| |||
Jacques Halbronn
L'exemple de l'astrologie
Si l’on reprend la formule figurant au début du Tétrabiblos (IIe siècle de notre ère), on trouve posé le principe de ce que nous appellerons : Prévisible sur Prévisible. (P/P) : à partir d’un événement prévisible, le mouvement des astres, je peux accéder à la connaissance d’un autre événement prévisible qui, en quelque sorte, en dériverait. Mais cela signifie aussi que ce second événement ne serait possible que grâce au premier. Il ne serait donc pas prévisible au même titre que le premier. Autrement dit, ce second événement qui est de l’ordre de l’astrologie ne pourrait être cerné que par la connaissance que l’on aura du premier qui, lui, est de l’ordre de l’astronomie. Cependant, en dépit de cette dépendance, ce second événement n’en appartient pas moins au champ de ce qui est prévisible. Ce qui signifie qu’il ne peut s’agir d’un événement qui serait, de par sa nature même, imprévisible. Dès lors, l’astrologie que le Tétrabiblos veut justifier concerne un champ limité des activités humaines, à savoir celui des choses prévisibles. Mais il existe une autre astrologie qui, elle, relève du domaine de l’imprévisible et qui s’oppose en quelque sorte à la première, par ses méthodes et par ses buts. Elle aurait donc pour objectif de traiter d’événements imprévisibles et pour ce faire, elle doit recourir à d’autres méthodes que celles qui servent pour accéder aux choses prévisibles. Il semble que ces deux astrologies tendent à se confondre depuis un certain nombre de siècles sinon de millénaires, ce qui contribue sensiblement à la complexité des débats tournant autour des fondements épistémologiques de l’astrologie. L’approche divinatoire Nous partirons de cette autre astrologie que nous qualifions comme relevant de l’imprévisible. Comment l’actionner ? La réponse sera de l’ordre de la symétrie : à partir de l’imprévisible ! Ainsi, on accéderait à de l’imprévisible par de l’imprévisible comme on accéderait à du prévisible par du prévisible. Tel est en effet selon nous le fondement même de la pensée divinatoire. Pour formaliser notre thèse, nous parlerons de : Prévisible
1 (P 1) Prévisible
2 (P 2) Imprévisible
1 (IP 1) Imprévisible
2 (IP 2) Prévisible I et Imprévisible I seraient ainsi les “supports”, respectivement,
de Prévisible 2 et d’Imprévisible 2. Prenons le cas du marc
de café : on prépare du café, on est dans le domaine du prévisible.
A présent, au lieu de s’intéresser au café en tant que boisson, nous allons
nous demander ce qui caractérise le café qui est dans une tasse donnée parmi
mille autres tasses. Et c’est ainsi que je passe de Prévisible 1 à Imprévisible
1. Or, à partir de cet Imprévisible I, on va tenter de passer à Imprévisible 2. Par exemple, que va-t-il arriver, prochainement, à la personne dont on examine la tasse de café ? Cette tasse que nous avons individualisée en relevant ce qui est unique en elle, à savoir les dessins formés par le marc de café, va nous permettre d’accéder à un autre niveau d’individualité à propos d’un être humain (IP2) et cela selon la même logique qui permet de passer de P1 à P2. Autre exemple : l’hépatoscopie : on prend le foie d’un animal x qui, grosso modo, est semblable dans ses grandes lignes, à tous les autres foies propres aux animaux de la même espèce et on va s’intéresser à certaines de ses particularités. On peut avoir, par avance, dressé un catalogue de toutes sortes de détails à prendre en considération à propos d’un foie à examiner, sous l’angle divinatoire (IP1). On pourrait constituer une science divinatoire à deux niveaux : le premier qui décrirait un certain nombre de situations de type IP1, l’autre qui les ferait correspondre à des situations de type IP2. Cette “science” de l’IP procéderait de façon analogue à celle de la science du P. Une sorte de “science parallèle”. Bien plus, à force de décrire des spécificités a priori jugées individuelles de tel ou tel objet, la démarche IP2 peut féconder la démarche IP1, par une sorte de feed back, dès lors que certaines descriptions finissent par revêtir une signification générale. IP1 a une fonction heuristique à jouer pour P1 tout comme P1 fournit, objectivement, du matériau, notamment au niveau de la production de nouveaux