Extrait d'un ouvrage � para�tre.
Du proc�s des m�dias
La cible
Si
l'�quation : plus d'information = plus d'oubli, �tonne ou d�range on se
demande bien pourquoi. Faudrait-il que nous nous sentions concern�s par tout
ce qui se passe dans le monde ? En vertu de quel grand principe ? Si le
citoyen se sent concern� par sa vie de quartier, il vote. Il se sent alors,
l�gitimement responsable de sa vie sociale. Mais, en ce qui concerne la
marche du monde, o� et comment pourrions-nous manifester notre indignation et
notre �c�urement devant la barbarie qui inonde la plan�te d'un fleuve de sang
et de larmes ? Parce que l'information que diffusent les m�dias couvre la
terre enti�re, nos r�flexes civiques se r�v�lent datant d'�poques r�volues et
nous croirions volontiers que la plan�te n'est qu'une annexe de notre jardin.
D'o� cet ethnocentrisme aussi violent qu'inconscient, aussi autoritaire que
na�f. Avons-nous vraiment envie de sortir du cadre �troit de nos villes et de
nos petits quartiers pour nous lancer � l'assaut du monde, � l'instar des
R�volutionnaires � jamais immortalis�s sur les billets de 100 FF ? Je ne le
crois pas. Le gel intellectuel et la frilosit� cr�ative nous ont d�j�
contamin�, figeant toute r�action dans le sel de l'immobilisme. Nous ne
participons pas au d�sastre du monde, nous g�missons seulement sur l'�moi que
celui-ci provoque en nous. Notre peine et notre d�tresse nous d�rangent,
c'est malheureusement tout ! Ces sentiments d�rangent le bel ordonnancement
de nos int�rieurs. Ils font sale !
S'en prendre au m�dias, c'est s'offrir un bouc �missaire � bon compte, un
moyen suppl�mentaire de d�missionner. Le premier pas consisterait au moins �
ne pas nier cette frilosit�, nous pourrions alors - par un effort
d'introversion - en chercher les causes int�rieures et cesser de nous raccrocher
aux explications des � sp�cialiste � du genre et qui ne le sont que pour
eux-m�mes, dans l'espace �troit que d�voile leur pens�e. Si les m�dias
"fabriquent l'oubli", c'est qu'ils ne nous �meuvent pas. Il faut en
convenir, on oublie ce qui ne concerne pas nos sens. C'est triste,
terriblement affligeant, mais la barbarie du monde ne nous �meut pas. Elle
trouble, le temps d'un flash d'information, l'espace doucereux de nos
appartements.
Mais qu'un �v�nement insignifiant � l'�chelle plan�taire se d�roule dans la
rue et nous voil� tous � la fen�tre, voire sur le pav�...[1] Prendre les journalistes pour cible n'a
pas plus de sens. Dire qu'ils r�duisent tout � leur jargon, qu'ils m�prisent
le public, etc. peut-il enrichir le d�bat, faire �voluer l'outil de diffusion
de l'information ? On esp�re quoi au juste des m�dias ?
En fait, � travers ce proc�s g�n�ral, nous avouons d'une mani�re ou d'une
autre que nos d�mocraties disposent d'un instrument dont nous ne savons pas
nous servir. Et ce n'est pas le seul, des outils plus r�cents comme les
ordinateurs multim�dias, les r�seaux plan�taires, etc. suscitent la m�me
d�fiance. Nous finissons par nourrir � leur �gard une sorte de f�tichisme de
tr�s mauvais aloi qui peut d�raper � tout moment. Leur attribuant des vertus
qu'ils n'ont pas, nous les dotons d'une puissance qui demeure illusoire... Ce
ne sont plus des outils destin�s � rendre la vie domestique plus facile, ce
sont des objets magiques et ceux qui les manipulent ne sont plus des
op�rateurs des techniciens � des con-citoyens � au service d'un pouvoir
quelconque! Il se transforment, par les vertus de la rumeur et des faux savoirs
qui se propagent, des officiants dot�s d'une puissance transcendante,
forc�ment crainte, des pr�tres en quelque sorte. Lesquels seraient au service
d'un pouvoir occulte, financier, politique...
