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Anthropologie du sacr� |
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Ghislain R. Ogandaga � � SommaireIntroductionLe sacr� : le v�ritable paradigme Le vice dans la recherche en anthropologie du sacr� La position du chercheur africain L'incoh�rence du vrai-faux paradigme de l'irrationnel L'importance de l'�v�nement primordial Le culte des anc�tres : � la recherche d'une d�finition L'�v�nement primordial : le ph�nom�ne agraire Les fondements neurobiologiques ConclusionBibliographieIntroduction
Ces pages abordent pour le r�futer le paradigme de l'irrationnel explicitement en usage � propos des faits
sacr�s des soci�t�s traditionnelles ou archa�ques et plus sp�cialement des soci�t�s africaines.
En tant que membre de ces soci�t�s, le recours syst�matique � l'irrationnel comme explication ultime de ces faits nous est
offensant et nous semble relever d'un manque de rigueur dans la recherche.
Dans l'approche en ethnologie-anthropologie on trouve toujours de mani�re explicite ou implicite la p�tition de principe selon
laquelle les soci�t�s traditionnelles � travers leur culture n'ont pu produire quelque chose
d'intellectuellement coh�rent. Cette
profession de foi explique le recours syst�matique � l'irrationnel comme explication ultime des faits sacr�s.
Par irrationnel, ce qui est entendu est bel et bien quelque chose d'aberrant, d'incoh�rent, qui �chappe � toute logique, bref, ce
qui �chappe � la raison. Sous la plume d'un anthropologue, irrationnel ou "pens�e diff�rente de la notre" est un euph�misme de
"pens�e pr�-logique" que l'anthropologie contemporaine fait semblant de combattre. Il faut dire que la substitution de l'un par
l'autre a �t� du politiquement correcte avant l'heure. Il n'y a pas, quant au fond, une diff�rence entre le mot irrationnel et
l'expression "pens�e pr�-logique". Que l'on utilise l'un ou que l'on utilise l'autre, c'est la m�me chose qui est dite. On change la
forme mais le fond reste le m�me. On demeure toujours en dehors de la raison, de la logique.
Trait� les cultures des autres comme des sortes de machines productrices d'irrationnel est un pr�judice grave qui n'est pas sans
cons�quence sur les populations concern�es surtout lorsqu'on sait que ces populations ont subi plusieurs si�cles de traite des
Noirs avec � la cl� inculcation d'un complexe d'inf�riorit� entretenu par le colonialisme et le n�o-colonialisme.
Nul n'a le droit de ramener les cultures des Autres � de simples �piph�nom�nes de la pens�e humaine. Le fait de produire une
culture est toujours un temps fort dans l'histoire du genre Homo. Ainsi dire d'un peuple qu'il poss�de une culture, ou un pan de
sa culture, qui est aberrante, voir incoh�rente, en tout cas qui �chappe au rationnel, c'est inviter ce peuple � se d�tourner de sa
culture, c'est l'�ter de son �me, c'est une tentative d'annihilation des cultures des Autres. C'est un crime, et il ne devrait pas
rester sans impunit�.
Il est tout de m�me curieux qu'une science qui pr�tend �tudier l'Homme ait accord� et accorde toujours autant de m�pris aux
productions des Autres. Mais comment a t-on pu pens� un seul instant, malgr� les bonnes intentions affich�es, que les mythes
sont un bricolage de la pens�e, des d�chets de la psych� humaine ? La pens�e
� sauvage � ne peut pas �tre � la fois efficiente et
bricoleuse, oeuvrant avec des d�chets. Nous verrons dans ce qui va suivre que les mythes surtout cosmogoniques ne sont pas
des affabulations et/ou du bricolage, ils sont plut�t des constructions savantes.
Si on rencontrait un sage africain digne de ce nom en possession totale de sa culture et si on lui pr�sentait toutes ces
explications recourant � l'irrationnel, ce qui lui para�tra �tre du bricolage, incoh�rent et aberrant seront toutes ces explications et
th�ories arbitraires �voquant l'irrationnel. Il est clair qu'il ne comprendra pas qu'on se proclame et se congratule en tant que
sp�cialiste des faits sacr�s africains alors qu'aucun de ceux qui ont cette pr�tention ne se sont jamais pr�sent�s devant un
coll�ge de sages africains pour une �valuation de leur connaissance sur le sacr� en Afrique afin d'en �tre proclam� sp�cialiste.
Mais qu'importe, tant il est vrai que ces sp�cialistes pensent poss�der une connaissance sup�rieure aux l�gataires de ces
cultures. A tous les coins, c'est le m�pris de l'Autre qu'on trouve dans cette approche de l'anthropologie.
Ce que les anthropologues qui �tudient les faits sacr�s africains semblent essentiellement avoir fait jusque l� ressemble � du
tourisme intellectuel ; se promener dans des contr�es �trang�res puis se raconter et s'inventer des histoires sur les cultures des
Autres, des histoires qui les int�resse eux et qui n'apporte rien ou ne font pas avancer les peuples concern�s.
En tant que membre de ces cultures, nous ne pouvons plus laisser dire de telles choses �voquant l'irrationnel � tour de bras. Il
est de notre devoir d'attirer l'attention sur l'essentiel, sur ce qui oriente la r�flexion vers quelque chose de fondamentale et vraie,
vers quelque chose de constructif.
Nous allons parler de culte des anc�tres et pr�senter des faits relatifs � ce culte et qui vont � l'encontre d'une pr�tendue
irrationalit�. Nous allons pr�senter des faits qui recoupent certaines pr�occupations
actuelles dans les neurosciences et qui sont
pr�sents dans les rituels d'initiations et dans des mythes. Nous parlerons de la structure et des mythes o� se trouve consigner la
connaissance relative � la mol�cule de la Vie, l'ADN, l'une des bases fondamentales du culte des anc�tres. Nous aborderons
aussi des sch�mes rituels qui font appel � des connaissances astrophysiques notamment le syst�me de Sirius. Et tout ceci sera fait sans tirer les choses par les cheveux. Tout cela pour bien montrer qu'il n'y a pas d'irrationalit�. Pr�ner une quelconque irrationalit� dans ce domaine d�montre qu'on est pass� � c�t� de l'essentiel. Le sacr� : le v�ritable paradigme
Tel que d�fini par Rudolf Otto le sacr� est une exp�rience au cours de laquelle l'individu est confront� au Tout Autre. Un objet,
un espace... qui se situe dans notre champ visuel se trouve tout d'un coup envahi par une pr�sence qui d�chire notre
conscience, nous foudroie, nous p�trifie et nous transperce l'�me. On ne se sent plus �tre de chair et d'os, mais uniquement
essence. On se sent projet� hors du temps car l'ici et maintenant n'existe plus, on est dans un ailleurs. L'exp�rience du sacr� par
sa force, sa puissance, est une exp�rience terrifiante mais en m�me temps attrayante.
Apr�s la dur�e, en fait br�ve, de l'exp�rience l'individu revient peu � peu ou brusquement � lui. L'objet ou l'espace se trouve
d�poss�der de cette pr�sence qui l'envahissait il y a encore quelques secondes. Mais l'individu confront� � cette exp�rience est
mis en demeure de la comprendre car l'exp�rience cr�e un mal �tre qui ne sera apais� qu'avec la compr�hension de l'exp�rience
dont il a �t� t�moin et victime.
L'effort de compr�hension du Tout Autre, mais aussi celui de renouer le contact avec ce Tout Autre est � la base de la
construction des rituels initiatiques.
Ce que l'exp�rience du sacr� montre parmi tant d'autres choses est que, quelque chose qui ne fait pas partie de ce monde y a
fait irruption et s'est retir�. Par cons�quent, cette chose r�side dans un autre monde, dans une autre dimension du R�el. Il faut
donc admettre l'existence de divers niveaux du R�el.
L'irruption du sacr� dans notre monde n'est donc pas un fait fortuit. L'exp�rience du sacr� � une intentionnalit� : monter �
l'Homme d'autres niveaux de vie du R�el qui �chappent � notre perception imm�diate. Du point de vue du sacr�, de
l'exp�rience elle-m�me, du Tout Autre, l'Homme doit s'ouvrir ou participer aux diff�rents niveaux de vie qui composent le R�el.
Et c'est l� la fonction ultime de tout rituel d'initiation au culte des anc�tres, nous ouvrir ou nous mettre en contact avec un pan du
R�el diff�rent de l'ici et maintenant.
Ce qu'on doit donc rechercher dans un rituel initiatique, c'est comment il fait acc�der l'individu � cette autre dimension du R�el
qu'elle soit monde des morts, des g�nies ou autre... comment � travers les gestes, ablutions, aliments, il parvient � une
modification de l'esprit et donc de la conscience qui va corr�ler avec un autre niveau du R�el.
Voir dans le sacr� et de ce qui en d�coule un quelconque aspect irrationnel, comme il est de coutume de le faire, rel�ve de
l'absurde et d'un d�nie de la r�alit�. La pluralit� des niveaux du R�el ou des univers qui se chevauchent au notre est en d�bat
chez les astrophysiciens. Rudolf Otto faisait justement remarquer que : � Faute de reconna�tre dans le sacr� le facteur premier, qualitativement original et irr�ductible, et le ressort de toute
l'�volution historique de la religion, toutes les explications animistes, magiques et sociologiques de la gen�se de la
religion s'�garent d'embl�e et passe � c�t� du vrai probl�me. � pp30-31 Le v�ritable paradigme c'est l'exp�rience du sacr� qui suppose : � Diff�rents niveaux du R�el dot�s d'intentionnalit�. � Diff�rents �tats de conscience qui correspondraient � chacun de ces niveaux du R�el et la n�cessit� pour l'individu de modifier sa conscience pour acc�der � ces autres niveaux. � Elle est le pr�alable � la construction de rituels initiatiques parce que le rituel est l'outil qui permet de renouer le contact avec cette autre dimension du R�el. �� Elle pr�side � la construction des mythes surtout cosmogoniques et cosmologiques en faisant alterner et co�ncider sacr� et profane. Le vice dans la recherche en anthropologie du sacr�� L'anthropologie est n�e � la suite du contact des soci�t�s occidentales avec les cultures dites exotiques, archa�ques. Il fallait conna�tre l'Autre, le "sauvage", il fallait l'�tudier. Au demeurant, il semble que ce qui comptait le plus �tait de rep�rer ses modes de fonctionnement afin de l'asservir encore plus. On pensa que ces gens n'�taient que des presque pas Hommes, des primitifs, des gens qui �taient au bas de l'�chelle de l'�volution humaine. Au d�but du XXe si�cle, m�me � l'or�e de l'anthropologie physique, il �tait encore question de justifier la diff�rence des races et d'une pr�tendue diff�rence de l'intelligence entre les races par des mesures anthropom�triques. Un revirement de situation eut lieu, l'�tude des soci�t�s archa�ques devant se faire sans pr�juger. C'est alors qu'eut l'av�nement d'une nouvelle approche de l'�tude de l'Autre. Il fallait conna�tre l'Autre non plus en tant que primitif ou sauvage, mais en tant qu'�tre culturel. Il faut dire que l'on reste sur sa faim quant au r�sultat de cette approche.
L'anthropologie devint l'�tape finale d'un processus. L'�tude de l'Autre devait commencer par une ethnographie ; observation
avec recueil de donn�s, description... La deuxi�me �tape �tant l'ethnologie ; synth�se, analyse, interpr�tation, �laboration de
mod�les. Enfin il y a l'anthropologie, �tage de g�n�ralisation � partir du travail ethnologique. L'anthropologie doit parvenir � des
g�n�ralisations � partir des comparaisons ethnologiques. Elle vise une meilleure compr�hension de l'Homme.
Mais il y a un vice dans la recherche en ethno-anthropologie, plus particuli�rement concernant le
sacr�. Souvent les
chercheurs n'appartiennent pas � la culture du ph�nom�ne �tudi�, leur position d'observateur implique un manque certain : celui
du v�cu du ph�nom�ne. Et � partir du moment o� on n'a pas soi-m�me acc�s au v�cu du ph�nom�ne �tudi�, on ne pourra
rester qu'au niveau superficiel. Lorsqu'on a un v�cu de la chose, notamment en rapport avec le culte des anc�tres, le recours �
des explications �voquant l'irrationnel devient sid�rant.
