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Les Juifs entre Chr�tient� et Islam
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Jacques Halbronn

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En �cho � l�ouvrage de Claude-Rapha�l Samama, D�veloppement mondial et culturalit�s. Essai d�arch�ologie et de prospective �co-culturales. Paris, Maisonneuve & Larose, 2001.

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Depuis la fin du XIXe si�cle, le Christianisme et l�Islam ont chacun un probl�me avec les Juifs, de nature, il est vrai, bien diff�rente. Chacun, � sa fa�on, a r�v� de les faire dispara�tre, sans vraiment y parvenir, de la Shoah � l�Intifada.

Pour les musulmans, ce qui est insupportable, ce n�est pas l�existence d�un Etat Juif enclav� dans le monde arabe, prix jug� exorbitant de l�aide des Britanniques � leur lib�ration du joug ottoman.(cf. notre article sur l�Histoire du partage de la Palestine, sur ce site), c�est la violence collective des Isra�liens.

Pour les chr�tiens, ce qui est insupportable, ce n�est pas la pr�sence minoritaire des juifs parmi eux, c�est le g�nie individuel de certains juifs.

Deux r�alit�s impr�visibles, il y a encore deux si�cles, l�une comme l�autre et qui hantent ces deux civilisations jusqu�� la folie..

De fait, il n�y a plus un peuple juif mais deux, aux manifestations si diff�rentes et cela constitue un double d�fi que le XXIe si�cle devra apprendre � g�rer.

La violence isra�lienne

Ce qui se passe en Palestine/Isra�l est cauchemardesque pour la culture musulmane qui n�aurait jamais imagin� que les Juifs en arriveraient l�, en terme de puissance, en terme de violence.

Mais si ce qui se passe est insoutenable, c�est bien parce que les musulmans idol�trent la force qui est toujours un don d�Allah. Et que les Isra�liens les battent � leur propre jeu, avec leurs propres valeurs.

Le r�ve des Arabes n�est nullement de d�truire les Juifs en tant qu�individus mais en tant qu�entit� �tatique, il est en fait de les r�duire � un �tat de faiblesse, de pr�carit�, dans un contexte bien diff�rent de celui qui leur est offert par le monde chr�tien ou post-chr�tien. On imagine pas un Einstein juif en pays musulman.

Comment les arabes nieraient l�importance qu�ils accordent � la force � ne se sont-ils pas soumis � celle des Turcs dont on a fini par se d�barrasser mais � la place a �merg�, en quelque sorte dans la continuit�, l�Etat Juif, un cadeau empoisonn� des Anglais dont, au d�part, les Arabes, n�imaginaient nullement ce qu�il en adviendrait et c�est pour cela qu�ils ne protest�rent gu�re, dans les ann�es Vingt�: cette entit� ne p�serait pas lourd et on en ferait ce qu�on voudrait. Et 1948, lors du refus du plan de partage de l�ONU par les Arabes, aurait fort bien pu �tre une sorte de r�plique de la Shoah, dont on venait � peine de faire le terrible bilan. Imaginons qu�en une m�me d�cennie, juifs du monde chr�tien et juifs du monde musulman aient �t� an�antis�!

La guerre est une valeur arabe, c�est par la guerre "sainte" que l�Islam s�est �tendu au Moyen Age sur toute une partie du monde. La guerre est donc l�instrument d�Allah. Et d�s lors pourquoi Allah donne-t-il la victoire aux Isra�liens�? On n�est pas loin d�un probl�me th�ologique... Chaque civilisation a les Juifs qu�elle m�rite�: le monde arabe a les Isra�liens, parlant une langue proche de l�arabe, un alphabet anciennement connu dans la r�gion bien avant l�arriv�e de l�Islam.. Comme ils doivent d�tester cet alphabet, cette langue cousine�!

Comme �crivait, il y a quarante ans, le sociologue Georges Friedmann, (Fin du peuple juif�?�; Id�es, Gallimard), si peu de temps pourtant apr�s la cr�ation de l�Etat H�breu, mais pouvant faire le bilan d�un juif d�j� form� par des d�cennies de pr�sence, sous le mandat, un juif d�un type nouveau �merge en Isra�l dont, selon nous, on ne per�oit la v�ritable dimension que de nos jours, quand on tente de d�coder ce qui s�est pass� depuis le diagnostic de Friedman. Et en fait, ce n�est pas tant un juif nouveau qui �merge qu�une communaut� juive nouvelle dont la structure n�a rien � voir avec celle des juifs au sein du monde chr�tien. C�est un nouveau collectif juif en dialectique avec l�autre tant il est vrai que toute r�alit� est double.

