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Continent noir et Occident

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Entretien avec G�rard Clavreuil, �crivain africaniste et po�te, r�alis�e par V�ronique Rousseau, r�dacteure en chef de la revue � Conscience de �

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Pr�alable : Cet entretien a �t� le plus difficile que j'eus � donner jusqu�� ce jour. V�ronique Rousseau � par sa fa�on d'�tre, probablement � m'a impos� de n'avoir recours � aucun clich� ni � aucune formule toute faite. Si j'ai utilis� les mots Afrique et Africain, ce n'est que pour faciliter notre discussion lorsqu'il s'agissait d'�voquer ce continent face � l'Occident, mais je n'ai parl� en fait que des pays que je connaissais.
Certains verront dans mes propos souvent lapidaires sur l'Afrique et les Africains une nouvelle apologie du mythe du ��bon primitif��. Que ceux-l� s'interrogent sur leur ali�nation.
G�rard Clavvreuil

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V�ronique Rousseau�: Je souhaiterais que vous me parliez de votre itin�raire pour le moins original, avant que nous n'abordions le th�me de la revue, La femme ou le continent noir. Dans tous les voyages que vous avez fait, que cherchiez-vous�?

G�rard Clavreuil� C'est la recherche de l'amour qui m'a guid� dans tout ce que j'ai entrepris. L'amour �tant la locomotive de ma vie, il est �vident que mon existence d�pend des rencontres.
Quand je dis amour, je ne parle pas uniquement de l'amour entre deux personnes, mais �galement de celui pour une �uvre d'art ou un arbre, une chaise ou une pierre. Ainsi, j'ai une grande disponibilit� aux �tres et aux choses, ce qui explique que je suis toujours en mouvement et qu'il me semble avoir accompli beaucoup de choses en peu de temps, m�me si ce beaucoup n'est qu'une goutte d'amour dans un oc�an de haine.

V. R.�: Commencer par l'amour me ravit ! Ne serait-ce pas l� que se rencontreraient ces deux grandes polarit�s que sont l'�tre et l'avoir, leur lien �tant l'amour. Ainsi ne pourrait-on pas d�passer les limites d'une soci�t� occidentale ayant principalement investi dans les biens de consommation et dans le pouvoir ?

G. C. Je ne poserai pas la question en ces termes car, je ne pense pas qu'il faille opposer ces deux verbes. Mais il est s�r que toute notre soci�t� occidentale est b�tie sur cette dualit� : elle est la v�rit� occidentale ! �tant visc�ralement en complet d�saccord avec cette dualit�, j'aurais du mal � faire l'analyse d'un comportement avoir ou d'un comportement �tre.

V. R. : Abordons notre sujet autrement. A votre avis, actuellement, manque-t-il quelque chose � nos soci�t�s ?

G. C. : Vous avez raison d'employer le pluriel. Je connais bien les litt�ratures africaines : il n'est plus possible de parler d'UNE litt�rature africaine ou n�gro-africaine. Ces concepts sont par trop "globalisants" au regard de ce continent o� il existe autant de diff�rences entre un S�n�galais, un Za�rois et un Ivoirien qu'entre un Fran�ais, un Am�ricain et un Espagnol.
Autant la soci�t� fran�aise est bas�e sur une d�finition individuelle de soci�t�, autant en Afrique la communaut� est �tablie sur des id�es h�rit�es. Il s'agit d'un h�ritage historique, ancestral. En g�n�ral, sur le continent africain, on ne cherche pas, du moins "en brousse" � le remettre en cause. S'il y a explosion depuis quelques temps dans certains pays, c'est que le ph�nom�ne de l'urbanisation rend cet h�ritage insupportable, essentiellement pour ceux qui, apr�s un s�jour en ville, reviennent � la campagne. L'une des raisons essentielles r�side dans les r�gles de la vie en ville qui sont dict�es par l'Occident et qui ne correspondent pas � celles de la communaut� villageoise. Aussi s'agit-il d'une lutte, non pas entre la ville et la campagne, mais entre l'Afrique et l'Occident.
En Occident, la crise dont on parle depuis longtemps est toujours associ�e � une id�e de d�clin qu'alimentent les sociologues, les psychologues, les ethnologues et les philosophes. Personnellement, je crois que la vraie question est celle de la solitude. Par exemple, �tre seul dans Paris parmi des millions de personnes qui grouillent. Ceci me semble davantage relever d'un ph�nom�ne d'urbanisation que d'un fait d� � l'�volution des civilisations.

V. R. : Ce qui ferait le ciment, la base de la communaut� africaine serait l'h�ritage des anc�tres ?

G. C. : Oui, mais le ph�nom�ne fonctionne dans les deux sens, je veux dire que la soci�t� mod�le l'individu en retour. Il y a interactions et non r�actions. Les d�cisions se prennent toujours apr�s des heures de palabre, m�me si c'est le chef de la communaut� qui tranche en dernier lieu.