Il existe une diff�rence entre un sujet r�pondant � l'appel de ses anc�tres pour une initiation et l'exp�rience d'un observateur, qui
plus est, issu d'une culture �trang�re. Pour ce dernier, sa pr�occupation se limitera au niveau descriptif et � la curiosit�
intellectuelle. Pour le premier lorsqu'il cherche � assumer son culte, il y a aura une dimension totalement inaccessible au second.
Il y a un v�cu qui se manifestera entre autre par des interrogations qui mettront au premier plan sa position de sujet en tant
qu'�tre vivant dans le monde et confront� � une tradition ancestrale.
Il y aura le probl�me de la raison d'�tre du culte ici et maintenant, le poids des anc�tres ; pourquoi avoir �t� choisi par les
anc�tres et plus pr�cis�ment par tel anc�tre ? Quelles sont leurs attentes ? Pourquoi ont-ils d�cid� un jour de mettre en place
l'institution religieuse ? A quelles difficult�s ils r�pondaient, ils palliaient ? L'�mergence de ces interrogations d�s les premiers
signes annon�ant le recours � l'initiation et m�me apr�s celles-ci constitue en soi une v�ritable exp�rience du sacr� o� le profane
(le corps) devient progressivement le r�ceptacle du sacr�. Nous avons la conviction que la r�ponse � ces interrogations �tait
apport�e au sujet au fur et � mesure de son p�riple initiatique, mais de telles connaissances sont aujourd'hui quasiment perdues.
La perspective, l'approche ne peuvent pas �tre la m�me car l'anthropologue restera toujours au niveau de la curiosit� et au
niveau descriptif. Au pire il fera des interpr�tations fallacieuses �voquant l'irrationnel. Le sujet confront� � sa culture tel que
nous l'avons pr�sent� ici sera dans une recherche du sens. La diff�rence est monstrueuse. Ce que nous voulons dire c'est qu'il y
a une anthropologie qui ne se soucie pas du sens profond et s'oppose � une anthropologie qui est dans la recherche du sens de
plus en plus profond et qui apporte une signification � la pr�sence de l'�tre dans le monde. Ce qui compte, ce qui est important, c'est le pourquoi et le comment d'une institution sacr�e. En somme, le Sens. Il faut acc�der au sens et le partager avec la communaut� qui est l�gataire de l'institution sacr�. Et pour ce faire, il est bon de vivre soi m�me l'exp�rience du sacr�. La position du chercheur africain
Faire de la recherche c'est avoir au minimum le d�sir de faire avancer la connaissance dans un domaine pr�cis car c'est
chercher � faire avancer son monde, chercher � am�liorer la situation de l'homme dans ce monde, cette situation pouvant �tre
aussi bien mat�rielle que spirituelle. Dans le domaine du sacr�, la recherche consiste � acc�der � des significations m�connues
ou abolies. Le travail de l'anthropologue qui s'int�resse aux faits sacr�s et qui veut accomplir une oeuvre significative doit �tre
un travail de restauration, de maintien, de perp�tuation et de d�veloppement des traditions ancestrales.
Nous devons acc�der au sens de plus en plus profond d'un mythe, d'un rite, d'un aspect d'un rite ou d'un mythe, mais aussi de
l'ensemble d'une institution sacr�e. Ce faisant, nous apportons des r�ponses aux questions existentielles du sujet confront� � sa
culture, l'engageons vers une plus grande compr�hension de sa culture. Pour l'homme moderne en rupture avec le sacr�, nous
lui offrons une autre vision du monde, le sens profond d'exp�riences limites qui peuvent lui para�tre au premier abord d�pourvu
d'int�r�ts. Nous orientons sa pens�e et son �tre vers d'autres niveaux du R�el. En somme, nous devons conduire � une
meilleure compr�hension du monde.
Il va de soi que la d�marche qui consiste � aller en Afrique pendant quelques semaines s'asseoir et observer un rite, le d�crire et
l'interpr�ter en tordant les faits pour les faire correspondre � une th�orie �voquant l'irrationnel est une entreprise nulle et gratuite
pour la connaissance. Ce qu'il faut placer au centre d'une recherche de ce type, c'est la culture elle-m�me dans ses aspects
originels, ses buts, son devenir ainsi que le sujet confront� � cette culture. Nous devons garder � l'esprit que notre travail doit
aboutir � une �lucidation de la situation de l'individu en tant que sujet confront� � sa propre culture, et mieux, une am�lioration
de la situation de l'Homme tout simplement.
Ce qui nous int�resse en tant qu'Africains, ce n'est pas une sorte de compte rendu descriptif ethnologique de tel ou tel
ph�nom�ne. En tant qu'Africain, nous connaissons d�j� ces ph�nom�nes : ou nous en avons souvent entendu parl�, ou nous y
avons �t� directement ou indirectement confront�s ou nous les vivons depuis les tr�fonds de nos �mes, il est tout aussi bien
possible que nous n'en ayons jamais entendu parl�. Les aspects ethnographiques et ethnologiques ne sont utiles pour nous qu'�
des vis�s comparatives mais aussi pour montrer l'�tendu d'un ph�nom�ne et sa diversit�. Ces aspects sont aussi utiles pour
asseoir des d�monstrations anthropologiques. Mais il faut bien noter qu'un chercheur africain qui se limite � nous raconter ou d�crire un ph�nom�ne relatif � sa communaut�, n'acc�de en aucune fa�on � aucune connaissance nouvelle pour lui pas plus qu'il n'aide sa communaut� � une meilleure compr�hension du ph�nom�ne �tudi�. On aboutit ainsi � un accroissement quantitatif d'informations et non � un nouvel apport qualitatif. On peut dire que lorsqu'on travaille dans cette perspective on ne fait pas de la recherche puisqu'on n'aboutit pas � aucune connaissance nouvelle. Ce qui peut passer pour une connaissance nouvelle pour ce type de chercheurs est quelque chose qui lui est livr�e par un informateur, donc quelque chose qui �tait d�j� connue m�me si elle ne fut partag�e que par un cercle d'initi�s. Et ce n'est pas parce qu'on va proc�der � des classifications en chapitres, dans des tableaux, qu'on nous fera saisir une connaissance nouvelle, un sens qui jusqu'alors demeurait perdu ou cach�. Toute classification, toute interpr�tation, toute herm�neutique doit nous conduire au-del� de la signification ethnologique fournie par l'informateur ici et maintenant. Il ne s'agit pas d'avancer une connaissance phantasm�e, des id�es farfelues mais plut�t s'approcher du sens tel qu'il fut compris par l'Homo religiosus aux temps fort de l'�laboration de l'institution sacr�e parce que nous savons d'avance que ce sens est aujourd'hui perdu. L'incoh�rence du vrai-faux paradigme de l'irrationnel
Il faut dire que c'est un faut proc�s qui a �t� fait aux soci�t�s archa�ques sur leurs cr�ations culturelles et sur les capacit�s de
leur esprit. Il est utile de r�p�ter que ceux qui se sont atteler � l'�tude des soci�t�s archa�ques et � leurs rites et qui ont clam� et
clament toujours le caract�re irrationnel de ces pratiques n'ont rien compris � leur objet d'�tude.
Il est convenu dans la litt�rature que l'initiation a pour fonction d'op�rer une mutation de l'esprit. Il est tout � fait incoh�rent de
travailler sur des rites, des initiations qui ont pour objectif une modification de l'esprit et ne pas tenir compte du corps qui est si
sollicit� au cours de ces pratiques. Il est tout aussi incoh�rent de ne pas tenir compte des consommations d'hallucinog�nes
lorsqu'elles ont lieu et qui pourtant modifie la personne en profondeur en rapport avec l'objectif m�me poursuivit par les rites.
Pire encore, il est tout � fait inadmissible de ne pas tenir compte de la morphologie humaine si importante dans certaines
initiations au point de servir de r�f�rent symbolique de base dans l'architecture du temple, de m�me, il est incompr�hensible
qu'on ne tiennent pas s�rieusement compte des aspects embryologiques pr�sents dans les rituels.
Pour �tre coh�rent il faut trouver quelle est la place de ces �l�ments dans une approche de l'esprit. Si apr�s avoir fait le tour on
ne trouve aucun rapport entre ces �l�ments et la question de l'esprit, il ne restera plus qu'� se demander o� voulaient en venir
les b�tisseurs de ces rites et non pas condamner leur oeuvre en tant que production irrationnelle. Si par contre en faisant une
revue de la question on trouve une prise en compte de ces �l�ments (sollicitation du corps et donc importance du corps,
morphologie humaine du temple, aspects embryologiques dans les rites) on devra alors conclure au caract�re tr�s rationnel de
ces rites et arr�ter avec les p�titions de principes clamant l'irrationnel mais aussi, il faudra cerner ce que les b�tisseurs de ces
rites ont appr�hender de l'esprit au terme de leur r�flexion et saisir l'avantage procurer par le fait initiation. Il se trouve que les �l�ments ci-dessus mentionn�s sont bien pris en compte dans la question de l'esprit, ils ont �t� mis en �vidence par la neurobiologie et ces �l�ments sont pr�sents dans les rituels initiatiques. Et leur pr�sence ne rel�ve pas du hasard. L'importance de l'�v�nement primordial�
Tout le m�rite revient � ces chercheurs de la premi�re moiti� du 20i�me si�cle qui ont insist� sur l'importance de l'�v�nement
primordial (entre autres Adolph Jensen) qui a engendr� le ph�nom�ne ou l'institution sacr�e car il contient en lui toute la force,
toute la puissance n�cessaire � sa compr�hension. Il est tout � fait futile de se limiter � des informations de l'�poque
contemporaine et pr�tendre comprendre un ph�nom�ne sacr� alors que nous savons que les institutions fondamentales dans ce
domaine sont des legs ancestraux.
L'attitude de beaucoup de sp�cialistes des ph�nom�nes sacr�s africains qui font fi de l'�v�nement primordial est comparable �
un arch�ologue qui se rendrait par exemple en Egypte devant les ruines d'un temple, recueille les donn�es et demande aux
habitants des explications. Les r�ponses seront de trois ordres : ou certains vont s'avancer dans des r�ponses qui n'ont aucun
fondement parce qu'elles ne les ont pas �t� transmises, d'autres avanceront des connaissances �vasives ou superficielles, ou
alors on dira tout simplement que les ruines ont toujours �t� l� depuis des g�n�rations ancestrales. Par contre notre arch�ologue
muni de son recueil d'informations � propos des ruines et de leur description pr�tendra avoir compris ce qu'est ce temple en
prenant les ruines pour ce que le temple aurait toujours �t�. Pire encore, il sera consid�r� par ses paires comme un sp�cialiste
alors qu'en r�alit� une telle d�marche est d�pourvue de tout fondement en arch�ologie et ne peut en aucun cas conduire � une
reconstitution du temple tel qu'il fut et ne peut conduire � aucune sp�culation sur l'utilit� ou la fonction de ce temple.
Pourtant les sp�cialistes des faits sacr�s africains proc�dent comme notre arch�ologue, ils s'int�ressent aux faits uniquement que
dans leur aspect contemporain comme s'ils furent toujours ainsi alors qu'il s'agit de faits plusieurs fois mill�naires. Par ailleurs, on
sait que dans le domaine du sacr�, la conservation du mat�riau s'accompagne souvent d'une perte du sens premier,
fondamental, et parfois m�me on assiste � une d�t�rioration du mat�riau.
