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�pist�mologie

Probl�matiques d�automatisation et de cyclicit� en sociologie

Autour du statut �pist�mologique de l�astrologie

Jacques Halbronn

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Pour nous, la sociologie doit traiter du double enjeu de ce qui circule inconsciemment, donc selon certains automatismes, dans le temps et dans l�espace, entre les acteurs sociaux et de ce qui est r�current selon un rythme inconnu de ces derniers. En cela, l'astrologie � une certaine astrologie qui se situe entre cyclologie et horoscopie � et la sociologie pourraient entretenir certaines relations qui restent � explorer en ce que tout se passe comme si les carences de la sociologie �taient g�r�es par l'astrologie, � sa fa�on. Il se pourrait d'ailleurs que la psychologie, �galement, profite de certains blocages de la sociologie, mettant ainsi sur le compte de l'individu ce qui rel�ve en r�alit� de cycles collectifs non conscientis�s.

Programme

Il nous semble imp�ratif de concevoir le couple fonction sociale/cycle en articulant l'un sur la synchronie et l'autre sur la diachronie dans l'optique suivante, � savoir que toute fonction s'inscrit dans une p�riodicit�, de m�me que toute dualit� dans l'espace implique une dualit� dans le temps. En sociologie politique, on dira que pour qu�il y ait alternance, il importe que se constitue une opposition (cf. le shadow cabinet anglais)

L'invariant qui nous int�resse au premier chef serait pr�cis�ment et paradoxalement le cycle, la phase, c'est � dire le retour d'un processus qui a �puis� le temps qui lui �tait imparti, � la fa�on d�un boxeur qui est sauv� par le gong pour la fin de phase et non frapp� KO, pour la fin de cycle. Dans un cas, le changement est d� � l��puisement d�un ou de plusieurs protagonistes, dans l�autre, le passage tient � un minutage qui ne tient pas compte de la situation en cours, � l�instar des phases de la Lune dont le bon d�roulement n�est pas li� aux entreprises humaines quand bien m�me les hommes s�y r�f�reraient. C�est justement cette neutralit� qui a pu s�duire : l�arbitre qui siffle le temps r�glementaire se situe au dessus de la m�l�e.

Un autre invariant serait le d�coupage, la segmentation, de l'humanit� en un certain nombre de cat�gories r�currentes, dans le temps et dans l'espace, � commencer par la dualit� Homme/femme dont on ne peut affirmer qu'il s'agisse d'une donn�e � naturelle � mais qui rel�ve, � un certain stade, d'un ordre social, li�e � l'histoire des esp�ces, mettant fin � un androgynat primordial. On citera certaines divisions socioprofessionnelles (par exemple les sportifs, les savants etc.), offrant des corr�lations cosmiques, lors de la naissance, qui furent mises en �vidence par Michel Gauquelin (1929-1991) d�s 1955 (L�influence des astres, Paris, Ed. Du Dauphin). La division populaire en 12 signes zodiacaux montre bien la vocation de l'astrologie, outre sa vocation pr�dictive, � d�terminer des clivages, m�me si un tel d�coupage n'est pertinent que dans la mesure o� l'on y accorde de l'importance.

La cyclicit� met apparemment en cause la lin�arit� mais pas plus que l'alternance du jour et de la nuit ne vient rompre la continuit� de l'activit� humaine. Elle serait l'expression d'un dispositif analogique qui aurait �tabli la vie de la cit� sur le mode jour/nuit, �quinoxes/solstices. Le Shabbat juif et � sa suite le Dimanche chr�tien (correspondant au 7e jour de la Cr�ation) � contrairement � ce qui est affirm� g�n�ralement � savoir un d�passement de la nature � n'est pas tant une rupture qu'une phase nocturne, de suspension, d'�clipse, de coucher (du soleil) � la question du temps est li�e aux d�couvertes astronomiques successives (cf. aussi ce qu�Alain Gras �crit in Sociologie des ruptures � propos de l'horloge et de Huyghens) et nous souhaiterions l'int�grer au c�ur d'une r�flexion plus globale sur l'organisation spatio-temporelle de la Cit� Autrement dit, la dimension � nocturne � du cycle n'est g�n�ralement pas ayant la m�me dur�e que la "diurne" alors qu�en fait, on a affaire � une dialectique entre deux forces inverses et en alternance. C'est au nom d'une analogie entre l'homme et le rythme circadien que la vie de la Cit� aurait �t� mod�lis�e par l'homme lui-m�me, chaque phase correspondant � un moment de ce cycle, la notion de � rupture � correspondant simplement � un temps � nocturne �. Il y a un temps pour l�utile et un autre pour l�agr�able ; principe de r�alit�, principe de plaisir.