types d’objets, pour que P2 puisse œuvrer aux taches qui sont les siennes. Prenons le cas de l’astronomie : au départ, qu’est ce qui dans le ciel relevait de P1 et qu’est ce qui relevait de IP1 ? Il est fort possible que certains facteurs que l’on considérait comme imprévisibles deviennent prévisibles. Mais cela est de peu d’importance dans la mesure où il y a instrumentalisation de ce qui est, à tort ou à raison, jugé comme relevant de IP1. Individuel prévisible et individuel imprévisible On entendra par individuel prévisible le fait que le membre d’une catégorie donnée ait une partie de son existence conditionnée par cette appartenance. Les hommes sont voués à mourir un jour (P1), tel homme mourra à tel âge (IP2). Une femme donnée va être amenée à vivre sa condition de femme, et notamment à porter des enfants, à accoucher. En revanche, l’individuel imprévisible est lié à tout ce qui peut être spécifique dans la vie de cette femme : par exemple combien d’enfants elle aura. Et pour accéder à cet individuel imprévisible (IP2) , il faut passer par IP1, c’est à dire par exemple observer la forme de ses seins. Le lien entre IP1 et IP2 est bien entendu aléatoire, il est fortement fondé sur la mise en relation de deux facteurs en rapport avec la personne, l’un qui est accessible immédiatement – l’observation de ses seins, l’autre qui est projeté dans le futur – le nombre d’enfants qu’elle aura au cours de sa vie de femme. On pourrait faire les mêmes observations avec une voiture. En tant que voiture, elle présente un certain nombre de caractéristiques générales qui la distingue par exemple d’un avion ou d’un bateau. Chaque voiture aura beau être voué à un fonctionnement aléatoire, elle ne devra pas moins subir le destin habituel d’un véhicule. Maintenant, si je veux savoir ce qui va arriver de spécial à cette voiture (IP2), il va falloir que j’établisse un code me permettant d’accorder à divers indices accessoires (IP1) au sens de P1 des significations concernant le nombre et le type d’accidents (IP2). Les liens entre le niveau 1 et le niveau 2 Le passage de P1 à P2 et de IP1 à IP2 comporte-t-il un hiatus ? Si les exemples que nous avons pris concernant le passage de IP1 à IP2 étaient assez frappants de par leur caractère relativement aberrant, au premier abord, peut être les exemples que nous avons pris pour illustrer le passage de P1 à P2 sont-ils un peu trop banals et ne permettent que difficilement de nous situer par rapport à l’astrologie “prédictive” par opposition à l’astrologie “imprédictive”, au sens où nous entendons ici cette expression. Affirmer en effet qu’en étudiant le mouvement des astres, je connaîtrai le destin de l’humanité en général, exige d’admettre qu’il y ait un lien entre les hommes et les astres, qu’il existe un homo astrologicus voué à une certaine façon de se situer dans l’espace et dans le temps. Mais précisément, qu’en sait-on et pourquoi une telle affirmation ne relèverait pas plutôt de IP1 ? Précisons donc qu’il existe une astromancie de type IP1 qui cherchera à déterminer ce qu’il arrivera de spécifique à un individu donné, à partir d’une étude du ciel de naissance qui ne relève pas de P1, c’est à dire qui prend en compte des particularités non pertinentes, non significatives et finalement indifférentes, au regard de la science astronomique. Mais cette astromancie n’est en fait que l’ombre portée de l’astrologie de type P1/P2. Quand dans le Tétrabible, il est indiqué qu’à partir des prédictions des mouvements des astres, on devrait pouvoir connaître l’avenir des hommes, que faut-il vraiment entendre par là ? D’abord, cela signifie l’avenir « prévisible » de l’homo astrologicus de base, le fait que sa vie soit découpée en phases, que sa population soit divisée en catégories en nombre bien défini tout comme lorsque l’on traite de l’homme, astrologicus ou non, on sait que ses cheveux – en excluant la question des teintures – ont un nombre de couleurs assez strictement limité (blond, roux, châtain, noir, blanc mais pas vert ou bleu. En fait, il convient d’inverser les orientations : à savoir si l’on passe de IP1 à IP2, en revanche, on passe de P2 à P1. Expliquons-nous : dans la démarche divinatoire – par opposition à la démarche prévisionnelle – on