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De l'image mythique de M�d�e � la Grande D�esse
Catherine Barb�
I � R�sum�L�humanit� s�est construite sur un grand principe fondateur, inaccessible, sinon m�taphoriquement, par le mythe. A l�origine de la construction d�une civilisation, �merge un mythe fondateur. Les recherches ant�rieures ont montr� que le mythe jud�o-chr�tien est l�aboutissement d�une �volution jalonn�e par des �tapes d�unification, sous les traits d�une Grande D�esse M�re, nourrici�re et terrible, suivie de diff�renciations progressives en un panth�on o� chaque figure est dot�e d�une sp�cialit�, pour se r�soudre en une dualit� opposant un Dieu tout-puissant au Diable. Sur les traces de la Grande D�esse, nous retrouvons M�d�e, figure civilisatrice, comme un avatar de la divinit�, dont le renforcement des caract�res humains m�diatise la puissance aupr�s des hommes. Comme la ��ma�tresse que surtout elle r�v�re��, elle sera �vinc�e progressivement du panth�on pour se retrouver projet�e dans l�Histoire. L�itin�raire qui conduit aux sources du mythe est sem� d�emb�ches. Il est en effet difficile de suivre les m�andres de l�imaginaire, sans prendre en consid�ration l�Histoire et les traces litt�raires du mythe, au risque parfois de s�y perdre. Ainsi, c�dant � la pr�tention de mener de front deux axes de recherche sur les deux plans, remontant le fil du texte d�j� �crit, il nous appara�t nettement que nous nous sommes heurt�e � l�impossibilit� de d�gager nettement le sch�ma des repr�sentations. Le chemin est long qui m�ne � la ma�trise dont a fait preuve Bernard Teyss�dre en la mati�re. Le coup d�essai fait le ma�tre dans le monde des h�ros, mais pour le chercheur, il est le prix d�un effort et d�une asc�se, sans qu�il soit pour autant assur� d�en �tre r�compens�. Nous esp�rons seulement que de l�abondance du mat�riau trait�, bien loin d��tre �puis�, �mergeront quelques traits dominants, utiles � notre d�monstration. Ce qui reste dans l�ombre, le flou, l�inexpliqu� sera l�occasion, nous l�esp�rons, de d�veloppements et d�approfondissements ult�rieurs. De la surface...La premi�re version attest�e du mythe est donn�e par H�siode en deux passages situ�s dans les derniers vers de la Th�ogonie. Elle relate essentiellement la g�n�alogie de M�d�e, sa rencontre avec Jason, chef des Argonautes dans le premier[1], son appartenance aux Immortelles dans le deuxi�me[2]. Quelques traits s�en d�gagent qui permettent de mettre en relation la figure mythique de M�d�e et des images que la la publicit� met en sc�ne, notamment : ��C�est d�mon��, cit� en Premi�re partie. � Recomposition de l�image mythiqueLa vierge aux yeux qui p�tillentDans la Th�ogonie, premi�re version attest�e du mythe de M�d�e, elle appara�t comme numph�/kour� �lik�pida : ��Vierge aux yeux qui p�tillent�. L��tymologie[3] propose plusieurs solutions au sens d�elik�pida et diverses interpr�tations ont �t� propos�es. Il ne s�agit pas ici de choisir entre un sens ou un autre, mais de consid�rer l�ensemble des versions, et de les rapporter � la premi�re repr�sentation litt�raire de M�d�e comme vierge qualifi�e d�elik�pida, selon la m�me d�marche que celle appliqu�e � l�analyse du mythe, consid�r� dans l�ensemble de toutes ses versions.� 1 � Elik�s : Dans la formule elik�pes Axaioi (Il.) ; f. elik�pis (Il.,I,98, H�s., Sapho, Pi.)� : le sens est discut�. Le second terme du compos� entre dans une s�rie connue (� okw �) mais le mot reste obscur. Diverses interpr�tations ont �t� propos�es : a)�� ��aux yeux vifs��, cf. �liss�, (mais �liko- ne pr�sente ce sens dans aucun autre compos�) ; b)�� ��aux yeux arqu�s�� (objection : le th�me de �liss� ne signifie pas courber, mais ��rouler en plusieurs tours��) ; c)�� hypoth�se en l�air de Preliwitz, ...fond�e sur la glose ; d)�� L�interpr�tation antique la mieux affirm�e �aux yeux noirs�, le mot �tant glos� m�lanophthalmoin ; il existe d�ailleurs un adjectif �likos signifiant �noir� (Call, fr. 299). M. Leumann pense, ce qui est plausible, que �likos est issu de �lik�pes que l�on ne comprenait plus. D.L. Page, History and the historic Iliad, (244 sq., 283), suppose que le sens originel serait �aux yeux noirs� ; hypoth�se paradoxale, mais avec laquelle il ne subsisterait aucune difficult� (cf. aussi sous elix). 2 � Elix, -kos, : f. �spirale�, d�o� dans des emplois divers : �bracelets� (Il.,18, 401), �spirale� en g�om�trie, �vrille� de la vigne et du lierre, �replis� d�un serpent, sorte de cric en forme de vis pour soulever les navires, invent� par Archim�de... ; employ� comme adjectif �en spirale, qui tourne�, dit d�un fleuve, d�herbes ; chez Hom�re et H�siode, dit de boeufs, souvent � c�t� de eilipous (Il., 9, 466) et souvent compris �aux cornes recourb�es� : il faudrait y voir alors l�expression abr�g�e d�un terme comme *�liko-kraira (toutefois les lexicographes donnent aussi le sens de noir) ; il s�agirait alors d�un mot tout diff�rent, (Cf. sous �lik�ps et page oc. 245). 3 � �lik�n, toponyme, notamment montagne des Muses en B�otie (H�siode. Tr, 639...) avec digamma initial attest� chez Corinne. Montagne aux saules. � ���� Il ne s�agit pas ici de choisir entre un sens ou un autre, mais de consid�rer l�ensemble des versions propos�es, et de les rapporter � la premi�re repr�sentation litt�raire de M�d�e comme vierge qualifi�e d��lik�pida.� il s�agit de la m�me d�marche que celle appliqu�e au mythe, constitu� de toutes ses versions. � De l�ensemble des sens propos�s se d�gagent les id�es de mouvement tournant, de spirale, de noirceur ; ce en quoi le mot se diff�rencie de glauk�pis, o� pr�domine la couleur claire, le bleu, alli� � la lumi�re : transparence, profondeur ? qui induit la fascination, la terreur ? A remarquer d�abord que, alors que la science �tymologique propose comme traduction �noir�, sous l�argument qu�elle ne pr�sente ��aucune difficulté ” ; le traducteur d�H�siode, quant � lui, traduit avec constance ��aux yeux qui p�tillent��. La vierge et le serpentNous devons rappeler que, dans la composition de la Th�ogonie, �lik�pida qualifie Echidna avant d��tre appliqu� � M�d�e : ��(K�to) enfanta aussi un monstre irr�sistible, qui ne ressemble en rien aux hommes mortels ni aux dieux immortels. Au creux d�une grotte naquit la divine Echidna � l��me violente. Son corps est pour moiti� d�une jeune femme aux belles joues et aux yeux qui p�tillent, pour moiti� d�un �norme serpent, terrible autant que grand, tachet�, cruel, qui g�te aux profondeurs secr�tes de la terre divine. C�est l� aussi qu�elle a sa grotte, en bas, sous un rocher creux, loin des dieux immortels et des hommes mortels... c�est sous la terre...qu�a �t� retenue l�atroce Echidna, dont la jeunesse doit �chapper � jamais � la vieillesse et � la mort. � elle, dit-on, s�unit Typhon - le terrible, l�insolent bandit � la vierge aux yeux qui p�tillent� - et de lui elle con�ut des enfants au c�ur violent.��[4] Par son ��regard qui p�tille�� Echidna inclut M�d�e, et en retour M�d�e, dont le c�t� monstrueux n�est en rien manifeste chez H�siode, inclut Echidna. Cependant M�d�e, conquise par un Grec, est une Barbare. Et Echidna, la Vip�re, a en outre la r�putation de d�vorer les passants. De sa vilenie, elle est punie par Argos-aux-cents-yeux qui la croque tue. Elle partage sa r�putation avec une de ses filles pr�sum�e, Scylla : devant son antre ��jamais encore matelot ne se peuvent vanter d�avoir pass� par l� sans p�rir avec leur nef��[5] (il est difficile de se vanter quand on est mort) et tous sont morts. Tous ? Non, Un seul � su r�sister � la monstrueuse Scylla ! Et Circ� de faire � Ulysse le complaisant r�cit du succ�s du seul marin qui avant lui, aura sans encombre travers� le sombre passage. Ne cherchons plus, c�est Jason, bien s�r, qui a d�fi�, sous les auspices b�n�fiques d�H�ra, la monstresse ainsi faite : ��A mi-hauteur de l��cueil, s�ouvre une caverne � la profondeur bleu�tre, tourn�e du c�t� de l�Ouest vers l�Er�be... Aucun homme, si vigoureux fut-il, ne pourrait du creux de sa nef, atteindre d�une fl�che le fond de la caverne (cf. Chaos, aux profondeurs insondables, et ciel �toil�...). C�est l� que g�te Scylla aux aboiements terribles. Sa voix n�est pas plus forte que celle d�une chienne nouveau-n�e (�voque Typh�e� dont les t�tes jappent ��tant�t des cris pareils � ceux des jeunes chiens...�) ; c�est pourtant un monstre affreux : personne n�aurait de joie � la voir, m�me si c��tait un dieu ( il y en a quand m�me un qui a consenti � lui engendrer une descendance). Elle a douze pieds, tous difformes (super-Boiteux et pas de jolies chevilles, elle !) ; et six cous, de longueur singuli�re (�a renifle le serpent �a), et sur chacune une t�te effroyable, trois rang�es de dents, serr�es, multiples, pleines des t�n�bres de la mort (pouah, elle pue !) Elle s�enfonce jusqu�� mi-corps dans le creux de sa caverne ; elle tend ses t�tes hors du gouffre horrible, et de l�, elle p�che�� (une p�tite occupation bien tranquille pour la femme six-troncs !!! Shiva, Vishnou et tous les saints (avatars) au sec !!!!) � Il s�en souvient Jason, il est marqu� � vie ! D�ailleurs, il la sert � en guise de soupe froide � � M�d�e, tout fra�chement m�re infanticide : ��Jamais il ne se f�t trouv� une Grecque pour oser ce forfait (ah, l�, on voit tout de suite de quoi il s�agit, une �trang�re, une sauvage, une Barbare, quoi, pas civilis�e, toute crott�e) et c�est � elles que je t�ai pr�f�r�e pour �pouse ! Il pourrait n�anmoins lui reconna�tre un petit avantage : ce n�est pas une Grecque qui t�aurait endormi un dragon aux-cent-yeux qui en a toujours un d�ouvert. �Je me suis alli�e � une ennemie, pour ma perte, � une lionne � non � une femme (quelle intuition c�t�homme l�!) � d�un naturel plus sauvage que la Tyrrh�nienne Scylla.