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� � Jacques Halbronn pr�sident du Centre d�Etude et Recherche sur l�identit� Juive (CERIJ) Texte pr�sent� lors des �Journ�es Portes Ouvertes. Rencontrer les juifs la�ques de France� �Texte paru sur http://www.col.fr � Il convient de d�crire ce qu�est cette communaut� juive de France qui r�fl�chit ainsi sur elle-m�me, tant il est vrai que ses origines p�seront sur son mode de pens�e. Or, cette communaut� est largement issue de l�immigration. Quels outils employer pour appr�hender cette population�? Notre approche est celle d�un Observatoire de l�Identit� Juive. 1.���������������� Les juifs en FranceLa plupart des juifs de France en sont issus, � hauteur de trois g�n�rations et ce qu�ils viennent d�Afrique du Nord ou d�Egypte ou d�Europe Centrale ou Orientale, en y incluant les Juifs de Gr�ce et de Turquie. Ce qui conf�re � cette communaut� juive fran�aise une pr�sence relativement r�cente et ce n�est pas le fait de s�identifier au pass� juif de la France qui effacera un tel constat. Cette France qui, d�une certaine fa�on, constitue le ciment de cette communaut� juive par ailleurs si h�t�rog�ne. Une France la�que pour un juda�sme la�c, comme une sorte de double la�cit�: car si la France consid�re tous ses citoyens comme �gaux, par del� toutes diff�rences, ne faudrait-il pas que la communaut� juive de France consid�re aussi tous ses membres comme �gaux�? Tel est l�argument, croyons-nous, qui sous-tendrait au bout du compte, le positionnement du juda�sme la�c � la fran�aise. Mais la question est de savoir si la communaut� juive de France peut se permettre de percevoir les choses ainsi du fait pr�cis�ment de son h�t�rog�n�it�, d�autant plus marqu�e qu�elle est propre � la majorit� de sa population. Est-ce que la la�cit� ne serait pas un luxe de soci�t�s culturellement homog�nes et o� les �l�ments �trangers restent toujours, en un temps donn�, minoritaires�? Pour notre part, nous souhaitons aller au del� d�une telle affirmation et r�fl�chir sur la dynamique des relations entre les diverses composantes de la communaut� juive de France et comment celles-ci p�sent sur son climat et sur son image. Par del� les consid�rations d�mographiques, de nombre, il y a plusieurs sensibilit�s au sein de cette communaut� et le clivage majeur nous semble �tre le suivant qui vient singuli�rement relativiser les autres dont il est tant question�: il y a les juifs dont les parents ou grands parents ne sont pas n�s en France, qui ont per�u la France de plus ou moins loin et il y a les juifs dits de souche fran�aise dont la m�moire familiale n�est gu�re marqu�e par une probl�matique d�int�gration. Il faudrait ne pas confondre int�gration et assimilation et on observe � quel point les deux populations juives se renvoient mutuellement ces termes�: aux juifs de souche fran�aise, on �voque le spectre de l�assimilation et aux juifs d�origine �trang�re, celui de l�int�gration, j�ai bien dit de l�int�gration et non pas de la non int�gration. Le reproche d�assimilation � l��gard des juifs de souche fran�aise vient du sentiment que ces juifs sont trop transparents, ce qui est assez �trange venant de la part de juifs la�cs, non pratiquants. Mais il y a en r�alit� un non-dit dans ce reproche comme si la garantie de la non assimilation venait pr�cis�ment des origines �trang�res. Ce qui nous conduit � la probl�matique de l�int�gration qui concerne d�abord ces Juifs venus d�ailleurs�: une int�gration qui implique un certain mim�tisme plus ou moins heureux���dans tous les sens du terme���� l��gard des Fran�ais en g�n�ral et des juifs fran�ais en particulier. Un mim�tisme, propre � tout projet d�int�gration, qui est une forme de marranisme culturel�: on se dit fran�ais mais on fait perdurer certaines traditions familiales, juives ou non, qui ne le sont gu�re. Un mim�tisme qui parfois confine � la caricature notamment chez ceux qui ont �t� fascin�s par la France, de loin et dont le rapport � la France, on en conviendra, n�est pas le m�me que celui des Juifs de souche fran�aise qui n�ont pas per�u la France � distance. Chez ces juifs francis�s, l�acquisition de la langue et de la culture fran�aises ont �t� des clefs mais qui souvent ont fait l�impasse sur l�existence d�un juda�sme fran�ais autochtone. Pour faire image, les juifs francis�s ont voulu ignorer ces juifs de souche fran�aise un peu � la fa�on dont, toutes proportions gard�es, les juifs faisant leur alya ont voulu ignorer qu�il y avait des arabes en Palestine, au sens o� l�on entendait ce mot il y a un si�cle. Ces juifs venus d�ailleurs se sont d�ailleurs appropri� la m�moire et l�histoire de ces juifs de souche fran�aise et ont affirm� pouvoir assumer sans eux la continuit�, ce que nous avons appel� la diasporicit�, les condamnant ainsi, sans trop de probl�mes de conscience���dans tous les sens du terme���� la portion congrue. Il importe de m�nager un espace de discussion autour de ces th�mes de l�assimilation et de l�int�gration, en abordant de front les frustrations qui sont g�n�r�es par un certain refoulement qui ne se r�sout pas n�cessairement d�une g�n�ration � l�autre. 2.���������������� La communaut� juive et le monde non juifL�autre aspect que je souhaiterais aborder est celui des rapports de la communaut� juive avec le monde fran�ais non juif. Il est clair que la nature du leadership au sein de la communaut� juive de France ne peut pas ne pas marquer la fa�on dont celle-ci sera per�ue. Selon qu�� la t�te de la communaut� juive de France, l�on place des juifs de souche fran�aise ou des juifs issus de l�immigration, croit-on que cela sera indiff�rent�? Croit-on s�rieusement qu�il est indiff�rent que cette communaut� juive de France soit repr�sent�e par un juif d�Afrique du Nord ou par un juif alsacien�? Croit-on qu�aux yeux de la communaut� musulmane de France, le message, dans un cas ou dans l�autre, soit le m�me, en termes de communication�? On se retrouverait alors avec d�un c�t� deux religions �fran�aises�, la catholique et la protestante face � deux religions �orientales�, la juive et la musulmane, religions caract�risant massivement les populations r�cemment immigr�es. Insistons aussi sur le fait que nous avons l� affaire � une nouvelle forme d�antis�mitisme consistant � assimiler les juifs de souche fran�aise � une population issue de l�immigration. Est-ce que dans le contexte actuel du conflit isra�lo-arabe, un tel positionnement est souhaitable qui contribue � fragiliser la communaut� juive de France mais aussi par ricochet Isra�l�? Ne serait-on pas tent� en effet, selon cette logique et ce rapprochement, de reprocher aux juifs leur cosmopolitisme et leur d�racinement, tant en France qu�en Isra�l�? Car la comparaison entre juifs et arabes en France ferait des juifs des apatrides, n�ayant qu�une patrie mythique et refusant un retour vers les terres o� ils vivaient il y a encore un si�cle, parfois depuis fort longtemps. A moins qu�on ne veuille affirmer le lien essentiel entre les juifs et Isra�l mais dans ce cas quelle source de conflit entre communaut�s juive et musulmane�! Or, les juifs ont un atout par rapport aux musulmans, c�est de pouvoir ancrer leur pr�sence autour d�un noyau dur, de pouvoir aller au del� d�une simple identification culturelle et linguistique en basculant au niveau du r�el historique. Et nous faisons l� une opposition entre culturalit� (cf. l�ouvrage de C. R. Samama, D�veloppement mondial et culturalit�s. Essai d�arch�ologie et de prospective �co-culturales. Paris, Maisonneuve et Larose, 2001) et historicit�: la culturalit� se transmet dans la synchronie, l�historicit� dans la diachronie. La communaut� juive de France a besoin de recourir � ces deux axes qui correspondent � ses deux populations, et ce quand bien m�me