Que les dictateurs du monde entier s'en prennent d'une mani�re semblable aux
journalistes et aux opposants politiques - qui sont leurs ennemis � naturels �
- choque quand il s'agit de nations �loign�es ou � en voie d'�volution �. Ces
forfaits sont mis sur le compte d'un archa�sme qui tombe sous le sens. Mais
que nous fassions � virtuellement � de m�me avec nos informateurs ne nous
vient m�me pas � l'esprit. Alors que nous nous accordons � dire que nos soci�t�s
entrent dans l'�re du virtuel, il devient donc carr�ment insens� de se
disculper � bon compte en pr�tendant que, si la presse est libre, que tout
citoyen peut encore exprimer ses opinions..., les m�dias, eux, pourrissent
tout, alimentant insidieusement une censure rampante. Dans cette
contradiction nous affirmons que nous condamnons virtuellement ceux-ci � une
future neutralisation, comme le G.I.A. le fait "physiquement" en
Alg�rie, bient�t en Russie, puis, plus tard, ailleurs.
Pour expliquer plus compl�tement cette id�e, osons quelques m�taphores ! En
termes militaires, "neutraliser" une adversaire, signifie qu'il
s'agit d'emp�cher ce dernier de nuire. Les moyens sont laiss�s �
l'appr�ciation de l'agent charg� de la mission.
En Alg�rie ou dans d'autres pays o� la lutte pour la d�mocratie passe par la
presse, le dessin satirique ou la prise de parole dans les assembl�es de
communaut�, la "neutralisation" de la s�dition passe forc�ment par
l'�limination physique. Et si le journaliste exprime des pens�es qui vont �
l'encontre du pouvoir, on le neutralise. C'est le cas au Nigeria, en Turquie,
etc.
Neutraliser signifie tuer, mettre en prison, �carter du circuit social, de la
vie communautaire...
Dans nos nations o� l'�limination physique de l'adversaire est proscrite, la
"neutralisation" s'effectue autrement. On fait obstruction. La
parole s�ditieuse est "mise au ban" des voies "normales"
de l'expression. On tue ainsi "virtuellement". Et les fa�ons de le
faire demeurent tr�s rationnelles, comme celles des dictateurs. On dit
pudiquement chez les �diteurs : "le public boude ce genre de
texte". Les secr�tariats de r�daction vous disent qu'il "faut
rappeler plus tard...". Quand aux plateaux de t�l�vision, si vous n'avez
v�cu un �v�nement hors du commun qui pourrait gonfler "l'Audimat",
il ne faut m�me pas compter approcher un micro. Il ne vous reste plus alors
qu'� vous �poumoner au Parc des Princes pour une rencontre P.S.G.-Nantes,
ainsi passerez-vous, peut-�tre votre rage d'�tre "exclu", de ne pas
�tre entendu des autres, de ne partager avec personne votre mal d'�tre. �
moins que vous ne profitiez d'un mouvement protestataire en faveur de la
d�fense du syst�me social pour exprimer un malaise qui n'a rien � voir avec
des revendications mat�rielles du d�part.
"Je me suis lanc� dans la bagarre comme conducteur. Le lendemain, je
me sentais avant tout cheminot. Puis j'ai endoss� l'habit du fonctionnaire.
