Sources et références
Ce document présente une méthode d'approche, de communication et d'échange avec les membres de sociétés, clubs, tribus ou clans qui animent le tissu urbain français contemporain.
Il s'agit du résumé de présentation d'un travail de recherche et d'observations menées depuis 25 ans sur différents sites (terrains) mais aussi auprès de personnes appartenant ou se réclamant d'une "tribu".
L'aventure commença dans la ville de Versailles en 1970. Je venais d'être embauché comme éducateur de rue, intervenant sur des "cités d'urgence" avec pour mission explicite de faire en sorte que les jeunes de ces cités participent à l'activité urbaine. La portée implicite de la mission ne m'étant apparue que plus tard : intégrer ces jeunes pour qu'ils posent peu de problèmes. Il n'était pas question à l'époque de s'interroger sur les véritables motivations des actes de sédition urbaine.
Au cours de ces missions, j'ai tissé des liens individuels avec quelques individus dont certains sont maintenant connus de moi depuis près de 30 ans, j'ai donc pu suivre leurs pérégrinations à travers différentes tribus ainsi que leur évolution personnelle. J'ai aussi acquis une connaissance et un "doigté" qui me permettent de transmettre à des éducateurs des méthodes de communication et d'approche, des savoir-faire opérationnels.
Maintenant encore, comme par réflexe, là où j'habite je cherche à communiquer avec ces "êtres porteurs de violences". Je ne parviens pas à les voir comme d'aucuns les regardent.
Formé à l'école psychologique d'inspiration psychanalytique, très vite, j'ai rapidement pris conscience que ce que l'on m'avait appris ne pouvait être ni opérationnel ni porteur de communication. La psychologie s'étant très vite enlisée dans une sorte de réduction de la dimension personnelle à un dogme, celui du freudisme. Parce que le milieu imposait de réagir vite et efficacement, dans le cadre de mes missions, il me fallut trouver d'autres modalités d'approche, de prévention et de transmission de mon savoir.
Il 'l Baz, le 04/04/98
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De la théorisation
J'ai
toujours eu pour souci de transmettre aux autres, mes collègues, mes amis, cette vision que j'avais de l'organisation sociale, qui ne correspondait pas au caractère dramatique qui lui était communément conféré, notamment à propos de ces groupes et individus porteurs de violence, comme s'ils représentaient les vapeurs de l'enfer.
Partant de mes observations, j'ai empiriquement mis au point une méthode de compréhension de l'humain en société qui s'appuie sur les apports de la psychologie et de la psychanalyse, de l'Histoire des systèmes religieux, de l'Anthropologie historique et de l'Anthropologie des sociétés dites primitives.
Pour chacune de ces disciplines, les références sont multiples, j'ai cependant tenté d'aller au plus simple en renvoyant, si nécessaire, à un auteur ou à un ouvrage représentatif.
Théoriser est source de malentendus ! Pour beaucoup, il s'agit de rabattre un fait dans l'étroit chenal d'une théorie préexistante, d'une idéologie ou d'un système d'interprétation. Or, dans le domaine qui nous concerne, celui de l'évolution des mœurs et des mentalités, il n'existe ni théorie, ni cadre prédéfini. Rien n'est plus réducteur voire dangereux que de vouloir faire cadrer des faits avec des théories qui ont montré leurs limites. Sur bien des points, nous devons restés ouverts et attentifs à l'émergence d'un horizon neuf. Et nous faire prendre au jeu des passions, de l'exagération ou de l'information détournée rendrait nos témoignages suspects.
Il convient de ne pas confondre théorisation et conceptualisation.
En premier, toute théorisation se constitue selon deux mouvements, d'abord un effort de distanciation par rapport au fait brut puis une transmission à des tiers. Les premiers "théoriciens", dans la Grèce antique, devaient rapporter les faits dont ils avaient été les témoins, avec le maximum d'exactitude. Ce furent les premiers "journalistes". C'est pour cette raison que les médias prennent une place insoupçonnée dans nos sociétés.
Dans une deuxième phase, la théorisation consiste à rapprocher les faits les uns des autres pour tenter d'en dégager des lignes directrices, des points communs, des cycles, etc. C'est à ce moment là que l'imagination peut venir au secours du théoricien pour lui fournir un cadre acceptable, un ordre pour la lecture de tous les événements rencontrés. Décryptés à travers un tel cadre les faits accumulés prennent un sens et une cohérence. Mais, concevoir un ordre dans ce qui se présentait auparavant comme chaos n'est pas suffisant d'un point de vue strictement scientifique.
Lors d'un troisième phase le cadre ainsi conçu doit conduire à prévoir les situations nouvelles. Sans cette possibilité de prévoir, on ne peut pas parler de véritable approche scientifique. Il ne suffit pas de manipuler des chiffres ou un jargon pour se prétendre scientifique. Les géomanciens manipulent aussi des chiffres dans un jargon impénétrable…
La prévision est essentielle ! En effet, une fois admise l'hypothèse d'un cadre quelconque, le chercheur doit pouvoir prévoir les situations et les faits futurs doivent cadrer avec ce qui avait était prévu. Les hypothèses s'affinent alors un peu plus. Sinon la tentation est forte de vouloir faire absolument concorder le fait avec une hypothèse préalable, en oubliant quelques détails gênants. Tout scientifique de bonne foi devrait pouvoir reconnaître que cette manière de fonctionner est très répandue, même si l'on déclare volontiers le contraire, le plus souvent par réflexe corporatiste.
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De la méthode
Je n'aborderai pas encore cet aspect de mon travail mais j'y reviendrai une autre fois car tout `éducateur' pourrait y trouver matière à réflexion et un moyen d'amplifier son action.
Sachons par exemple que de nombreux éducateurs appliquent sans le savoir la méthode de connaissance d'un groupe par "immersion" pour mieux approcher les personnes qui le composent. Nous aurons donc l'occasion d'y revenir...
Quant à la rédaction des articles, le style direct qui use de la première personne du singulier est intentionnel. En effet, comme anthropologue, puis comme rédacteur je ne puis ignorer moi-même les `influences' de mon histoire, de mon milieu, etc. J'en suis affecté et il vaut mieux que le lecteur le sache pour forger sa propre opinion, considérant également, qu'en Sciences Humaines, il ne saurait exister un savoir universel mais des connaissances séquentielles, plus ou moins opérationnelles durant un temps parfois fort court.
Enfin, partant d'un exposé général, qui décrit comment se construit une représentation du monde et comment elle donne cohérence aux choses, nous aborderons les applications qui peuvent être faites aux sociétés métissées. Celles où l'indigène et l'étranger se côtoient bon gré mal gré pour participer à un ensemble plus vaste et y créer ensemble.
Résumé des cours donnés à des animateurs, éducateurs et professeurs dans le cadre d'une mission d'observation dans trois collèges de la ville de Lille.
Cette mission a débouché sur la mise en place d'un Observatoire Neutre,
réunissant des représentants des enseignants, des éducateurs sociaux et des
parents...
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