��[6] Le serpent et le chienL��num�ration de la descendance monstrueuse va suivre : ������� Orthos, le chien de G�ryon ; ������� Cerb�re, le chien d�Had�s, le ��cruel, monstre irr�sistible qu�� peine on ose nommer, � la voix d�airain, aux cinquante t�tes, implacable et puissant�� ; ������� Hydre, ��qui ne sait qu��uvres atroces, le monstre de Lerne�� ; ������� Chim�re, ��terrible autant que grande, rapide, puissante, qui poss�de trois t�tes, l�une de lion � l�oeil ardent, l�autre de ch�vre, l�autre de serpent, de puissant dragon[7]�� ; ������� Scylla est parfois jointe � la liste, bien que ses origines soient diversement rapport�es ; ������� Et enfin, ��unie d�amour � Phorkys, K�to lui donna pour dernier enfant un terrible serpent, qui, cach� sous la noire terre, au milieu de ses immenses anneaux, garde des moutons tout en or.�� � H�siode consacre par ailleurs un long passage � Typh�e/Typhon[8]: ��Mais lorsque Zeus eut chass� les Titans, l��norme Terre enfanta un dernier fils, Typh�e, de l�amour du Tartare, par la gr�ce d�Aphrodite d�or.[9] (...) De ses �paules sortaient cent t�tes de serpent, d�effroyable dragon, dardant des langues noir�tres ; et des yeux �clairant ces prodigieuses t�tes jaillissaient, par dessous les sourcils, une lueur de feu (et de toutes ses t�tes le feu jaillissait avec le regard) [10]; et des voix s��levaient de toutes ces t�tes terribles, faisant entendre mille accents d�une indicible horreur. Tant�t, c��taient des sons que seules les dieux comprennent ; tant�t la voix d�un taureau mugissant, b�te alti�re, � la fougue indomptable, tant�t celle d�un lion au c�ur sans merci ; tant�t des cris pareils � ceux des jeunes chiens, �tonnant � ou�r ; tant�t un sifflement, que prolongeait l��cho des montagnes.�� � Le portrait peut �tre compl�t� ainsi, (y compris ses variantes) : ��Typhon tenait le milieu entre un �tre humain et un fauve. En taille et en force, il surpassait tous les autres enfants de la Terre (...) souvent sa t�te se heurtait aux �toiles. Lorsqu�il �tendait les bras, l�une de ses mains atteignait l�Orient et l�autre touchait l�Occident et au lieu de doigt, il avait cent t�tes de dragons. A partir de la ceinture jusqu�en bas, il �tait entour� de vip�res.��[11] � H�siode continue ainsi : ��Alors une �uvre sans rem�de se f�t accomplie en ce jour ; alors Typh�e e�t �t� roi des mortels et des Immortels, si le p�re des dieux et des hommes de son oeil per�ant soudain ne l�e�t vu.�� � L��pisode de Typh�e chez H�siode semble en effet une interpolation, doublon de la Titanomachie qui devrait conclure les combats de Zeus pour instaurer l�ordre olympien contre les forces du chaos. Typh�e n�attaque pas Zeus : le combat commence d�s lors qu�il est mis en lumi�re par le regard ac�r� de Zeus. Le monstre appara�t lui-m�me comme un concurrent de Zeus par son regard de feu, qui se manifeste dans le combat : ��une ardeur r�gnait sur la mer aux eaux sombres, allum�e � la� fois par les� deux adversaires, par le tonnerre et l��clair comme par le feu jaillissant du monstre, par� les vents furieux autant que par la foudre jaillissante.��[12] � Ce passage �voque en �cho la guerre contre les Titans[13]. mais l� o� Typh�e et Zeus font assaut de feu, au combat avec les Titans le po�te ajoute le son : ce ne sont que ��grondements��, ��fracas��, ��cris��, ��sanglots�� : ��le spectacle aux yeux, le son aux oreilles �taient pareils � ceux que feraient, en se rencontrant, la terre et le ciel sur elle �pandu.�� � La guerre dure dix ans, sans qu�aucun avantage ne se d�gage, jusqu�� ce que Zeus ne fasse remonter de l�Er�be vers la lumi�re du jour : les Cent-bras, qui r�pondent aux cent t�tes de Typh�e, � cette diff�rence pr�s qu�ils ne sont pas dans le m�me camp. Mais qui induit que pour vaincre les monstres n�s de la terre, il leur faut opposer des monstres pareils � eux. � De m�me que dans le d�but de la Th�ogonie, Chaos, ��l�Ab�me�� suscite, la Nuit et la Nuit, la lumi�re du jour, son compl�mentaire, de m�me, Zeus, pour assurer sa victoire, ram�ne � la surface des forces monstrueuses enfouies sous la terre. � Sur le r�le du regard on doit consid�rer Psych� et M�duse qui est plus ou moins le jumeau d�Echidna. � Comme pour elle, les variantes pr�sentent une inversion dans le portrait : tant�t le haut du corps humain et le bas animal, tant�t l�inverse. C�est-�-dire un long d�veloppement sur le regard et la voix : ��les yeux qui p�tillent�� deviennent ici regard de feu. La voix quand � elle renvoie � l�indicible, l�incompr�hensible, la cruaut�, ou au mieux � l��tonnement. � Le monstre Typh�e est en passe d�accomplir ��une �uvre sans rem�de en ce jour��, n��tait l� �il de Zeus. Le regard de Zeus d�voile l�intention du monstre qui est de prendre le pouvoir. Il faut �galement le rapprocher aussi de �likoblepharon, attribut d�Aphrodite[14], traduit �galement par ��aux yeux qui p�tillent��, (diff�rence peut-�tre seulement dans le sens du deuxi�me �l�ment : -ops de ora�, renvoyant � l�organe de la vue, l��il, alors que blept� insiste davantage sur l�action de regarder). Blep�[15] : ��voir, avoir un regard��, distinct de or�n, �� regarder, tenir les yeux sur, veiller sur, prot�ger, surveiller��. Il s�emploie pour l�expression du regard ; avec eis pour indiquer la direction du regard. � D�autre part, sur la racine �liko-: �liktos : associ� � drak�n :�� serpent aux replis tortueux, Sop�., Tr., 12 en restant dans le domaine du regard. Il faut signaler glauk�pis, appliqu� � Ath�n�,13. Toujours la racine ops-, ��oeil�� ajout� � glauk. Glaukos[16] : attest� Il.,16,34 comme �pith�te de la mer, probablement au sens de bleu clair (mais Leumann traduit ��terrible��). L��pith�te de serpent chez Pindare ��aux yeux p�les et brillants��. Participe hom�rique glaukio�n ��aux yeux brillants��, Il., 20,172, dit d�un lion. C�est le nom de personne Glauk�, une N�r��de dans l�Ile. (Cr�use, nouvelle �pouse de Jason est parfois nomm�e Glauk�). Leumann a montr�[17] vigoureusement que les divers emplois de glaukos ne laissent pas de ramener � l�unit�. Employ� une fois chez Hom�re, il exprime � la fois la lumi�re et une couleur bleu p�le, en rapport avec le nom d�oiseau glaux, dont l��il est brillant et fascinant n�est pas exclu. � Glaux : ��chouette��, oiseau d�Ath�na et oiseau d�Ath�nes. Histoire du compos� glauk�pis : �pith�te d�Ath�na chez Hom�re, dont le sens rituel originel doit �tre ��� la face�� ou ��aux yeux de chouette��. Ce compos� rapport� � Ath�na a pu prendre le sens de ��aux yeux �tincelants et terribles.�� Il s�est rattach� plus tard aux emplois de glaukos, dit de l�olivier, de la lune. Ce r�seau de repr�sentations permet de dresser un bestiaire : nous aurons � y revenir � propos de M�d�e : leain�, tauroumen�, ��lionne�� au regard de ��taureau��. ���� Chaque h�ros, chaque monstre est associ� � un compl�mentaire de sexe oppos� (sauf exception, dont H�ra, et � l�origine Chaos et Terre). De l�union du masculin et du f�minin na�t une descendance. � Consid�rant les exemples qui pr�c�dent, les rejetons sur lesquels nous nous sommes arr�t�e sont en fin de cycle ainsi que l��pisode consacr� � M�d�e intervient en cl�ture de la Th�ogonie, qui consacre son union avec Jason. � noter que dans les Argonautiques d�Apollonios, la rencontre de M�d�e avec Jason se produit chronologiquement � la fin du voyage aller, alors que dans leur navigation, les Argonautes ont rencontr� pratiquement � chaque �tape des monstres femelles, comme autant d�obstacle � leur mission. ��Et, � l�infatigable Soleil, Pers�is, l�illustre oc�anine, enfanta Circ� et le roi A�t�s. Et A�t�s, fils de Soleil, qui �claire les hommes, par le vouloir des dieux, �pousa la fille d�Oc�an, le fleuve parfait, Idye aux belles joues, qui lui donna pour fille M�d�e aux jolies chevilles, dompt�e sous la loi amoureuse par la gr�ce d�Aphrodite d�or... �� [18] � (....) ��La fille d�A�t�s, le nourrisson de Zeus, ce fut le fils d�Aison, qui, par la volont� des dieux toujours vivants, un beau jour l�emmena du palais d�A�t�s. Il avait achev� de douloureux et multiples travaux que lui dictait un roi terrible et orgueilleux, l�insolent, furieux et brutal P�lias. Il les acheva tous, et revint � Iolcos, apr�s bien des fatigues, ramenant sur sa nef rapide la vierge aux yeux qui p�tillent, dont il fit sa florissante �pouse. Elle subit donc la loi de Jason, pasteur d�hommes, et lui donna un fils, M�deios, que dans les montagnes nourrissait Chiron, le fils de Philyre � et le plan du grand Zeus ainsi s�accomplissait.��[19] � A ce point de la l�gende, M�d�e n�a aucune part aux travaux de Jason, dont la nature exacte n�est pas pr�cis�e. Mais Echidna, autre vierge aux yeux qui p�tillent, �pouse du serpent Typhon, a pour fr�re un grand serpent qui garde dans ses anneaux des moutons tout en or. Mais quel est le plan de Zeus qui exeteleito, ��arrivait � sa fin ultime�� ? � Avec M�d�e s�ach�ve la Th�ogonie proprement dite. Les derniers vers composent une hi�rogonie, o� elle appara�t � nouveau au rang des ��Immortelles entr�es au lit des hommes mortels, qui leur ont enfant� des enfants pareils aux dieux.