Et maintenant, je me sens tout simplement salari�, comme les gens du priv�
que j'aimerais rallier � la cause�[2]
La revendication initiale, clairement circonscrite, a disparu, la
g�n�ralisation, travers�e par le flou, d�voile d�j� que d'autres
insatisfactions, probablement plut�t immat�rielles, prennent la rue comme
tribune... Mais c'est timidement dit. Il n'y a de place nulle part pour ce
type de revendication. On n'ose pas dire que l'on est d�courag� par le non
sens du travail et de la vie en g�n�ral. On se prend de nostalgie pour ce
temps o� les travailleurs manifestaient une solidarit� qui allait bien
au-del� du travail. La vie dans les cit�s du Nord en est un exemple. Alors la
col�re s'appuie sur des pr�textes institutionnalis�s. Des intellectuels,
avides de grands mots et sentant confus�ment qu'un autre discours transcende
le premier, se mettent � r�p�ter 1789. Libert�, dignit�, etc. "Cette
crise est une chance historique pour la France et tous ceux qui refusent la
nouvelle alternative : lib�ralisme ou barbarie.". Il y va fort Pierre
Bourdieu ![3]
Est-ce bien l� que le malaise se situe ? � suivre ! Car il y aura de toute
mani�re une suite. On ne jugule pas les puissance de l'�me comme on g�re une
entreprise, ou comme on professe � l'universit�. Et pour l'instant, dans ce
vaste d�bat qui s'annonce comme la rumeur d'un cirque, il n'est jamais
question d'�me ou de quelque chose d'approchant. "Mai 68", au
moins, avait du panache et du d�lire.
Continuons avec nos m�taphores.
Dans certains groupes ethniques il existe un ch�timent pire que la mort. On
punit les plus grands crimes par le bannissement, l'exclusion totale d�finitive
ou pour une dur�e d�termin�e hors de la tribu.
Je me souviens des hurlements pouss�s par un homme de la communaut� o� je
suis n�. Je crois qu'il avait �t� banni � jamais parce qu'il avait viol� une
femme. Il �tait rest� plusieurs jours, agenouill� aux limites du territoire,
� hurler � la mort comme une b�te bless�e, dans l'indiff�rence g�n�rale, y
compris la mienne. Puis il avait soudain disparu, probablement achev� par un
inconnu qui avait eu piti� de lui. Nous ne l'avons plus jamais revu, nous
n'avons plus jamais prononc� son nom.
Plus que la mort, le bannissement est un ch�timent terrible car si la mort
peut d�livrer du lourd fardeau de la vie, bannir revient � laisser l'�tre
face � lui-m�me, en d�bat constant avec sa faute.
Quand partout il n'est question que de "mondes virtuels", de
"r�alit� virtuelle", du pouvoir de l'image, comment ne pas
s'interroger sur la puissance de cette obstruction faite aux discours qui
sortent du consensus ? Comment continuer � jouer les candides et pr�tendre
que cela n'int�resse personne ? Mais alors pourquoi sont ils si nombreux dans
la rue � hurler leur mal �tre, leur inqui�tude sur l'avenir, leur incertitude
pour demain, leur impossibilit� d'envisager le m�me futur que celui de leurs
parents ? Les journalistes, les m�dias sont-ils en cause dans tout cela ?
Qu'� cela ne tienne monsieur l'�diteur, vous avez justement un sp�cialiste de
la question qui va vous sortir un livre sous trois jours... Question de
montrer que vous donnez dans le social. Vous allez "interviouver" qui
? Pierre Bourdieu ? non Alain Touraine peut-�tre ? Ah oui vous avez s�rement
raison, depuis le temps qu'ils tra�nent des id�es nouvelles sur tous les
plateaux de t�l�, vous �tes s�r que Bernard Pivot parlera de vous. Il y a des
nouveaut�s qui vivent aussi longtemps que des oliviers... Regardez J�sus !
Suis-je en train d'�crire que nous sommes en plein totalitarisme
intellectuel, "virtuel" tout au moins et que le bannissement,
"l'exclusion", constituent un ch�timent que les nouveaux nobles ont
choisi pour les roturiers r�volt�s ? On pourrait le croire en premi�re
lecture. Ce serait oublier un peu vite que nous sommes en D�mocratie ! Cela
veut dire, entre autre, que quiconque est libre d'exprimer ses opinions comme
il l'entend... C'est vrai !
Mais comment ?