D'o� ces sp�cialistes tiennent-ils l'id�e qu'aller en Afrique passer quelques semaines ou mois � observer et d�crire un rite leur
permet de l'interpr�ter et de faire croire qu'ils l'ont compris ? Le ph�nom�ne contemporain n'est que l'aboutissement d'un
ph�nom�ne initial. Pour comprendre le ph�nom�ne contemporain il faut avoir compris le ph�nom�ne initial. C'est en suivant
l'�volution de ce dernier que nous arrivons � comprendre comment il est devenu ce qu'il est aujourd'hui, s'il a chang� ou pas par
rapport au ph�nom�ne originel. Faire une �tude sur le culte des anc�tres ou un aspect relatif au culte des anc�tres en ne tenant pas compte de son origine et de l'un de ses �l�ments de base, peut-�tre le plus important, qui est l'agriculture, pas plus que du passage de l'agriculture � la th�orie du culte des anc�tres est une entreprise vaine. Dans ce cas on ne peut aboutir qu'� des conclusions qui n'ont rien � voir avec ce culte. Et combien de sp�cialistes du sacr� africain ont tenu compte de cet aspect : passage de l'agriculture � la th�orie du culte des anc�tres ? Le culte des anc�tres : � la recherche d'une d�finition
Dans l'�tat actuel des connaissances, toute d�finition du culte des anc�tres
ne peut �tre que provisoire. Il va de soit que celle que nous proposons ici est
incompl�te mais elle a le m�rite de coller aux faits, nous l'avons �labor�
apr�s-coup. Elle para�tra �vidente lorsque le lecteur aura pris connaissances
des fondements biologiques. Le culte des anc�tres est la conqu�te de la Vie, de sa
signification et des responsabilit�s � prendre en tant qu'�tre vivant dans le
monde. Le culte des anc�tres est une apologie de la vie toujours
triomphante, de la vie qui vainc la mort. A travers la v�n�ration des anc�tres,
il est question pour les vivants de se reconna�tre en tant qu'ils sont la
continuit� de l'anc�tre et en tant qu'ils sont porteurs et supports de la m�me
essence que l'anc�tre responsable de la lign�e, du clan, de l'ethnie, de la
race, de l'esp�ce. Le culte des anc�tres c'est la Vie, c'est cette m�me
flamme qui se transmet de g�n�ration en g�n�ration et que les derni�res g�n�rations
ont pour charge de perp�tuer. Le culte des anc�tres se r�v�le �tre aussi l'exaltation de cette force que lib�re le mort. C'est encore une apologie de la vie toujours triomphante, ici, cette victoire se manifeste par l'�lection d'un descendant en tant que support de la force vitale de l'anc�tre en vue de sauvegarder, de maintenir, de perp�tuer la tradition ancestrale et de participer � la perp�tuation de la Vie et � l'am�lioration des conditions de vie. L'�v�nement primordial : le ph�nom�ne agraire
L'origine du culte des anc�tres est un moment grave. Le culte des anc�tres est n� � la suite de la d�couverte de l'agriculture, il
en est une cons�quence. Il est donc extr�mement li� au ph�nom�ne agraire. Et l'invention de l'agriculture � eu lieu � une �poque
d'une grande explosion de la cr�ativit� humaine qui a d'ailleurs pr�c�d� l'invention du ph�nom�ne agraire. Aux origines de
l'agriculture et du culte des anc�tres il y a un meurtre, ou peut-�tre tout simplement une mort. Il faut donc essayer de
comprendre ce qui s'est pass�.
C'est au m�solithique que s'est fait la d�couverte de l'agriculture qui amor�a une profonde r�volution. Au d�but, avant m�me le
m�solithique, il fut essentiellement question de v�g�culture ou culture des tubercules puis par la suite au n�olithique, de
c�r�aliculture ou culture des c�r�ales. Comment s'est fait la d�couverte de l'agriculture ? Est-elle uniquement le r�sultat d'un
long v�cu selon le rythme de la vie v�g�tale ou s'agit-il d'une inf�rence faite � partir d'autres choses ? Que s'�tait-il pass� chez
les Hommes n�olithiques pour que la r�volution agraire ait tant de r�percussion dans leur vie ?
Pour la compr�hension du ph�nom�ne agraire et de ce qu'il op�re comme r�volution, Adolph Jensen est parti du constat de la
mise � mort pr�sente aussi bien dans les mythes que dans les rites. Les uns pr�sentent l'origine de l'agriculture � partir d'une
divinit� qui fut tu�e, morcel�e, d�membr�e, inhum�e, et � partir de laquelle ont jailli les plantes agricoles. Les autres actualisent
cette mise � mort. Ici et l�, au cours des semailles, des sacrifices humains ont �t� pratiqu�s. On tuait un homme, une femme, un
enfant, on r�pandait le sang dans les sillons, on enterrait un morceau de chair dans les champs... II y a donc eu chez les
agriculteurs un acte de mise � mort.
Qu'est-ce qui a pouss� ces Hommes � tuer leurs semblables de mani�re volontaire et o� l'acte �tait per�u comme cr�ateur de
formes culturelles, permettant de conna�tre la nature ultime du monde et o� sa r�p�tition �tait une r�novation des choses,
permettant de transmettre aux nouvelles g�n�rations cet acquis ?
Ce que l'on sait, c'est que la pens�e mythique revient toujours sur ce qui s'est pass� la premi�re fois, � l'acte cr�ateur estimant �
juste titre que c'est lui qui apporte sur un fait donn� le t�moignage le plus vivant. Pour Jensen, c'est au plus ancien stade agricole
qu'il faut chercher la raison de la mise � mort, acte qui peut r�v�ler l'origine surtout du caract�re sacral de l'agriculture.
Pour Grant Allen, l'agriculture n'a �t� possible qu'� partir du moment o� il y a eu d�frichement de la terre et la seule occasion de
ce d�frichement pour les � primitifs � a �t� les enterrements. En outre, depuis le pal�olithique, les inhumations s'accompagnaient
de d�p�ts d'outils, d'animaux, de plantes comestibles. Sous l'action de la putr�faction du cadavre et des offrandes, des libations
fr�quentes au-dessus des tombes, les plantes agricoles ont �merg�.
Lorsque cela se fit pour la premi�re fois, on conclut que ce mort, du fond de sa tombe avait entra�n� la croissance des plantes.
Cette production agricole devint une gratification du d�funt et m�me, l'incarnation du d�funt lui-m�me. La renaissance du mort
s'�tait fait � travers les plantes, en celles-ci r�sidait l'esprit du d�funt. Lorsque les effets de cette premi�re r�colte ont commenc�
� d�cro�tre, la n�cessit� d'immoler une victime fit son apparition car avec son inhumation accompagn�e de plantes comestibles,
on r�p�tait l'acte cr�ateur : � Chaque victime nouvelle devait avoir les m�mes qualit�s et m�mes pouvoirs que les victimes pr�c�dentes ; elle devait
�tre assimil�e � l'�tre humain qui, le premier, du fond de sa tombe, amena la croissance des plantes
bienfaisantes. � Goblet d'Avi�la, p.12
L'hypoth�se de Grant Allen est plausible mais n'a pas �t� confirm�e, elle est peut �tre trop belle pour �tre vraie. En tout cas,
elle rend compte de l'inextricable lien qui existe entre l'agriculture et le culte des anc�tres de m�me qu'elle valide les
constructions mythiques et les rites de mise � mort dans l'apr�s coup, � posteriori.
Dans l'�tat actuel des connaissances tout ce que l'on peut dire de mani�re certaine c'est qu'avec l'agriculture, l'Homme
n�olithique a acc�d� au fait que les semences dans la terre perdaient � jamais leurs formes en se putr�fiant. La naissance de la
plante nouvelle passait par un hiatus, une dissolution des formes accompagn�e d'une r�duction en eau, la vie nouvelle passait
par une n�cessaire mort de la semence. L'Homme n�olithique a homologu� le drame de la semence v�g�tale � sa propre mort
et en cela il rompait avec l'Homme pal�olithique sur plusieurs points. D'abord parce qu'il n'y avait plus place pour la
parth�nogen�se et parce que le chasseurs-cueilleurs du pal�olithique en tuant l'animal, attribuait la responsabilit� de l'acte � la
divinit�. L'agriculteur du n�olithique, saisissant mieux que les pal�olithiques ce qu'est la vie, a pris ses responsabilit�s en tant
qu'�tre vivant dans le monde et les a assum�es : � Quand l'homme a eu conscience de son mode d'�tre dans le monde, et des responsabilit�s li�es � cet �tre dans le
monde, une d�cision a �t� prise,... La conception de ces peuples, c'est que la plante alimentaire est le r�sultat d'un
meurtre primordial. Un �tre divin a �t� tu�, morcel�, et les morceaux de son corps ont donn� naissance � des plantes
inconnues jusqu'alors, surtout � des tubercules, qui depuis ce temps constituent la principale nourriture des humains.
D'o� le sacrifice humain, le cannibalisme, et d'autres rites, parfois cruels. L'homme n'a pas seulement appris que sa
condition veut qu'il doive tuer pour vivre, il a assum� la responsabilit� de la v�g�tation, de sa p�rennit�, il a pour cela
assum� le sacrifice humain et le cannibalisme... (...) il ne s'agit pas d'un comportement animal mais d'un acte humain, que c'est l'homme, en tant qu'�tre libre de prendre
une d�cision dans le monde, qui a d�cid� de tuer et de manger son prochain...
� Mircea Eliade,
L'�preuve du labyrinthe, pp. 138-140.
Sa vision du monde accusait donc de profondes modifications. Sur le plan humain, le sperme et le sang devenaient l'essence de
la vie et exprimaient sa sacralit�. Avec l'assomption du sperme, la f�condation �tait d�sormais inf�r�e de mani�re claire �
l'accouplement. Cette inf�rence et d'autres montraient que rien ou presque rien n'�tait donn� dans la nature comme produit fini.
Pour la chasse, l'animal �tait donn� dans la nature, il "suffisait" seulement d'aller le chercher. Pour la cueillette, la nourriture
v�g�tale �tait �galement donn� dans la nature et mieux que la chasse, il suffisait vraiment d'aller la chercher. Avec l'agriculture
ce n'�tait plus le cas, elle n�cessitait des actes, du travail. Pour obtenir quelque chose, il fallait d�sormais une participation active
de l'individu. Le cultivateur �tait oblig� d'�laborer ses projets plusieurs mois avant leur application, d'ex�cuter dans un ordre
pr�cis, une s�rie d'activit�s complexe en vue d'un r�sultat lointain et surtout au d�but, jamais certain : la r�colte. En se souciant
du succ�s de sa r�colte, le cultivateur n�olithique a prospect� le temps, a fait l'exp�rience du temps cosmique, circulaire et
cyclique. Tous ces �l�ments qui ont fait irruption dans la conscience du cultivateur n'ont pas �t� vains. En �laborant la structure
de ses rites, le cultivateur y a consign� ses peines, ses angoisses, ses incertitudes, et ses esp�rances.
C'est par ces consignes que nous savons aussi que la r�volution agraire a eu un impact sur la vie spirituelle des n�olithiques,
nous savons �galement que la connaissance empirique de la semence qui perd ses formes dans la terre a �t� tr�s r�v�latrice.
Apr�s la dissolution des formes et la r�duction en eau, il �tait clair qu'au sein de cet �tat chaotique s'organisait quelque chose,
une force qui, � l'aide des travaux agricoles faisait germer les nouvelles plantes. Ce que l'agriculture r�v�lait, ce en quoi elle
op�rait une r�volution �tait la prise de conscience, la valorisation et l'exaltation de cette force, de cette puissance qui fait cro�tre,
qui engendre la Vie. A travers les multiples rites de la moisson, ce n'�tait pas la plante elle-m�me qui �tait v�n�r�e, mais cette
force dont la plante n'�tait que l'expression merveilleuse. On peut dire que ce que l'Homme n�olithique a vu, ce qu'il a compris
et appris du drame des semences, la le�on qu'il en a tir�, est l'existence de cette force, de cette puissance qui animait la plante
et par extrapolation toute la v�g�tation et le cosmos.
Ces consid�rations qui sont au centre de ce que r�v�lait l'agriculture et pr�sent�es comme telles ne nous expliquent pas le lien
fondamental entre anc�tres et descendants : point pivot du culte des anc�tres. En d'autres termes, ces consid�rations ne nous
permettent pas de saisir le passage de l'agriculture � la th�orie du culte des anc�tres. Nous allons nous int�resser � deux mythes o� les agriculteurs ont consign� ce qu'ils ont compris de la semence en putr�faction et qui permettront de d�celer le passage de l'agriculture � la th�orie du culte des anc�tres. Il s'agit des mythes de l'Ogdoade et des mythes du d�membrement de l'�tre anthropomorphe. Les fondements biologiques
Pour bien comprendre les fondements biologiques du culte des anc�tres, il nous faut insister sur un type de mythe : les mythes
de l'Ogdoade o� se trouve consigner cette connaissance. Il nous faut pour cela remonter �
l'�gypte ancienne.
