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Nationalisme et barbarie

Partout et depuis plusieurs ann�es � travers le monde, les nationalismes refont surface. � la faveur d'�lections d�mocratiques ou de mani�re autoritaire, ils se substituent aux courants politiques plus mod�r�s, ouverts sur le monde. Paradoxalement les flux d'immigration des pays pauvres vers les pays riches n'ont jamais �t� aussi forts. Parall�lement, ces derniers connaissent une vague de protectionnisme qui s'abrite sous diff�rents noms : protectionnisme �conomique ou culturel, retour aux valeurs traditionnelles, r�gionalisme, fondamentalisme, etc. On a vaguement l'impression que les acquis de la d�mocratie s'effritent, que les Droits de l'Homme sont bafou�s comme jamais depuis leur instauration universelle. Nul n'ignore que, si nos gouvernants respectent ces droits chez nous, ils les bafouent sans scrupules d�s qu'un pays entre dans "la zone d'int�r�ts �conomiques ou strat�giques" de nos ch�res Nations. Cela peut aller jusqu'� une complicit� active � des g�nocides�
Nous pourrions sans erreur nous repr�senter, nous citoyens des pays riches, comme les habitants d'une gigantesque fourmili�re exploitant sans vergogne plusieurs colonies de pucerons lactif�res.
La plan�te serait-elle notre propri�t� ? Une sorte d'extension de notre r�sidence secondaire ou bien une province rattach�e dans laquelle notre droit l�gitime consisterait � �taler notre luxe, nos mani�res de faire sophistiqu�es, nos m�urs emprunt�es devant des sous-�tres qui n'auraient en outre pas d'autre recours pour vivre que de nous servir de chaouches ?
Nous vivons des "ann�es folles", dans la plus totale inconscience, accumulant chaque jour une dette morale gigantesque � l'�gard des peuples "domin�s" ! Partout l'Homme Blanc �tale son arrogance avec cette vanit� que seuls les dominateurs ont pu arborer dans l'Histoire.
Le leader incontest� de ce troupeau saccageur qui ravage la plan�te avec minutie est, bien s�r, l'Am�rique - celle du Nord, l'autre n'existe pas ! -, mais les pachydermes europ�ens, australiens ou japonais affichent �galement un beau cheptel de nations esclaves. Et c'est � celui qui se d�fendra le mieux contre le chef de la harde, esp�rant un jour obtenir le leadership !
En attribuant toutes les vertus dominatrices � la grande Am�rique, nous ne faisons que projeter nos tendances h�g�moniques sur un colosse qui fait �cran � notre propre infamie. En r�alit�, les pays riches se battent entre eux pour assurer leur domination sur la plan�te enti�re. Combat de Titans qui labourent la Terre et l'�puisent chaque jour un peu plus.
Qu'importe, c'est le sang des plus d�munis qui abreuve les fleuves charriant les d�pouilles anonymes des pays sous tutelle !
Pendant ce temps, nous continuons notre petite cuisine quotidienne, d�cortiquant de nos doigts gras les plats que d'autres nous envient, persuad�s de ne rien pouvoir faire pour que cessent ce vacarme, ces massacres. Sous nos latitudes, les nuits succ�dent aux jours, sereinement, tout au moins en apparence, nos r�ves semblent n'�tre peupl�s que de belles na�ades ou de Princes charmants.
Ils s'est trouv� un temps o� certains intellectuels � l'intelligence tortueuse venaient troubler cette paix g�n�reuse par quelque philosophie morale charg�e de culpabilit�. Selon eux, nos peuples �taient d�cadents, baign�s d'id�ologie h�doniste et individualiste. Les cris de ces proph�tes de malheur se sont tus. Cela finissait par lasser, de se sentir coupable de tout, notre beurre quotidien en devenait rance ; nos viandes, �paisses et dures. Les choses sont heureusement entr�es dans l'ordre. Les USA dominent le monde, les multinationales gouvernent la plan�te et les Am�ricains forment leur garde rapproch�e.
Prot�geons-nous pour ne pas courber l'�chine devant tant de forces. �vitons � nos enfants toute forme d'agression ; prot�geons nos valeurs fondamentales, celles de notre province ; notre potentiel cr�atif ; nos sp�cificit�s culturelles�
Sans que nous y prenions garde, quels que soit nos engagements politiques, nous nous assoupissons peu � peu � l'ombre d'une culture de l'indiff�rence. Par d�mission, par l�chet�, par renoncement ou par peur.
Certes, il �tait impossible de nous sentir responsables de tous les crimes qui ravagent la plan�te, mais de l� � faire de notre "ego familial" � papa, maman et les enfants � le centre �ternel et universel du monde, il y a tout un champ d'implications et d'engagements possibles. Qui sait ? Cette vague d'auto flagellation des ann�es 80 n'a-t-elle pas contribu� � consolider le mur d'indiff�rence actuel ?
Avec ce sens de la d�mesure qui caract�rise notre fin de si�cle, nous voil� maintenant � contempler le spectacle du monde d'un �il morne et impavide.