les juifs de souche fran�aise seraient en effet une minorit�, tout comme d�ailleurs les juifs en sont une dans le monde, sans que leur r�le soit r�duit en proportion. Cette minorit� des juifs de souche fran�aise pourrait constituer une sorte d��pine dorsale de la l�gitimit� de la pr�sence juive en France. Il nous semble que les �juifs du pape�, ceux issus du Comtat Venaissin, d�Avignon, sont les mieux plac�s pour incarner cette dimension, eux qui, de fait, n�ont jamais quitt� la France et ont �t� partie prenante de la culture d�expression fran�aise sans solution de continuit�. Il n�est nullement n�cessaire qu�ils soient tr�s nombreux pour assurer un r�le significatif au sein de la communaut� juive en g�n�rale et du juda�sme la�c en particulier. Pour ne pas r�duire les juifs � cette image itin�rante, il nous semble urgent de recentrer la communaut� juive de France vers son noyau historique dur. Quelle centralit� pour la communaut� juive de France sinon celle d�un leadership de souche fran�aise qui ferait du lien entre cette communaut� et la France autre chose que celui d�un pays d�accueil, la France, vers des populations frappant � sa porte, qui ferait de cette communaut� une force coexistante depuis des si�cles, que l�on pense � Rashi, un juif du XIe si�cle�! D�s lors qu�un tel noyau dur retrouverait sa juste place, la pr�sence des juifs issus de l�immigration install�s en France prendrait une autre tournure�: Joseph accueillant ses fr�res en Egypte plut�t que Mo�se les conduisant vers la Terre Promise. Serait-ce un si grand mal d�en revenir aux faits historiques, �chappant ainsi aux mirages de la culture m�me s� il est vrai que la culture fran�aise a fascin� tant d�esprits�? Cette id�e est-elle si �trang�re aux Juifs, eux qui ont eu des dynasties royales , qui ont eu des dynasties de tzadikim (Justes)�? D�autant qu�il y a une fa�on d��tre juif en France qui n�est pas celle des juifs en Tunisie, � Bucarest ou � Istanbul et cette fa�on est celle qui, a priori, est la mieux faite pour que la relation entre juifs et non juifs, en France, puisse s�instaurer. Il nous semble souhaitable que nous r�fl�chissions, les uns et les autres, sur cet �tre juif au monde fran�ais car on sait���comme le notait d�j� Th�odore Herzl, il y a plus de 100 ans, dans l�Etat Juif, que l�afflux de juifs d�autres pays contribue � d�velopper l�antis�mitisme. Rappelons ses propos, dat�s de 1895-1896�: �L� o� elle n�existait pas (la question juive) est import�e par les immigrants juifs. Nous allons naturellement l� o� l�on ne nous pers�cute pas et l� encore la pers�cution est la cons�quence de notre apparition (...) Les Juifs pauvres apportent maintenant avec eux l�antis�mitisme en Angleterre, apr�s l�avoir apport� en Am�rique�. Ce qui a contribu� � d�velopper l�antis�mitisme en France entre la fin du XVIIIe et la fin du XIXe si�cle a tenu en partie au fait que le sort des juifs dans ce pays �tant relativement enviable, beaucoup de juifs s�y sont rendus, sans parler du d�cret Cr�mieux de 1870 qui a singuli�rement pr�cipit� l�arriv�e de juifs d�Alg�rie, � l�histoire bien diff�rente de celle des Juifs de souche fran�aise, � la veille de l�Affaire Dreyfus. Il nous semble donc n�cessaire, notamment qu�au sein du Comit� de Liaison des Associations juives la�ques tout comme d�ailleurs en ce qui concerne les diverses institutions juives en France, la repr�sentation des descendants des juifs de souche fran�aise soit respect�e et prise en consid�ration, sans qu�ils aient n�cessairement � se constituer en tant que groupe sp�cifique. Tout comme le juif est en alt�rit� avec le non juif, le juif issu de l�immigration l�est avec le juif de souche fran�aise, c�est ce que nous appellerons la double alt�rit�, impliquant un respect r�ciproque de la diff�rence. . Nous pensons que le juda�sme la�c trouvera son axe dans une telle approche, aux c�t�s d�autres attitudes s�articulant sur le religieux et le ph�nom�ne isra�lien. 3.���������������� Les valeurs d�un juif la�cQuelles sont les valeurs d�un juif la�c�? L�aventure de la la�cit� juive passe par un tel questionnement qui est aussi celui de la possibilit� de la conversion�: peut-on devenir juif comme on peut devenir fran�ais, peut-on s�approprier une nouvelle culturalit�? Est-ce que les valeurs juives ne peuvent pas devenir aussi celles des non juifs, depuis le temps qu�elles se sont propag�? Qu�est-ce qu��tre juive au sein d�une civilisation qui se qualifie elle-m�me de jud�o-chr�tienne, quel est pr�cis�ment le facteur juif au sein de cette combinatoire jud�o-chr�tienne, qui suppose, en effet, une certaine dualit� si ce n�est un certain syncr�tisme�? Il semble en effet qu�en tant que juifs, il nous faut repenser ce dualisme juif/chr�tien et assumer notre part au sein du couple et vice versa. Le dialogue jud�o-chr�tien nous appara�t d�sormais comme une perspective importante, ce qui implique le d�bat avec le non juif sur ce que nous sommes et sur ce qu�il est. Et de la sorte, la pr�sence juive cesse d��tre une pr�sence parmi tant d�autres, dans cette France plurielle, pour se recentrer sur une alt�rit� radicale qu�il convient de mod�liser. Et quand nous parlons de dialogue avec les chr�tiens, nous entendons aussi avec les chr�tiens la�cs, il n�est pas question de nous enfermer dans le religieux m�me s�il y a l� une clef de la dualit�.. Est-ce le religieux qui sous tend le fait juif ou le fait juif qui sous-tend le religieux�: telle devrait �tre une de nos interrogations principales. Est-ce que pour qu�une culturalit� puisse �tre mise en �uvre, il ne faut pas un terrain propice ou est-ce l�inverse�? Tant qu�on en restera � une id�e superficielle de la culturalit� dont on peut changer comme on change de chemise, on n�avancera pas. Il nous faudra probablement recourir � d�autres concepts comme ceux d�Inconscient Collectif, comme celui de psychisme ethnique, et il est vrai que l�approche la�que du juda�sme est plus proche d�un certain racisme que l�approche religieuse ou nationale, au sein d�un Etat h�breu, ce qui ne facilite d�ailleurs pas le dialogue intercommunautaire. Nous manquons, � vrai dire, de model�s anthropologiques pour rendre compte du fait juif. Est-ce qu�il est certaines valeurs que seul le peuple juif, en raison de quelque atavisme, est en mesure de �piloter�, de �g�rer� et qu�il ne peut d�l�guer�? Il importera donc de distinguer le probl�me de la circulation du juif d�une culturalit� non juive � une autre et celui de la culturalit� juive proprement dite qui transcende ces multiples culturalit�s. Le fait que les juifs soient dispers�s entre diverses cultures, tout en assumant un certain r�le dont il conviendrait de cerner la sp�cificit�, ne montre-t-il pas que la jud�it� est un ph�nom�ne qui se situe au del� du culturel�? Il faudrait peut-�tre parler de proto-culturel ou en tout cas de transculturel. Dans un cas, il y a une fa�on d��tre juif en France qui ne peut se transmettre, par mim�tisme notamment, que par ceux qui incarnent une continuit� de la pr�sence juive en France. Force est de constater la coexistence de trois culturalit�s juives�: une interculturalit� jud�o-fran�aise (les Anglais parlent d�Anglo-jewry), une interculturalit� li�e au pays d�origine, si ce n�est pas la France, jud�o-tunisienne, jud�o-polonaise etc. et enfin une transculturalit� juive, propre � tous ceux qui sont issus de l�histoire juive, de par le monde. Il ne fait pas de doute que chaque interculturalit� juive est susceptible d��voluer mais il n�en reste pas moins qu�il faut distinguer l�objectif et le subjectif�: il ne suffit pas d��voluer, il faut aussi prendre la mesure du regard de l�autre, de l�image que les repr�sentants de la communaut� juive lui conf�rent et qui, selon que ce seront les uns ou les autres, pourra changer