Linguistique et sociologie

De m�me que le grammairien ne fait que d�crire un ordre qui a �t� pr�alablement fix� par des hommes et qui n'est pas n� tout seul � � l'�chelle de l'humanit� sinon � celle de l'individu en telle ou telle g�n�ration � de m�me, dira-t-on, l'ordre que d�crit le sociologue ne serait que la description d'un certain ordre social, �ventuellement inspir� d�une observation de la nature et non le r�sultat d'un quelconque ordre naturel. Autrement dit, si on d�couvre une structure, c'est que celle-ci a �t� mise en place, je ne ferais donc que la red�couvrir dans une approche de type arch�ologique. Toutefois, cela ne signifie pour autant nullement que ceux qui �voluent au sein de cette structure sont conscients de son organisation. Dans la plupart des cas, il y a oubli de ce stade fondateur mais la structure n'en continue pas moins � fonctionner. Le sociologue rappellerait donc � la conscience une structure ancienne qui non seulement ne serait plus n�cessairement per�ue comme telle mais qui, en outre, serait pass�e � un niveau subconscient, qui pourrait relever d'une sociog�n�tique, c'est � dire de m�canismes de transmission devenus, avec le temps, plus ou moins irr�versibles.

Par ailleurs, chaque langue dispose d'un syst�me d'harmonisation de ses �l�ments (morphologie, d�clinaisons etc.) qui unifie superficiellement ainsi l'ensemble.

Mais ce qui nous appara�t exemplaire en sociolinguistique, ce sont les processus inconscients. Le locuteur anglo-saxon, par exemple, se sert d'une langue dont il ignore � peu pr�s tout des fondements. Il peut fort bien d�clarer ne pas conna�tre � un mot de fran�ais � alors que l'on sait pertinemment que des pans entiers de la langue anglais ont recours, sous une forme ou sous une autre � des �l�ments de la langue fran�aise. Un tel locuteur peut parfaitement prendre conscience du ph�nom�ne � la suite d'explications, non sans d'ailleurs diverses r�sistances du type : � le mot ne recouvre pas exactement le m�me sens �, � la prononciation n'est pas la m�me � etc. D�ailleurs, il existe certainement des m�canismes de passage entre les deux langues qui restent largement inconscients. Est-ce que lorsque un anglophone prononce le mot fran�ais � tendre �, il ignore l�existence dans sa langue de l�adjectif tender et n�est-ce pas en raison de cette similitude qu�il prononcera incorrectement � tendre � ?

Le langage est un moyen privil�gi�s de perp�tuation d'une unit� sociale donn�e par del� la diversit� des p�riodes travers�es. Lorsque le langage fait d�faut, la soci�t� ne peut que s'identifier � sa propre histoire, ce qui risque fort de bloquer sa fonctionnalit�. Prenons le cas des juifs, qui ont un rapport tr�s l�che avec une langue nationale et qui continuent de nos jours � ne pratiquer aucune langue sp�cifique, hormis en Isra�l o� d'ailleurs on assiste � une multiplicit� des parlers li�s aux diverses communaut�s qui s'y juxtaposent. L'absence d'une langue identitaire � sans contenu id�ologique fig� � aboutirait donc � une crispation sur un certain � juda�sme �� �� expression impropre dans la mesure o� le peuple juif a v�cu des exp�riences tr�s diverses dans son histoire qui d�passent le contenu du � juda�sme �, les enjeux de � filiation � �tant ainsi t�lescop�s par des enjeux d'� engagement �, n�cessairement li�s � une �poque donn�e et n'ayant de valeur op�rationnelle que pour un temps sp�cifique. Il y a pathologie sociale d�s lors que la fonction est occult�e par ses manifestations et productions ponctuelles. On peut dire que cette fonction a perdu de sa virtualit�, qu�elle n�est plus qu�en acte.

