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� � Jacques Halbronn pr�sident du Centre d�Etude et Recherche sur l�identit� Juive (CERIJ) � � � C�est peu de dire que le conflit isra�lo-palestinien p�se sur les relations jud�o-arabes au sein d�une France qui se dit la�que. Une la�cit� qui nie a priori � qui refoule en tout cas � toute permanence distinctive li�e � l��migration. Voil� donc le juif et l�arabe confront�s � un imp�ratif de la�cit� qui leur interdirait de se situer par rapport au conflit isra�lo-arabe et d�affirmer leurs diff�rences, sauf � �tre tax�s de mauvais citoyens fran�ais. Le conflit isra�lo-palestinien est la mauvaise conscience du juif de France mais celui-ci a d�autres raisons d�avoir mauvaise conscience, et cette fois par rapport � la France et l�histoire de la pr�sence juive en France. Il y a un malaise qui est li� � la fin d�une double solidarit�, entre juifs de France et juifs isra�liens, entre juifs en France entre eux. Et � cela s�ajoute le rapport ambigu du juif fran�ais avec le religieux. La fin d�un unanimisme jud�o-fran�ais.Nous avons cru, trop longtemps, que nous tous juifs de France nous �tions dans le m�me bateau, nous n�avons pas voulu saisir nos diff�rences d�itin�raires, d�enjeux. Au nom de la la�cit�, certaines questions n�avaient pas droit de cit�. Il importait peu de savoir d�o� les uns et les autres venaient ou d�o� venaient leurs parents ou grands parents�: nous �tions tous juifs au sein d�une communaut� juive �la�que�, calqu�e sur la soci�t� fran�aise la�que. L�Histoire des juifs de France est celle de solutions de continuit�, de processus de substitution o� les uns prennent la place des autres. Ni vu ni connu�!. La�cit� et immigrationNous proposerons ici un mod�le d�organisation sociale qui se situe dans le temps et dans l�espace. Une soci�t� politique ou religieuse doit �tre ouverte, perm�able, accessible � la conversion et � la naturalisation voulue par chaque individu, selon un certain choix identitaire et en m�me temps, elle se doit de s�enraciner dans une Histoire r�elle, objective. Dialectique du principe de plaisir et de r�alit�. Les peuples ont g�n�ralement respect� cette double exigence, certains ont essay� de s�en passer, au nom m�me de la la�cit�. Car, a priori, la la�cit� n�a rien � faire de l�Histoire, ne se veut-elle pas a-historique, a -diachronique�? Les juifs ont-ils int�r�t � jouer la carte de la la�cit� � fond�? Le doivent-ils et, de toute fa�on, le peuvent-ils�? La la�cit� � la fran�aise n�est pas apparue dans une situation d��migration, mais s�est content� de g�rer des clivages existant au sein de la soci�t� fran�aise, entre communaut�s participant depuis des si�cles d�une m�me civilisation. L�afflux de nouvelles populations a chang� les donn�es du probl�me, alors que par ailleurs �tait maintenu, envers et contre tout, le mod�le la�que, pourtant de moins en moins appropri�. Ces populations, issues de civilisations ayant une autre culturalit� que la fran�aise, avaient beau appartenir aux ensembles religieux existant en France, le probl�me n�en restait pas moins pos� car un juif allemand, par exemple, n�est pas un juif alsacien, ils n�ont pas l�un et l�autre les m�mes attaches avec la France et ce, quand bien m�me, parleraient-ils, peu ou prou, une m�me langue germanique. Quant aux �migr�s d�origine musulmane, elles n�avaient m�me pas l�alibi de rejoindre une communaut� d�j� enracin�e en France et c�est d�ailleurs en cela que se distinguent communaut� juive et communaut� musulmanes en France. Mais ce, � une condition qui ne semble plus �tre remplie, � savoir la reconnaissance par les juifs