Kh�m�nou �tait une ville de moyenne �gypte et ce nom signifiait la Ville des
Huit (Serge Sauneron, George Posner). En
langue copte il est devenu Shmoun qui a donn� en Arabe Ashmounein, ville actuelle de
l'�gypte. A l'�poque des pharaons et
peut �tre m�me avant, Kh�m�nou a �t� l'un des grands centre religieux. Cette ville est plus connue dans la litt�rature sous le
nom de Hermopolis et elle devait son nom originel de Kh�m�nou, la Ville des
Huit, a une d�miurgie collective de huit dieux
qui �taient pr�sents lors de l'�mergence de la ville des eaux chaotiques comme tertre primordial. La cosmogonie de type
hermopolitaine sous l'�gide de huit dieux primordiaux est appel�e Ogdoade. Souvent cette Ogdoade se transforme en Enn�ade
: une cosmogonie orchestr�e par neuf dieux. Sur le plan historique, c'est � Hermopolis que la cosmogonie des Huit est attest�e
pour la premi�re fois, cette ville a �t� probablement le centre de diffusion de ces mythes. L'Ogdoade �gyptienne raconte qu'� l'origine il y avait un oeuf qui contenait le souffle de vie universel. On ignore si
l'�uf avait
�t� produit par les Huit dieux ou si ces derniers y �taient contenus. Mais les Huit sont des dieux autog�nes, soit qu'ils ont
produit l'�uf soit qu'ils sont issus de l'�uf. Dans tous les cas les Huit sont li�s �
l'�uf et � son contenu : au souffle de vie
universel. Au commencement il y avait donc l'Ogdoade, les Huit dieux primordiaux et l'�uf. La d�nomination des Huit est en soi l'histoire d'une gen�se, une cosmogonie. Les Huit sont � la base quatre dieux m�les qui ont chacun un double f�minin, il s'agit de quatre couples de divinit�s repr�sentant les force g�n�siques �l�mentaires. Il y a : � Noun et Naunet : l'eau primitive � Heh et Hehet : l'infinit� spatiale � Kek et Keket : les t�n�bres
� Amon et Amaunet : l'ind�termination spatiale, le vide...
Ce sont les �l�ments du chaos pr�cosmogonique, les forces g�n�siques, obscures, d'un monde inorganique mais en devenir.
Les �gyptiens les ont personnifi�s en tant qu'�tre ayant l'aspect de grenouilles et de serpents. Les commentateurs des textes
�gyptiens n'ont pas manqu� d'associer cette personnification aux b�tes rampantes des eaux boueuses qui �voquent l'obscurit�
lourde, humide et infinie des instants pr�cosmogoniques (Serge Sauneron, George Posner). Au sein de cette infinit� t�n�breuse
ou de l'�uf, les Huit avaient �mis une lumi�re qui fit jaillir le soleil. D'autres versions raconte l'�mergence de l'astre � partir d'un
lotus. Si aux dieux primordiaux on ajoute le soleil, on passe alors d'une Ogdoade � une Enn�ade.
Les pr�tres de Memphis ont �labor� aussi une cosmogonie o� intervient les Huit (Serge Sauneron). Elle se centre sur le dieu
Ptah-Ta-Tenen et les Huit sont clairement identifi�s � ses hypostases. L'Ogdoade memphite comprend : "Ptah qui est sur le
grand tr�ne", Noun et Naunet, Ptah l'ancien, quatre autres divinit�s dont les noms sont perdus.
Ce que l'on peut retenir de l'Ogdoade �gyptienne c'est que les Huit sous leur repr�sentation animale sont associ�s � l'eau et aux
forces g�n�siques. Si on consid�re que les Huit �taient contenus dans l'�uf, ils sont alors associ�s au souffle de vie universel.
Lorsque l'Ogdoade-Enn�ade est incarn�e par le dieu Ptah, on nous fait comprendre que ce dernier a attribu� la vie et a fait
exister les dieux, il est ce dont toute chose est issue. L'Ogdoade �gyptienne reste attacher � l'id�e de vie, de la gen�se du
vivant. L'Ogdoade est pr�sente dans tout ce qui existe depuis le monde min�ral, v�g�tal, jusqu'au monde animal.
La cosmogonie Dogon propose aussi une Ogdoade (Marcel Griaule/Germaine Dieterlen : Le renard p�le). Le point de d�part
est � la fois un oeuf et un v�g�tal, le P�, la plus petite des graines. Les premi�res �bauches de la cr�ation se font sous la
responsabilit� du dieu Amma.
A l'origine le P� pilu �tait une spirale qui commen�a d'abord par enrouler dans ses spires les Paroles
d'Amma puis par
s'enrouler sur elle-m�me autour de son germe. Amma pla�a un par un les �l�ments de la cr�ation dans la graine. Mais les
premi�res choses qu'il avait cr��es n'avaient pas de noms, ces derniers furent mis d'abord dans la graine qui, � travers son
tournoiement, a effectu� la liaison d'une chose avec la chose suivante. Les noms formaient une sorte d'enveloppe mince, comme
une peau. En tournant, cette peau est devenue comme un tuyau dans lequel les choses �taient en chapelet et enroul�es en
spirale. C'est � ce moment qu'Amma leur donna leurs noms. Pour toutes les choses, Amma n'avait choisi que quatre noms qui
sur le plan de la Parole, du Verbe, correspondent aux quatre graphies et �l�ments en gestation dans son sein. Les quatre noms
�taient la Parole, le Verbe.
En mettant les noms dans le P�, l'intention d'Amma �tait de r�pandre le Verbe dans l'univers et particuli�rement sur la terre.
Dans le sein d'Amma, le P� s'�tendit jusqu'� atteindre ses limites. L'assise
d'Amma tenait le P� serr� comme un ressort qui finit
par se d�tendre, le P� �clata. Le germe s'enroula sur la graine et la fit tourner sur elle-m�me. La spirale se d�roula dans l'autre
sens et Amma fit sortir les Huit paroles du P� qu'il distribua dans l'univers. Le P� pilu �tait m�le et femelle. Les deux graines
furent aval�es par le d�miurge Nommo qui par ailleurs devra �tre sacrifi�. Ces premi�res �bauches de la cr�ation se passaient
dans l'espace intersid�ral. Pour que les Huit Paroles arrivent sur terre, elles furent d�vers�es dans une arche.
Sur cette arche se trouvaient d'abord le d�miurge ressuscit� et les Huit anc�tres avatars de la Parole et form�s de quatre pairs
de jumeaux. L'Ogdoade-Enn�ade Dogon se composait de : � Nommo � Amma S�rou et go sa � L�b� S�rou et ya sa � Binou S�rou et ya sa
� Dyongou S�rou et ya sa
Les Huit sont aussi per�u ici comme une hypostase du d�miurge et toute l'Enn�ade est la figuration de ce g�nie ressuscit�. Le
Nommo lui-m�me en tant que p�re est la t�te, Amma S�rou la poitrine, L�b� S�rou l'abdomen, Binou S�rou les bras toujours
vivants, Dyongou S�rou le nombril et le sexe, les quatre jumelles sont les quatre membres. Sur l'arche se trouvaient aussi tous
les animaux et tous les v�g�taux. Certains animaux en raison de leurs liens avec certaines parties du corps et certains principes
spirituels du d�miurge sont devenus des interdits tot�miques. Parmi ces animaux on trouve le crocodile noir et le silure qui
repr�sentent les deux bras, le varan d'eau et le varan de terre qui repr�sentent les deux jambes, l'antilope valu et l'oiseau donu
sont en rapport avec les principes spirituels de corps rampants. Ainsi charg�e, l'arche est-elle descendue sur terre. Pour amorcer cette descente, elle fut suspendue � une cha�ne de cuivre ou de fer dont les anneaux symbolisaient les anc�tres se tenant par la main. Cette cha�ne par laquelle descendait l'arche est aussi compar�e � un lien fait de deux cordes jumel�es, jalonn�es d'une s�rie de n�uds. Ceux-ci sont appel�s � n�uds du grand Amma � ou � n�uds qui ne cassent pas la corde des (descendants) du sein �. Ils symbolisent la continuit� des g�n�rations. L'arche est le lien serr�, quasi indissoluble, �tablit par Amma entre les anc�tres et leurs descendants.
� L'arche �tait suspendue � une cha�ne de cuivre ou de fer dont les anneaux symbolisaient les anc�tres se tenant par la
main. Ce support est aussi compar� � un lien fait de deux cordes jum�l�es, jalonn�es d'une s�rie de
n�uds dit " n�uds du grand Amma "ou" n�uds qui ne cassent pas de la corde (des descendants) du sein" (c'est-�-dire des
g�n�rations). A lui seul, chaque n�ud repr�sente � la fois l'arche et la corde la descente, ceci " pour qu'on oublie pas
la descente de l'arche", qui est le lien serr�, quasi indissoluble, �tabli par Amma entre les anc�tres et leurs
descendants. � (Griaule/Dieterlen,
ibid, p. 423-424) Pendant la descente, cette arche se balan�ait et dessinait une double h�lice qui r�alisait le mouvement m�me de la vie, du tourbillon qui animait la premi�re graine. Ce mouvement �tait entretenu par le souffle des anc�tres qui semblait passer par une tuy�re et qui �tait comme une respiration tourbillonnante faisant promouvoir l'h�lice de la descente.
� En m�me temps qu'elle se balan�ait, l'arche, suspendue au bout de la cha�ne, pivotait sur elle-m�me dans une sorte de
va et vient. Elle dessinait ainsi en descendant une double h�lice, r�alisant le mouvement m�me de la vie, du tourbillon
qui animait la premi�re graine. Ce mouvement �tait entretenu par les souffle des anc�tres, comme s'il passait par une
tuy�re. La tuy�re a la forme m�me de cette respiration tourbillonnante, dite "vent tournant", laquelle promouvait
"l'h�lice de la descente". "Le trou de la tuy�re est le grand chemin de la respiration des anc�tres descendus d'en haut.
C'est leur souffle qui aidait � tourner pour aller et descendre vers le bas ".
� (Griaule-Dieterlen,
ibid, p. 434)
Arriver sur terre, l'arche heurta d'abord le sol puis se retrouva dans l'eau qui est le lieu de pr�dilection des Huit anc�tres
primordiaux. Dans une autre version (Marcel Griaule, Dieu d'eau) il est dit que le d�miurge Nommo contenant des Huit sous la
forme d'un couple primordial est associ� � l'eau, il est pr�sent dans toute eau, il est l'eau.
Les cosmogonies de l'Ogdoade se retrouvent en Afrique dans la boucle du Niger chez des peuples voisins des Dogon. Ils se
rencontrent aussi dans la zone centrale notamment chez l'ethnie T�k� o� la ressemblance avec le mythe Dogon est assez
frappante. (A. Masson Detourbet) Les mythes de l'Ogdoade quelque soit le lieu en Afrique semblent �tre issus d'un centre
unique : Hermopolis. Le sens profond, premier, de ce type de mythes aurait �t� le m�me partout l� o� il se rencontre. C'est dire
que le sens profond octroy� par l'Ogdoade Dogon, la plus �labor�e qui nous soit parvenue, est valable pour les autres.
Ce que l'on peut dire pour l'instant c'est qu'� travers les Huit, et � l'instar des anciens �gyptiens, les Dogon y ont vu les bases
m�me de la vie. Celle-ci est dans l'eau et peut m�me �tre confondue avec elle. Mais les Dogon r�v�lent plus de choses, la vie
est d�finie comme un mouvement : mouvement h�lico�dal d'une double h�lice en torsade anim�e par quatre anc�tres principaux
affubl�s chacun d'un double. L'arche et le support sur lequel elle descendait repr�sentent la continuit� des g�n�rations, le lien
serr�, indissoluble entre les anc�tres et leurs descendants. Ce mouvement qui exprime la vie est ce qui �tait �
l'�uvre dans la
plus petite des graines, le P� pilu, et par extrapolation dans toute graine. Les mythes de l'Ogdoade sont donc li�s au fait agraire,
aux le�ons tir�es de la semence v�g�tale. Ces mythes nous permettront de comprendre la d�marche emprunt�e par les
n�olithiques pour passer de l'agriculture � la th�orie du culte des anc�tres. On peut d�j� signaler que les mythes de l'Ogdoade
sont d'une importance capitale, ils constituent � eux seuls une v�ritable r�volution, un probl�me �pist�mologique majeur.
Quelle connaissance relative � la vie ces gens ont consign�s dans ces mythes de l'Ogdoade ?