��[20] � Dans le m�me texte, M�d�e est �galement qualifi�e de thal�r� par H�siode : ��florissante�� (�pouse) de thaleros, ��qui cro�t, qui pousse�� de thall�, qui �voque aussi l�abondance. Par d�rivation nominale, on arrive � : thalos : ��rejeton��, et donc � l�id�e de f�condit�. Ajoutons pour compl�ter ce rapide tour d�horizon que du point de vue �tymologique Petite-fille du Soleil ��qui voit tout�� et fille d�Idye, l�Oc�anide, rattach�e �tymologiquement � la racine eid�/oida, d�o�, la ��savante��, , M�d�e, associ�e d�s son entr�e dans l�histoire � la f�condit� et � une certaine forme de connaissance, inaugure une carri�re dont nous suivrons les traces dans les �crits antiques o� sa l�gende se tisse au fil des si�cles, depuis les premiers po�tes jusqu�� son apoth�ose[21] en trag�die. � Le r�sultat de l�enqu�te g�n�alogique trouve son compl�ment dans la recherche �tymologique permet de la mettre en relation avec d�autres figures sp�cifiques du panth�on grec, avec lesquelle elle partage les qualit�s inh�rentes � ce qu�il convient de d�signer par ��la force du nom��. M�duse, M�tis, Prom�th�e, form�s sur la m�me racine, partagent avec M�d�e le m�m type d�intelligence. M�d�e/M�duse������ M�domai[22] c�est "m�diter un projet, pr�parer, avoir en t�te" ; ������ M�dea : " projets, plans habiles, pens�es" ; ������� mais aussi : "sexe de l'homme" C�est le terme qu�emploie H�siode, dans la Th�ogonie, au vers 180, quand Kronos fauche ��les bourses�� d�Ouranos. Chantraine pr�cise, n�anmoins qu ��il ne semble pas probable que ce m�dea l� soit tir� de m�domai��, sans plus d�explication ! ������� M�dosun� :" sagesse, intelligence", apparent� au th�me *me/*m� attest� dans m�tis, m�tron ; ������� M�domai:"veiller �, prendre des mesures pour" ; ������� M�dousa, participe pr�sent de medomai, voulait dire la " m�ditante" qui p�trifie ceux qui la regardent : M�duse, seule mortelle de la triade des Gorgones, passait aupr�s des Anciens pour "souveraine", �tant donn� que son regard fixe �tait celui de quelqu'un qui "m�ditait". Or, chez les Grecs, la m�ditation est l'apanage des chefs. ������� La racine MED-, li�e � l'id�e complexe de� "prendre des mesures apr�s m�re r�flexion" r�sulte de la tr�s curieuse imbrication de ces trois id�es de base : on mesure un champ, on impose une mesure d'ordre, le tout au prix d'une m�ditation. � Il existe deux s�ries de d�riv�s � partir de MED- : meditari donne "m�diter" ; medicare, "soigner" c�est-�-dire porter son attention sur un malade afin de le soigner.[23] M�tis, la ruseLe terme m�tis a aussi tout un r�seau s�mantique articul� autour de ce concept. Le vocabulaire de la ruse tr�s riche, n�cessiterait une �tude compl�te[24]. Form� sur la racine Me/m�, m�tis signifie ��plan, plan habile��, mais aussi, le plus souvent ��sagesse, habile, efficace�� qui n�exclut pas la ruse. C�est l��pith�te de Zeus : on parle souvent de ��la m�tis de Zeus��, mais �galement la principale qualit� de Prom�th�e ��celui qui pense � l�avanie, qui r�fl�chit�. � M�tis, ��l�intelligence de la ruse� implique une s�rie d�attitudes mentales combinant le flair, la sagacit�, la d�brouillardise. Multiple et polymorphe, elle s�appliquait � des r�alit�s mouvantes qui ne se pr�tent ni � la mesure pr�cise ni au raisonnement rigoureux. Elle s�exer�ait dans des domaines tr�s divers, mais toujours � des plans pratiques : savoir-faire de l�artisan, habilet� du sophiste, prudence du politique, art du navigateur, � la m�decine, � la chasse... � Sur le plan historique m�tis est cette forme particuli�re d�intelligence refoul�e dans l�ombre par les philosophes, rejet�e du c�t� du non-savoir, parce que trop mouvante, insaisissable, � une �poque o� la pens�e grecque triomphante cherche � se fixer en cat�gories immuables fondant la V�rit�. A tel point que les recherches des hell�nistes modernes l�ont pass�e sous silence jusqu�� une �poque tr�s r�cente. On ne s��tonnera pas que dans un dictionnaire des synonymes[25], sur une liste de trente, seulement deux renvoient � des valeurs positives de ruse. � La force du nom r�v�le ce que nous sugg�rions g�ter derri�re les ��yeux qui p�tillent�� de la vierge M�d�e. Les anneaux du serpent Echidna tapie dans sa grotte son ici transpos�s au plan de l�esprit, dans les circonvolutions souterraines de la ruse, au fil des enrichissements que conna�t le mythe, dont nous allons retracer � pr�sent le d�roulement complet. � M�d�e, la magicienne, fille d�A�t�s, roi de Colchide, lui-m�me fils d�H�lios, le Soleil, telle qu�elle appara�t chez H�siode, intervient dans cinq �pisodes mythiques ayant pour cadre diff�rents lieux g�ographiques: la Colchide, Iolcos en Thessalie, Corinthe, Ath�nes, et dans la derni�re s�quence, le retour de M�d�e en Colchide.�[26] - constitu�s � des �poques diff�rentes de l�Antiquit� grecque. La Qu�te de la Toison d�orLa l�gende de M�d�e s'inscrit dans le cadre plus vaste de la Conqu�te de la Toison d'or, offerte jadis � Zeus par Phrixos qui avait fui avec sa soeur Hell�, loin d'Athamas, leur p�re, lequel, sur les conseils insidieux de leur belle-m�re Ino, voulait les sacrifier � Zeus Laphystios.[27] C'est cette m�me toison qui fera l'objet de la convoitise de Jason : celui-ci, �lev� par le Centaure Chiron[28], avait, en effet, r�clam� le tr�ne d'Iolcos � son oncle P�lias, qui l'avait usurp�[29] apr�s avoir destitu� son fr�re Aeson, p�re de Jason. P�lias, pour �vincer son neveu avait invoqu� le fant�me de Phrixos disparu en Colchide de mort naturel ou assassin� par A�t�s[30], dont l'�me �tait venue le tourmenter car son corps n'avait pas �t� enseveli selon les rites grecs. P�lias affirmait la n�cessit� de reconqu�rir la Toison d'or, consacr�e � Ar�s et clou�e sur un ch�ne dans le bois sacr� du dieu. � 1 � Li�e � la qu�te de la Toison d�or, charm�e par Eros et Aphrodite, M�d�e entame une longue carri�re d�auxiliaire du h�ros Jason, le chef des Argonautes, au cours des �preuves impos�es par A�t�s : apr�s avoir donn� un onguent magique contre les br�lures des taureaux au souffle de feu, elle conseille une ruse � Jason : jeter la� pierre de Discorde contre les g�ants du champ d�Ar�s et lui offre une herbe capable d�endormir le dragon, gardien de la Toison d�or. Pour prot�ger la fuite des Argonautes, M�d�e participe � la mort de son fr�re Absyrte, dont elle disperse les morceaux. Dans une version diff�rente, le jour o� les Argonautes d�barqu�rent au rivage de Colchos, elle lia imm�diatement son sort au leur, faisant promettre � Jason de l'�pouser si elle assurait le succ�s de son entreprise et le rendait ma�tre de la Toison d'or, propri�t� d'A�t�s. Une fois la Toison conquise, gr�ce � ses philtres, la magicienne s'enfuit avec Jason : pour retarder ses poursuivants conduit par A�t�s, elle prend son jeune fr�re Apsyrtos comme otage, le met en pi�ces et �parpille son cadavre derri�re elle. � 2 � En revenant � I�lcos, point de d�part de la conqu�te, M�d�e et Jason, selon une premi�re version, vivent en bonne intelligence avec P�lias. M�d�e rajeunit Aeson, p�re de l�Argonaute, Jason et aussi les Hyades, nourrices de Dionysos. Dans une version diff�rente, M�d�e commence par tirer vengeance de P�lias, l'usurpateur (qui, selon certaines traditions, ne tiendrait pas parole et ne restituerait pas le tr�ne � Jason, vainqueur de la Toison d'or.). M�d�e persuade donc, par ruse, aux filles de P�lias qu'elle �tait capable de rajeunir tout �tre vivant en le faisant bouillir dans une composition magique dont elle avait le secret. Sous leurs yeux, elle d�p�ce un vieux b�lier, le met � bouillir dans un grand chaudron, lui rendant ainsi sa jeunesse. Les P�liades, convaincues, font subir le m�me sort � leur p�re, mais il ne ressort jamais du chaudron ! A la suite de ce meurtre, le couple, banni du royaume, s'installa � Corinthe, pays d'origine d'A�t�s. � 3 � Cette s�quence situ�e � Corinthe, la plus c�l�bre du mythe, se pr�sente comme un amalgame de traditions M�d�e, qui a d�livr� la cit� de la famine, y est v�n�r�e comme une d�esse, associ�e au culte d�H�ra. Cette derni�re, afin de r�compenser la magicienne d�avoir r�sist� aux avances de Zeus, avait promis l�immortalit� aux fils de sa rivale. Lors de la c�r�monie d�immortalisation, les enfants, enfouis par M�d�e dans le sol du temple, meurent. � Une autre tradition rendait les Corinthiens responsables de la� mort des enfants tu�s dans le temple. Une terrible maladie ayant ravag� le pays, on institua en expiation, un rite : sept gar�on et sept filles passaient une ann�e dans le temple. Apr�s quelques temps de vie sans histoire, le roi de Corinthe, Cr�on, voulut donner sa fille en mariage � Jason. Il bannit M�d�e, mais celle-ci obtient un jour de d�lai dont elle profite pour tirer vengeance. Trempant une robe dans des poisons, ainsi que des ornements et des bijoux, pr�sents du Soleil, elle les fait parvenir � la nouvelle �pous�e, par l'interm�diaire de ses propres enfants. D�s que l'heureuse rivale les portes, elle est embras�e d'un feu myst�rieux, ainsi que son p�re, venu la secourir. Cependant, M�d�e tuait ses enfants et s'envolait pour Ath�nes sur un char attel� des chevaux du Soleil. Ainsi se cl�t l'�pisode trait� en trag�die. � D'autres traditions, rapport�es par Pausanias, pr�sentent M�d�e, reine du pays (d'origine de sa famille) ; H�ra Akra�a, pour la r�compenser d'avoir repouss� l'amour de Zeus, lui promet l'immortalit� pour ses enfants. Au cours de la c�r�monie rituelle d'enfouissement des enfants dans le sol du temple (katakruptein) les enfants meurent.