radicalement et faire basculer celle-ci dans un sens ou dans l�autre. Encore faut-il savoir ce que nous voulons pour �laborer une strat�gie de communication et choisir ceux qui seront le mieux � m�me, de par leurs origines, �de la mener � bien. Pour simplifier, on dira que le juda�sme la�c s�inscrit dans une Histoire et dans une interculturalit� avec la France en l'occurrence, que le juda�sme religieux s�inscrit dans une pratique au quotidien et que le juda�sme sioniste s�inscrit dans une utopie, qui est celle du retour � une culturalit� juive, impliquant un certain d�passement de l�interculturalit� Il y a en effet un contraste frappant entre la multiplicit� des cultures accueillant les juifs et la radicalit� de l�alt�rit� juive. Au niveau dialectique, cette multiplicit� ne fait pas sens si elle ne se transforme pas en dualit� du juif face au non juif. Cela dit, cette alt�rit� juive ne peut s�exprimer dans l�abstrait, elle doit s�ancrer dans une culturalit� non juive sp�cifique. Autrement dit, le juif n�est en situation d��tre l�autre qu�� condition d�avoir parfaitement assimil� le langage de l�autre. Tout au long de cet expos�, on aura compris que l�on ne peut pas remplacer l�autre si facilement�: si entre eux les juifs ne respectent pas leurs diff�rences, comment les non juifs respecteraient celles des juifs�? On ne devient pas juif par un coup de baguette magique tout comme on ne devient pas juif fran�ais � part enti�re du jour au lendemain, cela d�passe la dimension du choix individuel pour �tre un choix de la lign�e. Il y a ceux, parmi les non juifs qui veulent se convertir au juda�sme tout comme il y a parmi les juifs ceux qui, en raison d�une �colonialit� veulent se convertir au juda�sme fran�ais. Il importera de r�fl�chir sur la psychologie, voire les stigmates, du pros�lyte. La condition du juif a singuli�rement �volu� au cours des deux derniers si�cles�: auparavant, les juifs �taient pr�sents anciennement l� o� ils se trouvaient. Puis avec l��migration vers la Palestine puis vers Isra�l, avec l�exode des colonies vers la m�tropole, avec toutes sortes de migrations, le juif est redevenu errant, nouvellement arriv� l� o� il se trouve. Il importe de r�fl�chir sur ces deux images de l�errance, de la multiplicit� des all�geances ou de l�enracinement au sein d�une culture nationale. La communaut� juive de France est d�une grande complexit� en ses composantes�: comment parviendra-t-elle, en affirmant son unit�, � tenir un discours coh�rent qui satisfasse chacun sans que cela devienne un propos inconsistant�? Ne vaut-il pas mieux accepter de confronter les sensibilit�s des uns et des autres, de les dialectiser, plut�t que de tenter d�sesp�r�ment d�en faire la synth�se�? Ne vaut-il pas mieux laisser la parole � un noyau dur, au sens historique du terme, plut�t que de tomber dans une cacophonie de revendications de la part de juifs ayant les rapports les plus divers avec la France en g�n�ral et le juda�sme fran�ais en particulier�? 4.���������������� Signification et port�e de ��Juifs la�ques��On s�interrogera, enfin, sur la signification du terme �Juifs la�ques� qui sert de �mot valise� � une pl�iade d�associations. Le terme est, en fait, � rapprocher d�un autre utilis� autrefois, celui de �juifs progressistes� et qui concerna, apr�s la Seconde Guerre Mondiale, des juifs plac�s dans la mouvance communiste. Ce n�est probablement pas par hasard que ces �juifs progressistes����autour notamment autour des Amis de la Commission Centrale de l�Enfance (CCE) qui organisait des colonies de vacances, �manation de l�Union Juive pour la R�sistance et l�Entraide (UJRE), dont le si�ge est toujours au 14 rue de Paradis, dans le dixi�me arrondissement���soient d�sormais fortement pr�sents au sein de l�ensemble des juifs dits la�ques, comme cela ressort des Portes Ouvertes qui se sont tenu, les 1-2 d�cembre 2001, � la Mairie annexe du XIIIe arrondissement de Paris, manag�s par les dirigeants de cette structure jud�o-communiste. Lors du Colloque de la Sorbonne, 11-12 f�vrier 1995, ils s�interrogeaient . Hier juifs �progressistes��; aujourd�hui juifs...�?, (Paris, Les amis de la CCE, 1996)�; � cette question d�appellation, laiss�e alors en points de suspension, la r�ponse allait venir peu apr�s�: ils seraient des juifs la�ques et ils entreraient au sein de cette mouvance, y apportant leur dynamique et leurs troupes, suscitant dans la foul�e les dites Journ�es Portes Ouvertes �Rencontrer les juifs la�ques de France�. En affirmant l�existence d�un Comit� de Liaison des Associations Juives La�ques de France, ne laisse-t-on pas entendre que le dit Comit� repr�sente le juda�sme la�que fran�ais, dans sa diversit�? Or, � y regarder de pr�s, il n�en est rien. En �tudiant la composition des membres ou du public de ces diverses associations, on observe qu�il est tr�s largement � pr�dominance ashk�naze et qu�il comporte des personnages d�un certain �ge. Ces deux remarques auraient du mettre sur la voie l�ethnologue, puisque des travaux ont �t� consacr� au �juda�sme la�que�.(cf. m�moire de Catherine Vago, notamment) Il est en effet peu vraisemblable que les juifs la�cs ne se recrutent que parmi les Ashk�nazes et plus pr�cis�ment ceux qui sont issus de l�immigration, plut�t que les juifs alsaciens�; il est �galement peu probable que les jeunes juifs ne soient pas la�ques�! Ainsi, en revendiquant l�appellation de �juifs la�ques�, nous avons en r�alit� affaire � une man�uvre de manipulation de la part d�une mouvance tr�s sp�cifique et dont nous avons dit qu�elle se situait objectivement dans la continuit� d�un juda�sme dit progressiste. Que soient venu s'agglutiner � ce noyau jud�o-communiste quelques s�farades, il s�agit l� de leur part d�une erreur de parcours, due pr�cis�ment au flou de l�expression �juif la�que�, que l�on y trouve de juifs d�ob�dience socialiste, correspond surtout au glissement d�un certain �lectorat communiste. Mais quels sont les buts de ce juda�sme la�c�? Ils sont en r�alit� tr�s sp�cifiques et bien �loign�s de ceux auxquels on pourrait a priori s�attendre. Il faut savoir en effet, que durant l�Entre Deux Guerres, les juifs originaires des pays de l�Est afflu�rent vers la France et furent assez mal re�us par l�establishment juif, de souche. D�o� la cr�ation de structures qui �taient en fait des micro-soci�t�s, o� ces juifs �trangers, lisant le yiddish���au travers notamment de p�riodiques qu�ils produisaient���s�exprimant p�niblement en fran�ais, pouvaient avoir le sentiment d��tre juifs en France, occultant de facto la communaut� juive locale. Quant � l�Occupation, elle consacra une diff�rence entre juifs ��trangers� et juifs de �vieille souche fran�aise�. Notons que le d�cret-loi Cr�mieux fut abrog� par Vichy, faisant des juifs d�Alg�rie des �trangers. La notion de communaut� isra�lite englobait les deux cat�gories de �coreligionnaires����mais non �compatriotes����par del� ce qui pr�cis�ment les distinguait.(A. Wiewiorka, Ils �taient juifs, r�sistants, communistes, Paris, Deno�l, 1986. Il semble que lorsque les S�farades d�Afrique du Nord arriv�rent en m�tropole, dans les ann�es Cinquante-Soixante, ils ne rencontr�rent pas les m�mes probl�mes���du fait de la Shoah, de l�Etat d�Isra�l, du fait de la connaissance de la langue fran�aise etc.���et ne furent pas conduits � r�agir avec les m�mes proc�d�s de substitution. Et c�est pourquoi, � de rares exceptions, le sefardisme n�est gu�re concern� par ce �juda�sme la�c� alors qu�il l�est objectivement du fait que ses membres ne sont pas pour autant tous croyants ou tous pratiquants. Tout se passe donc comme si les juifs ashk�nazes, issus de l�immigration, avaient lanc� une O.P.A. pour s�approprier le juda�sme la�c dont les leaders sont majoritairement d�origine polonaise au point que certaines r�unions de bureau, de nos jours, pourraient se tenir pratiquement en polonais. Si l�on examine d�ailleurs la presse franco-yiddish, autour de 1944, (Notre Voix, anciennement La Nouvelle Presse), on note des formules significatives�: �Continuit� de notre journal qui sera celui des Juifs en France� ou � Mais les Juifs de France n�ont pas support� passivement (..) la r�pression nazie� ( num�ro du 6. 