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La strat�gie de Gribouille
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Jacques Halbronn

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Compte-rendu du Colloque ��Le Sionisme face � ses d�tracteurs��, tenu � Paris, le 13 octobre 2002

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On aurait souhait� que les intervenants accordent un peu mieux leurs violons en vue de cette journ�e suppos�e fournir des arguments contre les d�tracteurs du sionisme. Chacun y est all� de son petit couplet et il n�y a pas eu de d�bat entre les orateurs���ce qui �tait probablement prioritaire���mais seulement avec la salle.

Entre ceux qui affirmaient, comme Jacques Tarn�ro, oubliant la D�claration Balfour, que le sionisme trouvait sa l�gitimit� en tant que compensation de la Shoah et ceux qui rappelaient, comme Georges Bensoussan, que l�id�e sioniste �tait beaucoup plus ancienne et remontait bien avant Herzl ou avec Paul Giniewski qu�elle se retrouvait dans les milieux chr�tiens des si�cles pass�s ou encore qu�elle avait �t� approuv�e par une partie du monde arabe d�s le d�but du XXe si�cle, que d�accords discordants�! Comme si chacun piquait dans l�Histoire juive ce qui lui �tait utile.

Entre ceux qui consid�raient, comme Alain Finkielkraut, que refuser Isra�l, c��tait ipso facto nier aux Juifs le statut de peuple et Daniel Sibony qui, voulant �lever le d�bat, pla�ait le conflit palestinien au niveau d� une rivalit� s�culaire entre juda�sme et Islam, on �tait dans une sorte de surench�re sinon de foire aux ench�res.

Certes, des �l�ments historiques furent fournis mais point de philosophie de l�Histoire, de mod�le historique � poser en ce qui concerne le peuple juif � est-ce vraiment un peuple comme les autres�? Il semble que l�on se soit content� de retourner certains arguments ou d�instrumentaliser certains discours de l�autre plut�t que de se d�finir�!

On a certes fait le constat ou cru devoir le faire que le ��b�n�fice�� de la Shoah n�existait plus gu�re et que les juifs, comme le note justement Sibony, vont devoir se trouver une autre l�gitimit� � leurs demandes et attentes que celle de victimes car cela ne marche plus. En fait, on aurait pu dire que la confusion entre antis�mitisme et antisionisme montrait l��chec du projet sioniste comme solution de la question juive puisque, bien au contraire, le dit �tat Juif, voulu par Herzl, est devenu le centre de gravit� de tout ce qui est projet� sur le Juif et � terme pourrait aggraver la dite question juive, en diaspora..

Si sionisme et juda�sme vont d�sormais de pair tout comme antisionisme et antijuda�sme, il eut convenu de r�fl�chir sur la situation de la communaut� juive en France, notamment dans ses rapports avec la communaut� musulmane���et sur sa l�gitimit� et l�on sait que l� encore les discours sont multiples et les arguments vari�s. Quelle l�gitimit� pour cette communaut� musulmane en France�? Il y a selon nous mati�re � contre-attaque. Une communaut� musulmane uniquement issue de l�immigration/�migration qui n�a cess� de se d�velopper et ce, cette fois, sans aucun cadre juridique sp�cifique � la diff�rence de la pr�sence juive en Palestine, fond�e sur le droit international (Soci�t� des Nations, ONU). alors que, par exemple, la communaut� juive d�Alg�rie est en France�; par exemple, au nom du rapatriement des citoyens fran�ais.