[31] Ou encore, les Corinthiens sont donn�s pour responsables de la mort des enfants, en repr�sailles des agissements criminels de la magicienne, trait�s en trag�die. � 4 � Par la suite, on retrouve M�d�e � Ath�nes : elle s'�tait assur� l'aide d��g�e, lui promettant en retour de mettre fin � sa st�rilit� s'il l'�pousait. Elle lui donna effectivement un fils, M�dos, Mais lorsque Th�s�e revient de Tr�z�ne, M�d�e essaie de l'empoisonner. Elle est alors chass�e d'Ath�nes. � 5 � Apr�s diverses p�rip�ties, notre h�ro�ne regagna sa Colchide natale, o� elle rend le pouvoir � son p�re, �vinc� par Pers�s, et elle contribue, avec l'aide de M�dos, � la reconqu�te de contr�es appartenant au territoire colchidien qui deviendra l'Empire des M�des, peuple de magiciens.[32] � Selon certains,[33] M�d�e ne serait pas morte, mais se serait unie � Achille[34], roi des Champs-�lys�es ou de L��le des Bienheureux, comme Iphig�nie, H�l�ne et Polyx�ne. � De la ��vierge aux yeux qui p�tillent�� � la derni�re �tape de son p�riple, la figure de M�d�e a subi des transformations, dont la trag�die d�Euripide, situ�e � Corinthe, en terre grecque, marque une �tape et fixe les grands traits d�une mani�re quasi d�finitive. Ce point de vue, nous ne doutons pas que fins lettr�s et sp�cialistes le conteste, mais nous devons insister sur le fait que nous nous situons dans le cadre d�une lecture globale du fonctionnement du mythe, o� les variantes, pour importantes qu�elles soient, sur le plan litt�raire, n�ont pas d�incidence dans la d�marche que nous avons choisie, quelque difficult� que nous �prouvions, en tant que litt�raire, � en faire le sacrifice, il faut bien l�avouer ! M�d�e, telle qu�en elle-m�meChez Euripide, elle revendique encore son ascendance solaire ; elle s�invecte : � Toi la fille d'un noble p�re, et la lign�e du Soleil, tu as la science. � v. 406. Alors que pour les autres, elle est devenue la " sombre face" : � Son humeur sauvage et le funeste naturel de son �me intraitable. � v.100. Elle a � le farouche regard d'une lionne � v.185. Jason n�est pas le seul � le remarquer : � C'est � toi l'�pouse en fureur que je parle � v.272. � Alors que toutes les traditions la font na�tre en Orient, toujours elle a �t� l�Etrang�re, l�Autre, la Barbare, avec toutes les connotations que cela implique pour un Grec : diff�rence, sorcellerie mal�fique, cruaut�, violence. R�duite au statut d�h�ro�ne, d�ni�e dans sa fonction d�auxiliaire du conqu�rant, elle voit sa magie divine li�e aux pratiques d�immortalisation raval�es au rang de sorcelleries. N�anmoins, elle continue � faire peur, par les assauts d�une violence ressentie comme une menace pour l�ordre �tablit. Le roi le lui fait savoir, qui l�exile. Situ�e sur un plan tr�s humain, la trag�die d�Euripide est centr�e sur la description des douleurs de M�d�e, dans la perspective o� elle se trouve d�une r�pudiation et d�un nouvel exil. Elle montre tous les signes d�une maladie �trange, rep�r�e par la m�decine antique. Son mal ne se manifeste pas seulement sur le plan physique. ��M�d�e est malade. Tout lui est en horreur�� (v.16) ; Elle g�t sans nourriture, le corps abandonn� aux douleurs (v.24) ; Elle ne cesse de pleurer (V.25) ; Elle a les yeux fix�s au sol (v.28) ; Elle est p�trifi�e et sourde : ��Comme la roche ou la vague de la mer, elle entend ses amis qui l�exhortent�� (v.29) Elle a le phr�ne (l��me) lourd.(v.38) ; La nourrice craint qu'elle ne se suicide en se transper�ant le foie d'un glaive. (v.40) ; Elle ne calme pas sa bile.(v.93/94) ; ��Que va-t-elle faire, le visc�re gonfl�, difficile � calmer, l��me mordue par le mal ?�� (v.108-110) se demande la nourrice. Elle met en garde les enfants : ��Prenez garde � son humeur sauvage et du funeste naturel de son �me intraitable.�� (v.103) � Et M�d�e en �cho : ��Je succombe � mes maux. Oui, je sens le malheur/crime que je vais oser ; mais thumos (la passion)� l�emporte sur mes r�solutions, thumos, cause des plus grands malheurs/crimes pour les mortels.�� (v.1078-1080) S'appuyant sur les �crits d'Hippocrate, J. Pigeaud[35] propose une lecture m�dicale de la maladie de M�d�e. Les deux sympt�mes dominants chez M�d�e, font l�objet de nombreux commentaires dans les textes m�dicaux. Nous apprenons ainsi que le ��visc�re gonflé » est utilis� pour d�signer � la fois, la rate et le foie dans la pens�e m�dicale grecque[36]. Nombreuses allusions faite � la ��bile�� dans la trag�die, s�cr�tions � laquelle les m�decins apportent toute leur attention, surtout lorsqu�elle est ��am�re�� et fonc�e, et non ��belle��, d�autant plus lorsque lui est associ�e une forme de ��tristesse�� : ��Si la crainte et la tristesse dure longtemps, un tel �tat est m�lancolique��[37]. ��Tristesse��, traduction traditionnellement adopt�e, mais approximative pour dusthumi�, recouvre un ensemble de significations beaucoup plus complexe ; c�est un malaise, un mal �tre, un mal de vivre, o� se retrouvent la crainte du complot et le d�sir d�isolement. Dans le corpus m�dical grec, en effet, la melan chol� ��bile noire�� une humeur pr�cise articul�e � des sentiments assez diffus, qui engagent la totalit� de l��tre en souffrance correspond � la d�finition de la m�lancolie. La m�lancolie n�est pas maladie de l��me, ni celle du corps, mais maladie de ��la relation de l��me et du corps.��[38] La relation insistante qui est �tablie entre les maux de M�d�e et son rapport � ses enfants, ses mises en garde et son v�u, que M�d�e s�en prenne ��aux ennemis, non aux amis��, pr�cise encore le diagnostic. � L�humeur noire n�est pas le seul trait qui rattache M�d�e � la lign�e des monstres femelles, ��lionne�� au ��regard de taureau��, mais il reste n�anmoins caract�ristique d�un dysfonctionnement global de l��tre, d�une rupture avec l�environnement, que ce soit dans le mythe ou dans l�histoire. Nous aurons l�occasion d�y revenir. Les Argonautes et les monstres femellesAu cours de leur voyage, les Argonautes sont amen�s � rencontrer plusieurs figures f�minines, dont le trait commun r�side en certaines formes de monstruosit�. Ces p�rip�ties, �voqu�es par Pindare, sont largement d�velopp�es chez Apollonios de Rhodes, bien qu�elles n�apparaissent pas dans le m�me ordre chez les deux auteurs. Dans le texte d�H�siode, du viie si�cle avant notre �re, une vingtaine de vers sont consacr�s, chez Apollonios on peut lire plus de 3000 vers divis�s en quatre chants. En un peu plus de trois si�cles, la l�gende de M�d�e s�est consid�rablement enrichie et diversifi�e. Or, parmi les enrichissements nombreux des th�mes mythiques, que nous r�servons pour une recherche ult�rieure et plus litt�raire, nous voulons poursuivre ici seulement ceux qu�annon�ait la ��vierge aux yeux qui p�tillent��. Au d�part, des h�ros partent en qu�te. Il appartiennent � une sorte de confr�rie, unie par le m�me but, qui �voque la f�d�ration des Grecs partant � la conqu�te de Troie[39], unis par un serment, pour ramener H�l�ne. A la diff�rence des compagnons d�Agamemnon, les Argonautes n�ont pas initialement pour objectif la conqu�te d�une femme. La mission de Jason est double : rapporter l��me de Phrixos et la Toison d�or. � Pendant le voyage aller, la premi�re escale des h�ros se situe � l��le de Lemnos. Les Argonautes y rencontrent des femmes meurtri�res de leurs maris. C�est une communaut� que l�on compare � celle des amazones[40], condamn�es � la st�rilit� et � l�extinction, ce dont les Argonautes les sauvent. Les Argonautes s�amolliraient dans les bras des Lemniennes si H�racl�s ne venait les secouer. Il est bien clair que Lemnos n�est qu�une �tape et qu�un objet bien plus glorieux les attend. � Au vers 675 le discours d�une vieille femme souligne : ��Mais aux jeunes je conseille de bien r�fl�chir car un rem�de efficace est � votre port�e, c�est de confier aux �trangers votre maison, tous vos biens et le gouvernement de votre illustre ville.