Peu nous importe ici si ce collectif isra�lien s�est�; � l�origine, forg� � partir de juifs issus du monde chr�tien et notamment orthodoxe. Ce qui compte, c�est ce qu�ils sont devenus dans ce contexte, face � un non juif musulman ou arabo-chr�tien. Les juifs isra�liens ne sont-ils pas en effet ce que les arabes en ont fait�? Comme nous le disions�: on a les Juifs que l�on m�rite..

On en arrive, en effet, � la conclusion, c�est qu�on ne voit pas pourquoi la situation changerait ou devrait changer�: juifs et arabes parlent, collectivement au travers de leurs chefs, une m�me langue, la force physique, celle qui passe par le feu et le sang. Dont acte. Nous n�avons pas � juger.

Le g�nie diasporique

Passons � l�autre p�le juif, � l�autre collectif � cette fois en terre chr�tienne � pour bien consolider notre parall�le et la th�se d�une double jud�it�, occidentale et orientale, d�un autre d�fi que les juifs ont su relever. L� encore, rien qui ait pu �tre pr�vu il y a deux cents ans.

L�Emancipation des juifs de 1791 en France, c�est un peu la D�claration Balfour anglaise de 1917 � on notera � l�intention des amateurs de kabbale, que ce sont les m�mes chiffres- et en ce sens on pourra dire, sch�matiquement, que la France a fait na�tre le nouveau juif en monde chr�tien et l�Angleterre le nouveau juif en monde islamique. Deux pays qui quelque part ont voulu lier leur Histoire � celle du destin juif.

Mais le d�fi, au lendemain de la R�volution n�avait rien � voir avec la cr�ation d�un Etat Juif et les juifs �taient simplement convi�s � participer modestement et individuellement � cette �pist�mologie de la modernit� qui allait de plus en plus �loignait monde chr�tien et monde musulman. C�est que les valeurs de l�Occident chr�tien passaient non pas, comme celle de l�Orient musulman, par la force mais par l�intelligence.

Le cauchemar du chr�tien sera, quant � lui, de voir ces juifs acqu�rir une place croissante au sein de l�intelligentsia chr�tienne, dans une civilisation qui idol�tre la performance individuelle du chercheur, du cr�ateur. Si peu de juifs, dont on parle trop et que les antis�mites se h�tent de rassembler sur le papier, en dressant des inventaires ou dans des camps dits de concentration.. Face aux valeurs du monde chr�tien, au sens w�b�rien, les juifs assurent et on ne voit pas vraiment que cela change � l�avenir. On a les Juifs que l�on m�rite et rien ne saurait mieux distinguer qu�Orient et Occident que le destin des communaut�s juives respectives�: rappelons que le monde arabe a fini par �vacuer � peu pr�s tous ces juifs, les polarisant, en partie, d�ailleurs, vers l�Etat Juif. Rien de tel pour le monde chr�tien, se prolongeant vers le continent am�ricain, lui-m�me, fortement chr�tien, et ce en d�pit des entreprises hitl�riennes ou staliniennes qui cess�rent il y a un demi si�cle.

Il semble bien que la logique du juda�sme en monde arabe soit la concentration au profit d�un Etat Juif L�viathan alors que la logique du juda�sme en monde chr�tien, soit la dispersion, la pr�sence individuelle en tout lieu o� quelque chose, artistiquement, intellectuellement, se passe. C�est ainsi que le Juif se fait v�ritablement respecter en Occident tout comme, il faut s�en faire une raison, il n�est respect� en Orient que par sa puissance concentr�e. On a les juifs que l�on m�rite.

Constatons ainsi que l�Etat Juif n�a jamais �t� un probl�me pour la Chr�tient�, il ne l�a jamais affront�, c�est devenu pour elle, apr�s les exaltations messianiques, un �piph�nom�ne, un nationalisme de plus.. Le vrai d�fi pour ce monde chr�tien, c�est l��mergence de nouveaux proph�tes qui s�affirment selon des valeurs que l�Occident a forg�es. A contrario, il ne faut pas s�attendre � ce que l�individu juif puisse s��panouir, par son g�nie, en Orient car l�id�e d�une pens�e intellectuellement r�volutionnaire est �trang�re � cette civilisation. On a les Juifs que l�on m�rite.

Juifs d�Orient, juifs d�Occident

C�est dire que la pr�sence musulmane en France pourrait faire probl�me, si les Musulmans n�adoptaient pas les valeurs de l�Occident. On a d�j� affaire � bien des interf�rences � commencer par l�identification, aux yeux des arabes sur le territoire fran�ais, des juifs d�Occident avec les juifs d�Orient (dans notre langage d�sormais, ceux d� Isra�l).