issus de l�immigration r�cente, de l�existence de juifs de souche fran�aise. Et c�est en cela que nous parlons d�une mauvaise conscience de la communaut� franco-juive contemporaine car contrairement � ce que d�clare P. A. Taguieff, l��migration, cela s�h�rite, cela ne dispara�t pas n�cessairement d�une g�n�ration � l�autre, � moins de ne vouloir s�en tenir qu�au seul niveau juridique. Le probl�me isra�lienA la mauvaise conscience des juifs de France les uns par rapport aux autres, � cette diabolisation intra-communautaire, dont le CERIJ a r�cemment fait les frais, vient s�ajouter la question d�Isra�l qui fragilise la communaut� juive de France par rapport � la communaut� des �migr�s � et issus de l��migration � musulmans en France. Supposons un instant � puisque nous sommes sous le signe de l�Utopie � que l�Etat d�Isra�l n�existe pas, mais qu�il y ait � puisque cela n�a rien � voir � cette communaut� musulmane, quelle serait la nature des relations entre les deux communaut�s�? Eh bien, nous n�aurions pas � subir, en tant que juifs, les le�ons de morale un peu faciles de la part des musulmans. Nous n�aurions peut �tre pas, pour parler cr�ment, dilapid� le capital moral li� � la Shoah. La dialectique entre juifs et musulmans n�est pas n�e d�hier et pr�c�de de beaucoup les effets du mouvement sioniste contemporain. Nous savons pertinemment que la place des juifs en France n�est pas du m�me ordre que celle des musulmans, leur pr�sence dans l�intelligentsia fran�aise ne souffre pas la comparaison mais tout cela est minimis�, relativis�, occult� par le conflit isra�lo-arabe qui a fait des musulmans des victimes et cela quand bien m�me ceux qui vivent en France n�ont g�n�ralement pas de lien direct avec ceux qui sont marqu�s par la Palestine. Qui contestera que les �v�nements du Proche Orient n�ont pas �enrichi� la jud�ophobie (pour reprendre l�expression de P. A. Taguieff, La nouvelle jud�ophobie) � terme qui convient mieux que celui d�antis�mitisme quand il s�agit des relations jud�o-arabes � musulmane traditionnelle. Contrairement � ce que l�on a pu croire, � certaines �poques, l��existence de l�Etat d�Isra�l ne renforce pas ou en tout cas plus vraiment la situation des Juifs en France et cela est vrai depuis plus de vingt ans avec ce qui s��tait pass� rue Copernic et rue des Rosiers. La communaut� franco-musulmane a pris ainsi de l�ascendant sur une communaut� juive mal dans sa peau, parce que les valeurs isra�liennes ne sont pas celles de la �culturalit� fran�aise, � quoi viennent s�ajouter les s�quelles de la Guerre d�Alg�rie qui, �galement, lui conf�rent quelque l�gitime �droit� � faire des remontrances. Le malaise religieuxEt quant au rapport des juifs au religieux, il nous place aussi en porte � faux avec la communaut� musulmane, souvent choqu�e, elle qui respecte le ramadan, de voir tant de ceux qui se disent juifs ne pas pratiquer selon les r�gles de leur propre religions. Or, le respect mutuel jud�o-musulman tenait en grande partie � cette fid�lit� des uns et des autres � leurs religions respectives. Tant et si bien que l� encore, les juifs de France ont mauvaise conscience et tout particuli�rement ceux qui se d�clarent �juifs la�ques� Qu�est ce qui se passe quand un juif mange du porc devant un musulman qui sait qu�il est juif�? Est-ce qu�aujourd�hui, le juif a une explication sinon encore une fois celle de la la�cit� comme si la la�cit� dispensait de toute pratique, comme si les juifs la�cs �taient �plus royalistes que le roi� et en faisaient plus � ou moins � que ce qu�on leur demandait�? . Cette la�cisation du juda�sme ne semble pas, au bout du