Monsieur l'intellectuel de gauche qui voulez "faire entendre le
refus qui s'exprime dans le mouvement actuel"[4],
n'est-ce pas du paternalisme pur et simple. Vous les prenez pour qui les
"gens qui sont dans la rue" ? pour une sous-cat�gorie de citoyens
auxquels vous tendez une main fort g�n�reuse, la v�tre bien entendu. Vous
allez peut-�tre demander une subvention pour �diter un journal de gr�vistes ?
et pourquoi pas de SDF ? �a marche fort en ce moment !
On dit en Afrique, � propos de l'aide humanitaire : "Quand vous donnez �
manger � cent personnes vous en affamez dix milles. Donnez-nous de quoi
planter des graines, nous pourrons nourrir un million de bouches."
...
Cruel n'est-ce pas ? Mais ce sont des Africains qui parlent ! Des Africains
qui en ont assez de vos complaisances de nantis, qui savent en fait que vous
liquidez vos angoisses personnelles � bon compte. Rien d'autre !
Non monsieur l'intellectuel de gauche, ne nous laissez pas la parole,[5]
c'est votre place que nous voulons. 1789 a balay� les clercs, votre tour
viendra. La libert� est au bout du fusil ! "virtuel" bien s�r.
Mais � trop d�noncer le "virtuel", certains savent qu'il revient �
la r�alit� sous une forme bien plus r�elle, folle souvent.
Les psys redoutent ces effets de retour du refoul�.
En attendant si nous voulons dire autre chose que ce que vous affirmez depuis
vos cours � l'universit� il nous reste l'underground du virtuel.
Et s'il n'existe pas de surface toute faite pour la diffusion des id�es
nouvelles, il est inutile d'aller la revendiquer aupr�s des princes
de la nation, on peut se mobiliser pour user de celles que les techniques
nouvelles nous offrent : r�seaux informatiques � Internet pourquoi pas ! �,
mode shareware[6] ,
feuillets libres comme ceux que les branch�s de musique lisent. Nul ne
contr�le, pour l'instant, ces nouveaux m�dias[7]
et la librairie n'est plus le passage oblig� des paroles �crites.
Il ne manque pas de supports possibles pour la diffusion des id�es nouvelles
ou anciennes, bonnes ou mauvaise � l'histoire finira par trier � � condition
de sortir des lieux communs et des pr�jug�s diffus�s par une �lite en place
qui s'entretient dans son propre pessimisme.
Du r�le des intellectuels
Quand l'on est ainsi convaincu que
des institutions se sont d�tourn�es de leur but initial, on prend position et
on en fait un combat, une lutte id�ologique ! On ne peut critiquer le Prince
et picorer dans sa main au premier claquement de doigt. On profite de son
temps de parole � la t�l�vision ou � la radio, dans les colonnes du journal
Le Monde pour d�noncer l'ineptie des m�dias. Puisque c'est ce que l'on pense.
Il est toujours rassurant de parler de la d�cadence des autres pour mieux
s'aveugler sur la sienne. Il est de bon ton de parler de la violence des
banlieues pour mieux s'opposer et de se sentir les �lans protecteurs d'un bon
papa adjudant. Cela �vite de s'interroger sur la violence rampante des
milieux prot�g�s. L'analogie qui en d�coulerait soul�verait trop de probl�mes
plus fondamentaux pour lesquels ni la Science ni la Philosophie n'ont de
r�ponses toutes faites. Il existe une place � prendre dans la cour des
miracles de nos �tats, � condition de sortir de cette fascination
abrutissante pour les plateaux de t�l�. Les bouillons de culture que l'on
peut y consommer ont un vieux go�t de recuit, seules des ambiances pr�cieuses
leur conf�rent un vernis de raffinement.
Il est du r�le et du devoir de l'intellectuel de penser aux moyens de
cr�ation et de diffusion des id�es aptes � r�pondre au d�fi de la crise,
cette sourde transformation, qui traverse nos soci�t�s polic�es. Il leur
appartient de mettre en forme un futur qui se r�alise d'abord sous
l'apparence d'objets bruts. S'il ne le font pas, comme il s'agit d'une
fonction naturelle et n�cessaire aux soci�t� humaines, d'autres le font �
leur place. Peut-�tre est ce que l'on reproche aux m�dias ? On leur
refuserait toute comp�tence � penser et � traduire. C'est un peu fort mais
c'est aussi l'aveu des clercs eux-m�mes sur leur impuissance � infl�chir le
cours du monde. � force de critiquer tout ce qui bouge et qui vit, les voil�
confront�s � leur insignifiance. Mais cela ne les emp�che nullement d'occuper
les micros pour claironner leur non-savoir.