V. R. : Quel serait, � votre avis, le lien possible entre toutes ces individualit�s ? Peut-on dire qu'en Afrique, le chef est le repr�sentant d'un ordre surnaturel et que les lois qu'il fait appliquer sont celles de la nature ?

G. C. : Non, car dans les soci�t�s traditionnelles africaines que je connais, le chef tient sa position de son p�re et le pouvoir surnaturel appartient le plus souvent � quelqu'un d'autre : au sorcier par exemple. Les pouvoirs sont bien s�par�s : d'un c�t� le politique, et de l'autre le surnaturel. Encore faut-il s'entendre sur le mot surnaturel qui, en Afrique, n'est pas extra-ordinaire.

V. R. : Il y a donc un pouvoir politique et un pouvoir religieux, lequel a disparu, du moins apparemment, de nos soci�t�s occidentales.

G. C. : La grande diff�rence entre nos v�cus et ceux d'Afrique r�side dans la question de l'�tre.
Contrairement � ce que l'on pense, la diff�rence n'est pas li�e � un d�calage historique de civilisation qui conditionnerait le comportement africain (l� encore, je suis instinctivement globalisant en utilisant ce terme africain qui ne signifie plus grand-chose aujourd'hui).
Si je me sens Africain et que je suis plus � l'aise dans la soci�t� africaine, c'est que mon �tre est solidaire du leur et que je partage avec eux les concepts fondamentaux, entre autres le rapport � la mort.
Tr�s jeune, il y avait d�j� chez moi une attitude particuli�re face � la mort et qui s'est concr�tis�e par le d�c�s du premier enfant que j'ai eu avec ma seconde femme. Cette mort, je l'ai abord�e avec une d�dramatisation du probl�me dans le quotidien, ce qui m'a permis de ne pas donner plus d'importance � la mort qu'elle n'en a. Enfin, personnellement, je n'ai jamais �tabli une nette diff�rence entre la vie et la mort.
La souffrance de cet enfant qui dura deux semaines m'a plac�e devant des questions fondamentales, avant de prendre, en accord avec sa m�re, la d�cision finale de pratiquer l'euthanasie. Je me suis souvent �tonn� d'avoir v�cu sereinement ce drame mais je ne me suis pas interrog�, analys� sur mes r�actions.
Quand j'ai v�cu en Afrique, j'ai trouv� une attitude semblable � la mienne face � la mort, je m'y suis donc senti � l'aise. Je me suis rapidement rendu compte que j'�tablissais le m�me rapport aux chose essentielles et fondamentales de la vie que les Africains. L'Africain dit souvent face � des �v�nements terribles : "il n'y a rien de grave" ; j'ai peur que pour l'Occidental tout soit grave, et � force de dire que tout est grave, plus rien n'est grave et rien n'est jamais r�solu.
L'Occidental ne fait que s'arr�ter sur les probl�mes � r�soudre, �a l�occupe, il se polarise dessus sans s'apercevoir que les incidences r�elles sont souvent moindres que celles qu'il imagine. N�anmoins le probl�me en question peut l'accaparer pendant de longues ann�es, il ne fait rien d'autre pendant ce temps-l�, ce n'est pas tr�s �volutif comme mode d'�tre.
L'h�ritage jud�o-chr�tien s�parant l'�tre en bien/mal, laid/beau, blanc/noir, etc. am�ne � figer la vie, � force de vouloir la d�finir. En Afrique (je globalise pour faciliter la discussion) comme en moi, les choses ne sont jamais d�finitivement tranch�es : la vie et la mort s'entrem�lent, le bien et le mal sont intimement li�s. Je m'amuse souvent � montrer comment, en fonction des circonstances historiques, ce qui a pu �tre consid�r� � une certaine �poque comme bien peut devenir mal � une autre ; je dois dire que la religion chr�tienne a r�ussi en 2000 ans � devenir ma�tre en la mati�re... Je ne crois donc pas � un concept moral du bien et du mal, qui est toujours in�vitablement relativis� par rapport � soi-m�me. Prenons l'exemple de la boisson : un individu qui fait des exc�s de boissons alcoolis�es est jug� n�gativement par les autres, pourtant si vous buvez et que vous vous sentez bien : faites-le. Le fait de se sentir bien est un plus pour l'ensemble de la communaut�. Face � ces probl�mes physiques de sant�, si on per�oit quand son corps est bien ou mal, on sait o� on doit s'arr�ter et o� on doit commencer. Personne n'a � nous dicter une loi qui nous dirait ce qu'on doit faire. Ce qui me fait peur avec tout individu qui me dit : "Ne fais pas cela ou fais ceci", c'est que l�, commence un imp�rialisme sur mon �tre et je ne l'accepte pas. Je ne vois pas comment un concept ext�rieur � ce que je vis pourrait s'adapter � mon monde. Je pr�f�rerais que cette personne partage avec moi plut�t que d'essayer de m'imposer une r�gle qui est la sienne. Je sais que je parais �pouvantable � beaucoup de gens et que, par rapport aux enfants � par exemple � j'ai beaucoup de mal � interdire selon les normes habituelles qui me paraissent aberrantes. Il y a simplement � apprendre un code qui est celui d'une soci�t� donn�e et qui est une convention comme : "il ne faut pas mettre les doigts dans la prise, ou il faut se coucher � 20 heures". Ce sont l� les r�gles mat�rielles de vie indispensables qu'il faut poser au d�part mais qui ne font pas intervenir des concepts moraux de bien ou de mal. Malheureusement, il m'appara�t que tous les parents �duquent leurs enfant en fonction de "�a c'est bien et �a c'est mal". S'il m'arrive d'avoir ce type d'attitudes avec mes filles, je me trouve alors d'une telle b�tise... C'est pourquoi je suis bien en Afrique car les Africains posent tout de suite les vraies questions et qu'ensuite on passe � autre chose. En Occident, depuis Freud et l'�mergence de certaines sciences, on a tendance � s'interroger et � ne plus d�cider.