Il faut dire que le culte des anc�tres est aussi vieux que la monarchie et la premi�re fois que la royaut� est attest�e dans l'histoire
de l'humanit�, c'est en �gypte ancienne (et probablement en Nubie aussi) qu'on la rencontre aux alentours de 3000 ans
av. J.-C.
Le culte des anc�tres y appara�t d�j� sous sa forme achev�e. La monarchie, notamment � travers la succession royale, a �t� la
premi�re application pratique sur le plan religieux et social des le�ons tir�es de la semence v�g�tale. C'est dire que le culte des
anc�tres sous sa forme actuelle est vieux d'au moins 5000 ans.
Quelles connaissances ces Hommes n�olithiques, de l'�poque
protohistorique ont-ils consign� dans les mythes de l'Ogdoade ? Pourquoi ont-ils consid�r� les Huit comme la gen�se du vivant,
comme des anc�tres primordiaux ? Pourquoi ont-ils d�fini la Vie comme un mouvement h�lico�dal d'une double h�lice en
torsade ? S'agit-il d'�lucubrations, de simples sp�culations sur ce qu'est la Vie de la part des gens qui ont v�cu il y a plus de
5000 ans ? Ou s'agit-il plut�t d'une r�flexion savamment orchestr�e ? En 1928, un chercheur du nom de Griffith avait d�montr� l'existence d'un support chimique de l'h�r�dit�. Dans la m�me lign�e mais en 1953 deux autres chercheurs, Watson et Crick, ont expliqu� pour la premi�re fois la structure de ce support chimique. Celui-ci est une mol�cule appel�e ADN (acide d�soxyribo nucl�ique). La mol�cule d'ADN est une double h�lice constitu�e de deux brins enroul�s en torsade. Chaque brin est constitu� entre autre d'une succession de quatre bases qui sont : l'ad�nine, la tymine, la guanine et la cytosine. Chacune des bases d'un brin s'associe de mani�re sp�cifique aux bases de l'autre brin. Les quatre bases s'associant deux � deux forment quatre couples, donc Huit bases. Ces associations sont : � Ad�nine � Tymine � Cytosine � Guanine � Tymine � Ad�nine � Guanine � Cytosine
La mol�cule d'ADN constitue le noyau de toute cellule, la gen�se du vivant, le support de la vie. Elle contient les informations
n�cessaires pour sa r�alisation, c'est par elle que se transmet la vie de g�n�ration en g�n�ration. On peut r�sumer la mol�cule
d'ADN, mol�cule de la Vie, comme un mouvement h�lico�dal d'une double h�lice en torsade anim�e par quatre couple de
bases. N'est-ce pas l� la principale connaissance consign�e dans les mythes de l'Ogdoade ?
Pour rappel, nous signalons que toutes ces cosmogonies ont assimil� les Huit � la vie. Ces derniers sont � l'origine quatre
divinit�s ou anc�tres primordiaux qui en raison de la r�gle de g�melliparit� sont devenus Huit. Les Huit sont pr�sents dans
l'univers, dans tout ce qui se meut et pousse sur terre. Dans la cosmogonie Dogon au moment de l'�laboration des premi�res
�bauches de la cr�ation, le Dieu Amma avait cr�� quatre choses auxquelles il avait donn� quatre noms. Ces choses �taient
mises en chapelet dans une sorte de tuy�re. Lorsque la graine �clata, Huit choses symbole de la Parole en sortirent. Le support
dans lequel �tait contenu les Huit dessinait un mouvement h�lico�dal d'une double h�lice en torsade. Ce mouvement et ce qu'il
contenait symbolisaient la vie, la continuit� des g�n�rations, repr�sentait le lien serr� et indissoluble entre anc�tres et
descendants.
D'un c�t� comme de l'autre, le support de la Vie est un mouvement h�lico�dal d'une double h�lice en torsade. La science
contemporaine parle de brins, la cosmogonie Dogon parle de tuy�res. Dans les uns on trouve entre autre un encha�nement de
quatre bases, dans les autres on trouve une enfilade de quatre choses en chapelet. Les quatre bases en raison de leur
associations forment une structure qui comporte Huit bases. Les quatre anc�tres ou divinit�s primordiales en raison de la
g�melliparit� deviennent Huit. La mol�cule d'ADN est le support de l'h�r�dit�, le support de la vie et de sa transmission �
travers les g�n�rations, le lien entre ascendants et descendants. L'Ogdoade et le mouvement qu'il imprime symbolisent la
continuit� des g�n�rations, le lien serr�, indissoluble entre anc�tres et descendants. Il n'y a pas de doute, il y a une identit�
formelle et conceptuelle entre l'ADN et l'Ogdoade.
De toute �vidence, ceux qui ont �labor� le culte des anc�tres et particuli�rement les mythes de l'Ogdoade ont acc�d� � la
connaissance supr�me de ce qu'est r�ellement la Vie. Les mythes de l'Ogdoade se r�v�lent �tre le lieu o� ont �t� consign� une
partie des investigations des peuples n�olithiques et protohistoriques sur ce qu'ils ont compris � partir de la semence v�g�tale.
Ces peuples ont aussi eu l'intelligence d'utiliser la structure de base de ce qu'est la Vie comme sch�me, comme mod�le
exemplaire des rites et de l'organisation sociale. L'Ogdoade est une duplication de la structure de l'ADN.
On a pens� pendant longtemps et on pense toujours que l'Homme religieux des soci�t�s archa�ques est cet imb�cile heureux
vivant depuis la nuit des temps et projetant vaille que vaille les possibles les plus fantaisistes. Il existe des peuples issus des
civilisations n�olithiques qui v�hiculent souvent de mani�re latente la culture qui s'y r�f�re. Dans l'histoire de l'humanit�, ce
moment d'une importance toute sp�ciale a vu se r�aliser une explosion de la cr�ativit�. Nous ignorons encore ce qui a �t�
exactement le moteur de la r�volution n�olithique mais il y a un paradoxe � vouloir voir dans les pratiques rituelles actuelle
issues de ces n�olithiques des fourvoiements de l'esprit humain alors que ce sont ces m�mes n�olithiques qui ont fourni les bases
de la culture contemporaine. Ont-ils �t� incons�quents dans leur d�marche, coh�rents par moment et incr�dule � d'autres
surtout � propos du sacr� ?
Le lien serr�, indissoluble entre ascendants et descendants est la Vie � travers sa transmission, c'est-�-dire de ce mouvement
h�lico�dal d'une double h�lice en torsade anim� par les Huit. Ce qui a int�ress� � la base ceux qui ont �labor� le culte des
anc�tres est ce mouvement : la Vie.
On comprend alors pourquoi le lien entre ascendants et descendants dans le culte des anc�tres est si important :
� Mourir sans descendance est le plus grand de tous les malheurs pour un �tre humain vivant... Car c'est l�, aux yeux de
l'Africain, l'�chec absolu, la catastrophe sans appel, qui condamne non seulement celui qui meurt ainsi sans enfant en
vie, mais aussi tous les anc�tres de sa race qui l'ont pr�c�d� en ce monde, � se voir pendant toute l'�ternit� frustr�s de
ce qui fut la raison m�me de leur existence : se perp�tuer en se reproduisant, subsister au cours des temps � travers la
cha�ne des vivants qui s'engendre les uns les autres. Ainsi donc tout est concentr� sur le pr�cieux exister des
hommes-vivants en qui se perp�tue l'existant des vivants transmis par les anc�tres.
� (J. Jahn)
Prise de conscience tragique car la Vie, la Culture n'�taient pas donn�es mais se r�v�laient bien comme des incessantes
auto-constitutions. Aux efforts accomplis pendant le pal�olithique, venaient s'ajouter ceux de la r�volution n�olithique qui
engageait l'individu plus que jamais.
Par cet engagement l'Homme religieux s'�tait senti comme le r�sultat de d�cisions prises au commencement notamment celle
d'appr�hender le r�el et lui donner une signification. L'�mergence dans la conscience du cosmos : ciel, terre, v�g�tation..., l'avait
conduit � prospecter son environnement afin de se le rendre habitable et compr�hensible. Avec l'irruption de la mort dans cette
conscience, l'Homme avait fait preuve de courage car, se rendant compte qu'il est un �tre d'aventure, un mortel n� pour ne
vivre qu'un laps de temps, cet Homme n'a pas abdiqu� devant son destin. Il lui fallait sortir ou
demeurer dans sa crise, il avait
fait le choix d'en sortir en faisant face � la r�alit� et en se l'apprivoisant. Une telle d�cision a travers� le temps, s'est pr�cis�e au
n�olithique et a permis sans cesse � l'Homme de s'accepter en tant qu'�tre d'aventure et en m�me temps de transcender cette
r�alit�.
La r�flexion de l'Homo religiosus n�olithique a �t� d'une port� th�orique et pratique tr�s importante. Saisissant que ce qu'il
consid�rait comme la vie avait une origine c�leste, �tait r�pandue dans l'univers et �manait de quelque chose d'unique, il a ainsi
r�alis� son origine c�leste, son appartenance et sa participation structurelle � l'ensemble du cosmos ; il �tait constitu� de la
m�me essence que le reste de l'univers, essence qui �tait pr�sente dans le germe primordial.
L'Homo saisissait �galement la
port� de sa pr�sence en tant qu'�tre vivant dans le monde, car il y avait des responsabilit�s � prendre. Si la Vie avait une origine
c�leste, �tait descendue sur terre, a eu pour v�hicule la mati�re min�rale, v�g�tale et animale, elle n'�tait pas parvenu jusque l� �
travers ses diff�rents supports � prendre conscience d'elle-m�me.
R�alisant ce qu'est la Vie de son point de vue, r�alisant �galement que lui l'Homme pas plus que la mati�re min�rale, v�g�tale et
animale, n'�tait la Vie mais son contenant, le t�moin de sa manifestation, les efforts ont converg� vers cette chose : la Vie. Il ne
fallait plus que celle-ci �volue au gr� du hasard. L'Homme assumait d�sormais la responsabilit� de la Vie, dans tous les
domaines, il lui assignait une direction. Elle devait perdurer, se maintenir, se perp�tuer de g�n�ration en g�n�ration. Mais il ne faut pas croire que le corps, le contenant de la vie, a �t� laiss� pour compte. Les fondements neurobiologiques
Il y a un aspect neurobiologique qui a �t� pris en compte par ceux qui ont �labor�
le culte des anc�tres. Pour mettre en �vidence cet aspect il nous faut
apporter certaines pr�cisions. Dire notamment quelle est la fonction de
l'initiation, dire quelques mots sur le type de mythes o� se trouve consigner
cette connaissance, parler du temple et des rapports avec ce type de mythes, des
s�quences rituelles en rapport avec les mythes et le temple, des donn�es
neurobiologiques emprunt�s � G�rald
M. Edelman et � Antonio R. Damasio qui nous ferons saisir les aspects neurobiologiques de
l'initiation. On va le voir, ces donn�es �taient connues par ceux qui ont �labor�
l'initiation au culte des anc�tres. L'initiation telle qu'on la rencontre dans la litt�rature
consiste � op�rer une mutation de l'esprit. Cette fonction attribu�e �
l'initiation est incompl�te au regard du mythe et de se qui se passe pendant
l'initiation. Il ne saurait y avoir une mutation de l'esprit sans prise en
compte importante du corps. Il y a donc mutation � la fois et du corps et de
l'esprit. Il serait trop long ici pour raconter le d�tail de ces
mythes. Ils sont appel�s mythes de d�membrement de l'�tre anthropomorphe ou
du g�ant anthropomorphe. Ils pr�sentent aux origines, avant l'av�nement d�finitif
du monde, un �tre qui totalise en lui l'ensemble de la cr�ation future. A la
suite de rivalit�s entre divinit�s, cet �tre est tu�, d�membr�, les diff�rentes
parties de son corps vont �tre utilis�es pour l'�dification du monde. Les �toiles,
les montagnes, le ciel, les nuages, les �tendues d'eau... seront constitu�s �
partir des �l�ments d�membr� du g�ant. L'�tape finale ou d�cisive est
toujours une consolidation des �l�ments auparavant �pars. Et l'univers
devient l'�tre anthropomorphe d�membr� et reconstitu�. Le m�me type de mythes existent mais � l'�chelle
humaine. Ce sont les mythes du type Osiris qui est tu�, d�membr�, reconstitu�
et par la suite op�re une nouvelle naissance. Non pas une naissance en tant qu'�tre
de chair et d'os, mais une naissance sp�cifique � la modalit� de l'esprit. Le temple chez les agriculteurs qui est une image r�duite
du monde, est par cons�quent une figuration de l'�tre anthropomorphe. Le
temple r�sume les phases de d�membrement reconstitution du mythe car le temple
dan son architecture repr�sente des �l�ments du corps humain : t�te, tronc,
membres, peau, squelette, poumons, coeur et l'ensemble des visc�res. (voir R.