part d’un objet extérieur – cela peut même être un objet conçu en vue de la divination (tirage de tarot, par exemple) ou de quelque chose qui relève de l’extérieur de la personne, de ce que l’on peut appréhender de l’extérieur (IP1) pour accéder à ce qui est intérieur, caché pour les autres et souvent inconscient pour la dite personne (IP2). En revanche, dans la démarche prévisionnelle, on part de l’observation de l’objet étudié (P2) pour remonter aux principes (P1). Dans le premier cas, le but c’est de parvenir à connaître la personne, dans le second, c’est la personne qui contribue, par la multiplicité des cas étudiés en dehors du sien, à élaborer une loi, même si ensuite à partir de cette loi, on peut ensuite, par extrapolation, inverser et passer de P1 à P2 tout comme on peut se persuader que l’on observe ce qui nous a été annoncé par la voie divinatoire.. On dira que la démarche prévisionnelle est déductive alors que l’approche divinatoire est inductive. Dans un cas (P2), le niveau 2 peut servir de point de départ de la recherche, dans l’autre(IP2), il est l’aboutissement et ne peut servir d’assise. Il semble qu’il y ait là un distinguo malaisé à cerner pour nombre de personnes s’efforçant de penser l’astrologie. L’astronomie peut certes servir de support divinatoire en passant de P1 à IP1, à partir du moment où l’on accorde du sens à ce qui n’est pas pertinent du point de vue de la mécanique céleste, et notamment au thème natal, qui est typiquement de l’astronomie de type IP1. En revanche, les cycles dont se sert l’astrologue peuvent s’inscrire dans le processus astronomique de type P1. Ces astrologues voudraient que le Tétrabible vienne légitimer IP1. Et de fait, on trouve dans cet ouvrage des chapitres qui relèvent pleinement de IP1 pour ne pas parler d’IP2. Comment passer d’ailleurs de IP1 à IP2 ? Il importe de codifier un certain nombre de cas de figures, dûment répertoriés et identifiables. Cela est propre à toute pratique divinatoire : on doit décrire et observer l’objet qui va servir de support. Cela peut se faire avec une certaine rigueur, un certain luxe de détails. Mais, précisément, cela peut faire illusion : c’est un peu la différence entre celui qui est mécanicien et s’assure qu’une voiture est en état de fonctionner (P1) et celui qui relèverait les rayures sur la carrosserie, sur les vitres (IP1), aux fins par la suite de deviner – imprévisible sur imprévisible – combien d’années la dite voiture pourra encore servir (IP2) En effet, le nombre de rayures sur une voiture donnée est imprévisible et d’ailleurs n’a que peu d’incidence sur son fonctionnement normal, c’est bien ce qui caractérise le basculement de P1 sur P2. Bien entendu, dans certains cas, la description de type IP1 n’est pas complètement absurde et peut exiger un certain talent pour collecter des données. On peut rédiger des manuels entiers de type IP1. Puis vient le moment de passer de IP1 à IP2 : le support est constitué, c’est IP1 et il renvoie à diverses significations qui sont attribuées selon ce qui a été observé. Ces significations permettent d’accéder à IP2, à savoir à des éléments imprévisibles, c’est à dire qui n’appartiennent pas à la norme, ce qui serait le cas de P2. Soulignons ce point : on ne part d’IP2 qui est l’inconnue mais d’IP1 qui lui peut être décrit de visu. On peut certes essayer de « décrire » IP2 à partir des observations faites sur IP1 mais il ne s’agit nullement du même processus cognitif. D’un côté, on décrit ce qu’on voit, de l’autre on décrit ce que l’on croit avoir appris de ce qu’on a pu observer au niveau du support. On peut ainsi allègrement jouer sur les mots : confondre la description en P1 avec la description en IP1 et celle en IP2, mais ce sont trois niveaux de description qui peuvent s’enchaîner diachroniquement mais non synchroniquement. En réalité, la description la plus prégnante est celle qui concerne P2. Car c’est dans la mesure même où l’on aura décrit un terrain que l’on pourra accéder à un paradigme, remonter vers certains principes. Les corrélations que
l’on peut établir entre P2 et P1 ne sont pas du même ordre que
celles qui relient IP1 à IP2. C’est en connaissant P2 que
l’on parvient à découvrir s’il existe un paramètre sous-jacent de type P1.
