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Jacques Halbronn, docteur ès Lettres
Annonce du plan
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Il y a une similitude certaine entre la démarche de l’étranger et celle de celui qui veut être initié à quelque secret, à savoir recevoir les clefs de la société dans laquelle il souhaite pénétrer. Mais l’étranger n’est-il pas lui-même porteur d’un secret, celui de ses origines ? Nous percevons dans le discours ésotérique l’affirmation de l’existence de passerelles permettant de franchir certains cloisonnements. Or, n’est-ce pas là aussi un des postulats de l’étranger que le déni des barrières qui coïncide avec la théorie des correspondances ? Mais, à force de rapprocher tout avec tout, de nouveaux cloisonnements apparaissent dès lors que la nature se voit décalquée sur la société, selon un processus d’ésotérisation.
Deux écoles s’affrontent : l’une que nous qualifierons d’ésotérisme philosophique, l’autre d’ésotérisme historique ou sociétal. La première est celle qui est le mieux implantée présentement au niveau académique, elle traite de l’ésotérisme en philosophie et dephilosophie de l’ésotérisme. La première s’efforce de présenter l’ésotérisme comme un phénomène spécifique, la seconde considère que l’ésotérisme est un processus de translation, d’où le concept d’ésotérisation qui comporte une dynamique qui n’existe pas dans celui d’ ésotérisme. Pour l’ésotérisme historique, le lien avec l’exotérique, avec les enjeux de la modernité, est essentiel et il n’est pas question de s’enfermer, au nom d’une spécificité à ménager, dans une sorte de ghetto, serait-il payant sur le plan universitaire. La notion de signifié ésotériqueDes textes en margeLe signifié ésotériqueLa question juiveLa tâche de l’historien du néo-ésotérismeDe l’astrologie au prophétismeLe concept de xénologieLa demande d’ésotérismeLe primat de l’exoterismeConclusionÉsotérisme et escroquerie intellectuelleL’historien de l’ésotérisme, probablement plus que tout autre, est confronté à des contrefaçons de tous ordres. La raison d’être de cet état de choses est assez évidente pour tout chercheur qui a conduit ses travaux suffisamment loin à telle enseigne que l’on peut même se demander si tel n’est pas le but du dit historien que de révéler certaines malversations. On conçoit assez facilement un tel état de choses : la thèse implicite de l’ésotérisme est l’affirmation de l’aptitude de l’homme à transcender les clivages et les barrières, dans le temps comme dans l’espace. Une telle prétention a au demeurant été jugé périlleuse et a conduit précisément à la mise au ban de telles prétentions. Pour étayer de telles ambitions, l’ésotériste est amené à fabriquer des documents susceptibles de démontrer que l’on peut faire fi de telles limitations mais ces documents sont généralement contrefaits ou sont constitués de commentaires, relèvent d’ une exégèse, d’ une glose, conduisant à des conclusions douteuses. Il conviendrait au demeurant que l’ésotérologue ne soit pas lui-même victime d’une démarche ésotérique consistant à établir, de proche en proche, au moyen d’une critériologie extrêmement vague et redondante, des passerelles entre des savoirs des plus différents, aboutissant ainsi à une nébuleuse ésotérique assez inconsistante, objet d’anthologies pittoresques et de recensions à la Prévert. Comme dans tout canon, règne un certain syncrétisme réunissant des documents disparates et qui s’excluaient mutuellement à l’origine mais finissant par se ressembler et recourir à une même terminologie Une approche critique de ce canon ne consistera donc nullement en une apologétique consistant à en démontrer le bien fondé. Il n’est jamais souhaitable que les historiens se fassent les complice de ceux qui ont regroupé à leur guise divers documents. Pourquoi ne pas fonder une « critique ésotérique » comme il existe une critique biblique ? Nous avons pour notre part élaboré