�� alors qu�elle vient d�attirer leur attention sur le fait que sans hommes, elles ne pourront subvenir � leurs besoins quand elles auront vieilli, et qu�elles n�auront pas d�enfant. De fait, ��Cypris avait inspir� au h�ros un doux d�sir par �gard pour l�ing�nieux H�pha�stos, afin que Lemnos retrouvant son int�grit� eut de nouveau dans l�avenir une population m�le��[41] et Jason donna deux fils � la Reine. Dans cette premi�re �tape, l�ouverture � l��tranger, ennemi potentiel, assure la reprise de la vie. Apr�s qu�� Samothrace les navigateurs se sont initi�s aux myst�res, selon des rites qui leur permettront de naviguer avec s�ret� sur la mer d�effroi, ils arrivent sur les C�tes de Mysie. L�, ils perdent Hylas, entra�n� sous l�eau par la Nymphe de la fontaine o˘ il se ravitaillait en eau. Ensuite sur la c�te occidentale de l�Hellespont, halte chez le devin aveugle Phin�e qui s'engagea � pr�dire aux Argonautes la suite de leurs aventures � condition qu�ils le d�barrassent des monstres que sont les Harpyes, cr�atures mi-femmes, mi-oiseaux. Phin�e leur indiqua alors comment franchir les Roches Bleues, (Cyan�es ou Sympl�gades) du Bosphore, donnant acc�s au Pont-Euxin � la Mer Noire. Au pays des Amazones, moins conciliantes que les Lemniennes. Ils ne s�attardent pas, �vitant ainsi une bataille sanglante. � Puis c�est l�arriv�e en Colchide, pays de M�d�e, � la pointe orientale de la Mer Noire, la jeune pr�tresse d�H�cate, inspir�e par Aphrodite, se fera auxiliaire efficace de la conqu�te. Les Argonautes, une fois leur mission accomplie, repartiront avec la toison tant convoit�e et M�d�e, en place de l��me de Phrixos ! A moins que la toison et l��me ne fissent qu�une. Sur leur chemin de retour, les Argonautes durent affronter les Sir�nes, mi-femmes, mi-oiseaux, qui attiraient les marins par leurs voix harmonieuses et les d�voraient. Mais Orph�e, par ses chants emp�cha qu�ils ne succombent � la s�duction. � D�un c�t�, la mission a les traits d�une descente aux Enfers, d�o� il s�agirait de ramener une �me, confirm�e par le ��sombre passage�� des Sympl�gades, de triste r�putation, que l�on ne traverse pas, o�, � tout le moins, on ��perd une plume��. De l�autre, Jason trouve une �pouse-auxiliaire pr�cieuse, figure f�minine lumineuse, si l�on en croit les r�cits les plus anciens �voquant la qu�te[42]. Dans un premier temps, elle assume son r�le d�auxiliaire du h�ros, r�le de compl�mentaire, s�appuyant sur son savoir magique, sur les baumes et les charmes. Mais d�s qu�elle a mis le pied sur la nef Argo, elle se fait complice de Jason dans des crimes de sang : celui de son fr�re d�abord, suivi de la longue liste de ses forfaits, en dehors de la conqu�te proprement dite. � Or, pour les Grecs, M�d�e est une barbare, avec les connotations que cela implique, alors que Jason vient du monde civilis�. Or M�d�e, par �tymologie est en rapport avec la facult� de penser et de m�diter. Leur qu�te achev�e, les Argonautes ram�nent la Toison et une femme, M�d�e. � Le r�le de M�d�e venant au secours de Jason est mentionn� par Pindare[43]. Mais alors que les auteurs d�crivent souvent la passion incontr�l�e de M�d�e pour Jason, l�horreur de ses pratiques magiques, la trahison des siens et sa violence sanguinaire, Pindare la pr�sente de fa�on plus d�pouill�e, la r�duisant presque � sa fonction : celle d�une f�e qui aide le h�ros � remplir sa t�che, personnage typique des contes mais aussi des mythologies �gyptienne ou sum�rienne. � La qu�te se conclut par l�union de M�d�e et de Jason. Le mariage de Jason et de M�d�eUn groupe de Colchidiens, � la poursuite des ravisseurs, r�clam�rent M�d�e � Alcinoos. Ce dernier leur promit de la livrer, sauf si elle �tait d�j� l��pouse de Jason, ce qui l�affranchissait de la loi paternelle. Ils s�empress�rent donc de c�l�brer le mariage. A peine avaient-ils quitt� Corcyre, qu�Argo fut entra�n� par une temp�te sur le rivage des Syrtes o� il s�enlisa. Ensuite, ils all�rent se purifier chez Circ�, fille du Soleil et tante de M�d�e. � Ce rapide passage en revue tend � asseoir l�hypoth�se que M�d�e s�int�gre, dans cet itin�raire g�ographique, � une lign�e de monstres femelles composite qui allait r�aliser ult�rieurement la repr�sentation primitive de la ��vierge aux yeux qui p�tillent�� petite-fille du Soleil, devenue pr�tresse d�H�cate, auxiliaire du h�ros, puis m�re meurtri�re. Or, il ne fait aucun doute qu�Apollonios, comme les autres po�tes, ait souhait� valoriser le caract�re solaire de la Qu�te, indissociable de sa sombre moiti�. Sous les auspices de PhoibosLe caract�re solaire du h�ros est � plusieurs reprises soulign�. ��C�est en commen�ant par toi, Phoibos, que je rappellerai les exploits de ces h�ros d�autrefois qui par la bouche du Pont et � travers les Roches Cyan�es, sur les ordres du roi P�lias, men�rent vers la Toison d�or la solide nef Argo��[44]. � D�s les premiers vers, Apollonios pose un d�cor d�ombre et de lumi�re�: Phoibos, la lumi�re du Soleil �claire le ��sombre passage�� des Roches Cyan�es, dites par ailleurs ��de sombre azur��. � Au vers 240, Jason resplendit ��Au milieu de la foule dont ils se distinguaient comme des astres brillants�� � Chez Pindare le c�t� solaire est soulign� au vers 307, quand, au moment du d�part Jason soul�ve coupe d�or vers l�astre ; de m�me, la d�cision de P�lias d�envoyer Jason conqu�rir la Toison d�or, vient d�un oracle de Delphes. Lors de son arriv�e chez les Lemniennes, le Jason de Pindare ��Il se mit en route vers la ville pareil � l�astre brillant�� (vers 774). Il est fait allusion � ��son bel �clat rouge dans l�air obscur��. � Jason une fois d�sign� chef de l�exp�dition (vers 351) invite les Argonautes � rendre hommage � Apollon, dieu des embarquements, par des sacrifices. (vers 352 � 363) et la pri�re de Jason � Apollon (vers 412). � Euripide, qui rel�gue au second plan la divinit� de M�d�e, fera n�anmoins intervenir le Soleil � tous les moments cl�s de la trag�die. Quand M�d�e �voque l'outrage[45] qu'on lui fait, � elle, la noble fille d'un p�re descendant du Soleil, c'est cette glorieuse origine qui la pousse � accomplir son dessein ; puis lorsqu'elle fait pr�ter serment � �g�e[46] qui lui assurera l'impunit� du crime, elle �voque entre autres divinit�s, H�lios. C'est ensuite la parure[47], instrument de vengeance, qui est �voqu�e avec une nouvelle r�f�rence au Soleil. Dans l'apparition finale, c'est enfin le char d'H�lios qui permet � M�d�e de fuir ses ennemis."[48] Repr�sent�e en 431, la splendeur d�un cinqui�me si�cle finissant dans les affres interminables � presque trente ans � de la Guerre du P�loponn�se, qui verra les Spartiates envahir l�Attique et se conclura par la fin d�une d�mocratie remplac�e par la tyrannie des Trente, la M�d�e d�Euripide signifie la coh�sion encore vivace d�un panth�on olympien en son d�clin, quand Apollonios le montre en sa phase ascendante. � Son �uvre, en effet met en sc�ne ��Zeus adolescent, ayant encore l�esprit d�un enfant�� qui ��habite au fond de l�antre du Dyct�e. Les Cyclopes, n�s de la terre n�avaient pas encore assur� sa force en lui donnant la foudre, le tonnerre et l��clair, ces armes qui conf�rent � Zeus sa supr�matie�� (v.497). La description (v.722 � 767) du manteau de Jason comporte une repr�sentation d�taill�e de sc�nes brod�es : les Cyclopes, au service Zeus forgeant la foudre � laquelle ��il manquait encore un rayon��. � En ce temps de conqu�te de la Toison d�or, que l�on situe g�n�ralement au xiie si�cle, avant la guerre de Troie, le panth�on olympien est encore dans la fleur de l��ge. � ��Il y avait aussi repr�sent� Phoibos Apollon, pas encore adolescent�� (v.759). Aux portes d�Had�sParmi les repr�sentations d��ph�be divin ��fils des Dieux��, figure Aithalides (v.640), fils d�Herm�s, ��le messager rapide auquel il confiait le soin des ambassades et du sceptre d�Herm�s, son p�re qui lui avait donn� en tout une m�moire inalt�rable, m�me maintenant qu�il s�en est all� vers les tourbillons invisibles de l�Ach�ron, l�oubli n�a pu envahir son �me bien au contraire, suivant l�alternance immuable fix�e par le destin, tant�t elle compte au nombre de celles qui habitent sous terre, tant�t elle revient � la clart� du soleil parmi les vivants. Mais qu�ai-je besoin de conter en d�tail la l�gende d�Altalid�s...�� � Ce fils d�Herm�s constitue un lien entre l�ombre d�Had�s et la lumi�re du Soleil. Had�s est le dieu des morts. Comme Zeus et Pos��don, ses fr�res, il est l'un des trois ma�tres qui se partag�rent l'empire de l'univers. Dans les Enfers, Had�s r�gne sur les morts. C'est un ma�tre impitoyable, qui ne permet � aucun de ses sujets de revenir parmi les vivants. Had�s intervient rarement dans les l�gendes. Had�s, dont le nom signifie ��l�invisible��, n'�tait d'ordinaire pas nomm�, car on redoutait, en l�interpellant pas, d'exciter sa col�re. Aussi le d�signait-on par des euph�mismes. Le plus courant �tait Plout�n, ��le Riche��, allusion � la richesse de la terre et des mines qu'elle rec�le. � Or, dans la recherche des origines, il est un �pisode qu�Apollonios passe compl�tement sous silence, qui nous semble essentiel : il s�agit de l�avalement de Jason par le Dragon gardien de la Toison d�or. D�ailleurs, aucun t�moignage �crit ne le relate. Seules, quelques repr�sentations iconographiques en gardent le souvenir. Sur une coupe � figures rouges de Douris[49], des ann�es 480, on voit en premier plan, le corps de Jason a moiti� englouti dans la gueule d�un dragon ; derri�re la toison d�or est suspendue � un arbre. L�attitude des personnages laisse supposer qu�il s�agit non d�une ingurgitation mais d�une r�gurgitation des entrailles du monstre. Sur un crat�re des ann�es 470/460, Jason affronte le serpent gardien enserre de ses anneaux le roc o� est suspendue la toison, dressant sa t�te mena�ante quand le h�ros tente de s�emparer du tr�sor. Un relief �trusque, du Ve si�cle montre Jason tenant la toison, mais un serpent enroul� � ses pieds lui avale la jambe jusqu�� mi-cuisse. Essentielles ces repr�sentations, disions-nous, en ce qu�elles figurent nettement la bi-polarisation du mythe, tiss� d�ombre et de lumi�re, dans un va-et-vient constant entre l�une et l�autre. � Ces quelques �l�ments, mais une �tude exhaustive n�cessiterait un volume complet, ne peuvent que nous inviter � poursuivre la qu�te des origines du c�t� de stades de civilisation plus anciens, dont la trace est nous est parvenue � travers mythes et rituels qui pr�sentent avec celui des Argonautes et de M�d�e, bien des analogies Des recherches r�centes renvoient en effet la Th�ogonie � des sources proches-orientales. Les sources proches-orientalesJacqueline Duchemin trouve la source de la Th�ogonie dans l��pop�e de Gilgamesh, le Po�me de Kumardi ou de la Royaut� aux Cieux et le Chant D�Ullikumi. La piste orientale est suivie par Alain Moreau, dans son [50] Mythe de Jason et M�d�e. La piste chypro-minoenne, offre le d�but d�un po�me sur le navire Argo dont le premier vers est : ��Les illustres voyages chantent le (...) souverain de l�errante Argo��. Il serait suivi des noms de M�d�e et Jason. Mais l�interpr�tation reste tr�s al�atoire, comme la th�se de l�origine s�mitique de Jason, soutenue par M.