A. Schwaller : Le temple dans l'homme, Marcel Griaule, Dieu d'eau, Otto
Gollnhofer/Roger Silence, Le symbolisme, ...) Dans un temple comme celui de Louxor en �gypte qui est �galement
la figuration par excellence d'une morphologie humaine, on trouve dans les bas
reliefs des peintures �voquant une embryologie et un d�veloppement post-natal�: conception, fa�onnement du corps et du ka (d�veloppement, formation
corps-esprit), naissance, croissance, maturit� et couronnement du pharaon. Il
ne s'agit pas l� de faits isol�s, les aspects obst�triques dans les
initiations ont souvent �t� soulign�s dans la litt�rature. En dehors de l'�gypte ancienne et � l'�poque
contemporaine on rencontre encore des rites qui �voquent de mani�re explicite
une embryologie. Dans l'initiation au culte Bwiti il y a un rite qui consiste �
se diriger vers le temple dans une procession serpente au sein de la quelle un
enfant porte sur son dos la figuration d'un poisson r�alis� avec des v�g�taux
et on entonne un chant qui nomme deux animaux : la mangouste grise et les ath�rures.
Il faut pr�ciser que ce rite est pr�c�d� par un autre qui fait �tat de
l'accouplement du couple primordial. L'explication du rite avec l'enfant porteur
de poisson est la suivante : � Le symbolisme de ce rite tend, d'une part, � �voquer
et pr�sentifier certains stades de l'�tat f�tal des postulants et, d'autre
part, � �tablir une correspondance entre cet �tat et celui de la d�structuration
de la conscience habituelle des r�cipiendaires, d� � l'Iboga. Le poisson port�
par l'enfant est le f�tus ; la mangouste grise est l'enfant au dernier stade de
la gestation, les ath�rures sont les n�ophytes qui ont vu le Bwete ; le
terrier est le sein de la m�re. � (Otto Gollnhofer et Roger Sillans, p. 235) Ce rite est suivi par d'autres qui figurent la naissance de
l'enfant, la coupure du cordon ombilical... D'autre part, toute initiation au culte des anc�tres
comporte toujours � un moment ou � un autre une s�quence portant sur le corps
suivi ou s'accompagnant d'une r�clusion dans le temple. Cette alt�ration de la
perception habituelle du corps peut se faire � l'aide d'�preuves douloureuses
portant sur le corps, d'un couch� � m�me le sol pendant plusieurs jours,
d'une destruction temporaire de la conscience. Mais alors, qu'est-ce qui explique ce recours aux aspects
embryologiques, � la figuration du temple en tant que morphologie humaine ? Et
c'est l� tout l'objet de notre propos, au lieu de faire appel � chaque fois �
l'�pouvantail de service qu'est l'irrationnel on ferait mieux dans de tel cas
de se poser les vrais questions et chercher � y r�pondre. Qu'est-ce qu'un lieu qui a pour fonction d'abriter une
mutation de l'esprit (le temple) a � voir avec la morphologie humaine ?
Pourquoi ce recours � des aspects embryologiques et d�veloppementaux alors
qu'on ne cherche qu'� op�rer une mutation de l'esprit ? Au lieu de rester dans sa tour d'ivoire (en l'occurrence
dans le domaine de l'anthropologie du sacr�), il faut jeter un coup d'�il vers
les sciences qui s'int�ressent � l'esprit et voir si elles peuvent nous
apporter des �l�ments de r�ponse. Il se trouve que parmi ces sciences, la
neurobiologie nous est d'un grand secours. Pour G�rald M. Edelman, l'esprit d�pend de certaines formes particuli�res
d'organisation biologique de la mati�re. C'est au cours de l'�volution que les
corps en sont venus � poss�der des esprits. C'est dire que l'esprit a pris
corps, qu'il s'est incarn� � un moment donn� de l'�volution. L'existence et
le fonctionnement de cet esprit d�pendent d'une conscience qui est apparue �
l'issu d'une s�lection naturelle. Les �tapes qui ont conduit et conduisent toujours � une
morphologie capable d'incarner l'esprit se retrouvent au niveau phylog�n�tique
et ontog�n�tique. Au cours de l'�volution des hominid�s, l'acquisition de la
bip�die avait occasionn� des modifications sur l'allure g�n�rale du corps,
sur l'anatomie et surtout au niveau de la base du cr�ne. Il y a eu apparition
de r�gions sp�ciales du cerveau li�es au langage, apparition de capacit�s
conceptuelles, du langage articul�... Au cours de cette �volution, il y a eu
un accroissement et une modification morphologique du cerveau. Ce sont ces
nouvelles morphologies du corps et du cerveau qui ont rendu possible
l'incarnation de l'esprit. L'Homme, par la morphologie de son corps et de son
cerveau est le seul �tre dot� d'un esprit capable d'op�rations sp�cifiques
et sup�rieures. Au niveau ontog�n�tique, la mise en place de la
morphologie du cerveau et du corps s'�bauche d�s le stade embryonnaire par la
rencontre d'un spermatozo�de et d'un ovule et gr�ce aussi en grande partie �
des facteurs g�n�tiques. La formation du cerveau se fait � travers des
mouvements de cellules qui se divisent, migrent, meurent et adh�rent les unes
aux autres. Les neurobiologistes accordent une grande importance � la
connectivit� des syst�mes neuronaux car c'est par elle qu'ils rendent compte
de l'existence de l'esprit. La morphologie pl�ni�re du cerveau est acquise apr�s
les premi�res ann�es de la vie, celle du corps � la maturit�. Mais ce n'est pas parce qu'on poss�de un corps et un
cerveau morphologiquement humain qu'on peut pr�tendre b�n�ficier
obligatoirement des op�rations de l'esprit. Le moi conscient humain se
construit � travers les interactions socio-culturelles. Ce qui ressort c'est qu'au niveau ontog�n�tique,
l'incarnation de l'esprit commence au stade embryologique et d�veloppemental
par la mise en place d'une morphologie n�cessaire, se poursuit apr�s la
naissance par l'ach�vement du cerveau, par la croissance anatomique jusqu'� la
maturit� et par les interactions socio-culturelles. Et comment ne pas rapprocher ce point de vue
neurobiologique de l'incarnation de l'esprit � la conception du temple chez les
agriculteurs et de ces rites faisant appel � des notions embryologiques et d�veloppementaux
justement afin d'op�rer une mutation de l'esprit ? Le temple, dont l'exemple le plus �loquent est celui de
Louxor, figure � la fois un corps humain et les diff�rentes �tapes de sa
croissance. D'autre part, une grande importance a �t� accord�e � la t�te et
� certains organes du cerveau. Au niveau des bas-reliefs on trouve la
figuration de la conception de l'enfant roi, de sa gestation, sa naissance et sa
croissance jusqu'� la proclamation de sa divinit�. On comprend que les rites
dans la typologie agraire mettent en parall�le la morphologie du temple �
travers ses diff�rentes phases de construction et l'incarnation de l'esprit
chez l'individu � travers les diff�rentes �tapes de sa croissance. L'homologation qu'on rencontre dans les initiations et les
fun�railles entre la naissance au mode de l'esprit et la naissance obst�trique
n'est pas un emprunt pu�ril � des concepts biologiques et physiologiques. Cet
emprunt est rendu n�cessaire par le fait que l'incarnation de l'esprit commence
d�s le stade f�tal et se poursuit � la naissance. Pour assurer la mutation de
l'esprit, certaines initiations et m�mes des fun�railles utilisent clairement
le m�me mod�le que l'incarnation de l'esprit : ils �voquent une conception,
une gestation f�tale, une naissance et une croissance de l'individu. L'esprit d�pendant
d'une certaine organisation biologique de la mati�re et le temple �tant un
lieu de naissance au mode de l'esprit, celui-ci ne pouvait que figurer une
morphologie humaine. Le parall�lisme morphologie du temple-morphologie de
l'individu et l'homologation entre naissance au mode de l'esprit et naissance
obst�trique nous montre que les anciens avaient bien compris que c'est un corps
biologiquement complexe comme celui de l'�tre humain qui g�n�re l'esprit. On
se rend compte que les donn�es actuelles des neurosciences sur l'incarnation de
l'esprit �taient d�j� acquises par ceux qui ont mis en place le culte des anc�tres. Pour rendre compte de ce lien corps-esprit, Antonio
R. Damasio �nonce du point de vue neurobiologique, une profonde interaction
entre l'esprit et le corps o� la modification de l'un entra�nerait n�cessairement
la modification de l'autre. Il y aurait aussi et surtout une pr�s�ance du
corps sur les ph�nom�nes mentaux, c'est par l'interm�diaire du corps que se
fait l'interaction entre un organisme et l'environnement. Pour assurer la survie du corps le mieux possible le
cerveau a eu pour solution � chaque fois qu'il y a interaction avec
l'environnement de repr�senter mentalement cet environnement en modifiant les
repr�sentations fondamentales du corps. Du point de vue anatomique, cette repr�sentation
est tributaire du syst�me somato-sensoriel et surtout somato-moteur et elle est
bas�e sur la construction d'un sch�ma corporel comportant t�te, tronc,
membres, visc�res, contour du corps ou peau. La carte dynamique de ce sch�ma
serait d�pendante de plusieurs r�gions du cerveau (h�misph�re droit, cortex,
tronc c�r�bral, hypothalamus) interconnect�es. Cette activit� de connexion est due � des circuits
neuraux qui �laborent en permanence une repr�sentation de l'organisme refl�tant
sa perturbation provoqu�e par la perception de stimuli issus de l'environnement
physique et du milieu socioculturel, mais aussi une repr�sentation de
l'organisme bas�e sur son action sur cet environnement. C'est dire qu'au cours
d'une interaction entre un organisme et un environnement, il y a �change
d'informations partant de l'environnement au corps, du corps au cerveau et du
cerveau � nouveau vers le corps. A travers ces �changes, le corps est
contraint de se modifier activement de fa�on � ce que l'interaction avec
l'environnement puisse prendre place dans les meilleures conditions possibles.
Cette interaction permet � l'organisme de maintenir son hom�ostasie, son �tat
d'�quilibre fonctionnel. On se doute bien que lors de la mise en d�route de l'�tat
habituel du corps au cours de la r�clusion initiatique, le corps doit envoyer
au cerveau des informations incoh�rentes pour la construction du sch�ma
corporel normal et fonctionnel. Des hypoth�ses d'Antonio R. Damasio on en d�duit
que, pendant cette mise en d�route de la perception habituelle du corps,
l'organisme dans son int�gralit� (corps et cerveau) cherche � maintenir son
�tat d'�quilibre fonctionnel. Pour ce faire, il interagit avec
l'environnement. Mais l'environnement imm�diat du n�ophyte, le seul en fait
qui soit significativement soumis � sa perception est le temple. Le n�ophyte a
� repr�senter mentalement, via le corps, le temple. Or le temple, � travers sa structure est un corps, la
figuration d'un individu o� se d�ploie une t�te, un tronc, des membres, les
visc�res, le contour du corps ou la peau. En d'autres termes, ce qui est donn�
� voir au n�ophyte en mal de corps est un autre corps qui est le temple, en
fait, un homologue de la carte dynamique de la repr�sentation du sch�ma
corporel lorsque l'activit� neurale parvient � interconnecter les diff�rentes
r�gions du cerveau qui concourent � l'�laboration de cette repr�sentation.