Mais que l'on cesse de dire aux autres ce qui est le mieux pour la Bosnie,
contre les Serbes, contre la junte du Nigeria ou pour �duquer nos bambins...
Vous-m�me, n'est-ce pas, qu'avez-vous fait pour la Bosnie, le Rwanda ou
simplement pour l'exclu qui demeure � la porte de votre immeuble ? Rien !
Vous faites donc bien partie de la classe des nantis et des �go�stes ! Et si
vous vous rebellez contre cette id�e car il vous semble avoir du c�ur, il ne
vous reste plus qu'� ressasser votre amertume et votre sentiment d'indignit�.
Il vous arrive alors de penser � ces �poques utopiques o� l'Homme vivait � la
mesure de la nature et du temps. Il savait go�ter, vous non. Et la terrible
marche r�trograde est enclench�e. Vous voil� d�j� pris au pi�ge d'une morale
de la d�sesp�rance.
Normal c'est dans l'air !
Notre monde est d�cid�ment d�cadent ! C'est ce que vous allez vous mettre �
maugr�er, comme les autres. Mais r�ussirez-vous vraiment � freiner l'�lan
sauvage des progr�s en tous genres ?
...
Il vous reste � m�diter sur votre propre exclusion de ce monde-l�, celui qui
bouge � la vitesse des ordinateurs et des images virtuelles, � laisser la
nostalgie vous envahir. Adieu, le village, son �glise et son "Caf� de la
Place" ! La publicit� d'une radio connue vous avertit : "Si t'as
pas la nostalgie, t'as pas de futur !"[8].
Vous n'aurez plus qu'� vous faire � cette ambiance d'orage qui n'�clate
jamais.
�
Non Messieurs les intellectuels, de gauche, ou de droite d'ailleurs � au
point o� j'en suis je puis � mon tour g�n�raliser � nos soci�t�s ne sont pas
verrouill�es, il n'y pas de censure rampante, il y a l'`establishment', et
puis il y a les autres, Les Gens !
Vous risquez votre pouvoir, mais ceux-l� que risquent-ils, que l'infinie joie
d'�tre, d'exister enfin, � prendre la parole un jour, sans vous. Il reste �
pr�voir comment elle se prendra.
Certains, pris de r�volte se prennent � vouloir restaurer les antiques
valeurs, celles du bon sens et des journ�es qui s'�tirent paisibles comme
dans un roman de Jean de la Varende[9].
Il s'impose alors � quelques esprits lucides l'id�e terrible que cette sorte
de r�gression pourrait ne pas s'arr�ter. Il ne s'agirait pas d'un r�el retour
aux traditions - on sait que celles-ci sont surann�es - mais d'une puissante
"marche r�trograde" dont les signes sensibles existent � tous les
niveaux : racisme, perte des sources essentielles du droit � l'�gard des
personnes, exclusion pure et simple de ceux qui sortent de la norme mais
aussi refus de l'environnement technique promu au rang de bouc �missaire et
de d�mon de fin de si�cle.
L'homme et la femme "civilis�s" consid�rent leur soci�t� comme un
mod�le d'ordre et de s�curit�, o� tout perturbateur est v�cu comme un
barbare, un d�mon, un diable porteur des affres du d�sordre et du chaos. Que
cette attitude se transforme en slogan politique pour mieux chasser cet
intrus malfaisant n'a rien de surprenant, ce sont les mythes du monde
moderne, greff�s sur une cosmogonie[10]
qui ne s'est pas renouvel�e depuis des mill�naires, qui nous taraudent.
