(...) L'offensive généralisée de l'Ennemi, prélude à la fin des temps, ne s'était pas produite et personne ne pouvait plus dire quand elle aurait lieu . Jean
Delumeau, La peur en Occident.
« Tiens,
t’as vu Untel ? Oui….,
le « Noir » ? Les
langues occidentales ne permettent pas de faire la distinction entre la couleur
d'un objet et ce qui désigne l’appartenance à une « race », la
« race blanche », la « race jaune »... Rien n'est plus horrible que de traîner
encore la notion de race d'abord, la référence à une couleur d'autre part
pour désigner les origines d’un individu. Les premières classifications raciales de l'espèce humaine à prétention scientifique datent du XVIIIe siècle. Depuis lors, le nombre et le contenu des « races » humaines ont considérablement varié. C’est aussi à ce moment que la qualification par la couleur est repérable. Les différenciations qui existent demeurent très arbitraires et fondées sur des résultats d'observation qui nient cependant les caractéristiques culturelles qui sont à l'origine de spécificités comportementales. On s’en tient, la plupart du temps à des distinctions qui ne sont que des projections des schémas culturels de l’observateur. Mais loin de disparaître ces opinions demeurent, même chez les scientifiques. Ainsi,
saisi à la volée sur un forum de psychologie de langue française, l’échange concernant la manière dont différents peuples
envisagent les produits de l’imaginaire
entre une intervenante et Yann Leroux, autre participant et
animateur d’une « FAQ » sur ce même forum, professionnel de la
psychologie, semble-t-il, qualifié, répond : Un
vrai pot pourri ! Allez ! On vous les fait en gros. Ma vieille terre l’Afrique, que n’as tu pas supporté ! Et il te faut subir encore ! A peine enterrée la couleur de tes peuples, te revoilà à subir l’outrage de la vieillesse. Tu serais porteuse de la vieille Ève et de son parèdre (à moins qu’il n’ait été blond, après tout !), tu serais l’origine des origines et comme tels, tes peuples sont « primitifs », bien entendu. T’as jamais vu un ordinateur, hein ma mère ! Tes enfants sont ainsi demeurés dans les limbes de l’envie, de l’agressivité et de la luxure… Tu es la terre des infamies ! C’est proprement insensé, inconcevable et pourtant quotidien. Viendrait-il à l’idée de quelqu’un de confondre dans un même amalgame des Cambodgiens et des Vietnamiens, des Japonais et des Chinois, des Indiens ou des Pakistanais ? Cela se fait mais la connotation est d’emblée perçue comme péjorative. Il n’existe aucune justification à cela, sinon le fantasme à l’état pur ! Il
ne viendrait à l'esprit de personne de contester l’évidence du regard.
« Un Sénégalais, un Soudanais, etc. sont bien « noirs » en effet ! »,
c'est le constat que nul ne met en doute. C’est « naturel » !
Qui verrait une intention négative derrière ça ? La science se porte aussi caution. Il n'est nullement contestable qu'un Noir – un individu dont la pigmentation de la peau présente un signe particulier – manifeste des différences très nettes au plan comportemental, religieux, social... Ces différences ont été repérées par les chercheurs de notoriété qui ont travaillé la question dans le champ de leur discipline... Mélanie Klein entre autre – cf. ci-dessus. Il n’y pas de race mais quand même… Ainsi énoncé, on sait que le « Noir » vient à coup sûr d’Afrique ! Ellipse douteuse d’autant qu’il existe des « Blancs » en Afrique, que, dans de nombreuses ethnies, les nobles sont nommés : « les Blancs ». Non par référence à la colonisation, à la suprématie économique et de droit des « européens » mais tout simplement parce que derrière le noir et le blanc, sans distinction de lieu, de « races » ou de groupe ethnique, il y a des charges imaginaires qui transcendent les clivages arbitraires que les scientifiques ont oubliés… Quand
parle-t-on du noir dans nos sociétés bien pensantes ? Que dit le
psychologue d'un enfant qui use abondamment du noir dans ses dessins ? L'homme
moderne en a-t-il vraiment fini avec ces terreurs obsolètes, lui qui domine la
nature, le monde et l'Univers ? Le psychologue sait que ces réactions
primaires ne sont pas mortes mais gisent tapies au cœur de l'Homme qui ne peut
les étouffer, tout juste les refouler. Le praticien pourrait ajouter que ces
peurs sont naturelles et salvatrices car elles signalent un danger possible
surgi du noir, couleur sombre des cavernes antiques autant que de la nuit noire
des ruelles mal éclairées – dangers dont il faut apprendre à se protéger.
Ignorant ces peurs qui lui rappellent trop ses attaches premières, l'individu
moderne les voit revenir sous leur aspect le plus négatif comme tout instinct
refoulé. Moi ça suffit, j’arrête ! Oubliant
le mécanisme de fonctionnement de la psyché, l'individu s'aveugle sur la
contamination qui s'opère entre un contenu psychique subjectif – la peur du
noir – et un contenu objectif qui résonne par la seule présence d’une
couleur de peau – qui n’est jamais noire en plus ! –, pour qualifier
l’individu originaire de Côte d’Ivoire, du Kenya…. Dès lors, c'est la rémanence
psychique profonde (sans lien avec l'objet) qui vient polluer le réel en créant
un espace d'hallucination. Et, nous le constatons chaque jour, il se trouve des
individus raisonnables pour perpétuer ce type de projections avec la plus
parfaite bonne foi. De là à dire que nous ne voulons/pouvons pas avoir le rythme dans la peau, ni forniquer à l’aise... Alors on se demande où est le refoulé dans tout ça, chez l’Africain ou bien en Europe ? Le
problème du racisme ne trouvera pas de solution sérieuse tant que, dans sa
conscience culturelle, dans ses mécanismes d’éducation, un groupe ethnique
continuera de faire l'amalgame entre des contenus fantasmatiques de quelque
nature qu'ils soient et un autre peuple ou un groupe ethnique. Il 'L Baz, Mauvezin le mardi 16 janvier 2001 |
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