compte, favoriser la compr�hension mutuelle entre juifs et musulmans et renforce l�id�e des musulmans selon laquelle les juifs se situent avant tout par rapport � Isra�l, dont ils sont la �diaspora�, comme ces derniers le d�clarent, eux-m�mes, sans en assumer pour autant toutes les implications. De toute fa�on, cette la�cit� dont certains juifs se revendiquent, comment est-elle compatible avec l�affirmation m�me selon laquelle il existe des Juifs la�cs qui se proclament, urbi et orbi, comme tels ? L� encore, on a l�impression d�une langue de bois, d�une mauvaise foi, d�une sorte de schizophr�nie qui n�est pas faite pour rendre moins confuse l�image du juif dans la soci�t� fran�aise en g�n�rale et face � la communaut� franco-musulmane en particulier.. Nouvelle donne du dialogue jud�o-islamiqueDemain, on peut imaginer une soci�t� fran�aise organis�e autour d�axes religieux mais ceux-ci ne seraient sp�cifiquement fran�ais qu�� condition de s�articuler autour d�une historicit� proprement fran�aise. D�o� l�id�e d�un double pouvoir, d�un pouvoir bic�phale et ce pour chaque communaut�, un pouvoir spirituel et un pouvoir temporel. Tr�s longtemps, le religieux impliquait l�un et l�autre pouvoir, et on peut dire qu�en perdant sa dimension temporelle qu�il a en quelque sorte appauvri le contenu m�me de la la�cit� laquelle s�est calqu�e sur le religieux. Au moment o� la la�cit� a transpos� la structure religieuse, la monarchie fran�aise �tait en crise et par cons�quent toute la dimension historique fut �vacu�e. Et c�est cette dimension que nous souhaitons voire r�int�gr�e. La communaut� juive de France a les moyens d�affirmer son rapport � l�Histoire et on le comprendra d�autant mieux si on sa compare sa situation avec celle de la communaut� musulmane dont les liens historiques avec la France sont plus pr�caires et marqu�es au seul sceau de l��migration, ce qui n�est pas le cas de la communaut� juive de France.. Mais cette communaut� juive fait tout, en apparence, pour brader ses privil�ges, pour se situer au m�me niveau que la communaut� musulmane de France, pour n�appara�tre que comme le r�sultat d�une �migration �galement r�cente. Dans le dialogue intra-communautaire, au sein de la communaut� juive de France, il y a deux grands axes, le religieux et l�historique. Et il se trouve que les juifs la�cs de France ne rel�vent ni de l�un ni de l�autre, ils ne pratiquent pas et ils sont, dans leur tr�s large majorit�, issus de l�immigration, ce qui fait qu�ils n�ont m�me pas de vraie l�gitimit� � se poser en tant que communaut� sinon par extension, en s�arrogeant les acquis des juifs pratiquants et des juifs de souche fran�aise. En contrebande, en quelque sorte, donc dans la mauvaise conscience. Ce faisant, ces franco-juifs la�ques issus de l�immigration se situent sur le m�me pied que les franco-musulmans religieux mais sans pouvoir justifier d�une dimension religieuse qui justifierait leur existence comme entit� � part. Car, paradoxalement, dans la soci�t� la�que fran�aise, seule l�appartenance religieuse est tol�r�e�; on admet que des personnes pratiquant un m�me culte se r�unissent. Qu�est-ce que la jud�it� des Franco-Juifs La�cs�?En r�alit�, on peut se demander ce que sont ces FJL. Ils ne sont pas juifs, au sens d�une pratique religieuse mais ils ne sont pas la�cs puisqu�ils se d�marquent en tant que groupe sp�cifique ayant ses structures et ses lieux de r�union. Sont-ils m�me fran�ais�? On peut en douter dans la mesure o� leur caract�re �juif� ne correspond en fait qu�� leur pays d�origine. Ce qu�ils appellent �juive�, c�est en fait leur culture polonaise ou tunisienne