V. R. : Je me permets de vous demander des pr�cisions sur vos propos qui suscitent beaucoup de questions en moi. Si je comprends bien, ce serait une possibilit� d'�tre dans le courant de la vie et de ne plus chercher � comprendre. Est-ce donc une question de confiance ? Je ne peux m'emp�cher de comparer votre propos � la philosophie tao�ste et au concept d'�nergie qui lui est associ�. La notion d'�nergie dans la tradition chinoise exclut cette dualit� Bien/Mal puisqu'elle est consid�r�e comme dynamique entre polarit�s. Un constat s'impose � moi : le principal manque de l'Occident ne serait-il pas l'absence d'une philosophie non-dualiste�?

Enfin, la diff�rence fondamentale d'attitude entre l'Africain et l'Occidental � ce dernier me semblant vouloir dominer la nature � tout prix tandis que l'Africain se la concilierait, s'en ferait une alli�e- me semble importante.

G. C. : L'Africain dispose de la nature, l'utilise selon ses besoins mais ne la domine pas, c'est une fa�on d'�tre. Il prend ce dont il a besoin sans se poser de questions. Pourquoi ? Nous revenons ici au d�but de cette interview : pour vivre heureux, amoureux. Je crois que le fait de vivre un certain pr�sent, de l'assumer, t'apporte l'�norme avantage de n'�tre ni dans le futur, ni dans le pass� et cela te lib�re des contingences du temps, ce apr�s quoi court l'Occident. C'est pourquoi la grande question actuelle : "philosophie africaine ?" n'est pas �vidente car le concept m�me de philosophie est une cr�ation occidentale. Tout cela n'a v�ritablement jamais �t� pos� car l'Afrique a pris en route les concepts occidentaux de la pens�e et a essay� de se mettre dans le moule. Actuellement les Africains se demandent si les id�es occidentales sont les bons outils pour une r�flexion africaine. Toutes ces interrogations vont aboutir � une nouvelle r�flexion sur l'homme dont l'Occident a tellement besoin. Je crois que la chance de la plan�te c'est l'Afrique, car nous avons d�j� �puis� les possibilit�s de nombreuses cultures. Par contre, l'Occident n'arrive pas � prendre en compte l'apport culturel de l'Afrique, parce qu'il en nie m�me son existence. Pourtant, ce qui va modifier la carte mondiale de la pens�e ce sont les r�ponses apport�es par les Africains aux cultures fondamentales de l'homme. Les implications de ce grand mouvement nous demeurent inconnues puisqu'elles nous ram�nent � un v�cu tellement diff�rent du n�tre.

Si, par exemple, on �tudie les litt�ratures africaines, on arrive � un constat �tonnant : il n'existe pas de litt�ratures de science-fiction ou de fantastique ! Pourquoi cela ?

Parce que tout est int�gr� dans le quotidien et qu'il n'y a pas de distance entre l'extraordinaire et l'ordinaire. Notre concept occidental d'extraordinaire est dans le quotidien de l'Africain, s'il r�ve que son p�re mort lui parle et lui donne des conseils, il les suivra ou ne les suivra pas mais il ne va pas s'interroger pendant trois jours pour savoir si c'�tait bien son p�re qui s�adressait � lui ou s'il doit croire au r�ve. L'extraordinaire africain n'existe que dans l'esprit occidental.

V. R. : A vous �couter, on a l'impression qu'en Afrique "on ne pense pas" ! Vous avez parl� de pens�e occidentale puis chinoise impliquant toutes deux une conceptualisation et, c'est comme si en Afrique, il n'y avait pas de concept ; on ne sortait pas un �l�ment de son cadre ; on ne le s�parait pas de son environnement, est-ce exact ?