Mais ici, avant m�me que l'activit� neurale se mette � l'�uvre pour �laborer
cette repr�sentation, elle est d�j� fournie en tant qu'environnement. Le corps du n�ophyte plac� dans le temple et forc�ment
en interaction avec celui-ci re�oit des informations de ce dernier et les
transmet au cerveau. Lorsque la repr�sentation est �bauch�e, elle devient
structurellement identique au temple. Le corps �mouss� du n�ophyte pris entre
la repr�sentation mentale du sch�ma corporel et le temple, ne peut que
s'ajuster par rapport � ces organisations et assurer son hom�ostasie, son �tat
d'�quilibre fonctionnel en adoptant une organisation similaire o� il y aura
place pour une perception ad�quate du corps. Mais cette r�organisation de la
perception du corps ne peut se faire que gr�ce � une activit� neurale de
plusieurs r�gions du cerveau. Ce qu'il y a � retenir est que cette r�organisation,
cette mutation du corps qui a des bases neurales et chimiques entra�ne du point
de vue neurobiologique une r�organisation, une mutation de l'esprit. L'Homo religiosus n�olithique ne s'�tait donc pas tromp�
! En �laborant un mythe cosmogonique o� l'accession � un nouveau mode de vie
passait par un d�membrement, une r�organisation du corps, les n�olithiques y
ont inscrit le t�moignage de leur connaissance du lien corps-esprit en ce sens
que pour op�rer une naissance au mode de l'esprit il faut agir sur le corps. Le fait initiation dans un contexte de culte des anc�tres
qui est une modification de l'esprit s'accompagnant d'une r�organisation du
corps n'est pas une illusion, de simples supputations. Ces mutations de l'esprit
et du corps ont s�rement pour si�ge, entre autres, une prodigieuse activit�
neurale et chimique qui peut �tre soumise � une �tude syst�matique. Cette intrication profonde corps-esprit que les n�olithiques
avaient saisie laisse appara�tre des dimensions insoup�onn�es qui r�v�lent
la perspicacit� de l'Homo religiosus. Si l'esprit est imbriqu� au corps, il
est �vident qu'un probl�me se posait au moment de la mort. Cessait-il
d'exister ? Pour l'Homme religieux n�olithique l' "esprit" continuait
une existence ind�pendamment du corps et la grande difficult� � laquelle ces
Hommes se sont heurt�s a �t� de mettre en place des rites qui assuraient
cette survie. Il fallait g�rer le moment d'incertitude, de trouble que repr�sentait
le temps de la d�sagr�gation du cadavre, d'o� la n�cessit� des rites de
deuils pour faire franchir cette �tape et pour assurer la survie de l'esprit. C'est bien parce qu'elles ont per�u cette intrication
profonde que les traditions religieuses des soci�t�s archa�ques affirment que
l'�me n'acc�de au mode de l'ancestralit� que lorsque la putr�faction du
cadavre est achev�e. Et malgr� l'extinction des fonctions vitales, la
disparition des chairs, certaines de ces traditions n'ont toujours pas pu
concevoir la renaissance du mort sans un support mat�riel ; d'o� les
reconstitutions de squelettes dans les mythes et les traitements des os, base
mat�rielle minimale du d�funt. C'est aussi � cause de cette intrication qu'on
a eu recours aux masques, statues et momies. Il ne s'agissait pas seulement
d'une simple lutte contre la putr�faction du mort en lui conservant une forme
mat�rielle, les rites d'animation nous montrent qu'il s'agissait aussi et
surtout d'accorder un support mat�riel � la force vitale lib�r�e par le d�funt. Il semble que pour l'Homme religieux la survie, le d�veloppement
de l' "esprit" dans l'�tape posthume n�cessite au d�but un support
mat�riel stable. N'�tait-ce pas pour cette raison qu'au cours de la succession
royale on pr�tendait que le pharaon d�funt au moment critique de son acc�s
dans l'au-del� �tait soutenu par la force vitale de son fils ? N'�tait-ce pas
encore pour cette raison que dans de nombreuses soci�t�s archa�ques on
octroyait � chaque d�funt une effigie ? Et le culte des masques � vis�e
collective n'implique-t-il pas que chaque mort de la communaut� a la possibilit�
d'y prendre appui pour amorcer son acc�s dans l'au-del� ? S'il y a homologation entre rites fun�raires et rites
initiatiques, entre ce que le mort et le n�ophyte op�rent pour acc�der au
mode de l'esprit, l'intrication corps-esprit fait appara�tre une diff�rence
majeure entre les deux. L'un acc�de au mode de l'ancestralit� ind�pendamment
de tout support mat�riel biologique. L'autre op�re une naissance au mode de
l'esprit gr�ce � son corps. Les destins ne sont pas les m�mes. L'individu dot�
d'un corps continue � enrichir son esprit du fait qu'il est un �tre vivant
dans le monde et y participe de fa�on irr�cusable, ce qui n'est plus le cas du mort.
Mais cette diff�rence s'amenuise lorsqu'on entrevoit une perspective plus
importante qui est que la vie au mode de l'ancestralit� suppose comme pr�alable
une vie v�cue dans un support mat�riel biologiquement complexe qui g�n�re
l'esprit et lui a servi de support. C'est ici que se justifient les deux axes du
culte des anc�tres : la n�cessit� de perp�tuer biologiquement l'esp�ce et
la gestion de la force vitale lib�r�e par le mort, le second aspect ne pouvant
exister sans le premier et tous les deux participent au maintien, � la perp�tuit�
de la vie. Il est �vident que la participation pl�ni�re � certains
niveaux de vie du r�el, notamment celui qui �choit � notre perception imm�diate,
n�cessite un support mat�riel et que l'ancestralit� en dehors des rites
suppose non seulement une vie v�cue dans un support mat�riel mais aussi la
maturit� d'un esprit g�n�r� par un corps biologiquement complexe. Est-ce
pour cette raison que dans l'antiquit� on trouve tr�s peu d'inhumations
d'enfants ? Est-ce pour la m�me raison que dans les soci�t�s traditionnelles
les enfants ne b�n�ficient pas de la totalit� des rites, notamment des rites
de deuils ? On saisit le risque, le danger, la gravit� d'une mort � la fleur
de l'�ge. S'impose alors � la r�flexion la pr�carit� de la vie,
l'importance du corps biologiquement complexe, fragile et qui pourtant g�n�re
la vie consciente : � L'une des variantes de l'erreur de Descartes est de ne
pas voir que l'esprit humain est incorpor� dans un organisme biologiquement
complexe, mais unique en son genre, fini et fragile ; elle emp�che donc de voir
la trag�die que repr�sente la prise de conscience de cette fragilit�, cette
finitude et cette unicit�. Et lorsque les �tres humains sont incapables
d'apercevoir la trag�die fondamentale de l'existence consciente, ils sont moins
enclins � chercher � l'adoucir, et peuvent, de ce fait, avoir moins de respect
pour la valeur de la vie. � (Damasio,
p.314) Les fondements astronomiques
On rencontre ici et l� en Afrique, mais aussi ailleurs, un rite particulier qui
consiste en une procession serpente qui se dirige vers le temple ou vers le lieu
qui fait office de temple et se termine � l'entr�e du temple par un mouvement
spiral� (spirale involutive) en tournant sur soi dans le sens contraire des
aiguilles d'une montre. Ce rite se rencontre en Afrique de l'Ouest notamment
chez les Dogon et les peuples voisins, en Afrique centrale notamment au Gabon
dans des cultes comme le Bwiti, en Afrique australe avec des rites comme le
Domba ou danse du python qui se d�roule... Que le m�me sch�me soit si r�pandu
et se rencontre toujours dans le m�me contexte initiatique, cela veut dire
qu'il a une origine unique et s'est diffus�. Ici il y a de mani�re �vidente
et dans la plupart des cas conservation du m�me mat�riau et peut-�tre perte
du sens originel, du vrai sens. Quelle est donc le sens de cette procession ? Pourquoi
faut-il qu'elle soit serpente ? Pourquoi se termine t-elle par un mouvement de
type spiral� ? Il faut signaler que le symbolisme des trajectoires
serpentiforme et spiraliforme est tr�s vieux. On le trouve d�j� d�s le pal�olithique
sup�rieur grav� sur des objets. Le sens de ce symbolisme qui a pr�valu �
cette �poque des chasseurs-cueilleurs ne peut plus �tre le m�me avec les
agriculteurs. Ce que l'on peut dire de prime abord c'est que le temple �tant
une image r�duite du monde et un lieu de naissance au mode de l'esprit, il est
aussi un lieu des origines. Se diriger vers le temple, c'est op�rer un retour
vers le lieu des origines : origine de l'univers, de la vie, de la naissance au
mode de l'esprit. Mais pourquoi se retour aux origines se fait-il par une
procession serpente avec � son terme un mouvement spiral� ? Pour le comprendre, commen�ons par faire une distinction
entre temps profane et temps sacr�. Il y a deux sortes de temps, le temps sacr�
et le temps profane. Le premier est le temps des f�tes religieuses v�cu
notamment pendant le rituel initiatique. Le second est le temps o� s'inscrit
tous les actes non int�gr�s dans un cadre religieux. A l'aide des rites, on
peut passer du temps profane au temps sacr� dans la mesure o� ce dernier est r�versible,
r�cup�rable, en ce sens que c'est un temps mythique primordial rendu pr�sent
ici et maintenant pendant le rituel. Du fait que ce temps est rendu pr�sent, il
ne s'agit pas pendant la f�te de le comm�morer, mais de l'actualiser.
Participer � une f�te religieuse c'est quitter le temps profane, la dur�e
temporelle ordinaire, pour r�int�grer le temps mythique cr�� et sanctifi�
par les dieux lors de leur gesta. En d'autres termes, on retrouve dans la f�te
religieuse ou dans le rituel initiatique la premi�re apparition du temps sacr�
telle qu'elle s'est effectu�e � l'origine. Mais que s'�tait-il pass� aux
origines ? In illo tempore, les dieux avaient montr� l'apog�e de
leur puissance par le truchement de la cosmogonie qui est la supr�me
manifestation divine, le geste exemplaire de force, de surabondance et de cr�ativit�.
C'est l'instant prodigieux o� une r�alit� a �t� cr��e, o� elle s'est
pour la premi�re fois pleinement manifest�e. C'est surtout l'instant o� est
apparu la plus vaste r�alit�. Et si le temps sacr� est celui o� les dieux se
sont manifest�s et ont cr��, il est �vident que la plus compl�te
manifestation et la plus gigantesque cr�ation est la cr�ation du monde. L'Homo religiosus �tant assoiff� de r�el, il
s'efforce par tous les moyens de s'installer � la source de cette r�alit�
primordiale, de rejoindre p�riodiquement ce temps originel car, il y a pour lui
la n�cessit� de se r�g�n�rer p�riodiquement par l'annulation du temps
profane. La procession du d�but du rituel qui se dirige vers le
temple joue ici la diff�rence entre temps sacr� et temps profane. Les d�placements
sinueux marque le temps profane. Au cours d'une c�r�monie sacr�e, cette
procession serpente qui se dirige vers le temple marque l'abolition symbolique
et � rebours du temps �coul� depuis la cr�ation du monde. On part de l'�poque
contemporaine et on r�capitule � l'envers le temps. Le mouvement spiraliforme
qui termine la procession serpente marque le moment crucial de l'apparition du
monde, son passage du virtuel au formel et donc il marque aussi la s�paration
entre temps sacr� et temps profane. Apr�s la procession serpente, apr�s le
mouvement de type spiral� (spirale involutive), on r�int�gre le chaos
primordial celui du temps sacr� ou le temps des instants pr�cosmogonique et
cosmogonique. Puisqu'il y a retour aux origines par l'interm�diaire du
rituel, quelle est l'utilit� de cette pratique ? Si les rites proc�dent �
leur d�but � un retour aux origines, ce n'est que pour permettre au n�ophyte
de mieux op�rer une nouvelle naissance par r�p�tition de l'�v�nement
exemplaire. Quel est cet �v�nement ? En fait d'origines et d'�v�nements exemplaires, il s'agit
de la cr�ation du monde et cela nous le savions d�j�. L'Homo religiosus a
donc homologu� le renouvellement initiatique de sa personne avec un
renouvellement symbolique du monde. Apr�s la procession vers le temple qui
plonge les officiants et le n�ophyte dans le temps pr� cosmogonique, apr�s le
s�jour dans le temple ou ce qui fait office de temple et au terme de
l'initiation, on fera sortir du temple un �tre nouveau qui va s'engager dans le
devenir tout comme le monde avait surgit du chaos primordial pour s'engager dans
le devenir. Nous comprenons bien l'utilit� symbolique de cette
procession, mais cela ne nous explique pas sa forme serpentiforme ni sa fin
spiraliforme. Puisqu'il est question des origines du monde, que savons nous de
ces origines et quels rapport l'aspect serpentiforme entretient t-il avec le
temps profane ? En 1950, Marcel Griaule et Germaine
Dieterlen publiaient un article surprenant : Un syst�me soudanais de
Sirius. D�s l'introduction les auteurs pr�viennent : � Les documents recueillis n'ont donn� lieu de notre part
� aucune hypoth�se ou recherche d'origine. Ils ont �t� simplement mis en
ordre en ce sens que les dire des quatre principaux informateurs ont �t�
fondus en un m�me expos�. La question n'a pas �t� tranch�e, ni m�me pos�e,
de savoir comment des hommes ne disposant d'aucun instrument connaissent les
mouvements et certaines caract�ristiques d'astres pratiquement invisibles. Il a
sembl� plus opportun dans cette circonstance d'une sp�ciale importance de
donner les documents bruts. � p.274 En effet les Dogon, peuple de montagnards et analphab�tes,
connaissent jusque dans le d�tail le syst�me de Sirius ainsi que ses
compagnons invisibles � l'�il nu qui sont au nombre de 3. Pour les Dogon, le
monde a �t� cr�� � partir d'un mouvement spiral� ou tourbillon. Au centre de notre galaxie se trouve l'�toile Sirius
qu'ils appellent Sigui tolo. Mais ce qui int�resse les Dogon au premier chef,
c'est le principal compagnon invisible de Sirius qu'ils appellent Digitaria.