et la preuve en est que derri�re des appellations comme juifs progressistes ou juifs la�cs, se r�unissent des juifs de m�me origine culturelle, mais qui ne se l�avouent pas. D�o� � nouveau cette mauvaise conscience, dans tous les sens du terme, puisque c�est aussi une conscience juive qui se heurte � tout un ensemble de blocages et de refoulements, de non dits et de fa�ons de donner le change, au fond, il y a l� un comportement de camouflage qui n�est pas sans �voquer un marranisme ou un sabbatianisme (Sabbata� Zevi) La mauvaise conscience des juifs d�Alg�rieLors d�un entretien avec Shmuel Trigano, � l�occasion d�un d�bat aux Bnei Brith, celui-ci nous a confi� que toute pr�sentation des juifs sous la forme d�une communaut� pourrait contribuer � leur d�-nationalisation, � leur assimilation � une population �trang�re, � l�instar des musulmans. Nous lui avons expliqu� que le fait de parler de plusieurs communaut�s, la juive, la catholique, la protestante, l�islamique, ne signifiait nullement qu�elles avaient la m�me histoire, le m�me rapport � la France, voire le m�me statut, ne serait-ce qu�en raison de leur nombre. Il para�trait que le terme de communaut� appartiendrait au langage de l�antijuda�sme: dire que les juifs forment une communaut� serait pol�mique et correspondrait � des arri�re-pens�es suspectes. On pourrait parler d�une nouvelle forme d�anti-antis�mitisme! A partir de l�, nous sommes en pleine schizophr�nie, en plein marranisme: les juifs se r�unissent pour affirmer qu�ils ne constituent pas une communaut�. La derni�re trouvaille en date serait de dire que les juifs se retrouvent dans des associations Loi de 1901, qui sont un cadre accept� par la R�publique la�que, ce qui ne serait pas le cas du concept de communaut�. Le Consistoire (ACI) n�est-il pas en effet une association de ce type avec assembl�e g�n�rale et conseil d�administration ? Tension entre un juridisme frileux et une r�alit� sociologique et politique flagrante que l�on retrouve d�ailleurs, en plus d�une occasion. Shmuel Trigano nous explique ainsi que juif originaire d�Alg�rie, sa famille est de nationalit� fran�aise depuis le d�cret Cr�mieux de 1870, ce qui signifie, selon lui, que ces juifs l� ne sont pas des immigr�s. On voit bien que le mot immigr� devient un tabou et ce d�autant plus qu�il rapproche des musulmans! Trigano de nous expliquer que lorsque sa famille a du venir en m�tropole, il s�est simplement agi d�un d�placement g�ographique d�un d�partement fran�ais vers un autre, oubliant de pr�ciser qu�il s�est quand m�me agi d�un exode et non d�un choix individuel et que par ailleurs, nationalit� fran�aise ou pas, les juifs d�Alg�rie n�avaient pas avec les colons fran�ais le m�me type de relation que les juifs de m�tropole avec leur environnement. Juridisme qui r�soudrait tous les probl�mes, qui r�pondrait � toutes les questions et qui prot�gerait, le cas �ch�ant, les juifs des attaques des autres communaut�s, par la force de la Loi. Un juridisme qui s�allie au la�cisme pour poser une chape de plomb sur le dialogue intercommunautaire qui est vigoureusement refus�. Autrement dit, il faudrait � tout prix �viter toute discussion de communaut� � communaut� et il semble bien que dans ce refus il y ait un rejet de l�arabe, et ce tout particuli�rement de la part de ces juifs alg�riens qui �taient tout fiers d��tre citoyens fran�ais, ce que n��taient pas les arabes. Ces juifs alg�riens furieux de voir d�sormais les arabes devenir eux aussi citoyens fran�ais ! Bien mal acquis ne profite jamais, dit l�adage. On dirait que certains juifs se sentent coupables d�avoir acquis cette