G. C. : C'est assez juste, il me semble par exemple, que la plus grosse bourde de Senghor fut de dire : "la raison est hell�ne et le rythme est n�gre". Je r�pondrais volontiers par une autre bourde : "la raison est n�gre et le rythme est hell�ne". Il me semble que la v�ritable raison se situe l� o� toute r�action � la vie se fait dans l'int�r�t d'un mieux-�tre imm�diat. Quand on voit les rapports amoureux entre un homme et une femme africains, c'est toujours excessivement raisonnable : �a implique l'enfant... C'est beaucoup moins d�lirant qu'en Occident car les n�cessit�s de la vie sont prises en compte avant les notions abstraites de volupt�, d'�rotisme... Non qu'ils n'en aient pas, mais disons qu'elles ne sont pas intellectualis�es.

V. R. : Ce que vous me dites l� me conduit � la notion de sensibilit�. Comme vous le savez, une partie de mon m�tier consiste � �couter les gens, et je remarque que nombre de probl�mes viennent d'une sensibilit� qui n'a pas su trouver le chemin de l'expression.
En amplifiant ce constat on peut se demander si toutes les soci�t�s occidentales, bas�es essentiellement sur une neutralit� scientifique qui les coupe de cette sensibilit�, puisqu'elle extrait l'objet d'�tudes de son milieu donc de ce qui le fait vibrer.

G. C. : Je crois que l'on fait en permanence de l'ethnologie et qu'on sort toujours un objet de on contexte pour regarder comment il fonctionne, c'est ce qui �galement a �t� fait avec les Africains. C'est la grande erreur ethnologique !


Comment voulez-vous parler de l'amour sans le sexe ? du sexe sans l'amour ? de l'amour sans la mort ? On extrait toujours les choses pour, apr�s les avoir tritur�es, voir si l'on est bien capable de les remettre comme elles �taient. Je ne pense pas qu'on puisse � partir d'une observation �tablir une r�gle du jeu, c'est la volont� de l'homme occidental qui croit cela mais la vie se d�roule autrement. Un exemple type de ce vouloir analytique sont les sondages : "puisqu'il y a 72% de trucs comme �a on d�cide qu'un truc est comme �a !" C'est la grande mystification du XXe si�cle.

V. R. : Ca remonte � loin ce d�sir d'extraire la vie de son milieu...

G. C. : Quand vous choisissez une femme pour l'�pouser, c'est en fonction de ses qualit�s alors qu'en v�rit� vous l'�pousez comme elle est, dans sa totalit�, avec ses qualit�s et ses d�fauts. Mais ce qui vous s�duit chez elle ce sont plus ses qualit�s que ses d�fauts car vous �tes encore dans l'id�e que les qualit�s c'est plus et les d�fauts c'est moins. Encore une fois c'est une fa�on de s�parer les choses alors qu'un �tre humain constitue un tout. Pour moi, il n'y a pas des d�fauts et des qualit�s mais une sensibilit� commune qui fait que vous avez envie d'aller plus loin avec cette personne. Je suis brutal dans mes rapports avec les gens car je n'explique pas mon comportement : ou je les rejette ou je les accepte dans leur totalit�.

V. R. : Le fait d'�tre po�te ou d'�crire de la po�sie vous a-t-il permis d'exprimer votre sensibilit� et surtout de la conserver ?

G. C. : Bien s�r! Dans le sens o� la po�sie tend vers la perfection - encore une �chelle de valeur -, mais pourquoi ce besoin de perfection ? Pour moi il y a une grande insatisfaction � �crire un po�me, car je le veux toujours plus beau que le pr�c�dent. Souvent je me dis qu'au jour o� j'arr�terai d'�crire de la po�sie correspondra le moment o� je serai parvenu � cette perfection, donc je n'aurais plus rien � �crire. Depuis deux ans j'�cris un long po�me sur la femme o� tout intervient. Je souhaite amener � une id�e de la perfection o� n'importe quelle femme, ou homme de la plan�te se retrouve quelle que soit sa culture, sa couleur... Si ce projet aboutit, je le con�ois un peu comme un passeport de sensibilit� !