Il importe, p�dagogiquement, de bien expliquer ce qui distingue selon notre terminologie Juifs d�Orient et Juifs d�Occident, d�expliquer la diff�rence des valeurs et des enjeux. On peut, au demeurant �tre fier de l�une ou l�autre de ces appartenances car chacune offre un caract�re prom�th�en, qui recoupe quelque part, dans un cas comme dans l�autre, celle de peuple �lu.

Herzl avait compris, confus�ment, la n�cessit� de former un second p�le, le sionisme au bout du compte, c�est la mise en place de cet autre p�le. A chaque juif de se d�terminer par rapport � l�un ou l�autre de ces p�les, par rapport � un double espace. Car il y a besoin pour le monde juif d�une alternative.

On nous dira : mais la situation telle qu�elle est ne peut pas perdurer�! Qu�est-ce � dire que le monde doit cesser de rechercher l�excellence au niveau scientifique�? Ignore-t-on ce qu�a d�agressif et de cruel la rivalit� entre chercheurs�? Cette cruaut�, il nous faut l�assumer. Et quant � l�autre conflictualit�, qui est li� non pas au verbe mais � la force brute, apr�s tout, dirons-nous cyniquement, qu�elle n�habite plus le monde jud�o-chr�tien et qu�elle se cantonne dans le monde jud�o-arabe, comme un abc�s de fixation.. On a les d�fis que l�on m�rite.

Reste la question de la coexistence entre Orient et Occident�: ne risque-t-on pas que l�Orient soit soumis ind�finiment � l�Occident en mati�re technologique mais ne risque-t-on pas aussi, t�t ou tard, � ce que l�Occident ne puisse plus affronter les guerres sales et soit contraint de subir un certaine chantage, en tout cas une certaine pression�? Comment d�s lors ne pas voir que le pont entre Orient et Occident passe par les deux mondes juifs que nous avons d�crits�?

Si les Musulmans appartiennent fondamentalement � l�Orient, en revanche, on vient de le montrer, les Juifs sont des acteurs majeurs tant de l�Orient que de l�Occident. Les Juifs en Occident sont loin de n��tre qu�une minorit� parmi cent autres. Ce serait l� un grave contresens et que la Shoah ait au moins servi � en souligner la sp�cificit�.

Les musulmans vivant en Europe sont dans la m�me situation que les juifs dans le monde arabe, ils y constituent, si l�on veut, une enclave et celle-ci ne saurait �tre tol�r�e en France notamment que si l�on reconna�t la l�gitimit� de l�Etat d�Isra�l au Moyen Orient. En un certain sens, les �migr�s arabes sont les isra�liens de l�Europe.

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Il faudrait opposer le Juif et l�europ�en, le Juif et le chr�tien mais pas le Juif et le fran�ais ou le Juif et le russe. Car ce qui oppose le juif � l�autre, c�est une civilisation et non pas une culture. Le juif fran�ais est partie prenante de la culture fran�aise, il peut s�enraciner dans son histoire s�culaire. Il est donc fran�ais � part enti�re. En revanche, il est l�autre du Chr�tien, il est l�autre de l�Europ�en, si l�on consid�re l�Europe comme le lieu par excellence de la Chr�tient� (catholique, protestante, orthodoxe). Autrement dit, en tant que juif, je n�ai pas � tol�rer qu�on discute de ma francit�, en revanche, je dois admettre ma jud�it� au sein de l�ensemble Europe. Je suis fran�ais et je suis juif d�Europe.

Le vrai combat pour les Juifs de ce d�but du Troisi�me Mill�naire, c�est avant tout de d�noncer tout n�gationnisme qui reste la forme la plus redoutable et la plus sournois de l�antis�mitisme car elle se dissimule derri�re une la�cit� doucereuse.

Les Juifs sont � la charni�re de deux univers compl�mentaires et qui correspondent � la dialectique du corps (Orient) et de l�esprit (Occident), du masculin et du f�minin. Il y a plusieurs fa�ons de d�montrer quelque chose�: par des �quations sur un tableau ou par des tanks (combien de divisions�?). On sent bien qu�au Proche Orient, la force prime � en tout cas la dimension collective l�emporte sur l�individuelle � des deux c�t�s, ce qui n�est pas, au sens darwinien, totalement faux. L�Humanit� � mais nous nous sommes cantonn�s ici au monde dit monoth�iste, constitu� autour de la M�diterran�e � doit maintenir en en approfondissant la port�e, cette double probl�matique, faute de quoi elle retomberait dans la barbarie ou plongerait dans un monde virtuel de type Matrix, film remarquable qui met bien en �vidence certains enjeux de notre propos.

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JH � 20/10/02

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