nationalit� fran�aise un peu en contrebande. Shmuel Trigano qui insistait sur le fait que le juda�sme fran�ais existait depuis deux si�cles, ce qui n��tait nullement le cas de la communaut� musulmane en France. Nous lui f�mes remarquer que le juda�sme fran�ais n�avait pas attendu la R�volution Fran�ais pour exister et qu�il avait simplement modifi� son statut, les d�bats entre juifs alsaciens et bordelais en t�moignent. Etait-ce l� une volont� de r�duire le foss� entre juifs de souche fran�aise, pr�sents en France depuis des si�cles avant l�Emancipation et ces juifs immigr�s, issus d�un autre monde, islamique dans le cas des juifs d�Alg�rie, et que la France chercha � annexer par le truchement d�une Loi, quarante ans � peine apr�s la conqu�te du pays? Volont� de laisser entendre que les juifs fran�ais les plus anciens auraient �migr� en France il y a deux cents ans, ce qui mettrait tout le monde sur le m�me pied, � quelques d�cennies pr�s! Il y a l� du r�glement de compte intra-communautaire qui fausse les analyses historiques et sociologiques. Pour un dialogue jud�o-chr�tienAu fond, la communaut� juive risque fort de se trouver coup�e en deux, avec des soci�t�s � deux vitesses�: d�un c�t�, une population juive issue de l�immigration � tant ashk�naze que s�farade � qui partage avec la communaut� franco-musulmane une culturalit� li�e � un laborieux processus d�int�gration, qui, par ailleurs, tend � �pouser des querelles �trang�res, comme dans le cas isra�lo-arabe mais qui finalement se r�fugie frileusement dans le giron de la la�cit� � la fran�aise.. De l�autre, une population juive qui affirme son identit� religieuse face � la Chr�tient� et qui revendique une ancestralit�, une permanence fran�aises, au m�me titre que la communaut� franco-chr�tienne. Le probl�me, on l�a dit, c�est que la soci�t� fran�aise est en crise de repr�sentation de sa dimension historique, du fait m�me de son rejet de la royaut�, de cet axe historique qui fait que le christianisme fran�ais n�est pas celui de l�Espagne ou de l�Allemagne. Ces questions l� ne sont nullement d�pass�es par la construction de l�Union Europ�enne, elles deviennent, au contraire, plus aigu�s que jamais car c�est bien dans ce champ du symbolique, de l�historique et du religieux que se perp�tueront les identit�s nationale et non pas dans le champ �conomique voire politique. On ne peut donc que souhaiter un certain regain du royalisme fran�ais dont la crise rejaillit sur la situation de la communaut� franco-juive. La France n�est pas un lieu d�identification sauvage, o� chacun d�ciderait non seulement de son pr�sent mais de son pass�, l�appropriation identitaire y a ses limites. La France a aussi un h�ritage � assumer et elle doit le faire non pas dans le fantasme d�une citoyennet� d�emprunt mais selon la r�alit� g�n�alogique. Ce renouveau de la repr�sentativit� temporelle � c�t� de la spirituelle passe par l�acceptation d�un d�coupage diachronique et non pas seulement synchronique. La communaut� juive n�est pas uniquement divis�e entre ashk�nazes et s�farades, avec d�ailleurs le risque de confusion entre le juda�sme hispanophone et le juda�sme arabophone, elle l�est aussi dans ses strates temporelles, dans ses migrations successives. Et si le religieux est le noyau dur de l�identit� juive au niveau spirituel avec � sa t�te le grand rabbin de France, il est un autre noyau dur qui passe par le temporel et qui impliquerait aussi une repr�sentation. On nous dira que cette dualit� est d�j� assum�e par le rapport Consistoire/CRIF (Conseil repr�sentatif des institutions juives de France) mais nous pensons que le CRIF a perdu