Une fois ce point déterminé, connaissant P1 je pourrai prévoir P2,
c’est ce que propose précisément le Tétrabible. En revanche, IP2 n’est
pas en soi connaissable et ne peut être
« deviné » qu’à partir du support divinatoire IP1, lui-même
dérivé de P1. Le raisonnement est le suivant : IP1 étant
imprévisible par rapport à P1, donc avec IP1, on a des chances
d’accéder à IP2 : c’est le principe imprévisible sur
imprévisible qui s’oppose à prévisible sur prévisible. Mais pourquoi ne pas passer de P2 à IP2 ? Parce que nous l’avons dit P2 est aussi explorable que IP2 ne l’est pas. P2 permet de constituer P1 alors que IP2 a besoin de IP1 pour prendre forme. Toutefois, on ne peut pas cerner l’épistémologie des sciences de l’Homme sans prendre en compte le processus d’instrumentalisation : si les hommes dépendent des astres, au sens où l’entend le prologue du Tétrabible, c’est parce qu’une relation s’est mise en place que l’étude de P2 permet de retrouver. Et on peut dire que P2 est l’instrumentalisant et P1 l’instrumentalisé alors qu’il n’y aurait pas de lien d’instrumentalisation entre IP1 et IP2 et ce serait cette absence d’instrumentalisation qui contraint à l’imprévision. Ce que ne dit pas le Tétrabiblos, c’est que ce lien entre les astres et les hommes impliquent que les hommes se soient en quelque sorte branché sur le ciel pour y trouver une structure externe, que l’on pourrait qualifier de surmoïque. Passer de P2 à P1, c’est déterminer la nature d’une instrumentalisation. Pourquoi n’y a-t-il pas instrumentalisation entre IP1 et IP2 ? Quand on ne repère pas de lien instrumental, on en est effet voué à la divination dès lors que le niveau 2 est l’Homme/homme et le niveau 1 un support matériel donné. En tout état de cause, on sait que les informations de type IP2 ne sont pas du même ordre que les informations de type P2. Les premières sont a priori générales, répétitives, récurrentes, et n’offrent rien en elles-mêmes de spécifique pour un individu donné, sauf dans le cadre d’un entretien où l’on prendrait le temps d’ajuster un modèle général à un cas particulier. En revanche, les secondes s’attachent précisément à ce qui est en soi imprévisible, à savoir ce qui est particulier à une personne donnée et non ce qui rapproche cette personne d’autres personnes placées dans la même situation. Donc, en tout état de cause, IP2 ne peut se satisfaire de ce qu’apporte P2. Autrement dit, celui qui travaille sur IP2 ne peut accéder à P1 puisque son but est de cerner l’imprévisible. Il y a là une gageure dans la divination : prévoir l’imprévisible. Ajoutons que le lien entre IP1 et IP2 est très aléatoire, il ne relève pas de l’instrumentalisation en ce que IP2 n’a pas en soi de lien essentiel avec IP1 dans la mesure même où l’existence de IP1 est accidentelle. Une personne n’a pas pu construire avec le temps de lien avec un marc de café dont le dessin vient à peine de se former alors que l’instrumentalisation exige une longue habitude entre P2 et P1. Le caractère ponctuel du support de type IP1 diffère totalement du caractère fixe du support de type P1. L’astrologie moderne est syncrétique en ce qu’elle ne parvient pas à séparer les deux axes P et IP. Elle affirme que pour connaître l’individu, dans toute sa spécificité, (IP2) il faut passer par un support IP1, ce qui constituerait une astromancie, dérivée de l’astronomie (P1). Elle a d’ailleurs développé des descriptions astronomiques d’une grande minutie mais qui n’ont d’application que dans le champ divinatoire. Mais, en même temps, l’astrologie moderne affirme l’existence d’un lien “prédictif” entre les astres et les hommes mais sans parvenir à se démarquer des descriptions astromantiques puisqu’elle vise précisément