La po�sie n'est pas explicative, mais sensible o� des mots mis les uns avec les autres font dire � leur lecteur : "mais oui c'est �a!" en m�me temps qu'un bien-�tre s'installe dans le plus profond de son �tre. La po�sie vous fait du bien, vous gu�rit de votre malheur ou de votre tristesse et en cela elle est universelle. Si ce texte, po�me en cours d'�laboration, qui comptera environ 15O pages, conduit le lecteur � cet �tat de s�r�nit�, m�me s'il raconte aussi la violence, j'aurai r�ussi. Mais c'est excessivement complexe puisque je n'ai pas atteint un degr� suffisant de sagesse dans ma propre vie pour pouvoir l'exprimer par des mots. Pour l'instant, j'ai davantage la pr�tention d'�tre sage que de l'�tre r�ellement, donc je reste vigilant � ne pas me th�oriser moi-m�me, ce serait trop facile ! Je me suis aper�u que j'ai souvent �crit des choses que je n'avais pas v�cues, o� je me disais : "je suis �a", et en fait je ne l'�tais pas ; mais le fait de l'�crire me s�curisait, et j'avais la sensation de le vivre. Ma difficult� actuelle c'est que j'ai le d�sir d'�tre compl�tement honn�te avec mon �criture. Je ne m'accorde pas le droit d'�crire quelque chose qui ne soit pas vrai par rapport � ma vie. C'est extr�mement dur car c'est un exercice avec moi-m�me qui m'oblige � sans cesse me regarder. C'est un mode de conscience permanent, un exercice p�rilleux et assez auto-destructeur.

V. R. : C'est un paradoxe que vous pratiquez l�. Car exercer sa sensibilit� emp�che souvent un regard ext�rieur et ce que vous proposez serait d'exprimer votre sensibilit� tout en �tant � jeun, au clair avec cette m�me sensibilit�.

G. C. : C'est bien pour cette raison que cela dure depuis deux ans, c'est un exercice effroyable!

V. R. : Ce th�me de l'�tre m'avait amen�e � la po�sie et � cette impression que le po�te exprime l'inexprimable et que l'�tre justement est inscrit dans cet inexprimable. Pour que cet �tre ait une chance d'unir ces soci�t�s, ne pensez-vous pas qu'il faille revenir � un syst�me ou � une philosophie ? C'est encore une fois le t�moignage des ma�tres tao�stes qui motive ma question, car ils expriment leur enseignement principalement dans la po�sie. Et ce qui est int�ressant et qui conduit � votre id�e de "passeport de sensibilit�", c'est que le courant tao�ste po�tique a �t� extr�mement important, mais un syst�me philosophique sous-tendait malgr� tout leur po�sie. Alors croyez-vous possible une po�sie qui ne plongerait pas ses racines dans une philosophie ?

G. C. : Vous apportez de l'eau � mon moulin car vos interrogations montrent � quel point la po�sie orale africaine est m�connue. Il existe des textes de po�sie de plusieurs centaines de pages qu'on est en train de traduire et dont l'importance pour la pens�e universelle n'a rien � envier aux textes tao�stes. Si on peut se passer de philosophie, on ne peut pas se passer de po�sie ; la philosophie, en g�n�ral, est dans un processus historique, alors que la po�sie ne vieillit pas. De plus, la philosophie est bas�e sur une dualit� : Dieu existe ou n'existe pas, � partir de l� on glose en fonction des �poques, des inventions, des guerres et on cr�e des concepts qui vieillissent aussi vite que le temps.

V. R. : A votre avis, le po�te est-il un religieux dans le sens o� il tenterait de concilier les inconciliables ?

G. C. : Pour moi, oui! J'ai longtemps �t� attir� par Krishnamurti et la mystique espagnole, par la pens�e religieuse et les concepts qui lui sont attach�s. Si par la suite je m'en suis �loign� ma pens�e en est, malgr� tout, impr�gn�e. Mais c'est un religieux sans religieux et qui n'implique donc pas un Dieu.

V. R. : Ce qu'on dit l� fait en g�n�ral bondir les religieux.

G. C. : Je vous arr�te tout de suite car il repr�sente une religion. Par cons�quent ce sont des militants qui p�chent par exc�s, ce qui entra�ne un imp�rialisme puisqu'ils tentent de convaincre les autres qu'ils ont raison. C'est justement cela qu'il faut r�soudre.

V. R. : Pour conclure, je souhaiterais brosser un tableau g�n�ral de ce que vous avez partag� avec moi. Parler de l'�tre implique la conscience qu'il y a des �tres, ensuite interviennent les qualit�s de cette conscience qu'on pourrait r�sumer ainsi : une confiance dans la vie et dans la mort, la libert�, la sensibilit� et l'amour.

G. C. : Dans un d�sir de totalit�, je dirais que l'amour c'est tout �a, et qu'on a toujours tourn� autour, et que les religions, les philosophies, les sciences humaines et les autres en sont des �manations, mais ne sont pas l'amour puisqu'elles excluent certains param�tres pour ne prendre que des parties... Or un seul morceau ne peut fonctionner sans les autres, c'est pour cela que je suis contre les sp�cialisations. Je peux dire cela et le vivre parce que je n'ai pas fait d'�tudes, autrement j'aurais eu une vision parcellaire des choses.