�Astour, sur les traces de V. B�rard, al�atoires mais n�anmoins � prendre en consid�ration. � La piste hittite pr�te moins � controverse : elle compare les aventures de Jason et M�d�e � celles des dieux et h�ros hittites en liaison avec le monde chtonien et le cycle de la v�g�tation. Volkert Haas, dans le mythe d�Illuyanka, rapproche Hupasiya de Jason et Inana de M�d�e. Le mythe du combat entre le Dieu de l�Orage et le Dragon est mis en parall�le avec l��pisode de la Toison d�or (la sainte Toison dans la f�te du Nouvel-An hittite). Mythe et rituel montrent la mort et la r�surrection du dieu de la v�g�tation, th�me abondamment repris dans la mythologie grecque. Nous verrons par ailleurs que M�d�e est �troitement associ�e au monde chtonien et que le passage de la mort � la r�surrection (avalement par le dragon, cuisson dans la chaudron et descente aux Enfers) joue un r�le essentiel dans le mythe. En Gr�ceDans la tradition litt�raire grecque, les h�ros et les cit�s du mythe sont pr�sentes chez Hom�re : Iolcos, Jason, A�t�s. Des liens �troits unissent les h�ros du cycle troyen et ceux du cycle thessalien. Nous avons donc assez d��l�ments pour affirmer qu�au d�but du deuxi�me mill�naire avant J.-C., le mythe de Jason et de M�d�e �tait bien vivant. Traces de rites archa�quesLe r�cit d�Apollonios rapporte les rites fun�raires en l�honneur de Cyzicos, tu� involontairement par Jason, I, 1070-78. Ce sont des rites tr�s anciens dont on trouve la trace dans l��pisode Lemnien, comme l�ont montr� Marie Delcourt et Marcel D�tienne, d�apr�s Le crime des Lemniennes de G. Dum�zil. Tous trois insistent sur l�importance d�un passage de l�H�ro�cos de Philostrate qui rapporte une f�te du feu nouveau c�l�br� � Lemnos en relation avec H�pha�stos. � ��A cause du crime des Lemniennes contre leurs maris, Lemnos est purifi� tous les neuf ans. Le feu y est �teint pour neuf jours. Un bateau est envoy� solennellement � D�los pour en rechercher (...) Invoquant les dieux chthoniens et ceux dont il n�est pas permis de dire les noms, les th�ores gardent le feu pur pendant ce temps. Lorsqu�ils d�barquent et qu�ils ont partag� le feu (...) alors commence une vie nouvelle.��[51] � La richesse du mythe offre de l�escale � Lemnos deux versions diff�rentes : celle d�Apollonios la situe lors du voyage aller, attest�e aussi chez Ascl�piade de Tragilos, peut-�tre reprise dans les Lemniens d�Eschyle ; la seconde, donn�e par Pindare (la seule qu�il d�veloppe d�ailleurs), place l��pisode lemnien pendant le voyage retour, en pr�sence de M�d�e donc. Il introduit le th�me de la mauvaise odeur inflig�e aux Lemniennes par Aphrodite qu�elles offensent. Or, la mauvaise odeur (dysosmie) est mise en relation directement avec le mythe dans un passage de Myrsilos de M�thymne (IIIe si�cle av. J.-C.) compl�t� par une glose. D�apr�s lui, M�d�e, par Jalousie, passant au large de Lemnos � bord d�Argo, lance� aux Lemniennes un pharmakon qui les afflige de dysosmie. Le pharmakon est le p�ganon, soit la rue f�tide, nous apprend la glose. Et la sholie de Myrsilos ajoute : ��Maintenant encore, tous les ans, il y a une journ�e pendant laquelle � cause de la mauvaise odeur les femmes se tiennent � l��cart de leurs �poux et de leurs fils.�� � Ces quelques exemples attestent la pr�sence de rites archa�ques derri�re le mythe. Il faut savoir, en effet, que le paragraphe de Philostrate et les passages relatifs � l��pisode lemnien du cycle argonautique s��clairent gr�ce � d�autres rites o� s�entrecroisent d�autres th�mes, le feu, le cycle annuel, la dysosmie et la s�paration des sexes : ������� H�pha�stos, ma�tre du feu, objet d�un culte � Lemnos, reste neuf ans en apprentissage chez les d�esses marines ; ������� Philoct�te, afflig� de dysosmie apr�s la morsure d�un serpent est rel�gu� sur l��le de Lemnos par les chefs ach�ens pendant neuf ans ; ������� la rue n�est pas seulement un poison malodorant, mais poss�de des vertus m�dicinales, abortives, anaphrodisiaques, st�rilisantes et para�t jouer un r�le dans le rituel de s�paration des sexes � Lemnos, le m�me que celui du gattilier dont les Ath�niennes garnissent leur liti�re lors des Thesmophories et qui provoque ��une l�g�re odeur de pourri�� facilitant �videmment l�abstinence sexuelle obligatoire en Gr�ce (pendant neuf jours selon Ovide) ; on peut le rapprocher de la manducation de gousse d�ail par les femmes, qui a la m�me fonction lors des Skirophories. � Le mythe de Dana�des vient faire le lien entre ces diff�rents th�mes : on y retrouve le massacre des �poux, la s�paration des sexes, le feu, le rituel cyclique, d�autant plus si l�on �coute H�rodote rapportant que ce sont les filles de Danaos qui ont donn� � l��gypte les ��f�tes d�initiation � D�m�ter, que les Grecs appellent Thesmophories��. A cela on peut ajouter l�information donn�e par M�lanippid�s, po�te lyrique du Ve si�cle� av. J.-C, qui, dans un fragment de ses Dana�des,� �crit que les filles de Danaos, loin des hommes par la distance mais proches par leur aspect et leur activit� (elles conduisent des chars, chassent) se livrent en m�me temps � la cueillette de plantes aromatiques (antidote � la mauvaise odeur). � Ces quelques remarques permettent de sugg�rer, d�une part, que l��pisode lemnien s�int�gre � un ensemble de mythes en relation avec des rites archa�ques relatifs � la s�paration des sexes, au plan humain, mais renvoyant � celle du Ciel et de la Terre, et que d�autre part l��pisode lemnien comporte de surcro�t un rituel en relation avec le soleil. Si l�ensemble du mythe de M�d�e est en relation avec l�astre du jour, depuis la naissance de la science mythologique, c�est, d�un c�t�, ce caract�re solaire qui a �t� soulign�, d�une mani�re exclusive, alors que de l�autre se d�veloppait la figure de sorci�re. Paradoxe sur lequel nous n�avons pas fini de nous interroger ! Rituels solairesIl est ind�niable que le mythe est associ� aux divinit�s c�lestes et au Soleil en particulier, ainsi que nous avons d�j� eu l�occasion de le souligner, que viennent confirmer les �l�ments suivants : le nom de N�ph�l�, m�re de Phrixos et d�Hell� a pour sens ��nu�e��. Cala�s et Z�t�s sont les fils du vent Bor�e. Augias, fils d�H�lios, mis en rapport avec aug� ���clat du soleil, et ��augai��rayons du soleil. Jason, lui-m�me, chez Pindare est solaire : les boucles �clatantes de sa chevelure blonde (plokamoi aglaoi) illuminent son dos. Algaos par ailleurs qualifie le soleil et �galment les Ph�aciens (phaos, lumi�re, clart� brillante), de Pha�ton. � Du c�t� de la maison royale de Colchide, c�est encore plus net. En quittant Iolcos, les Argonautes se dirigent vers l�Est. Ils gagnent le pays des Colques, qui selon Aristophane, sacrifient � H�lios (mais aussi � S�l�n�). Ceux-ci, au ��noir visage�� selon l�expression de Pindare rappellent les �thiopiens chez lesquels H�lios ach�ve le soir sa course commenc�e chez les Colques. (cf. Eschyle, Prom�th�e d�livr�, fgt 192 Nauck). � Selon Mimnerme, c�est le contraire : ��La cit� d�A�t�s, o� les rayons du rapide H�lios reposent dans une chambre d�or, pr�s des bords de l�oc�an, l� o� se rendit le divin Jason.�� frt 11. � Par ailleurs, la Colchide est le pays de l�or et de l�ambre. L�ambre est n�e des larmes vers�es par les jeunes H�liades quand leur fr�re Pha�ton fut foudroy� par Zeus. Quant � l�or, il recouvre la couche, la chambre, le casque, le char et le regard d�H�lios : ��Terrible est le regard que ses yeux lancent de dessous son casque d�or.�� Hymne hom�rique � H�lios, v. 9-10. ��Tous les descendants du Soleil �taient faciles � reconna�tre gr�ce au rayonnement de leurs yeux qui lan�aient loin devant eux des feux pareils � ceux de l�or.