à cerner l’individu, en lui-même imprédictif. Pour le Tétrabible, il y a place pour une astrologie du prédictif (P1/P2), mais il faudrait pour cela accepter que les hommes traversent simultanément et depuis des siècles les mêmes phases, donc d’assumer l’idée d’un destin collectif. Pour parvenir à cerner P1 à partir de P2, il importe de constater que le terrain est balisé selon un certain modèle que l’on peut décrire empiriquement, c’est à dire sans référence à P1. Puis il s’agit de relier ce modèle à une structure non humaine, environnementale existante (P1). Etant bien entendu que P1 n’existe en tant que tel qu’à partir du moment où il est relié à P2 et vice versa. Il importe donc que l’astrologie moderne distingue entre astrologie individuelle axée sur l’imprévisible et astrologie mondiale, axée sur le prévisible. Encore faut-il préciser que si son axe IP1/IP2 est illustré notamment par une pratique de l’entretien, il est assez évident qu’elle reste largement dans le domaine de l’infalsifiable. On pourrait parler dans le cas de l’astrologie d’un savoir virtuel, qui refuse d’avoir des limites pour saisir un objet non moins virtuel, à savoir l’individu dans son idiosyncrasie. En fait, l’astrologie moderne si elle doit reconquérir l’axe du prévisible – alors qu’elle occupe actuellement celui de l’imprévisible – doit accepter de passer par le terrain et d’en faire ressortir les lignes de force, ce qui ne signifie nullement qu’elle doive se servir des astres pour connaître celles-ci. Il faut au contraire que ces lignes soient à observer puis les connecter avec un modèle astronomique qui puisse, peu ou prou, se superposer. Mais il ne suffit pas, pour ce faire, que l’astrologie change de philosophie, il faut aussi qu’elle change de techniques. Bien des réformateurs de l’astrologie, de Rudhyar à Jean-Pierre Nicola, ont tenté de repenser celle-ci mais tout en préservant le thème astral qui est typiquement un support de type IP1. Reconstruire une astrologie de type P1 exige un élagage considérable auxquels ne sont pas prêts la plupart des praticiens voire des chercheurs. Ils préfèrent changer les significations des catégories divinatoires plutôt que de les évacuer, c’est ainsi que le système des douze maisons est à connotation divinatoire forte : suffit-il pour passer de IP1 à P1 de traduire ces notions dans un langage moins divinatoire ? A notre avis, cela n’a pas d’intérêt car en conservant la structure de type IP1, on ne peut qu’accéder à un discours de type IP2. C’est la structure qui doit changer et pas simplement le langage qui est plaqué dessus. En fait, on voit mal ce qui distingue une astrologie de type IP1 du tarot, du Yi King ou de la géomancie. La seule différence, c’est que tarot, Yi King ou géomancie ont été construits dés le départ pour le domaine IP1/IP2 alors que l’astrologie s’est dévoyée en basculant de P2 à IP2. Et c’est ce qui est particulièrement pénible car elle ne cesse d’osciller d’un axe à l’autre. Certes, le tirage de l’astrologie n’est-il pas aléatoire mais déterminé par les coordonnées de naissance : on ne tire pas son thème avec des dés. En ce sens, l’astrologie se rapprocherait plus de la chiromancie : on prend un phénomène qui existe mais dont on appréhende la spécificité (IP1) au lieu de faire ressortir la dimension générale (P1). On s’attache ainsi à des détails incontestables certes mais qui ne font pas sens au regard de P1. On peut donc avoir affaire à des personnes extrêmement minutieuses qui font réaliser des mesures très fines mais en dehors du domaine de P1 et qui, par ailleurs, à partir de ces données ainsi rassemblées, chercheront à accéder non pas à P2 mais bien à IP2. En fait, tout serait beaucoup plus simple si