Au lieu d'�tudier, j'ai v�cu et me suis trouv� confront� en permanence avec toutes les parties du tout. Parce que je connais bien la vie, je peux ambitionner, � travers mon mode d'expression qui est la po�sie, d'essayer de pr�senter un tout qui soit viable, non pas comme mod�le, mais comme miroir pour tous ses lecteurs, quels qu'ils soient. Pour revenir � la d�finition du religieux : R�concilier l'inconciliable, il faut quand m�me bien voir que c'est nous qui avons rendu les choses inconciliables et maintenant on est toujours en train de courir pour reconstituer le puzzle. Ce qui est difficile pour moi, c'est de m'exprimer, parce que je ne veux pas faire de th�orie. Mais si je souhaite �crire ma po�sie � travers la v�rit� du message qu'est la vie, et en fonction de la v�rit� de mes actes, cela me pose un probl�me car je me retrouve en train d'analyser ce que j'ai v�cu. Je constate qu'il y a souvent une diff�rence plus grande que je ne croyais entre mon acte et ma pens�e. C'est d'ailleurs l� que se situe l'�volution de l'Occidental et de sa conscience car il a r�ussi � s�parer ses actes de sa pens�e. Ainsi il pense d'une certaine fa�on et agit tout autrement, puis il essaie de trouver une th�orie lui permettant d'affirmer que son attitude n'est pas si aberrante que cela, alors qu'en fait l'aberration est d'avoir s�par� ces deux modes d'�tre. Il est vrai qu'il est tr�s difficile de concilier les contraires dans un quotidien, parce qu'on n'est pas tr�s tol�rant avec soi-m�me et donc pas du tout avec les autres. La r�flexion ne devrait pas dominer la r�alit� mais lui embo�ter le pas, on devrait pouvoir r�agir aux stimuli sans y penser � l'avance. Les gens cherchent toujours � se pr�parer � une �ventualit�. L'id�al serait d'avoir en attente, en soi-m�me, les possibilit�s pour r�pondre au moment opportun � ce qui arrive, par exemple : ce n'est pas parce que la mort vous approch� de pr�s qu'il faut ensuite penser � la mort. Je sais que cette position est intenable pour les autres puisque je fais ce que je veux quand je veux et rien n'est moins admis que la libert� dans une soci�t�.

V. R. : Pensez-vous que l'�tre va avec la souffrance, les difficult�s, le conflit ?

G. C. : Je vous r�pondrai encore par un exemple personnel. Habituellement, je ne supporte pas de voir des sc�nes de violence et il m'arrive fr�quemment au cin�ma de partir quand une sc�ne est trop forte, trop pleine de sang. Par contre, il y a deux ans, alors que je voyageais au pays Dogon avec un ami, le radiateur de notre voiture se casse. On s'arr�te dans un garage local, le m�canicien commence � r�parer la pi�ce d�faillante et en faisant un faux-mouvement la voiture lui tombe sur le bras. Bras ouvert, il faut donc le recoudre, ce que j'ai fait en pleine savane. Je n'ai pas tourn� de l��il et tout s'est tr�s bien pass�. Chaque fois que je me suis retrouv� dans une violence gestuelle, une bataille... comme � une p�riode de ma vie face � la mort, je ne panique pas et je peux bien vivre l'histoire tout en la d�dramatisant. Par contre la violence sous une forme cin�matographique ou autre m'est insupportable parce qu'il y a une gratuit� dont je ne comprends pas l'utilit�.

V. R. : Pourquoi la sensibilit� fait-elle si peur aux humains ?

G. C. : Parce que justement c'est la libert�. Personnellement comme je suis constamment disponible, il m'arrive chaque jour une histoire que ce soit avec des femmes, des hommes ou encore dans le travail. Pourtant il y a une chose amusante dans ma vie c'est que j'ai quatre enfants avec trois femmes diff�rentes ; pourtant je n'ai pas chang� depuis vingt ans, je suis toujours aussi hurluberlu. Mais chaque fois que j'ai connu une femme assez longtemps elle a souhait� avoir un enfant de moi. Pourtant ma vie est le contraire du symbole de la construction et de la s�curit�. Alors peut-�tre qu'au lieu de la possession j'apporte une s�curit� plus insidieuse et moins voyante et que dans l'id�e de se perp�tuer dans un enfant, les femmes sont attir�es par cette autre forme d'�tre. Je crois que la v�ritable s�curit� est une totale libert�!

V. R. : C'est peut-�tre cela l'enfant de l'amour ?

G. C. : C'est pourquoi je n'ai pas le sentiment de propri�t� par rapport � mes enfants, et que je sois leur vrai p�re ou pas m'est compl�tement �gal. C'est l'enfant non pas de deux �tres, mais comme vous le disiez, l'enfant de l'amour.

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Alain Rouch et G�rard Clavreuil, Panorama historique, Notre Librairie75-76 (1989), 15-29.