09. 1944) Voil� donc ces juifs communistes���notamment ceux li�s � la MOI, la �Main d��uvre Immigr�e����parler au nom des �juifs en France�, expression prudente mais qui pr�pare quelques lignes plus loin une autre, plus forte encore, celle des �Juifs de France�. Strat�gie qui consiste � revendiquer une repr�sentation la plus large possible pour d�signer un groupe ayant un profil tr�s particulier�: nous sommes les Juifs en/de France, nous sommes les juifs progressistes et finalement���dernier avatar- nous sommes les Juifs la�cs (face aux juifs religieux) Il importe de revenir sur le glissement de �Juifs en France� � �Juifs de France��: la premi�re formule pourrait en effet d�signer un ensemble tr�s vaste incluant aussi bien les Juifs de France que les Juifs qui sont simplement r�sidents en France, sans pr�tendre �tre, quant � eux, les Juifs de France. Mais, plus loin, en recourant � la formule �Juifs de France�, cela signifie que ce sont eux les vrais Juifs de France et non pas un autre groupe qui ferait pendant aux �Juifs en France�. Autrement dit, il y a occultation des Juifs de souche fran�aise, compl�tement marginalis�s et qui auraient d�m�rit�, tout comme les Chr�tiens forment une Nouvelle Alliance rempla�ant la sienne, les Juifs ashk�nazes �trangers forment une nouvelle alliance avec la France, aux d�pends des Juifs de souche fran�aise. A l�appui de cette th�se, nous signalerons que chaque fois que, face � un public de �juifs la�cs� on aborde la question des juifs de souche fran�aise, il y a comme un malaise. Or, a priori, officiellement, le seul probl�me des juifs la�cs, c�est d��tre rejet�s par les Juifs religieux, ils ne devraient donc nullement se formaliser d�une revendication d�existence de la part de juifs la�cs de souche fran�aise�! D�o� l�on observe que ce �juda�sme la�c� n�est qu�une fa�ade qui n�avoue pas l�identit� de son v�ritable adversaire, de sa b�te noire, � savoir le juif de souche fran�aise qui les a snob�s eux, les juifs ashk�nazes qui ont d�barqu� en France ou leurs descendants. On dit, chez les psychog�n�alogistes, qu�il faut trois g�n�rations pour fabriquer un psychotique. Dans les ann�es trente, la presse juive parlait des �masses travailleuses juives immigr�es� par opposition aux �juifs de souche fran�aise�, mais ce terme de juif immigr� a fini par dispara�tre voire � devenir tabou, un crime, en quelque sorte, contre le credo la�que.. En outre, au lendemain de la guerre, il fut fortement question, notamment au Parti Communiste, de faire repartir ces juifs �en sky�, selon l�expression de Marty, dans leurs pays d�origine et ce fut d�ailleurs le cas de beaucoup, notamment vers la Pologne, devenue communiste, avec des succ�s divers.(cf. Maurice Rajsfus, L�an prochain la R�volution. Les communistes juifs immigr�s dans la tourmente stalinienne, 1930-1945, Paris, Mazarine, 1985) Les Juifs la�ques de nos jours et leurs cadres polonais sont les h�ritiers directs de ces structures propres aux juifs immigr�s, communiquant entre eux � l��poque, en yiddish�; on ne disait pas alors ��migr�s�. On pouvait trouver la formule�: �Juifs de France, fran�ais comme immigr�s�. Sous Vichy, les statuts diff�r�rent�: �Les ressortissants �trangers de race juive pourront (...) �tre intern�s dans des camps sp�ciaux�. On avait bien affaire � une mouvance sp�cifique�: �La d�fense des immigr�s, pouvait-on lire, est un souci permanent de la Presse Nouvelle�. Ces immigr�s qui �ont aim� � en mourir le pays pour lequel ils se sont battus�, ce qui signifie implicitement que ce n��tait pas �leur� pays. Ceux-ci ne m�ritaient-ils pas �une place pr�pond�rante parmi les juifs de France��? Mais derri�re l�expression �immigr�s�, en France, finalement trop large, il y avait une r�alit� socio-historique, celle de l�origine g�ographique. A la fin des ann�es 80, le ph�nom�ne du juda�sme la�c s�est manifest�, sous ce nom, m�me si le terme �juif la�c� figurait d�j� dans les publications jud�o-communistes�: le m�me groupe ashk�naze issu de l�immigration s�en prenait cette fois aux religieux qui tenaient le haut du pav�, tout comme d�ailleurs il avait eu sa p�riode antisioniste, � l��poque de Nasser. Triple rejet donc per�u d�ailleurs, � tort ou � raison, comme mutuel �: les juifs de souche fran�aise, Isra�l, les juifs religieux. Mais g�n�ralement, le premier rejet n�est plus gu�re rappel�, probablement parce que l�on s�imagine que le probl�me ne se pose plus. Dans les trois cas, cette population se serait heurt�e � un certain m�pris�: on leur reproche de ne pas �tre des juifs vraiment fran�ais, on leur reproche de ne pas venir s�installer en Isra�l, on leur reproche de ne pas respecter les coutumes juives. Triple porte � faux qui n�emp�che pas que ces juifs que l�on ne peut simplement d�finir par un refus���et la la�cit� est un refus���ou un manque �prouvent une forme d�identit� fond�e sur une certaine culturalit� d�Europe orientale, autour du yiddish, d�une certaine nourriture, pas n�cessairement kasher et sur la Shoah, entre autres. En se d�finissant comme �juifs la�ques�, ils peuvent ratisser plus large et capter des juifs n�appartenant pas �� cette sensibilit� mais en m�me temps, ils se pr�sentent en creux et cela fausse les pistes. Jamais, ils n�accepteraient de reconna�tre qu�il s�agit avant tout de la perp�tuation d�une culture au demeurant non fran�aise, ils se croient oblig�s de se situer au niveau des principes tout en sachant tr�s bien que cela n�est qu�une fa�ade. On notera donc que ce positionnement antireligieux et non sioniste ne fait que dissimuler d�autres probl�mes plus aigus�: celui de leur r�cente immigration en France qui pourrait rendre concevable, une fois l�orage pass�, un retour�; celui de leur refus d��tre consid�r�s comme des juifs fran�ais de seconde zone, face aux Juifs de souche fran�aise, ce qui conduit ces juifs la�cs � c�l�brer, sans �tats d��me, le bicentenaire de l��mancipation des juifs de France, ce qui fait penser un peu � �nos anc�tres les Gaulois�, sans juger bon de faire intervenir les descendants, en chair et en os, de ceux qui v�curent cette �poque. Mais n�est-il pas vrai que la revendication de la Palestine rel�ve largement d�une histoire que l�on se r�approprie. D�s lors que ces associations juives la�ques ne servent r�ellement qu�� cr�er un espace de vie juive pour ceux qui ont �t� exclus non point tant���comme ils l�affirment���du monde religieux mais du monde jud�o-fran�ais, il va de soi qu�elles sont amen�es, � affirmer une la�cit� qui constitue une sorte de n�gationnisme � l�encontre des juifs de souche fran�aise. Autrement dit, ces �juifs la�cs�, d�un genre si particulier, sont pr�ts � jouer la la�cit� contre un communautarisme qui risquerait de privil�gier ces juifs �historiques� que sont les juifs de souche fran�aise. On songe au jugement de Salomon o� la femme qui a perdu son enfant pr�f�re que l�enfant restant meure�: on pr�f�re que les juifs deviennent un �l�ment insignifiant plut�t que d�admettre une quelconque supr�matie de la part des juifs de souche fran�aise. En fin de compte, aussi incroyable que cela puisse para�tre, ces �juifs la�ques� veulent avant tout instrumentaliser la la�cit� aux fins de refouler les diff�rences entre eux et les juifs de souche fran�aise bien plus que celles qui existent entre les juifs et les autres communaut�s�! Si on leur demande s�il est vraiment indiff�rent que dans leurs instances dirigeantes il y ait une majorit� de juifs d�origine polonaise ( signalons que les juifs �bundistes� en France �taient fortement centr�s sur Varsovie) ils r�pliqueront �cela n�a pas d�importance�!