Peut-on reprendre à notre compte ces thérapies
traditionnelles dans lesquelles le corps exorcise (c'est-à-dire, encore une fois, n'expulse nullement, mais au contraire
reconnaît, autorise et exprime) ce qui habituellement nous fait souffrir.
Jung disait que nos maladies sont des dieux que nous avons négligés. Que négligeons nous, nous occidentaux et dont nous
pâtissons ? Peut-on le reconnaître et le réorienter positivement par la danse ? Faut-il pour cela passer par un système
religieux qui, bien évidemment n'a plus guère de signification pour nous ? C'est à ces questions que l'Éxpression
Primitive s'efforce de répondre.
L'étude anthropologique de la danse-thérapie rituelle des sociétés traditionnelles, en réhabilitant la dimension de
la directivité et de l'implicite, renouvelle la conception et les présupposés de certaines formes modernes de thérapie
basées sur l'improvisation, l'interprétation (ou lecture du corps) et la verbalisation.
L'expression Primitive est une technique de danse-thérapie qui s'efforce de renouer avec des pratiques traditionnelles
dont l'efficacité n'est plus à prouver, tout en cherchant ses fondements théoriques dans les plus récentes avancées de
l'anthropologie et de la psychanalyse.
Elle se présente comme une fête, un rituel collectif, chaleureux et ludique : les participants dansent au son du
tam-tam en s'accompagnant de la voix.
Ses outils sont ceux des rituels dansés traditionnels :
- le rythme met en éveil des fondements inscrits en chacun et célébrés ici collectivement.
- la répétition des gestes fait entrer le danseur en résonance avec eux.
En effet, le mouvement répétitif, induisant rapidement sécurité et plaisir de l'anticipation, permet de lâcher prise :
le mouvement part tout seul, entraînant le sujet dans un enthousiasme croissant, une légère transe.
Il se trouve alors possédé par (c'est-à-dire articulé profondément à) des éléments humains fondamentaux :
- le balancement, structure universelle, à la fois psychique et physique, qu'activent :
- la succession des deux pieds (pulsation de la marche, pas de base de toutes les danses rituelles)
- les mouvements, toujours appariés ;
- les archétypes, représentants de sentiments et situations universellement expérimentés.
Les désirs les plus fondamentaux trouvent la possibilité de se mobiliser , se canaliser et se représenter de façon
symbolique, joués dans des modèles que les participants captent en se les appropriant progressivement par la répétition.
L'Éxpression Primitive donne en effet la chance de réaliser symboliquement (mais corporellement) des comportements
généralement inhibés, voire réprimés car interdits ; inscrits en chaque être humain, ils exigent pourtant, sous peine
de troubles d'être exorcisés (Par exemple pouvoir sortir sa voix aussi fort qu'on veut, déployer son corps avec ampleur,
jouer au guerrier, à la princesse, à la sorcière, avoir droit à l'espièglerie comme les enfants, s'autoriser à rendre
à ses mouvements la légèreté ou la puissance de l'animal etc.).
La reconnaissance et l'expression des affects fondamentaux par le biais des archétypes est thérapeutique dans la
mesure où il devient possible de les éveiller, puis de les extérioriser en comportements admis, généraux...et
plaisants. Ceci permet de les dédramatiser et les déculpabiliser, de les jouer en les explorant dans le cadre d'une
transgression autorisée , donc non dangereuse, de les faire passer dans une symbolisation reconnue, partagée, par
conséquent libératrice et structurante.
Danse-thérapie anthropologique, l'expression Primitive ne s'inscrit pas seulement dans une nouvelle approche de l'Art,
mais de la thérapie qui se dessine aujourd'hui : la dimension rituelle, le caractère ludique et l'aspiration à la
beauté du geste pour exprimer ses désirs sur un mode non-verbal, relèvent d'une nouvelle façon de soigner.
Elle offre un bon exemple de cette approche contemporaine, en proposant des modèles artistiques, des susceptibles
de ré-articuler les pulsions, de les réorganiser en les réalisant de façon symbolique, positive et valorisante.
L'action thérapeutique naît (par surcroît) de l'efficacité symbolique, se déployant alors en dehors de toute
verbalisation rationalisante, violence interprétative ou intellectualisation.