La d�multiplication spatio temporelle

On dira qu'un homme ou un petit groupe d'hommes sont en mesure de d�multiplier leurs activit�s, par un processus de r�p�tition et de reproduction, d'�ducation et d'endoctrinement. Le fait m�me qu'un homme puisse f�conder un tr�s grand nombre de femmes rel�ve d'une m�me logique. Au fond, la soci�t� humaine n'aurait besoin que de quelques leaders et d'une foule d'ex�cutants, qui continueraient � agir d'ailleurs par del� la mort des initiateurs. Il y aurait donc l� des enjeux de pouvoir et c'est pourquoi nous inscrivons notre r�flexion au sein d'une philosophie politique plut�t que d'une philosophie de l'Histoire. La sociologie serait ainsi fond�e sur une utopie sociale qui se serait en quelque sorte incarn�e dans l'Histoire du fait qu'elle ait �t� appliqu�e � en tant qu'artefact � sur la longue dur�e par une large population. Cela implique, il est vrai, un fort brassage de fa�on � ce que ce qui est apparu ponctuellement et au sein d'un groupe soit devenu peu � peu universel. Il y aurait donc une Histoire de cette structure sur laquelle repose la sociologie. On dira que la soci�t� est con�ue une machine, comme un syst�me, et que les sciences de l'homme �tudient ce que l'homme � mais c�est tout aussi vrai pour les autres �tres vivants qui ont pris mod�le sur ce qui ne l��tait pas mais ob�issait � des rythmes immuables � a lui-m�me construit et en quoi il s'est enferm�, tel un apprenti sorcier. Il y aurait une fascination du r�gne animal pour le min�ral (l�astre, notamment) et pour le v�g�tal.

Ce processus de d�multiplication s'apparenterait � une forme archa�que de clonage dont le langage gestuel ou oral serait, selon moi, une manifestation remarquable. Car si le langage est un processus de communication, il est avant tout, selon nous, un facteur de reproduction et de duplication qui n'a pas attendu l'invention de la photocopie ou du magn�tophone. Tant pour le langage � parl� � qu'�crit et ce jusqu'� l'imprimerie et aux formes plus modernes. On pourrait dire que le langage fait de la plupart des membres de la Cit� des � orgues de barbarie �. A l'instar de cet � instrument � de musique, qui fonctionne � partir d'un rouleau encod�, ne peut-on dire que toute personne qui sait lire est capable de restituer oralement un discours pr��tabli ? En ce sens, apprendre � lire � haute voix reviendrait, quelque part, � faire de l'individu une � machine � qui n'est pas responsable de ce qu'elle fait. Ainsi, le langage servirait-il � reproduire � l'�chelle de toute une soci�t� de � lecteurs � un seul et m�me message. On le remarque ainsi � la radio quand un m�me texte � les actualit�s � est lu par des speakers successifs.

Cette d�multiplication joue donc un r�le social d�terminant, autour � du moins au d�part � d'un pouvoir central d'o� tout �manerait. Le langage serait ainsi un processus d'asservissement, d'uniformisation. En ce qui concerne la d�multiplication dans le temps, nous dirons que le fait de faire se perp�tuer l'action consid�r�e, de sorte qu'elle ne soit pas ponctuelle mais qu'elle se reproduise p�riodiquement, c'est alors que nous touchons � la notion de cycle. Tout comme le langage, le cycle s'inscrirait dans une strat�gie de pouvoir, de gestion de la population.

Abordons un autre concept, apr�s celui de d�multiplication, celui de d�composition. Car le � clonage � ici d�crit sera plus efficace s'il est sous-tendu par une certaine sp�cialisation fonctionnelle qui semble en �tre le contrepoint. En effet, plut�t que de reproduire un seul et m�me mod�le, il est plus judicieux de r�partir les taches, � la fa�on d�Henry Ford ou de Taylor, de fa�on � ce que chaque acteur soit plus efficient et ne soit pas entrav� par la multiplicit� des taches � accomplir de front. Cela permettait en outre � une �lite d'�tre d�gag�e des diverses charges qui tendaient � se g�ner mutuellement chez une seule et m�me personne. Le cas le plus frappant est celui de la procr�ation, c'est � dire le fait de r�server la t�che de � porter � l'enfant � na�tre � certains membres. C'est le processus de la sexuation, qui n'est d'ailleurs nullement le propre de l'humanit�. Mais, selon cette m�me logique, d'autres t�ches sp�cifiques peuvent avoir �t� r�parties, d�terminant un syst�me de castes socioprofessionnel.

On aurait ainsi deux mouvements apparemment inverses : l'un (centrip�te) visant � la reproduction et � la r�p�tition et l'autre (centrifuge) � la division du travail, ce qui implique une certaine individuation et une diff�renciation � vocation technique.

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