Contrairement � ce que soutient un Shmuel Trigano, la l�gitimit� d�Isra�l n�est pas li�e au fait que les juifs seraient un peuple comme les autres, au sens du XIXe si�cle. Parler avec les d�tracteurs, c�est aussi se mettre, peu ou prou, � leur place, ce qui ne signifie pas adopter leurs th�ses�: il aurait convenu de parler du pan-juda�sme d�un Herzl qui, par certains c�t�s, est encore plus inqui�tant que le pangermanisme ou le panarabisme. Ces deux mouvements sont de nature expansionniste, c�est � dire que leurs exigences consistent � revendiquer un espace suppl�mentaire, dans la continuit� de celui qui leur est d�j� imparti. En revanche, avec le pan-juda�sme, il ne s�agit pas, du moins avant 1967, de revendiquer plus d�espace mais d�affirmer une l�gitimit� non plus dans l�espace mais dans le temps�: une l�gitimit� diachronique en quelque sorte. Un des orateurs au Colloque a m�me d�velopp� l�image d�une maison hant�e pour parler d�Isra�l et de ceux qui au cours des �ges auraient eu l�imprudence de s�y installer. Apr�s 1967, on serait pass�, selon nous, � un nouveau stade avec cette fois la conqu�te de la Cisjordanie, retrouvant d�s lors une forme plus classique d'expansionnisme.

Il ne semble pas qu�au cours du Colloque on ait tent� de distinguer trois �tapes bien distinctes, 1917, 1947 et 1967. Si l�on prend 1967, il est clair que le conflit actuel est li� aux retomb�es de la Guerre des Six Jours avec l�occupation de cette Cisjordanie pass�e sous contr�le arabe, dans l�esprit sinon dans la lettre de la r�solution de l�ONU de novembre 1947 annon�ant la cr�ation en Palestine Occidentale d�un �tat Juif et d�un �tat arabe.

Ainsi, ce Colloque ��Le sionisme face � ses d�tracteurs�� remonte au D�luge et � aucun moment ne s�est arr�t� sur la situation existante depuis 35 ans. On voudrait nous faire croire que les Intifadas remettent en question le sionisme et non pas seulement la pr�sence isra�lienne en Cisjordanie.

Cela dit, force est de constater que cette fameuse r�solution de novembre 1947 n�est pas sans faire probl�me en ce qu�elle ne respecte pas les engagements pris � l��gard des juifs � la fin du premier conflit mondial et dans les ann�es qui suivirent. Il faudrait en effet insister sur l�inacceptabilit� d�un partage de la Palestine, qui ne se con�oit qu�� l�aune des accords de Munich de 1938. En effet, c�est � la m�me �poque que l�id�e de partage de la Palestine vit le jour, le panarabisme faisant ainsi �cho au pangermanisme et revendiquant le contr�le de territoires palestiniens � l�ouest du Jourdain, � forte d�mographie arabe. Ce partage �tait d�autant moins l�gitime que cette Palestine �tait cens�e accueillir des populations juives � venir et ne pouvait donc se mettre en place sur la base de la situation provisoire existante. Et c�est d�ailleurs en cela que le fait de laisser affirmer que les Juifs sont un peuple comme les autres est un pi�ge car c�est ipso facto leur nier des droits sp�cifiques, li�s � leur situation historique et ce bien avant la Shoah�: ce serait ignorer que cette exception juive n�a pas attendu la Shoah pour �tre per�ue comme telle tant par les juifs que par les autres.

S�il n� y avait pas eu 1947, il n�y aurait pas eu 1967 et s�il n�y avait pas eu 1967, on n�en serait pas l�. Pour nous, r�pondre aux d�tracteurs du sionisme, c�est d�montrer l�aberration de la d�cision de l�ONU de 1947, c�est exiger d�en revenir au cadre d�termin� en 1922 par la Soci�t� des Nations, reprenant la D�claration Balfour de 1917. La d�cision de 1947 de d�couper un si petit espace est une solution b�tarde et 1967 a r�tabli ce qui avait �t� promis aux Juifs trente ans plus t�t. On dira que 1917 est la th�se, 1947 l�antith�se et 1967 la synth�se et c�est cette synth�se qui doit �tre d�fendue.