chacun assumait ce qu’il faisait et restait sur son axe. Ceux qui sont sur P1/P2 ne prétendent pas accéder au plan IP2. En revanche, ceux qui sont sur IP2/IP2 affirment qu’ils se situent sur le plan P1. A commencer par les astrologues qui pour dominer les autres modes divinatoires (IP1) s’appuient sur le fait que leur supériorité au niveau même divinatoire est de s’appuyer sur une astronomie de type P1 alors qu’en réalité, ils approchent l’astronomie dans une optique IP1 qui englobe effectivement P1. Là est en effet le nœud du problème : l’axe IP1/IP2 englobe l’axe P1/P2 alors que la réciproque n’est pas vrai. Qui peut le plus, peut le moins : si j’étudie un astre dans ses moindres détails, je l’étudie aussi, ipso facto, tant sous l’angle P1 que IP1 et si je m’intéresse à l’avenir d’un objet, sa dimension spécifique (P2) n’inclura-t-elle pas, par la même occasion sa dimension générale (P1) Mais en réalité, il n’en est pas tout à fait ainsi : car si l’on peut en effet admettre que IP1 englobe P1, avec cette réserve que l’attention va se disperser vers des données accessoires aux dépens de la perception de l’essentiel, en revanche, rien ne prouve qu’avec une méthodologie de type IP1 je puisse accéder à IP2 et par conséquent, IP2 risque d’être très inférieur au résultat obtenu au niveau P2, atteint par une toute autre méthodologie. IP2 ne me donne pas à coup sûr quoi que ce soit qui relève de P2 alors que P2 constitue a priori une partie de ce qui constitue IP2. Si j’annonce qu’une femme enceinte accouchera dans neuf mois, je suis dans un registre de type P2. Je ne sais pas exactement comment les choses vont se passer pour un individu donné (IP2) mais je peux néanmoins m’en faire une idée assez générale qui restera valable pour tout individu, y compris donc pour la personne que je considère en particulier. Le problème posé par l’axe IP2/IP2 tient au fait qu’il s’articule sur un sophisme : puisque ce que je veux prévoir est imprévisible par une science qui ne traite que du général, donc je vais regarder la science par le petit bout de la lorgnette, m'attarder sur des points que l’on tend à négliger (IP1) et ainsi, “forcément”, aller plus loin que P2, c’est à dire atteindre IP2. Autrement dit, si IP1 = P1+n, je devrai parvenir à IP2 qui sera P2+n. Ce “n”, c’est le coefficient imprévisible. IP1 est “au delà” de P1, donc IP2 est “au delà” de P2. On est littéralement dans une métaphysique (en grec, meta, signifiant après, au delà). En fait, celui qui fonctionne sur l’axe IP1/IP2 a besoin de s’appuyer sur l’axe P1/P2. Une fois balisé le champ P1/P2, on peut passer raisonnablement au champ IP1/IP2. Le problème, c’est que de nos jours l’astrologie de type P2 a été phagocytée par l’astrologie de type IP2 qui ne peut donc la soutenir. Autant l’astronomie (P1) a su résister aux procédés de IP1, l’astronomie revisitée par l’astrologie avec son ciel en partie fictif, et se constituer comme science, autant P2 n’y est parvenu que très difficilement et très récemment, avec les travaux de Gauquelin et certaines recherches en astrologie mondiale. Au lieu, en effet, d’asseoir une astrologie de type P2, les astrologues passent immédiatement à une approche de type IP1/IP2 correspondant à la demande de leurs clients. Et ainsi, ils montrent qu’ils sont, au bout du compte, socioculturellement, plus proches du monde de la divination, laquelle parasite la science et caricature les méthodes, que de celui de la science stricto sensu. Jacques Halbronn, Paris 20/12/2001 | |||
Retour
vers l'entête de rubrique
– Plan
du site – Vers le
haut de page – En
savoir plus sur l'auteur Envoyez vos commentaires et vos questions au régisseur du site. Copyright © — 1997 Lierre & Coudrier éditeur |