�� Apoll., IV, 727-9. C�est une Toison d�or qui est suspendue en Colchide dans le bois d�Ar�s, l�objet convoit� de la qu�te. La D�esse-m�reDes c�r�monies se d�roulent au sommet du mont Dindymon ��en l�honneur de la tr�s sainte M�re qui habite la Phrygie��, I, 1140-49[52]. La ��tr�s sainte Rh�a�� qui apporte l�abondance et apprivoise les b�tes sauvages est une Grande M�re et une Dame des Fauves, Potnia th�r�n, la Terre-M�re v�n�r�e dans tout le Proche et Moyen-Orient depuis la pr�histoire. On peut l�associer aux dieux adolescents, fils/amants de la Grande-M�re, mourant apr�s l�avoir f�cond�e, mais renaissant ensuite sous forme de plantes : Adonis, Attys, Osiris. � Mais d�autre part, le mythe fait allusion, nous en avons relev� quelques-unes plus haut, � des rituels de purification. Or, dans l�antiquit�, la d�esse de la purification, c�est H�cate. H�cate et les rituels de purificationRappelons tout d�abord parmi les premi�rs protagonistes de l��pisode initial et cause de la qu�te, deux figures f�minines, englouties par les flots, Hell�, s�ur de Phrixos, et sa mar�tre, Ino. Hell� est ��la brillante��, alors qu�Ino-Leucoth�e[53] est ��celle qui rend vigoureux��, ��d�esse blanche, lune��. L�une et l�autre sont des d�esses-lune. Par sa g�n�alogie, H�cate est quant � elle fille d�Ast�rie, ��l��toil�e��, elle m�me fille du Titan Coios et de sa soeur Phoib� ��la Brillante��. Unie � Pers�s, Ast�rie eut une fille unique H�cate, unique en effet par la nature et l'�tendue de son pouvoir : "Car, de tous ceux qui sont n�s de la Terre et du Ciel et qui ont obtenu leur part d'honneur, d'eux tous elle a le lot." Th�og. 420 sqq. Chez H�siode en effet ��honor�e entre toutes�� par Zeus elle a en partage ��la terre, la mer, le ciel et tous pouvoirs sur les hommes��. elle donne et reprend, selon le bon vouloir de son c�ur. � De fait, H�cate est une figure extr�mement complexe et myst�rieuse, caract�ris�e par des attributs et des fonctions, plut�t que par des l�gendes dans lesquelles elle interviendrait. Cette D�esse est originaire d'Asie Mineure, de Carie (Turquie), annex�e au panth�on grec apr�s 800 en m�me temps que Cyb�le, m�re des dieux, tr�s t�t identifi�e � Rh�a, m�re de Zeus, reste ind�pendante des Olympiens. Elle n'a pas donn� lieu � l'�laboration d'un mythe particulier, mais elle intervient dans des �pisodes d'autres mythes fondamentaux, o� elle c�toie d'autres figurations du f�minin et finit par y �tre assimil�e. Elle se pr�sente sous des aspects double ou triple, et contradictoires dont nous allons tenter de d�gager ceux qui sont essentiels � notre d�monstration. Dans sa complexit�, elle pr�sente des traits communs avec Art�mis. Sur le plan s�mantique, h�kas + ton signifie "loin, � l'�cart", sens que l�on retrouve dans l�une des �pith�tes d'Art�mis H�kaergos : "qui agit � l'�cart", g�n�ralement traduit par "agissant librement, tout puissant" particuli�rement dans le domaine de l�accouchement : "... Art�mis H�cate veille aux couches de ses femmes. " Eschyle, Suppl., 676. H�cate, � l'origine, est la d�esse nourrici�re de la jeunesse, et � ce titre apparent�e � Art�mis[54] � l'�poque ancienne. Cette derni�re, rest�e vierge et protectrice des Amazones, passe pour envoyer aux femmes qui meurent en couches le mal qui les emporte[55]. Art�mis, invoqu�e par Hippolyte, en proie aux avances de Ph�dre, est la d�esse de la puret�. C�est une �poque o� Zeus passe au tout premier plan, o� la pr�pond�rance revient aux dieux plut�t qu'aux d�esses, et qui marque la d�ch�ance du culte du chtonien Pose�don. Dans de nombreux sanctuaires, Apollon se substitue aux d�esses. Subsiste Art�mis seulement, dont on fait vite sa soeur. Le panth�on a tendance � mettre en valeur les dieux m�les[56], au d�triment des d�esses, raval�es au second plan, et/ou dont la figure se noircit. Mais, peu � peu, elle acquiert une sp�cification diff�rente et se trouve li�e au monde des Ombres, tout comme H�cate qui r�gnant sur les germinations et sur la naissance ; elle est identifi�e � Brimo, la m�re souterraine, � Pers�phone et � Rh�a. De ce fait, elle est m�diatrice entre le principe de la vie et de la mort, r�gulateur de la vie, alors qu�Art�mis, la d�esse aux chiens r�gne sur le monde animal. Elle devient la furieuse chasseresse de la nuit � qui l'on sacrifie des chiens au carrefour. D�s lors, H�cate put appara�tre sous une forme animale, jument, chienne, ou louve, suivie d'une meute hurlante et les chiens lui furent consacr�s. � En tant qu�elle favorise ou emp�che la naissance l�entit� complexe Art�mis-H�cate est un appel vers la vie. D�autre part, elle est li�e elle aussi au feu, mais ma�tris� : on la repr�sentait avec des torches. Cela souligne un troisi�me aspect de sa personnalit� et son identit� avec D�m�ter, dont elle partage les attributs : la torche, le chien, le bandeau, le blanc. La plus ancienne narration du rapt de kor� (��la jeune fille��) se trouve au d�but de l'hymne hom�rique � D�m�ter (VIIe-VIe si�cle), qui justifie le fondement des Myst�res d'Eleusis. Le po�te chante t� the�: ��les deux d�esses��, qui r�unies par le duel ne semble en faire qu'une : c'est ainsi qu'on les nommait � Eleusis, berceau des Myst�res. La torcheOr, H�cate vient jouer un r�le remarquable � c�t� de la m�re et la fille. D'apr�s l'hymne, le rapt a lieu sous les yeux du soleil, et sous ceux d'une autre divinit�, � qui rien n'�chappe, qui �tait dans sa caverne au moment de l'enl�vement : H�cate, qui ne vit rien, mais entendit la voix de Cor�. � Dans la mise en sc�ne de l�Hymne, elle appara�t en tant que double de D�m�ter : comme cette derni�re, une torche � la main. Dans d'autres versions du mythe, les paroles et les actions de D�m�ter lui sont attribu�es. Elle part � la recherche de Kor�-Pers�phone aux Enfers. H�cate r�appara�t comme accompagnatrice de Kor� quand m�re et fille sont enfin r�unies. � Si dans le mythe, chacune des trois repr�sentations du f�minin a sa sp�cificit�, sur les monuments du culte, elles sont plus faciles � confondre, ayant chacune le flambeau comme attribut que l�on peut relier au surnom de fosforos souvent attribu� � H�cate dans les textes. Elle est donc textuellement d�sign�e comme porteuse de lumi�re. La torche dans sa main est d�sign�e comme selas "lumi�re". Selas, racine �tymologie de S�l�n� (comme lux a donn� Luna) qui est la lumi�re dans la nuit, oppos�e � phaos, la lumi�re du jour. � Ainsi, La d�esse lumineuse d'H�siode manifeste son appartenance au monde des t�n�bres, qui va s�accentuer dans l'histoire, jusqu'� devenir la patronne de celles qui ont une relation avec les forces occultes : les magiciennes. � Cette D�esse triformis, est une femme � trois corps ou � trois t�tes, dont la statue s'�l�ve aux carrefours trivia. Son triple aspect ne perce qu'� une p�riode relativement tardive dans les productions artistiques, mais pointe d�j� chez H�siode qui c�l�bre en elle la dominatrice de trois domaines, terre, mer, ciel (c�est � dire sur les trois �l�ments) puis post�rieurement sur les Enfers : pouvoir qu'elle poss�dait d�j� � l'�poque des Titans, et qu'elle conserve sous l'ordre nouveau �tabli par Zeus, contrairement aux autres titanides. Zeus, victorieux de Chronos, confirme ce partage titanesque et m�me "l'honore entre toutes", "la r�v�re". Aussi a-t-elle en partage la terre, la m�re, avec le ciel, et tout pouvoir sur les hommes ; � l'agora, au tribunal, comme � la guerre et aux jeux, pour les marins comme dans les �tables, elle fait "en toute facilit�... ce que veut son c�ur" : ces termes r�p�t�s neuf fois dans les quarante vers de la Th�ogonie qui parlent d'H�cate, disent l'imm�diatet� de son pouvoir absolu, qui peut donner pour reprendre aussit�t, faire de peu beaucoup et de plus moins. On comprend comment ce pouvoir a paru magique, et pourquoi, dans une tradition plus tardive on en a fait la m�re des magiciennes M�d�e et Circ�. Le blanc �clatantLes pr�tres d�H�cate, comme ceux de Zeus devaient �tre rev�tus de blanc. Zeus est essentiellement dieu de la lumi�re, du ciel clair, ainsi que de la foudre, mais il ne s'identifie pas avec le Ciel. Non seulement Zeus pr�side aux manifestations c�lestes, provoque la pluie, lance la foudre et les �clairs, mais, surtout, il maintient l'ordre et la justice. Charg� de purifier les meurtriers de la souillure du sang, il veille � la conservation du serment. Il est garant du pouvoir royal et, plus g�n�ralement, de la hi�rarchie sociale. Ces pr�rogatives, il les exerce non seulement � l'�gard des hommes mais aussi � l'int�rieur de la soci�t� des dieux. � Par ailleurs, les lieux qui lui sont consacr�s, les Hecateia �taient �rig�es au carrefours des trois routes. Elles mettaient en garde les Grecs et leur rappelaient qu'� c�t� du monde ordonn� par Zeus existe un domaine chaotique dans lequel le monde originel informe se perp�tue sous l'aspect du monde des Enfers. Or, le polymorphisme est consid�r� chez les Grecs comme infernal. Le pur et l'impurH�siode, dans les Travaux[57],donne une s�rie de conseils : �� Garde-toi, quand l�aube point, d�offrir � Zeus des libations de vin noir avec des mains que tu n�as pas lav�es ; pas davantage aux autres dieux (...) Ne fais pas d�eau debout tourn� vers le soleil ; et, depuis l�heure o� il se couche et jusqu�� son lever, souviens-toi de ne pas uriner ni sur le chemin, ni en t�avan�ant hors du chemin. Ne va pas non plus, dans ta maison, montrer ind�cemment pr�s du foyer tes parties souill�es de sperme...�� Or, comme le pr�cise Jacqueline Carabia[58] ��ces recommandations de propret�, de puret�, d�absence de souillure (...) furent bien souvent reprises par les lois sacr�es des sanctuaires grecs�� en particulier en Carie, patrie d�H�cate, dans les sanctuaires de Zeus et ceux de la d�esse, dont les pr�tres, nous l�avons dit, devaient porter des v�tements blancs. Mais d�une mani�re contradictoire � ces recommandations de propret�, le dieu ne rechigne pas � ce que son sanctuaire s��l�ve sur un tas d�ordures. Ainsi, dans les H�cat�ia, les ordures s�accumulaient : le culte d�H�cate permettait l��limination des souillures de toutes sortes mais aussi l�irritation des morts. Pour F. Robert[59], H�cate r�unit en elle ��la notion de ce qui peut �tre terrifiant et en m�me temps de ce qui prot�ge l� contre.�� � ��D�esse gaie��, au bandeau luisant et qui porte le flambeau (cf. Hymne � D�m�ter, 24 sq., 52 sqq.), celle qui ��nourrit la jeunesse�� (Th�og. 450) elle est ��nuit��, et non pas la ��noire Nuit�� issue du Chaos et m�re de la mort, mais la nuit �toil�e, propice. H�cate, dont le mythe a �volu�, peut se montrer secourable pour ses fid�les, mais redoutable pour les sacril�ges. Le double aspect, esquiss� chez H�siode, quand associ�e � Herm�s, ��elle sait dans les �tables faire cro�tre le b�tail, (...) s�il pla�t � son c�ur, elle fait de peu beaucoup, et en r�duit beaucoup � peu.