Ce Colloque aura en fait �t� l�occasion d�un douteux repli strat�gique�: on ne se bat pas pour affirmer les droits sionistes sur la Cisjordanie, ce qui est somme toute l�objet du vrai d�bat actuel, mais pour l�gitimer la pr�sence juive au Moyen Orient comme si celle-ci �tait s�rieusement remis en cause�! Ce faisant, un tel colloque nous semble prendre un risque consid�rable, apportant de l�eau au moulin des antisionistes les plus radicaux et m�langeant ceux-ci avec les arabes qui veulent simplement le respect des d�cisions de 1947. En fait, on veut faire croire, par un �trange amalgame, que, pour les Arabes, revendiquer la Cisjordanie, c�est remettre en question la l�gitimit� de l��tat d�Isra�l.

Le probl�me, c�est que nous ignorons au bout du compte au nom de quelle strat�gie un tel Colloque s�est mis en place car ce colloque a bien lieu dans un temps bien d�fini qui est celui des n�gociations concernant le sort de la Cisjordanie, ce n�est pas une rencontre intemporelle. Nous ne pensons pas qu�un tel Colloque soit ��bon�� pour l��tat d�Isra�l�; � vouloir poser certaines questions dites de fond, on remet en question un fait accompli et peu ou prou reconnu par la communaut� internationale, celui de l�existence d�un Etat h�breu, sioniste�: � quel jeu joue-t-on�? Comme dit l�adage�: garde de moi de mes amis (ici, les juifs), de mes ennemis (ici, les arabes) je me garde. Malheur � un �tat qui a de tels avocats qui, pour se faire valoir, conduisent � la condamnation de leur client et rouvrent des dossiers qu�on ne leur avait pas demand� de reprendre�!.

Un Colloque au demeurant assez surr�aliste, marqu� par la confusion et une attitude que nous qualifierons d�irresponsable, � la strat�gie embrouill�e et qui n�aura certainement pas conduit au ��r�armement moral�� voulu par son animateur, Shmuel Trigano. Politique de gribouille�: une bien pi�tre arm�e, mal pr�par�e, �voluant en d�sordre, dans la cacophonie, pour d�fendre le sionisme face � ses d�tracteurs, o� l�on distribue des verges pour se faire fouetter. Et, comme on l�a remarqu�, face � un ennemi sinon imaginaire du moins absent���pas d�intervenants arabes/musulmans���et auquel on r�plique l� o� il ne vous interpelle m�me pas, ne faisant finalement que projeter ses doutes sur l�autre. Car ce qui ressort au bout du compte d�un tel Colloque, organis� dans le cadre de l�Alliance Isra�lite Universelle, fond�e en 1860, c�est bien, paradoxalement, que ces intellectuels juifs ne supportent pas l�id�e qu�Isra�l ait transform� les victimes en bourreaux et quelque par ils se vengent inconsciemment sur Isra�l tout en pr�tendant vouloir l�aider. Ce Colloque, au fond, exprime ce d�sarroi d�une communaut� juive fran�aise en train de perdre ses rep�res, confront�e au regard inquisiteur des musulmans de France. Ce n�est pas tant Isra�l qui est en crise, en ce qu�il assume ce qu�il fait mais bien le juda�sme fran�ais et d�ailleurs, comme un orateur l�a rappel�, attaquer Isra�l serait contester jusqu�� la l�gitimit� m�me des juifs dans le monde. Et de fait, c�est peut �tre bien de cela qu�il s�agit et c�est la question que pos�rent les nazis avant d�opter pour la ��solution finale��, reprenant ironiquement la formule de Hezrl en sous-titre de son �tat Juif de 1896 �: des juifs pour quoi faire�? On le sait tr�s bien, en effet�: l��tat d�Isra�l est un fait et un �tat n�a pas � l�gitimer ses citoyens. Mais cette double all�geance des juifs de France, citoyens fran�ais, du fait m�me qu�ils se veulent d�fenseurs du sionisme, ne fait-elle pas le jeu non plus des antisionistes mais des antis�mites�?. C�est ce que l�on appelle tomber de Charybde en Scylla�

Jacques Halbronn, le 14.10.02

Auteur du Sionisme et ses avatars au tournant du XXe si�cle, Ed. Ramkat, 2002

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