une critique nostradamique, une critique du corpus antimaçonnique, une critique du corpus astrologique, au sein même du “canon” ésotérique mais il importe de mettre en oeuvre une critique de l’hypertexte ésotérique. Le terme même d’ésotérisme ou celui d’occultisme, ne servent-ils pas précisément à fonder – sinon à masquer – un tel projet “canonique” ? Il conviendrait de cerner les raisons d’un tel projet relativement récent et dont Eliphas Lévi alias Adolphe Constant, passé par le séminaire, est probablement un des principaux artisans, au milieu du XIXe siècle Nous avons rencontré la question des recueils de textes prophétiques dans notre thèse d’État et montré que le XIXe siècle est le nouvel âge d’or du genre. Or, c’est à cette époque également qu’un Eliphas Lévi parle d’occultisme pour désigner un certain corpus, que paraissent des Histoires de la Magie, qui sont en fait une autre façon, pour ces compilateurs, comme Paul Christian, de désigner un certain ensemble de textes. Nous avons montré ce qu’il y avait de dérisoire chez les spécialistes de Nostradamus, toujours au XIXe siècle et au XXe siècle, à chercher des invariants dans un ensemble aussi hétérogène et hétéroclite, qui n’est nullement l’œuvre d’un seul homme et d’une seule époque et encore moins d’un seul camp politico-religieux. Rechercher le dénominateur commun n’aboutit, dans ce cas, qu’à édulcorer les discours des uns et des autres pour les réduire à un propos déconnecté des enjeux socio-politiques qui traversent les sociétés. La mode aurait donc été, pour des raisons qui restent à préciser – peut-être l’influence des recherches linguistiques – et qui visent également par exemple les études sur le Talmud ou contre le Talmud, de dégager des traits spécifiques, des invariants, pour fonder un certain discours scientifique ou plutôt pseudo-scientifique, renonçant à l’étude des contextes et des indexicalités.. En ce sens, le pluriel « courants ésotériques » nous semble infiniment préférable, mais pourquoi alors publier des ouvrages intitulés « L’ésotérisme » ou « ...de l’ésotérisme ». En fait, il s’agirait bel et bien, selon nous, de déconstruire l’ésotérisme pour, en effet, montrer le caractère cumulatif de chacun des corpus qui sont censés le constituer tant il nous semble, par exemple, que le corpus astrologique est lui-même un agrégat de notions accumulées et réunies du seul fait qu’elles se référent peu ou prou à l’astronomie. On pourrait parler de sciences du signifiant par opposition à des sciences du signifié. Entendons par là que les sciences du signifiant ne s’organiseraient qu’autour d’une certaine terminologie commune faisant abstraction du signifié, lui-même perçu comme du signifiant, ce qui expliquerait le syncrétisme qui est au cœur même de cette littérature ésotérique. Tout historien sérieux du champ ésotérique est confronté au problème du syncrétisme. La question est de savoir comment le gérer. Mais encore faut-il en avoir conscience, ce qui n’est pas toujours aisé lorsque, comme dans le cas de l’astrologie ou des Centuries, on a , au premier abord, l’impression, d’ailleurs fausse, d’un ensemble d’un seul tenant, oeuvre d’un seul homme dont on peut écrire la biographie et dater les œuvres. On est moins excusable lorsque l’ensemble considéré est hétéroclite de façon manifeste, ce qui est le cas de ce qui se présente, précisément, sous le nom – au singulier – d’ésotérisme et qui inclut d’ailleurs, entre autres, les corpus susnommés. Dans ce cas, en effet, toute tentative de rechercher des invariants dans un tel ensemble nous apparaît comme chimérique. On peut certes mentionner de telles tentatives émanant de certains milieux pour conférer quelque unité sous le nom d’occultisme, d’ésotérisme. Mais l’ésotérologue, s’il peut décrire ce jeu n’a pas à en être dupe. Jacques Halbronn Télécharger le texte complet format RTF, 200ko, 30 pages. |
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