sa signification au sein d�une v�ritable polarit�. A l�origine, c�est � dire dans les ann�es Quarante, le CRIF �tait un lieu d�accueil des juifs immigr�s, ainsi associ�s aux juifs de souche fran�aise mais peu � peu il a perdu cette vocation et le clivage immigr�/non immigr� a �t� refoul� si bien qu�� la t�te du CRIF n�est pas �lu une personne incarnant la continuit� de la pr�sence juive en France mais simplement une personne repr�sentant la communaut� juive de France, ce qui n�est pas, symboliquement, la m�me chose. C�est dans ces conditions d�un r��quilibrage entre synchronique et diachronique, que la communaut� juive de France pourra occuper tout le terrain qui lui est assign�, qu�elle r��valuera son rapport avec la communaut� franco-islamique. Il est temps, en effet, d�affirmer une sorte de gallicanisme juif, assumant pleinement son histoire en France, au travers des descendants de ceux qui en furent les t�moins. Il n�est nullement question de repousser les juifs issus de l�immigration mais il s�agit d�affirmer que ceux-ci ne sont pas les mieux plac�s pour repr�senter les int�r�ts de la communaut� juive de France. En outre, il ne faudrait pas que le processus d�int�gration de ces juifs issus de l�immigration s�interrompe sous pr�texte que le probl�me n�existe pas, qu�il est d�j� r�solu. Ce n�est pas en refoulant le probl�me qu�on parvient � sa solution car on voit bien � quel point il ressort par toutes sortes de biais, sans s�avouer comme tel. Le dialogue jud�o-musulman doit donc �tre repens� autour des axes suivants�: � une communaut� juive qui revendique une pr�sence ancienne en France et dont la dimension d�immigration n�est qu�une dimension seconde. � une communaut� juive qui assume son caract�re religieux mais qui situe celui-ci dans la double dimension, spirituelle et temporelle. � une communaut� juive qui ne se focalise pas sur la question d�Isra�l, qui consid�re que les juifs ont � r�soudre la question de leur pr�sence l� o� ils se trouvent, sans qu�il y ait de centralit� au niveau mondial. Si les juifs des pays arabes, priv�s de leur ancestralit�, sont plus concern�s par le probl�me d�Isra�l, libre � eux d�aller s�y installer, comme le sugg�re Shmuel Trigano, consid�rant qu�ils incarnent une vraie l�gitimit� de la pr�sence juive dans la r�gion. Rappelons le jugement de Salomon�: la m�re qui a perdu son enfant est pr�te � sacrifier l�enfant qui reste. Que les juifs de France ou d�ailleurs qui ont perdu, � tort ou � raison, l�espoir d�assumer la permanence de la jud�it� dans leur pays d�origine, n�en arrivent pas � chercher � priver le juda�sme fran�ais de cette chance de pouvoir vivre pleinement la continuit� de son Histoire. Est-ce l� trop demander�? Le juif et l��trangerUn des amalgames les plus redoutables dont la communaut� juive est � souffrir et qui rel�ve d�une nouvelle sorte d�antis�mitisme assez perverse, consiste � assimiler les juifs � des �trangers. C�est avec un malin plaisir que des personnes �trang�res insistent finement sur le fait que les juifs, aussi, sont des �trangers, comme si les juifs �taient une br�che, un maillon faible permettant de p�n�trer la soci�t� fran�aise. Et il est tr�s difficile de leur faire comprendre que les choses ne sont pas si simples et que si nombre de juifs sont des immigr�s, la pr�sence juive en France n�en est pas moins d�un autre ordre, � savoir d�une certaine alt�rit� qui n�est pas r�ductible � cette �tranget� propre � celui qui vient d�ailleurs et ne ma�trise les codes fran�ais qu�approximativement. Dans le dialogue jud�o-musulman, il est imp�ratif de mettre les points sur les i�: les juifs sont