Alain Rouch et G�rard Clavreuil, Litt�ratures nationales d'�critures fran�aises (histoire litt�raire et anthologie) Paris Bordas 1986.

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Un avis sur l��uvre de G. Clavreuil�:

La probl�matique psychanalytique

La probl�matique analytique offre plusieurs avantages pour notre �tude, tout particuli�rement celui de nous garder plus s�rement des st�r�otypes ayant trait a l'Afrique, caract�ristiques d'une lecture exotique de la litt�rature africaine en communion avec la nature sauvage, gonfl�e d��motions, riche de symboles vivaces, ou l'on d�c�le, selon l'expression du romancier W. Sassine, l'��omnipr�sence des fesses et des seins nus��. Sous des formes litt�raires subsiste le traditionnel ��� nous l'Afrique !". Des les premi�res lignes de son ouvrage Gerard Clavreuil d�nonce cette attitude�:

��Pour le Blanc, l'image de la sexualit� africaine reste toujours la m�me depuis les premiers explorateurs: l'homme noir est une ��montagne de chair�� au ��monstrueux prolongement logique�� et la femme attend ��docile, patiente, le bon plaisir du ma�tre��.

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Clavreuil cite comme exemple d'arch�type caricatural La Ma�tresse noire de Louis-Charles Royer, l'un des best-sellers de l'entre-deux-guerres, d�di� a la m�moire d'un administrateur colonial, ��d�civilis頻 par les Noirs.

��Les femmes y ont un ��corps puissant, ferme comme une croupe de cheval��, elles se secouent ��comme un chien mouille�� et si parfois ��elles sont dignes de la statuaire grecque, dommage qu'elles sentent mauvais�� ; heureusement, elles ont ��des rires sonores auxquels r�pondait le cri de chacals�� ou des ��rires clairs qui r�veillent la savane��. Du sauvage, l'auteur de ces lignes passe all�grement a l'animal.��

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Nul besoin de remonter si haut dans le temps : tel ethnologue, dont nous n'aurons pas la cruaut� de citer le nom, qui a par ailleurs si bien "p�n�tr�" l'Afrique �voquaient il y a peu en termes ��troublants�� la femme africaine et l'amour. Il est vrai que le regard de l'autre, tout plein des fantasmes du d�sir a une incidence, et que la femme africaine, la n�cessit� �conomique aidant, pourra �tre amen�e a jouer le r�le que l�Europ�en ou l'Africain europ�anis� attend d'elle. Remarquons au passage que G. Clavreuil, si attentif a d�noncer l'exotisme, illustre sa premi�re de couverture par une belle jeune femme africaine aux seins nus !

Les concepts psychanalytiques nous offrent alors des garanties : au-del� de l��cume des illusions, ils donnent ici sa dimension politique a la sexualit�. Nous sommes loin des r�ductions des ann�es 1968, ou l'on opposait psychanalyse et action politique, simplifiant au possible le paradoxes de la m�thode psychanalytique freudienne.

Citons a ce propos Thomas Mann, dans Fr�re Hitler, au sujet de Fuhrer: Un homme comme celui-l� doit ha�r la psychanalyse ! Je soup�onne en secret que la fureur avec laquelle il marcha contre une certaine capitale s'adressait au fond au vieil analyste installe l�-bas, son ennemi v�ritable et essentiel, le philosophe qui d�masqua la n�vrose, le grand d�sillusionneur, celui qui savait a quoi s'en tenir.

C'est la un des int�r�ts de la psychanalyse, celui de d�masquer la sexualit�, ce que nous savons bien a pr�sent, mais aussi celui de d�busquer le politique, en un mot le pouvoir sous toutes ses formes.

Enfin, relevons un autre avantage de l�hypoth�se psychanalytique : elle nous fournit un fil rouge dans notre choix des �uvres romanesques, afin qu'il soit le moins arbitraire possible; sinon le risque est de proc�der comme Clavreuil qui, pour les besoins de sa d�monstration, rassemble autour de la notion, jamais bien d�finie, d��rotisme, une quarantaine d'extraits et m�me des in�dits.

Mais � et nous tenons a le souligner fortement � notre intention n'est pas de mettre l'ensemble de la litt�rature, en particulier celle de l'Afrique, au tout psychanalytique, passe de mode d'ailleurs comme le tout �lectrique. En d�pit de ses m�rites la m�thode psychanalytique appliqu�e � la litt�rature africaine pr�sente certaines limites, au m�me titre que la th�rapie analytique lorsqu'elle est utilis�e en Afrique. L'usage de la psychanalyse n'est rendu possible qu'en raison de l'occidentalisation du roman africain, dans sa th�matique comme dans son �criture. A l'instar de toutes les sciences la psychanalyse est situ�e dans un contexte socio-historique, dont l�h�g�monie �conomique et culturelle permet l'utilisation ailleurs.