� Car en fait ce qu�ils revendiquent avant tout c�est un la�cisme au sein de la communaut� juive bien plus qu�un la�cisme au niveau d�une soci�t� fran�aise communautariste. Le terme �origine� qui marquait l�immigr� juif de Pologne ou de Roumanie est d�sormais utilis� dans un sens plus large�: on est d��origine juive�, comme tous les Juifs, donc sans discrimination au sein de la communaut� juive de France. Faut-il s�attendre � ce que ce pseudo-juda�sme la�que s��teigne avec ceux qui avaient des raisons de le revendiquer�? Il semble bien que la moyenne d��ge y soit assez �lev�e et que les querelles des parents ne sont plus celles sinon des enfants du moins des petits enfants. Il existe certes quelques �l�ments s�farades, �gar�s au milieu d�une masse ashk�naze. On peut se demander si ceux-ci ne servent pas de fa�ade, on pense notamment � Albert Memmi, juif d�origine tunisienne, pr�sident de l�Association pour un Juda�sme Humaniste et La�c (AJHL) mais qui n�est en fait qu�une scission de Libert� du Juda�sme, fond�e par des Ashk�nazes issus de l�immigration, � la fin des ann�es 1980. En guise d��pilogue, signalons qu�� l�issue de notre expos�, les deux orateurs qui prirent ensuite la parole s�excus�rent d��tre polonais comme si notre intervention remettait en question leur droit � s�exprimer. On avait l�impression que l�on avait introduit le loup dans la bergerie, alors qu�� aucun moment, officiellement du moins, ces �juifs la�cs� n�avaient mis le doigt sur une si vieille douleur, une douleur rest�e jusque l� inavouable, prot�g�e par la langue de bois.. Il convient donc de mettre la la�cit� en perspective�: quand la France s�est voulue la�que, elle �tait relativement soud�e et cette la�cit� �tait compens�e par un fort consensus linguistique et culturel qui en relativisait sensiblement les effets. Il est clair que dans une France plus h�t�rog�ne, post la�que, o� les membres ne partagent plus toujours les m�mes valeurs et surtout la m�me Histoire, la la�cit� ne peut que le c�der � un certain communautarisme. En revanche, il est possible de parler de la�cit� au sein de chacune de ces communaut�s parce que chacune d�entre elles comporte pr�cis�ment, entre ses membres, un fort d�nominateur commun. Cela dit, quand des Juifs se d�clarent la�ques face � d�autres qui ne le seraient pas, il ne peut s�agir l� en soi d�une identit�: on peut vouloir la la�cit� au sein du monde juif en France, on ne peut se dire �juif la�c�. Il y a l� un point aveugle que nous avons tent� d�expliciter, � savoir que sous cette �tiquette de juif la�c, il y a une revendication qui est, avant tout, celle des juifs immigr�s et de leurs descendants et plus sp�cialement de ceux qui sont originaires de l�Europe Orientale en g�n�ral et de Pologne en particulier. Certes, il existe un autre sens pour �juif la�c�, c�est celui de juif non pratiquant par opposition � juif pratiquant���et les deux sens se croisent pour ajouter � la confusion- mais il semble bien que cette mouvance la�que fonctionne sur des pratiques sociales qui lui sont propres et qui rel�vent d�une certaine ashk�nazit� qui ne saurait se r�duire aux pratiques fran�aises. Or, on ne peut qu�observer que toute r�union au sein de ces associations juives dites la�ques met en jeu, ipso facto, un ensemble d�attitudes qui sont d�ailleurs per�ues comme �tranges sinon �trang�res aux juifs qui n�appartiennent pas � la dite ashk�nazit�. Il faudrait enfin souligner � quel point les pratiques sociales sp�cifiquement fran�aises sont �loign�es de celles qui caract�risent tant les ashk�nazes que les s�farades, elles-m�mes fortement marqu�es par leurs interculturalit�s respectives, qu�elles soient germano- slaves ou arabo-turques.(cf. nos travaux in Cahiers du CERIJ, 2000-2001). Ne pourrait-on parler � propos de cette mouvance de �loubavitch la�ques� et n�existe-t-il pas des s�farades parmi les Loubavitch, s�habillant comme les anciens Polonais�? Aucun probl�me, au demeurant, de la part de ces �Juifs la�ques� pour reconna�tre qu�ils ne respectent pas les lois juives, pas de probl�me non plus de leur part pour admettre bien volontiers que leur rapport � Isra�l n�a pas abouti. En revanche, en ce qui concerne le jugement qu�ils portent sur leur int�gration en France au sein de la communaut� juive, ces m�mes juifs la�ques ne sont pas pr�ts � conc�der la moindre restriction, en d�pit des obstacles �vidents rencontr�s par eux ou par leurs parents�; ils se veulent plus fran�ais que les juifs de souche fran�aise et en tout cas pas moins���pr�ts, � l�occasion, � relativiser l�int�gration de ceux-ci � alors que s�ils �taient en Isra�l ils admettraient l�existence de sabras. (Panoramiques, num�ro sur �les Juifs La�ques, du religieux vers le culturel� �r�uni en 1992 par Izio Rosenman). Disons que ces Juifs de souche fran�aise leur font ombrage tout comme la pr�sence des Juifs embarrassent les Chr�tiens sans parler du rapport des arabes palestiniens aux juifs Isra�liens. Il suffit d��tudier le personnel dirigeant de ces associations juives la�ques pour s�assurer qu�une culturalit� polonaise est sous-jacente�: Cercle Gaston Cr�mieux de Richard Marienstrass et Jacques Burko, Cercle Bernard Lazare de David Fuchs, du Centre Juif La�c de Jean Liberman, Cercle Amical bundiste, fortement marqu� par la Pologne, longtemps anim� par Aby et M�ni Wiewiorka, Libert� du Juda�sme de Claude Kolinka et d�Elie Garbarz, �R�volution Progressiste Juive anim� par Nathan Zederman, Association pour un juda�sme Humaniste et la�c anim� par Izio Rosenman�; Amis de la Commission Centrale de l�Enfance de Jo Kastersztein ou Hashomer Hatsa�r, fond� en Pologne en 1913 partageant les locaux du Cercle Bernard Lazare. Mais bien entendu, si on allait demander de quelles origines sont ces juifs la�cs, il nous serait r�pondu �mais de partout�, citant Un Tel ou Un Tel qui n�ont pas per�u la nature de ce �ghetto ashk�naze�. Un Roger Maria n��crivait-il pas en 1968 dans Nouvelle Presse Hebdo � propos des juifs �progressistes� �: �m�me si tous ne parlent pas yiddish��? La contestation de la r�gle matrilin�aire, dans ces groupes, pourrait �tre li� au fait que le patronyme polonais, transmis par le p�re, est consid�r� comme la r�f�rence. M. Rajsfus reprochera � R. Marienstrass, auteur, en 1975, d��tre un peuple en diaspora, Paris. F. Maspero, de quasiment rien dire des juifs maghr�bins ou des juifs fran�ais dont �l�ant�riorit� dans le pays remonterait aux Croisades� (Identit� � la carte. Le juda�sme fran�ais en questions, Paris, Arcanth�re, 1989, pp. 171 et 357). L�importance accord�e � la Shoah, par ailleurs, n�est-elle pas li�e, peu ou prou, � l�implantation g�ographique fortement polonaise des camps de concentration, justifiant d�ailleurs l�organisation de voyages de la m�moire�? A l�heure o� les diff�rentes �ethnies� afghanes s�efforcent de doser la part des unes et des autres au sein d�un gouvernement, est-il concevable que les Juifs affirment qu�ils ne sont s�par�s que par le fait de croire ou de ne pas croire�? Les clivages d�hier ont pu temporairement s�estomper, ils n�en sont pas moins vou�s � r�appara�tre et il faut les prendre en compte. Les associations Juives �la�ques� sont les h�riti�res de fait du Comit� G�n�ral de D�fense (CGD), rassemblant les juifs d�Europe de l�Est, qui s�opposa, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, au Consistoire. Que les uns se revendiquent r�sistants���encore que les communistes ne l�aient �t� qu�apr�s l�agression nazie en URSS, mettant fin au pacte germano-sovi�tique���face aux autres accus�s de complaisance � l��gard de l�occupant allemand ne change rien � l�affaire, pas plus que le fait que l� UJRE communiste co-fondatrice du CRIF, de par notamment son attitude hostile � l��gard d�Isra�l, ait �t� tenue quelque peu � l��cart avant de r�appara�tre au sein de la mouvance juive la�que, constitu�e d�ailleurs en partie de transfuges du Parti Communiste, tels le journaliste Jean Liberman (cf. Se choisir juif, Paris, Syros, 1995) ou un Jean Ellenstein, se retrouvant au sein du Centre Juif La�c (CJL). Le CRIF (Conseil Repr�sentatif des Isra�lites de France) fut durant l�Occupation une structure faisant cohabiter juifs de souche fran�aise et juifs �trangers originaires d�Europe Centrale, est-ce que le probl�me a cess� d�exister soixante ans plus tard�? On notera qu'Isra�lite de France� n��quivaut pas � Fran�ais juifs, la formule d�signe avant tout une pr�sence en France. Il ne s�agit pas, sous pr�texte d�oublier les anciennes pol�miques, de faire fi de diff�rences nullement r�sorb�es et qui, en tout �tat de cause, gardent toute leur pr�gnance en terme de l�gitimit� et d�enracinement. Imaginons un instant si la situation en Isra�l serait aujourd�hui la m�me s�il avait exist� un noyau dur juif qui s��tait perp�tu� au travers des si�cles, sans discontinuit�! O� sont les Isra�liens de vieille souche palestinienne�? Il vaut encore mieux que les juifs de souche fran�aise reconnaissent la m�fiance qui fut la leur � l�encontre des juifs immigr�s en France mais cela ne saurait pour autant les faire renoncer � leur rapport privil�gi� avec la France et les droits et les devoirs qui s�en suivent. En v�rit�, c�est le regard du non juif���au sens o� l�entendait Sartre, qui cr�e cette illusion d�homog�n�it�, l�antis�mitisme serait-il un alli� de ces �juifs la�cs� comme il peut l��tre des sionistes�? Car la diversit� des engagements id�ologiques au sein de la mouvance la�que ne doit pas faire oublier l�homog�n�it� de sa population, quant � ses origines g�ographiques et culturelles. Que signifie la question �: est-on juif fran�ais�? De nos jours, on pourrait penser qu�elle pose la question du caract�re fran�ais des juifs. Or, le vrai sens de cette question est autre�: est-on un juif de souche fran�aise ou un juif immigr�, �tranger, naturalis�, vivant en France�? On peut aussi se demander si le d�bat autour de la religion ne renvoie pas au clivage entre juifs fran�ais et �trangers juifs�: pour le juif immigr�, le juif de souche fran�aise apparaissait comme un fran�ais de confession juive, mosa�que. Est-ce qu�un certain la�cisme juif ne viserait pas � affirmer qu��tre juif ne se r�duit pas � une confession mais implique aussi une diff�rence de culturalit�; est-ce que cela n�impliquerait pas que le juif �tranger se sente plus �juif� que le juif de souche fran�aise dont la jud�it� se r�duirait, selon lui, � une croyance et � quelques pratiques synagogales. Quant aux Juifs d�Afrique du Nord, leur arriv�e massive, a certainement modifi� le paysage, avec une population fort diff�rente de la polonaise, ayant un autre rapport � la langue fran�aise et � la France. Les juifs ashk�nazes pourraient-ils d�sormais monopoliser l�id�e de progressisme ou de la�cit�? Les juifs des anciennes colonies, iraient-ils renforcer le p�le des juifs de souche fran�aise, conduisant ainsi � un r��quilibrage de la communaut� juive de France�? En fin de compte, il semble bien que ce soit des ann�es Soixante que date l�id�e selon laquelle les vrais interlocuteurs des juifs ashk�nazes ne seraient plus les juifs de souche fran�aise mais les juifs maghr�bins d�expression fran�aise. Il y a eu substitution, constituant a posteriori une sorte de revanche. 5.���������������� Juifs la�ques et juifs religieuxOn a un peu l�impression d�sormais que derri�re le d�bat �juifs la�cs�/ �juifs religieux� se cache le clivage entre juifs ashk�nazes et juifs s�farades. Tout se passe comme si chaque population d�finie objectivement par son Histoire se voyait attribuer une fonction sp�cifique au sein d�une communaut� plus large�; on dira que tout d�calage synchronique est r�v�lateur d�un d�calage diachronique et que toute diff�renciation diachronique aboutit � un partage des taches au niveau synchronique. On notera qu�en Isra�l, les juifs s�farades ont �t� largement assimil�s � une classe sociale inf�rieure par rapport aux juifs ashk�nazes, c�est le concept de Second Isra�l, qui fit l�objet d�un num�ro des Temps Modernes, dirig� par Shmuel Trigano, � la fin des ann�es Soixante Dix. Il y a certes l� une injustice � mettre une �tiquette sur un certain groupe de personnes, par ailleurs appartenant � un m�me �peuple� mais c�est ainsi que les soci�t�s s�organisent et se structurent. On dira ainsi, le cas �ch�ant, que tel juif s�farade n�est pas tr�s pratiquant,���on dit volontiers qu�il est traditionaliste���plut�t que de dire qu�il est la�c et que tel juif ashk�naze respecte quelques f�tes plut�t de dire qu�il est religieux. Si les juifs polonais sont omnipr�sents dans les associations juives la�ques, les juifs d�Afrique du Nord sont probablement fortement surrepr�sent�s sur les listes consistoriales et dans les instances religieuses fran�aises (cf. Information Juive, Suppl�ment au n� 212, Novembre 2001). Il y a une r�partition des r�les. Certes, les Loubavitch sont-ils ashk�nazes mais selon nous il s�agit d�une interaction avec d�autres communaut�s juives ob�issant � d�autres logiques car nous sommes ici en train de d�crire une situation sp�cifique � la France. Entre ces deux populations de juifs immigr�s, mais ayant immigr� � des moments diff�rents, quelle pourrait �tre la place du �troisi�me homme�, le juif de souche fran�aise, minoritaire, certes, mais affirmant seul la continuit� s�culaire de la pr�sence juive en Terre de France. Il est f�cheux que lors de la constitution du Consistoire, sous le Premier Empire, on n�ait pas pr�vu une telle situation, il est vrai qu�� l��poque, la plupart des juifs �taient pr�cis�ment de souche fran�aise... L��volution qui a suivi a sensiblement modifi� l��tat des choses et les fondements socioculturels qui furent le th��tre des am�nagements d�cid�s par Napol�on ne sont plus les m�mes tout de m�me d�ailleurs que ceux qui furent l�arri�re���plan de la la�cit� � la fran�aise. Il est en effet ais� de rendre possible la diversit� quand un pays est fondamentalement uni, c�est un luxe qu�il peut se permettre sans risquer de se disloquer mais est-ce toujours le cas d�sormais�? Il y aurait donc une crise de la la�cit�, li�e � l�importance de l�immigration au cours du XXe si�cle. Si l�on veut �lever le d�bat, le cas jud�o-fran�ais nous semble exemplaire, presque un cas d��cole. On voit l� en effet se d�rouler des processus qui ont certainement jou� dans les soci�t�s les plus anciennes, � savoir l�instrumentalisation des diff�rences objectives, observables aux fins de division du travail. Le probl�me, c�est que cela n�est pas admis officiellement�: on imagine difficilement dans nos soci�t�s postmodernes que l�on vienne � distribuer les r�les d�apr�s les faci�s, d�apr�s les pedigrees alors que c�est bien de cela qu�il s�agit en pratique�: ce qui se ressemble s�assemble. L�essor des sciences humaines et des sciences sociales en particulier n�a gu�re conduit � davantage de lucidit� et de conscientisation en ce domaine. Il y a donc l� un d�calage entre les faits���une cat�gorie donn�e de personnes se voit assigner un certain monopole sur un certain cr�neau���et les discours�: toute personne d�sireuse de s�ins�rer dans ce cr�neau sera la bienvenue. En pratique, au sein d�un groupe donn� pr�vaudra un type de comportement propre non pas � la fonction consid�r�e mais..... au profil de la cat�gorie s��tant vu assigner la dite fonction�! Prenons un exemple classique�: si dans la police