Celle-ci effectue une rotation compl�te autour de Sirius � peu pr�s tous les
59 ans. Bien qu'�tant invisible, ils connaissent ses caract�ristiques. Son
noyau �jectait des germes selon un mouvement conique. L'orbite de Digitaria est
au centre du monde, c'est elle qui ordonne la position de Sirius dont la
trajectoire est serpente. A la f�te du Sigui, f�te du renouvellement du monde,
cette trajectoire serpente de l'�toile Sirius est actualis�e : � Ainsi le syst�me de Sirius est-il li� aux pratiques
de renouvellement de la personne et par cons�quent � selon la mentalit� des
Noirs � aux c�r�monies de renouvellement du monde. � p.282 Mais le renouvellement du monde, sa r�g�n�ration,
suppose un retour aux origines, une abolition de l'ann�e et du temps �coul�.
Ce renouvellement sur le plan astronomique se fait lors de l'accomplissement de
la rotation totale de Digitaria autour de Sirius. Lorsque cette rotation
s'accomplie, il y a un recommencement du cycle dans une sorte de chass�-crois�
qui produit la sinuosit� du d�placement des astres lorsque la trajectoire des
deux �toiles est repr�sent�e sur une surface plane et dans une perspective
mobile. Des connaissances des Dogon et de leurs pratiques rituelles
on retiendra que : la cr�ation du monde se fait � partir d'un mouvement spiral�
dont on sait par ailleurs que notre galaxie a conserv� la forme, Sirius la
principale �toile de la galaxie (elle �tait l'�toile la plus brillante du
ciel) a une trajectoire serpente actu�e par les rites du renouvellement de la
personne et du monde. Sur une surface plane, la translation de l'�toile double
autour de Sirius qui repr�sente la rotation totale est de forme ovale. Il faut bien noter que les connaissances Dogon relatives au
syst�me de Sirius ont �t� corrobor�es par l'astronomie est l'astrophysique
moderne. L'existence de l'�toile double de Sirius ou sirius B (Digitaria chez
les Dogon) a �t� confirm� depuis longtemps, le deuxi�me compagnon appel� Sirius C vient � peine d'�tre confirm� en 1995 (La
Recherche) . Pour le troisi�me compagnon, l'astronomie moderne n'en souffle
pas un seul mot. Griaule avec l'aide des Dogon a retrouv� la date de la premi�re
c�l�bration de la f�te du Sigui qui actualise la trajectoire serpente de
Sirius et donc suppose d�j� une connaissance du syst�me, cette date est : 1er
juin de l'an 2000 avant notre �re (Griaule
in Le symbolisme cosmique...). Mais que l'on nous comprenne bien, nous ne disons pas que
le rite Dogon s'est diffus� � travers l'Afrique. Nous disons qu'il y a un rite
qui comporte une procession serpente avec � son terme un mouvement spiraliforme
qui a �t� �labor� aux origines du culte des anc�tres et qui s'est diffus�
un peu partout en Afrique et m�me ailleurs (en Corse par exemple, voir Sylvia
Mancini). Il se trouve que chez les autres peuples on a conserv� le mat�riau
et que le sens originel n'est plus � l'ordre du jour alors que chez les Dogon
on a conserv� ce sens profond. L'existence du m�me sch�me ici et l� et
toujours dans le m�me contexte suppose une origine unique, et au d�but, un
sens unique. Ce sens est celui octroy� par les Dogons qui le poss�dent eux,
depuis 2000 ans avant notre �re, donc proche du moment de l'�laboration du
culte des anc�tres. L'�v�nement exemplaire semble donc �tre la cr�ation r�elle
de l'univers et surtout de notre galaxie. Le parcours � rebours jusqu'aux
origines de cette cr�ation lors d'un rite d'initiation ou de renouvellement du
monde a une forme sperpentiforme parce qu'il actualise la trajectoire du syst�me
de Sirius (Sirius A et B) et parce que aussi la rotation compl�te de l'�toile
double autour de l'�toile principale durait 59 ans, p�riode qui �tait consid�r�e
dans l'antiquit� comme correspondant � la grande ann�e ou ann�e cosmique. La
trajectoire serpente marque bien le temps, le devenir, un temps pour ainsi dire
� l'�chelle cosmique, un temps profane. Il est donc d'un bon usage de mettre
en acte
� rebours une procession serpente pour marquer l'abolition de ce temps. Par
contre, le mouvement spiraliforme est une actualisation � l'envers de la
spirale de la cr�ation, essentiellement de la cr�ation de notre galaxie qui a
conserv� cette forme en spirale. Cet emprunt � un syst�me astronomique s'explique dans la
mesure o� une forme, du fait m�me qu'elle existe s'affaiblit et s'use. Pour
reprendre de la vigueur, il lui faut �tre r�absorb� dans l'amorphe, dans le
chaos primordial. Et dans la mesure o� le n�ophyte doit passer par une
mort-renaissance, cette perspective rituelle se justifie. Ainsi le retour aux origines dans les rites actualisant les
d�placements sinueux est avant tout un retour symbolique aux origines de la
galaxie, de l'univers. Le rite, en tant que r�int�gration dans le chaos
primordial n'est pas une �lucubration de l'esprit, des balbutiements d'une
humanit� encore au berceau. Cette r�int�gration calqu�e sur l'envers de la
cr�ation trouve pleinement son sens lorsqu'on se situe dans une optique
initiatique. En effet, pendant l'initiation, la procession se dirige vers le
temple, lieu des origines, non seulement de l'univers mais aussi de la vie dans
tous ses aspects car c'est aussi de cet endroit que va se faire pour le n�ophyte
la naissance au mode de l'esprit. Conclusion
Notre objectif ici n'�tait pas de faire un expos� exhaustif sur le culte des anc�tres dans ses tenants et ses aboutissants mais juste
attirer l'attention sur des aspects importants n�cessaire � sa compr�hension et � son �tude.
Ces aspects nous r�v�lent que l'Homo religiosus qui a �labor� le culte des anc�tres n'est pas cet idiot qu'on veut bien nous faire
croire. Ceux qui ont �labor� ce culte il y a au moins 5000 ans poss�daient des connaissances de biologie mol�culaire, de
neurobiologie de l'esprit et de la conscience, de donn�es astronomiques et astrophysique.
La n�cessit� de cette masse de connaissance r�pondait � un besoin : sonder le R�el et l'appr�hender dans sa totalit� afin de
cr�er des structures ou des syst�mes qui puissent accorder � l'Homme sa v�ritable place dans l'univers car pour
l'Homo
religiosus il y a un lien entre l'Homme et l'univers. Il fallait trouver ce lien, et les donn�es que nous poss�dons montrent que ce
lien avait �t� trouv�.
Les soci�t�s traditionnelles ou archa�ques ont �labor� une conception globale qui rend compte de la situation de l'Homme dans
le monde en l'ins�rant dans tout le R�el.
Notons que cette connaissance n'a pas �t� fragment�e dans un type de sp�cialisation positiviste. Elle a �t� unifi�e pour la
gestion du sacr� parce que l'exp�rience du sacr� elle-m�me implique l'�tre biologique, spirituel, et nous interpelle sur les
structures du R�el.
Il y a beaucoup de choses � d�couvrir sur le culte des anc�tres et donc beaucoup de choses � apprendre. Ce qu'il faut avoir �
l'esprit c'est que les soci�t�s traditionnelles ont toujours pr�n� le principe de la double connaissance. Il y a une connaissance
superficielle qui �tait distill�e au niveau du peuple et une connaissance profonde partag�e seulement par des cercles d'initi�s. La
connaissance qui s'est souvent propag�e et a �t� conserv�e est souvent celle l� qui �tait destin�e au grand nombre, c'est-�-dire
une connaissance superficielle. Il ne faut pas s'en contenter car le culte des anc�tres repose sur quelque chose de fondamental
en rapport avec la structure de ce Monde et la place de l'Homme dans ce monde. Enfin, et c'est le plus important, qu'on arr�te avec ces tons paternalistes et condescendants voulant nous faire croire que les cr�ations de nos anc�tres ne sont que des vell�it�s de gens qui �taient compl�tement � c�t� des vrai questions, qu'on arr�te avec ces tentatives d'annihilation des cultures des Autres. BibliographieDamasio (Antonio R.), L'erreur de Descartes. La raison des �motions, Paris, Odile Jacob, 1995. E. Jensen (Adolph), Mythes et culte chez les primitifs, Paris, Payot, 1954. Edelman (G�rald M.), Biologie de la conscience, Paris, Odile Jacob, 1992. Eliade (Mircea), L'�preuve du labyrinthe. Entretiens avec Claude-Henri Rocquet, Paris, Pierre Belfond, 1985. Goblet d'Aviella, � Les rites de la moisson et les commencements de l'agriculture �, in Revue de l'histoire des religions, Tome 38, 1898. Gollnhofer (Otto) et Sillans (Roger), � Le symbolisme chez les Mitsogho. Aspects de l'anthropomorphisme dans la soci�t� initiatique du Bwete �, in Syst�mes de signes, Textes r�unis en hommage � Germaine Dieterlen, Paris, Hermann, 1978. Grant Allen, cit� par Goblet d'Aviela. Griaule (Marcel) et Dieterlen (Germaine), Le renard p�le, Paris, Institut d'ethnologie, 1965. Griaule (Marcel), Dieu d'eau, Paris, Librairie Arth�me Fayard, 1966. Griaule (Marcel), in � Le symbolisme cosmique des monuments religieux �, Roma, Is. M.E.O., 1957. Griaule (Marcel), Dieterlen (Germaine), � Un syst�me soudanais de Sirius �, in Journal de la soci�t� des africanistes, Tome 20, fascicule 2, 1950. Jahn (J.), L'homme africain et la culture n�o-africaine, Paris, Seuil, 1958. La Recherche, Janvier 1995, n� 272, vol. 26. Mancini (Sylvia), � Le rituel du labyrinthe dans l'id�ologie de la mort en Corse �, in Revue de l'histoire des religions, 1992. Masson Detourbet (A.), � Le tissage du raphia chez les Bat�k� (Moyen Congo) �, in Journal de la soci�t� des africanistes, Tome 27, 1957. Murname (William), � Le myst�re de la naissance divine du roi �, in Louxor, Temple du ka royal, Dijon, Faton, 1992. Narby (Jeremy), Le serpent cosmique. L'ADN et les origines du savoir, Gen�ve, Georg Editeur, 1995. Otto (Gollnhofer), Les rites de passage dans la soci�t� initiatique du Bwete chez les Mitsogho : la manducation de l'Iboga, Paris, Mus�e de l'homme (biblioth�que), 1974, (in�dit). Otto (Rudolf), Le sacr�, Paris, Payot et Rivages, 1995. Posner (George), Dictionnaire de la civilisation �gyptienne, Paris, Fernand Hazan, 1970. Sauneron (Serge), � Naissance du monde �, in Naissances du monde, Paris, Seuil, 1959. Schwaller de Lubicz (R. A.), Le temple dans l'homme, Paris, Dervy, 1995. | |||||
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