En 1990 le Liban sortait humili�, ravag� d'une guerre qui avait dur� seize ann�es. Aux mains d'une puissante oligarchie, l'exercice du jeu politique prit des allures de cirque, la population sombra dans une sorte d'apathie politique et la g�n�ration d'apr�s guerre grandit dans le non sens de l'ennui et de l'amn�sie.
Pourtant, en 1996, suite � un bombardement au sud par le voisin Isra�l, un vaste mouvement de solidarit� en faveur des populations r�fugi�es s'organisa en quelques heures, donnant naissance � un mouvement politique d'un genre nouveau, sans chef, traversant tous les anciens courants et fond� sur la soudaine prise de conscience que l'impuissance politique n'�tait pas une fatalit�. Gageons que ce mouvement embryonnaire mais solide pr�figure l'�mergence de vastes changements dans les mentalit�s de cette partie du monde.
�trange qu'un renouveau de conscience citoyenne se soit structur� sur les bases d'un �lan de solidarit�

Mardi 3 mars, Paris, � la Mairie du XIe, j'assiste � l'inauguration de l'exposition des photos de Reza, "M�moires d'exil", organis�e par France Terre d'asile. Reza est un photographe iranien qui, depuis pr�s de 20 ans, sillonne le monde pour t�moigner de la douleur de l'exode, des larmes de l'oppression. En jetant mon regard sur ces multiples moments de malheur, des �pisodes de ma vie me sont revenus, d'une guerre qui portait sa th�orie d'infamies et une pens�e de l'adolescent que j'�tais alors m'est revenue : "Plus jamais �a !"
Si je pouvais l�guer � mes enfants mais aussi � mes contemporains cette seule conviction : ne jamais rien tol�rer qui humilie nos semblables, j'aurais l'impression d'avoir enlev� une pellet�e de terre aux monts d'indiff�rence, tout en l�guant � la post�rit� une brouette et une pelle.
Je crois que, dans notre trouble fatuit�, nous avons oubli� ce sentiment fondamental qui habite l'humanit� depuis la nuit des temps, faisant s'�riger les civilisations hors de la boue noire de la barbarie : la foi dans l'�tre humain.

Il y a deux si�cles, la R�volution Fran�aise d�clarait que tous les �tres humains naissaient libres et �gaux en droit. Il ne suffit pas d'avoir cette devise grav�e au frontispice de nos monuments pour qu'elle demeure une r�alit� vivante. Il appartient � chacun d'entre nous, chaque jour, ou que nous soyons, d'en ranimer le sens.
Il 'L Baz � Paris le mardi 8 mars 1998

Lierre & Coudrier �diteur

� Paris 1997
La Pagu�re
31230 Mauvezin de l'Isle
France
[email protected]