans cet ouvrage, on voit � l��uvre l�antagonisme dynamique, qui est un processus socioculturel harmonieux de synth�se et non d�exclusion, en d�pit des formes inh�rentes de r�sistance. En effet, dans le contexte culturel fran�ais, dans lequel j�ai �t� tremp� pendant plusieurs ann�es, j�ai t�ch� de d�celer et de montrer � travers mes investigations en France (Coise, dans les Monts du Lyonnais, les Monts du Forez � Roche en Forez � , divers chantiers du b�timent, dans la r�gion lyonnaise, la Banlieue Nord de Paris, notamment, Pantin et Saint-Denis etc.). Mes enqu�tes qui s��tendent de 1976 � 1997 environ, montrent que les expatri�s ou immigr�s ont tendance toujours � recr�er, dans leur pays d�accueil, comme la France, un univers culturel (s�curisant) conforme � celui qu�ils ont quitt� ; quelle que soit l�origine, d�ailleurs, des populations en question. Cette attitude d�une communaut� �trang�re, qui consiste � r�inventer un peu de chez elle ici, r�sulte du contexte socioculturel qui n�est pas forc�ment ouvert � la p�n�tration ais�e de l�Autre. Ces � valeurs � et ces � habitudes � de chez soi am�ne l�enfant de l�immigr� autant que ses parents � un va et vient incessant d�un univers culturel (le fran�ais qui les impr�gne au quotidien) � l�autre (celui du pays lointain v�cu sous le mode de la repr�sentation le plus souvent). Ce faisant, ils essaient de situer chacun � sa place dans leur t�te ; de prendre la mesure de chacune des cultures �galement partag�es sous des formes diff�rentes. Cette gymnastique intellectuelle (ou mentale pour ce qui est des parents non instruits) s�op�re donc suivant la dynamique des antagonismes r�sistants, c�est-�-dire un processus de d�construction/construction des personnalit�s culturelles. Un tel processus m�a amen� � parler de mutations culturelles que les immigr�s doivent assumer tels qu�ils sont : des solitudes existentielles conscientes de leur �tre en situation. Et c�est � partir de cette situation culturelle, originale en ce qu�il s�agit d�une synth�se assum�e dans l�antagonisme de cultures diff�rentes, qu�il me semble qu�ils pourront inventer, au sein du peuple fran�ais, une autre identit� : une identit� mixte, fruit de ce j�ai pu appeler la � m�taculture �. |
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