fran�aise, il y a beaucoup de Corses, il faut s�attendre � ce que certaines valeurs qui y r�gnent ne soient pas sp�cifiquement celles requises, dans l�absolu, pour �tre policier���� l��chelle de la plan�te���mais rel�vent de particularismes � rechercher dans la culture corse, �tant bien entendu qu�� terme un amalgame se fera entre ces deux niveaux. Pour notre part, ayant particip� pendant une dizaine d�ann�es aux r�unions du Comit� de Liaison des Organisations Juives La�ques, nous avons pu observer � quel point nous �tions en d�calage. Comprenez qu�un tel d�calage n�existait pas au sein d�instances non juives. La fa�on dont nous �tions per�us, �cout�s, y �tait totalement diff�rente et ceux qui �taient le plus suivis ne l�auraient pas �t� dans un autre cadre. Il est clair que s�il avait �t� d�embl�e reconnu que cette mouvance la�que, en ses instances dirigeantes, �tait un fief ashk�nazo-polonais, avec ses propres modes de communication, de cr�dibilisation, les choses se seraient pass� autrement. Soit, d�s l�abord, il e�t �t� clair que nous �tions disqualifi�s de par notre diff�rence, soit, cette diff�rence eut �t� prise en compte et il aurait fallu l�instrumentaliser d�une fa�on ou d�une autre. Il est probable, �galement, que les membres de ces instances ne sont nullement conscients de leur idiosyncrasie dans la mesure m�me o� ils se retrouvent entre eux. Ils pensent probablement qu�ils se comportent �normalement�, en gros comme n�importe quel Fran�ais, comme n�importe quel Juif, ils ne voient vraisemblablement pas de quoi on parle m�me s�ils savent, objectivement, que la majorit� des interlocuteurs appartiennent � un milieu culturel typ�. Autrefois, lorsque beaucoup s�exprimaient mieux en yiddish qu�en fran�ais, la distinction �tait claire et le juif de souche �tait per�u comme diff�rent. De nos jours, la ma�trise du fran�ais, la perte des accents, tend � niveler le sentiment d�un d�calage. Il y a l� une homog�n�it� langagi�re qui vient modifier la situation, dans la mesure m�me o� le crit�re linguistique �tait significatif. En outre, le nom des juifs de souche fran�aise, quand cela concerne l�Alsace, n�est gu�re distinct de celui des Juifs originaires d�Europe orientale, qui ont souvent une consonance germanique�: rappelons qu�il y a eu un flux migratoire de l�Ouest vers l�Est avant qu�il ne se produise en sens inverse, d�Est en Est. Certes, les juifs du Comtat Venaissin portent-ils des noms �bien fran�ais����g�n�ralement des noms de lieux, mais il y a le fait des mariages �mixtes� entre juifs d�origines diff�rentes.. On se retrouve avec un probl�me de lisibilit� comme d�ailleurs, plus g�n�ralement entre juifs et non juifs. Qui est juif, qui ne l�est pas�? Qui est juif polonais, qui est juif alsacien�? En revanche entre juifs ashk�nazes et juifs d�Afrique du Nord, la diff�rence concernant les patronymes est flagrante�: d�un c�t� des noms germano-polonais, de l�autre des noms jud�o-arabes. On s�y reconna�t, on s�y retrouve, on se r�partit les r�les�: l�un, le s�farade, affirmera l�existence d�une communaut� religieuse sp�cifique face aux autres communaut�s, catholique, protestante, musulmane. L�autre, l�ashk�naze, affirmera son respect de la la�cit� et la marginalisation du fait proprement religieux au profit de crit�res d�ordre plus culturel. Entre ces deux attitudes, les juifs de souche fran�aise devraient probablement, au niveau d�une l�gitimit� historique, avoir aussi voix au chapitre.. On pourrait parler d�un syncr�tisme social, d�s lors que des populations par ailleurs bien distinctes s�entrem�lent, par exemple lorsque des juifs d�Afrique du Nord participent aux activit�s des �juifs la�ques�, vou�es en fait � la justification de la diff�renciation des juifs ashk�nazes d�Europe centrale et orientale. Le cas d�Albert Memmi est de ce point de vue hautement caract�ristique de ce que l�on pourrait appeler un glissement chor�matique (� partir du terme grec signifiant espace, alors que chron�matique renvoie au terme grec pour temps). Pour l�historien, un tel glissement doit �tre rep�r�, faute de quoi �il aura le sentiment de l�existence d�une sorte d�OVNI social. En effet, pour �viter de percevoir des ruptures dans la diachronie, encore faut-il ne pas se laisser �garer par ces d�rives chor�matiques, qui donnent l�illusion d�un ph�nom�ne nouveau, sui generis. Or, on remarque que les sociologues, comme Doris Bensimon, (LDJ 1989-2001 Ed. D. Bensimon et C. Kolinka Extrait de la collection de la Lettre de LDJ n� 0 � 61) qui conna�t de pr�s la mouvance juive la�que n�est pas parvenue � la situer dans la continuit� des associations d�originaires, d�j� pr�sentes dans l�Entre Deux Guerres. En l�occurrence, il convient d�isoler les facteurs suivants�: la r�cup�ration des th�mes la�ques circulant en dehors du monde juif qui est d�j� un glissement chor�matique, ensuite la mobilisation de juifs n�appartenant pas au groupe socio-culturel de r�f�rence, �importation� �de juifs d�Afrique du Nord au sein des associations juives la�ques. A cela vient s�ajouter une sorte de t�lescopage chron�matique qui consiste � laisser entendre qu�il n�y a plus de juifs de souche fran�aise, que c�est une donn�e du pass�. Pour employer le jargon de l�ethno-m�thodologie, que dire en effet de l�accountability des �juifs la�ques�. Dans un manifeste r�dig� en octobre 88 mais repris en 2001, les fondateurs de l�association Libert� du Juda�sme ( LDJ) �crivaient�: �Un groupe de militants juifs a constat� que certains probl�mes v�cus comme individuels refl�tent en fait la situation de la majorit� des Juifs de France�. Ces fondateurs, dont les trois plus significatifs sont ashk�nazes, immigr�s, ne font �videmment pas la moindre allusion � leurs origines. Ils parlent de la �majorit� des Juifs de France� alors que l�on sait que la majorit� de la communaut� est s�farade. Or, de deux choses l�une, o� ces s�farades sont religieux et dans ce cas on ne peut dire que la majorit� de la communaut� est �la�que� ou bien ils ne le sont pas et dans ce cas, pourquoi ne figurent-ils pas au sein de cette association en particulier et des associations juives la�ques en g�n�ral�? Pour masquer ces r�alit�s, on recourt volontiers � des acrobaties terminologiques, propres � la situation diasporique�: on ne sait jamais si on parle de juifs favorables � la la�cit� � la fran�aise et qui sont avant tout des citoyens fran�ais ou si on parle de juifs exigeant que la communaut� juive fonctionne de fa�on la�que. Une telle confusion culmine avec la difficult� croissante � distinguer fran�ais d�origine juive et Juif de souche fran�aise. Il est plus facile de devenir citoyen fran�ais, accessoirement d�origine juive que de devenir descendant des juifs de 1791, lors de l�Emancipation. Dans l�Entre deux Guerres, il a pu sembl� plus facile � certains d�int�grer la communaut� juive de France que de devenir fran�ais � part enti�re mais c��tait une fausse impression car, en tout �tat de cause, devenir fran�ais est une affaire de droit, devenir juif de souche fran�aise est une affaire li�e � l�Histoire et on ne change pas l�Histoire, � moins d��tre stalinien, comme on change un statut, par la naturalisation, par exemple. Dans un article paru dans la Lettre de LDJ, en septembre 1993, et consacr� aux juifs de l��ex URSS en Isra�l, nous avions montr� qu�une chose �tait pour ces juifs de devenir citoyens isra�liens, une autre de perdre leur sp�cificit�, voire de renoncer � leur langue. On nous avait r�pliqu� que le temps s�en chargerait. De fait, tout se passe comme si � certaines �poques, les clivages seraient mis entre parenth�ses mais cela n�a qu�un temps et comme dit l�adage�: Chassez le naturel, il revient au galop. a)��������������� M�thodologie des clivages sociauxPassons � quelques r�flexions m�thodologiques