Ainsi dans le cadre d'une �criture africaine occidentalis�e, et donc individualis�e, la psychanalyse se r�v�le un excellent outil d'investigation et d�interpr�tation. Mais nous estimons qu'il n'en est pas de m�me pour la litt�rature contemporaine nourrie de la tradition africaine, de langue anglaise comme de langue fran�aise, dans le cas d'A. Hamp�te B�^ par exemple ou celui du Nig�rian Cyprian Ekwensi, dont le roman La Brousse ardente n�est ni plus ni moins qu'un conte. Face a ce type d��criture, en lien constant avec l'oralit� et un imaginaire social africain, la doxa psychanalytique montre ses limites.

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Reprenant nos quatre grands types d��criture africaine, nous constatons que la psychanalyse, si utile pour le d�chiffrement des romans d�crivant des situations d�apr�s les ind�pendances, offre un moindre int�r�t pour la compr�hension des �crivains de la tradition orale, pour ceux de la n�gritude et de l'exotisme, mais aussi pour les �crivains engag�s contre le colonialisme. Entre ces derniers et les �crivains d�apr�s les ind�pendances non seulement les th�mes ont change mais aussi l��criture moins lin�aire, moins d�pendante de l'espace et du temps. De style moins r�aliste, la litt�rature africaine fait aujourd'hui la part plus belle a l'imaginaire individuel, plus ou moins refoule jusqu'alors. Nous dirons qu'une sorte d��laboration psychique permet l'affleurement de l'inconscient barre auparavant par les n�cessit�s de l'histoire, qui expliquent la propension a l�anath�me, a l'hagiographie, au manich�isme et au pros�lytisme d'une litt�rature qualifi�e par Leopold Sedar Senghor de ��litt�rature d'instituteurs�� � ce qui n'est pas �videmment pas tr�s gentil pour les �crivains de la premi�re g�n�ration... ni pour les instituteurs. Par exemple, certains portraits en Noir et Blanc de Sembene Ousmane aboutissent a une opposition entre le Bien (Le Noir) et le Mal (le Blanc) plus int�ressante pour le militant que pour le psychologue. En revanche, le lecteur de Kwai Armah se trouve confronte a une constellation d��l�ments psychiques ou le Blanc n'est plus assimile au ��mauvais�� objet, mais appara�t comme la r�v�lation d'une sorte de double, aim� et ha� a la fois.

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En conclusion je citerai ces quelques lignes de Henri Lop�s qui expriment une autre fonction de l��criture africaine aujourd'hui, celle de la catharsis individuelle et non plus collective: ��En fait je n'ai rien emprunte a la r�alit�, en non plus invente. Ici finit la relation d'un chapelet de r�ves et cauchemars qui se sont succ�d�s a la cadence d'un feuilleton et dont je n'ai �t� d�barrass� qu'une fois le dernier mot �crit��.

Bruno GNAOUL�OUPOH
Universit� de Cocody Abidjan, C�te d'Ivoire

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In http://www.cavi.univ-paris3.fr/revue_vir/Hist_Litt/HistLittI.htm

������� A cet �gard le livre de Alain Rouch et G�rard Clavreuil, qui est le tout premier ouvrage d'ensemble consacr� aux litt�ratures nationales, publi� en 1986, nous semble une entreprise pr�matur�e. D'abord parce que l'histoire des vingt huit Etats qu'il couvre est trait�e sommairement (elle ne porte que quarante des 512 pages du volume ) et est pr�sent�e sans rep�res et souci de coh�rence m�thodologiques. Ensuite, il y a leur s�lection des auteurs et des textes qu'ils disent avoir �t� guid� � entre autres raisons � par leur ��d�sir de montrer ce qu'ils aiment chez des �crivains souvent maintenus dans un ghetto paternaliste. Choix personnels et subjectifs, avouent-ils, qui proc�dent d'une d�marche amoureuse��. Il s'agit l�, sans conteste, d'un �lan de c�ur et d'une g�n�rosit� intellectuelle louables mais qui dans la pratique ne conduit qu'� substituer un ghetto paternaliste par un autre.

Notice bio-bibliographique

Bruno Gnaoul� Oupoh est �crivain et enseignant � l'Universit� de Cocody Abidjan (C�te d'Ivoire) au d�partement des lettres modernes. Auteur de deux romans, En attendant la libert� Paris Silex 1982 et Pour h�ter la libert� Abidjan Edilag 1992, il a publi� de nombreux articles sur la litt�rature ivoirienne orale et �crite, � laquelle il vient de consacrer un ouvrage La litt�rature ivoirienne Paris Karthala 1998. Il s'int�resse particuli�rement � l'histoire litt�raire, et travaille actuellement � la constitution d'une banque de donn�es d'histoire de la litt�rature de son pays.

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