L'atteinte port�e au calme des villes, la moindre frustration - relay�e,
amplifi�e et largement comment�e par le tapage m�diatique - g�n�re de
gigantesques crises urticantes. On ne prend pas en compte l'�v�nement, sa
qualit�, sa port�e humaine, mais l'�motion qu'il suscite. On passe volontiers
et "sans transition" du nettoyage ethnique en Bosnie � la victoire
de l'�quipe de France de football sur celle de Pologne. Puis l'actualit� nous
branche en direct sur les attentats foment�s par le GIA et plus rien d'autre
ne compte que cela, m�me si vous habitez Figeac. Mais rien ne change dans
votre vie. Demain, vous pr�voyez de recevoir vos amis, vous parlerez de
choses et d'autres, du quotidien... le v�tre ! Et de notre balcon, des
paysages de laque d�filent sous nos yeux. Parfois, un intrus y fait
irruption. Des r�flexes rod�s depuis des si�cles se mettent � op�rer,
cadenas, verrous, angoisse, fantasmes... Qui c'est celui-l� ?... Entre l'intrus
et vous se noue un �trange lien. Chacun se conna�t, de part et d'autre de la
barri�re.
L'�tranget� est suspecte, elle perturbe, elle �meut parce qu'elle seule sait
entrer dans notre champ de perception..
De quoi s'agit-il donc, de l'effet des m�dias ou d'un probl�me qui remonte
aux sources id�ologiques de nos soci�t�s, � leur absence de perspectives ?
Non, d�cid�ment, les m�dias, s'ils sont en cause, ne sont pas seuls !
Kieser El Baz, Paris le 10/12/97
[1] � Edgar
Morin, dans son journal, Une ann�e Sysiphe, p. 44, rapporte une anecdote
semblable. S'interrogeant sur l'�tat du monde, il s'arr�te sur un �pisode banal
qui le fait sortir de son immeuble. Quelques lignes plus t�t il r�fl�chissait
sur l'opportunit� de descendre dans la rue pour se joindre � une manifestation
pour l'�cole la�que...
[2] � Le
Monde du 13 d�cembre 1995, premi�re page, sous le titre : � Des gr�vistes :
Demain ne sera plus comme hier, il faudra du respect !. �
[3] � Le
Monde du 14 d�cembre 1995, premi�re page, sous le titre : � Pierre Bourdieu
choisit la gr�ve contre la `barbarie'. �
[4] � Philippe
Corcuff, � Les intellectuels doivent faire entendre le refus de la rue �, in
Info Matin du 11 d�cembre 1995, quatri�me de couverture.
[5] � La
p�ripharase est jolie : � Laissez votre parole, on s'en occupe ! �. Il y a,
comme �a, sans que l'on s'en rende compte des � garderies pour paroles �. Les
�mules de Dolto pour � pens�es-enfants � vous y attendent. Et vous en seriez,
bien s�r, la mauvaise m�re.
[6] � Le moyen
de diffusion en libre essai ou shareware, nous vient des pays
anglo-saxons. On diffuse une �uvre et celle-ci n'est pay�e que si l'utilisateur
d�cide d'en faire une utilisation constante. Les droits sont directement pay�s
� l'auteur, le distributeur se contentant de facturer ses frais de
fonctionnement au d�part. Ce moyen de diffusion est commun�ment utilis� par les
cr�ateurs de logiciels qui peuvent ainsi se faire conna�tre facilement.
Certains, d'ailleurs, sont sortis de l'ombre et leur cr�ation a �t� achet�e par
les grands tels Microsoft Corporation.
[7] � On s'en
inqui�te cependant et l'on fourbit les armes d'une censure d'un nouveau genre.
[8] � Radio
Nostalgie, publicit� en grands panneaux, campagne publicitaire d�octobre
1995.
[9] � Auteur de
romans qui retracent la vie des nobles sous l'ancien r�gime.
[10] � Cosmogonie
ou repr�sentation du monde. Par un curieux hasard, ce sont les astronomes qui
ont remis ce mot au go�t du jour.