applicables, a priori, � tout terrain comportant des clivages sociaux. Il conviendra de rechercher une continuit� non pas tant du message que du m�dium, c�est � dire mettre en �vidence la p�rennit� d�une communaut� se d�finissant ou d�finissable selon tel ou tel crit�res mais pouvant adopter diverses fa�ades. L�antis�mitisme est un bon r�v�lateur de certaines strat�gies�: tel groupe peut refuser l'acc�s aux juifs non pas parce que les juifs ne conviennent pas aux buts affich�s mais parce que cela remettrait en question son homog�n�it� fondatrice. A l�inverse, un groupe juif peut poursuivre des objectifs qui semblent l�ouvrir aux non juifs mais de fait c�est rarissime car en r�alit� le groupe essaie avant tout de justifier sa p�rennisation et son droit � perp�tuer sa diff�rence, le but affich� n��tant pas une fin mais un moyen. Dans tous ces cas de figure l��tranger au groupe, consid�r� selon ses origines, peut �tre parfaitement en phase avec les valeurs affich�es, sans que sa pr�sence ne soit autrement que tol�r�e. D�o� l��pineuse question des conversions�: en principe, le groupe affichant des valeurs assez larges, il s�ouvre � tous ceux qui y adh�rent mais en pratique ce qui importe, c�est l�appartenance non pas subjective mais objective au groupe, la question d�un consensus au niveau des valeurs �tant un �piph�nom�ne. Si l�on prend le cas des astrologues, il convient de distinguer le groupe de ceux qui ont acquis une certaine formation technique, sont pass�s par un certain cursus et celui de ceux qui consid�rent que ce cursus est superf�tatoire. En r�alit�, le premier groupe est d�fini par un certain langage, la pratique de la consultation est relativement secondaire et rejoint la n�buleuse de tous ceux qui gagnent de l�argent par une forme ou une autre de divination. Il ne suffira pas pour devenir astrologue, au sens o� l�est une certaine population issue de ce cursus, d��tre un bon praticien. Encore faudra-t-il ma�triser un certain langage. Celui qui pr�tendrait r�former l�astrologie en �vacuant des pans de sa tradition, serait fort mal re�u. Ce qui n�emp�che pas que cette population, pour se justifier, affirme son efficience �tant donn� qu�il ne suffirait pas, apparemment, qu�elle fasse �talage de sa culture. Or, on peut devenir un excellent praticien sans passer par un cursus qui est la voie d� acc�s � une communaut� organis�e autour d�un certain nombre d��v�nements sociaux(colloques, astro-caf�s, revues etc), dont la dimension praticienne est une affaire personnelle, finalement assez secondaire ou du moins dont le bagage li� � ce cursus ne donne acc�s � une pratique psycho-divinatoire que dans la mesure m�me o� toute m�thode s�y pr�te, de toute fa�on.. Tout comme, au bout du compte, il ne suffira pas de partager quelques id�es sur le juda�sme la�c pour appartenir pleinement � la soci�t� juive la�que dont le mode de fonctionnement interne est plus important que le message qu�elle a � transmettre. L�id�e, soutenue par certains juifs la�cs selon laquelle toute personne qui se sent juive le devient ipso facto ne serait-elle pas au demeurant une fa�on de dire que tout juif �tranger qui se consid�re comme juif fran�ais le deviendrait, �galement, ipso facto�? Or, pour toute personne voulant entrer dans ces milieux juifs la�cs de France, il appara�t assez vite que l�on ne le devient pas membre � part enti�re, si l�on n�a pas un pedigree ad�quat d�origine ashk�nazo-polonaise, on risque fort de rester un participant de seconde zone, incapable d�exercer une v�ritable autorit� et ignorant des arcanes du Surmoi sous jacent. Dans le d�bat entre juifs la�ques et juifs religieux, nous avons d�un c�t� un groupe qui d�finit ses objectifs mais occulte ses pratiques et de l�autre un groupe qui met en avant ses pratiques mais qui n�glige de pr�ciser ce vers quoi il tend. 6.���������������� Une analyse linguistique de la questionOn pourrait songer � appliquer � nos descriptions le mod�le signifiant/signifi�. Ici, le groupe caract�ris� par sa culture et son origine d�Europe Centrale et Orientale est le signifiant et ses objectifs affich�s, � un moment donn�, seraient le signifi�, de la m�me fa�on qu�un mot peut voir ses significations �voluer au cours du temps. On pourrait �videmment inverser l��quation et dire que le groupe est plut�t de l�ordre du signifi� pouvant �tre d�crit, dans le temps et dans l�espace, �au moyen de divers signifiants. Pour notre part, nous pr�f�rons la premi�re pr�sentation tant il est vrai que le groupe s�il peut �tre d�crit formellement comme l�est un mot, un signifiant, n�est li� � son r�le social, le signifi�, que de fa�on arbitraire. On peut d�ailleurs se demander si le mod�le signifiant/signifi� n�a pas son origine dans la description des soci�t�s���une ethnie remarquable, identifiable et sa fonction, son r�le assigné –ï¿½et serait ensuite pass� au champ linguistique. N�cessit� donc d�une double comp�tence�: difficult� d�assurer une fonction sans �tre membre du groupe qui s�est vu attribuer arbitrairement la dite fonction. Ainsi, on ne peut devenir roi de France si on n�appartient pas � une certaine aristocratie mais cette condition n�cessaire exige que l�on se pr�pare � l�art du gouvernement. De nos jours, une personne �trang�re, s�exprimant mal en fran�ais, bien qu�elle ait, par ailleurs, une forte exp�rience de l�Etat, peut-elle pr�tendre � �tre un leader politique en France�? Et pourtant le fait de savoir parler fran�ais, pour ne consid�rer qu�un facteur, n�a rien � voir avec le fait de bien gouverner. Le fait d��tre un homme ou une femme peut �galement d�terminer la possibilit� d�acc�der � certains postes, le fait de sortir de l�ENA ou de Normale Sup���deux �Grandes Ecoles����aussi. Nous touchons l� � la question de l�organisation primitive des soci�t�s�: l�humanit� s�est beaucoup servi de ce qui distinguait les populations entre elles���tant ethniquement que linguistiquement ou religieusement���ce qui explique probablement la multiplicit� des clivages qui aujourd�hui semblent faire moins sens pour le bon gouvernement de la Cit�. La la�cit� ne devrait pas, selon nous, se contenter de favoriser la cohabitation de ces diff�rences mais leur assigner des fonctions sp�cifiques, faute de quoi celles-ci finiraient par perdre leur raison d��tre au cours du XXIe si�cle. En pratique, d�ailleurs, on continue � instrumentaliser ces diff�rences�: le groom d�hier, souvent noir, a laiss� la place � l�agent de s�curit� qui l�est aussi. Les crit�res d��ge, de sexe, de taille, de peau jouent un certain r�le mais parfois on tourne le probl�me par l�usage d�un uniforme d�une certaine couleur. A chaque instant, on est amen� � se demander si le crit�re utilis� pour d�signer une personne � un poste tient � sa comp�tence de membre du groupe � qui le poste est en principe d�volu ou � sa comp�tence concernant l�activit� � assumer. D�licat dosage�! Le probl�me est en fait plus complexe en ce que l�on peut raisonnablement admettre que certains talents sont h�r�ditaires. Non pas tant parce qu�ils se transmettraient par le jeu d�un certain mim�tisme familial mais parce qu�ils seraient li�s � quelque sp�cificit� d�un psychisme g�n�tique. Ce qui nous am�ne � nous demander si les juifs, toutes tendances confondue, cette fois, auraient un g�nie particulier, inn�, interface entre un signifiant social et un signifi� fonctionnel. Ce qui est clair, en tout cas, c�est que leur d�racinement culturel, accentu� depuis un si�cle, li� aux migrations de toutes sortes, tant en Isra�l (cf.. l�ouvrage classique de Georges Friedman Fin du peuple juif�?) qu�en diaspora, ne nous semble pas forc�ment favorable � leur �panouissement sp�cifique.
Jacques Halbronn, Ier-2 d�cembre 2001, Paris. | |||||
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