certes des Fran�ais d�un autre type, qui pr�servent leur diff�rence mais pas � la fa�on ni avec le statut propres aux �trangers mais plut�t dans le cadre d�une dualit� n�cessaire � toute culture. L��tranger, et notamment le musulman, sent intuitivement que�; quelque part, le fran�ais juif est plus proche de lui que le fran�ais chr�tien. Et c�est pr�cis�ment � ce jeu que la communaut� juive de France doit se refuser et elle n�y parviendra qu�au prix d�un travail de communication dont nous avons ici esquiss� les grandes lignes. Racisme, vous avez dit racisme�?Est-ce qu�enfin le fait de vouloir consid�rer une certaine profondeur g�n�alogique d�une partie du juda�sme fran�ais, minoritaire, par rapport � une partie majoritaire, rel�verait, de notre part, du racisme ordinaire�? Il s�agirait l� d�une r�action caract�ristique propre � un la�cisme mal compris. A partir du moment o� la communaut� juive d�clare, par toutes sortes de voies, qu�elle existe en tant que telle, on voit mal comment on pourrait nous interdire d�en signaler la diversit� tant synchronique que diachronique. Est-ce que, au demeurant, le fait, pour un fran�ais catholique, d�avoir des opinions royalistes rel�ve du racisme sous pr�texte que tout le monde ne peut pr�tendre acc�der au tr�ne des lys�? Toute communaut� religieuse a le droit de s�organiser comme elle l�entend, selon ses valeurs, son histoire. Les juifs, dans le pass�, ont eu leurs exilarques. Le fait, de la part de certains juifs dont nous sommes, de soutenir, dans la perspective de l�organisation de la communaut� juive de France, que les juifs de souche fran�aise ont des droits � mettre en avant en ce qui concerne la repr�sentation �temporelle� de la communaut� juive de France, est-ce l� du racisme, au regard de la la�cit� fran�aise�? S�il faut un proc�s pour le d�cider, eh bien pourquoi pas�? En attendant, traiter abusivement autrui de raciste rel�ve, jusqu�� nouvel ordre, de la diffamation. En ce qui nous concerne, la cohabitation entre communaut�s religieuses, tant dans le domaine du spirituel que du temporel, au sens o� nous l�entendons, suppose la reconnaissance de certaines diff�rences au niveau du collectif, tant sur le plan intercommunautaire qu�intracommunautaire, et si la la�cit� actuelle, dans sa formulation juridique, ne le permettait pas, il faudrait alors qu�elle �volu�t en cons�quence car dans son �tat actuel, elle d�veloppe, nous semble-t-il des situations pathog�nes fort peu propices, en d�pit des apparences, � une saine politique de gestion de l�immigration, dans le long terme. Jacques Halbronn, texte revu et corrig� le 24 mars 2002 � � � � BibliographieJ. Halbronn. Le sionisme et ses avatars au tournant du Xxe si�cle, 69320 Feyzin, Ramkat, 2002 J. Halbronn, ��L'antis�mitisme et ses tabous��, La voix de la communaut�, Feyzin (69320), avril 2002. J. Halbronn, ��Juda�sme et la�cit�. Les pi�ges de la repr�sentation��, Hommes & faits. Site�: faculte-anthropologie. Fr et sur le site Communaut� on line, www. col. fr J. Halbronn, ��Psychanalyse de l��tranger��, Hommes & faits. Site�: faculte-anthropologie. fr J. Halbronn, ��Etre juif, les trois voies��, Hommes & faits. Site�: faculte-anthropologie. fr J. Halbronn ��Les juifs, gardiens du temps��, Hommes & faits. Site�: faculte-anthropologie. fr J. Halbronn, ��La probl�matique identitaire chez les juifs fran�ais�� in Hier, juifs, progressistes, aujourd�hui juifs....�? Quelle identit� juive construire�? Actes du Colloque de f�vrier 1995, Paris, Amis de la CCE, 1996 Cahiers du CERIJ, num�ro sur �Le retour�, Paris, 2002. | |||||
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