��[60] H�siode souligne essentiellement son aspect bienveillant. C�est � peine s�il sugg�re, en trois vers, que sa puissance peut s�inverser : sa seule exigence, � ce stade est d��tre r�v�r�e. � L�abondance dont elle peut �tre pourvoyeuse nous ram�ne � la p�riode de l��ge d�or, th�me largement exploit� dans le mythe de M�d�e. Nostalgie de l��ge d�or��Pl�t au Ciel que la nef Argo, en son vol vers le terre de Colchide, n�e�t point franchi les Sympl�gades de sombre azur, que dans les vallons du P�lion le pin ne f�t jamais tomb� sous la hache, et n�e�t pas arm� de rames les mains des preux qui firent pour P�lias la conqu�te de la Toison d�or !��[61] � Dans la bouche de la Nourrice qui ouvre la trag�die d�Euripide, la chute du premier pin qui servit � la construction d�Argo devient la cause premi�re des malheurs de M�d�e, et m�me de l�humanit� toute enti�re. Le pin tomb� sous la main de l�homme repr�sente l�av�nement de la civilisation technique dans une soci�t� d�j� vou�e � la nostalgie de l��ge d�or. Le mythe de l��ge d�or est attach� � la conception d�une Terre-m�re bienfaitrice,[62] � laquelle s�oppose la mer aux dangers innombrables. � M�d�e est repr�sent�e aux Grandes Dionysies, en mars 431, moment o� �clate, selon Thucydide la guerre du P�loponn�se. La trag�die d�Euripide traduit l�inqui�tude du po�te devant l��volution de la Gr�ce et du monde face aux propagandistes de la colonisation. Ennius, chez les Latins, reprend � son compte l�ouverture d�Euripide, en accentuant le th�me de l�arbre. ��Pl�t au Ciel que dans le bois de P�lion la poutre de sapin ne f�t pas tomb�e � terre, fendue par les haches, que de l� n�e�t point �t� mis en branle le pr�lude de l�entreprise du navire qu�on appelle aujourd�hui du nom d�Argo, parce que c�est � son bord que l��lite des Argiens fut transport�e lorsqu�elle alla r�clamer aux Colques la toison du b�lier...��[63] � Le premier vers de cette trag�die ��Pl�t au ciel... terre��, est, selon Ptol�m�e Chennos [64]: �� Le vers tragique le plus cit� dans toute l��uvre de Cic�ron[65]�� Le th�me rencontre un grand succ�s dans la tradition litt�raire latine, dans un terroir qui voue une grande haine � la mer et � ce qu�elle apporte de fl�aux. � Que ce soit chez Catulle[66], Tibulle[67], Argo n�e du pin tomb� sous la hache de l�homme est associ� � la violence et � la mort. � Horace franchit un pas suppl�mentaire : ��Les �les Fortun�es, o� la terre chaque ann�e, rend � l�homme C�r�s sans labour ; o� toujours, la vigne fleurit sans qu�on l��monde... Vers cette terre n�ont point dirig� leur course, sous les rames de l�Argo, les pins assembl�s et la Colchidienne impudique n�a point port� ses pas...��[68] � Chez Ovide, l�allusion est on ne peut plus explicite : Argo, le premier navire construit par l�homme, annonce et provoque la disparition de l�Age d�or�: ��L���ge d�or naquit le premier, qui, sans r�pression, sans loi, pratiquait de lui-m�me la bonne foi et la vertu... Jamais encore le pin, abattu sur ses montagnes pour visiter un monde �tranger, n��tait descendu sur la plaine liquide... L��ge qui a la duret� du fer est venu le dernier. Aussit�t ont fait irruption sur cette �re d�un m�tal plus vil les crimes de toute sorte... Le marin livra ses voiles aux vents.[69] � La faute c�est le m�lange, il faut se garder pur ( cf. le vin merus, r�serv� aux femmes). L��vocation du th�me d�passe largement l�histoire du couple M�d�e /Jason et concerne l�ensemble des ��mortels��, prenant ainsi valeur universelle : ��Ah ! Pl�t au Ciel que pour emp�cher les mortels de fatiguer de leurs rames les vastes mers...��[70] Les �les Fortun�es, s�jour �ternel des h�ros m�ritants, apr�s qu�ils aient accompli leur �uvre, figurent le vestige de l��ge d�or. Si Argo n�y a pas sa place, c�est qu�il est responsable de la fin du temps bienheureux de l�abondance obtenue sans effort. D�sormais Argo v�hicule le d�sordre, la souillure et la mort. � Selon Lucain :��De l�, pour la premi�re fois, la mer fut outrag�e, quand Argo, encore novice, m�la des peuples inconnus sur un rivage souill�, mit le premier la race des mortels avec les flots et les ondes furieuses, et ajouta aux destins une mort nouvelle.��[71] � D�s l�Antiquit�, les nostalgiques de l��ge d�or affrontent les pan�gyristes du progr�s, chantre de la conqu�te de la civilisation grecque sur la barbarie. Ainsi, le premier semble-t-il, d�s la fin du VIIe si�cle avant J.-C., Mimnerme de Colophon, dont un fragment c�l�bre la conqu�te accomplie sur ��le beau cours de l�Oc�an.�� � L�apologie de la civilisation technique trouve une expression plus explicite chez Sophocle, dans un ch�ur d�Antigone : ��Il est bien des merveilles en ce monde, il n�en est pas de plus grande que l�homme. Il est l��tre qui sait traverser la mer grise, � l�heure o� soufflent le vent du Sud et ses orages, et qui va son chemin au milieu des ab�mes que lui ouvrent les flots soulev�s. Il est l��tre qui tourmente la d�esse auguste entre toutes, la Terre, la Terre �ternelle et infatigable, avec ses charrues qui vont chaque ann�es sillonnant sans r�pit, celui qui la fait labourer par les produits de ses cavales. Les oiseaux �tourdis, il les enserre et il les prend tout comme le gibier des champs et les poissons peuplant les mers, dans les mailles de ses filets, l�homme a l�esprit ing�nieux. Par ses engins il se rend ma�tre de l�animal sauvage qui va courant les monts... Parole, pens�e vive comme le vent, aspirations d�o� naissent les cit�s, tout cela il se l�est enseign� � lui m�me... Bien arm� contre tout, il ne se voit d�sarm� contre rien de ce que peut lui offrir l�avenir. Contre la mort seulement, il n�aura jamais de charme permettant de lui �chapper, bien qu�il ait d�j� su contre les maladies les plus opini�tres imaginer plus d�un rem�de. Mais, ainsi ma�tre d�un savoir dont les ing�nieuses ressources d�passent toute esp�rance, il peut prendre ensuite la route du mal comme du bien. Qu�il fasse donc dans ce savoir une part aux lois de sa ville et � la justice des dieux, � laquelle il a jur� foi. Il montera alors tr�s haut dans sa cit�, tandis qu�il s�exclut de cette cit� le jour o� il laisse le crime le contaminer par bravade...��[72] � Ces derniers vers laissent appara�tre l�id�e d�une transgression, situ�e au plan humain, celle de l�homme face aux institutions humaines. L�infraction contre la loi des hommes et aussi contre la justice divine. La contamination par le crime �veillent l��cho d�une faute �voqu�e par les nostalgiques de l��ge d�or. L�intervention de l�homme � ��souillé ” la nature : ��C'est � toi ma�tresse que j'apporte cette couronne tress�e par mes soins. Elle vient d'une prairie sans tache, o� le berger n'ose pa�tre son troupeau, o� le fer n'a jamais pass�. Cette prairie sans tache, l'abeille la parcourt au printemps, et Pudeur l'entretient de la ros�e des eaux vives pour ceux qui, sans �tudes, ont naturellement en partage une vertu �tendue � toute chose; � eux de la moissonner : les pervers n'y ont pas droit. Donc, ch�re ma�tresse, pour ta chevelure d'or accepte ce bandeau d'une main pieuse. Car seul entre les mortels, j'ai le privil�ge de vivre � tes c�t�s et de converser avec toi...[73]�� � Nostalgie du paradis perdu de l��ge d�or et �loge de la conqu�te civilisatrice se retrouvent curieusement ensemble m�l�es dans la M�d�e de S�n�que. Le th�me y conna�t en effet un d�veloppement d�une ampleur spectaculaire, puisqu�il occupe deux ch�urs, les plus longs, sur quatre que comporte la trag�die. Ils �voquent la nostalgie de l��ge d�or (302 sqq.), la responsabilit� d�Argo dans sa perte (335 sqq.). � Mais le final du ch�ur explose en un hymne � la gloire des conqu�tes de l�homme : ��D�sormais, les flots sont vaincus et subissent la loi de tous... Toutes les bornes ont �t� renvers�es... Dans un certain nombre d�ann�es, un temps viendra o� l�Oc�an ouvrira les barri�res du monde et o� l�on d�couvrira une terre immense.��[74] � L�, l�ouverture annonc�e passe par une phase de d�sordre : ��les bornes renvers�es�� et d�veloppe dans le ch�ur suivant le th�me du ��ch�timent,�� annonc� plus haut, comme prix de �l�audace�� : ��Dur fut le ch�timent de l�audacieux navire qui parcourut une s�rie de dangers effrayants...��[75] ��Tous ceux qui touch�rent les rames illustres de l�audacieux navire... tous, par une fin terrible, expi�rent la profanation du maritime empire. � Parcourant les si�cles, Argo conna�t une singuli�re r�surgence dans le xristos pask�n de Gr�goire de Nazianze ou d�un Byzantin plus tardif. Composant une sorte de pastiche fait d�emprunts aux trag�dies d�Euripide, il construit un drame consacr� � la Passion du Christ. Or le d�but, qui d�roule les �v�nements ayant conduit � la crucifixion depuis le serpent tentateur (ophis) de la Gen�se, suit de tr�s pr�s le prologue de la M�d�e� d�Euripide. ��Pl�t au Ciel que dans la prairie n�e�t point ramp� le serpent que dans les vallons ne se fut point cach� en embuscade le serpent/dragon rus�. La malheureuse m�re des hommes tromp�e (...) Le c�ur �perdu d�amour elle n�aurait pas �t� d�tourn�e par la ruse de l�ordre divin et pour avoir persuad� son �poux de manger du fruit de la terre... ��. Le principe est le m�me que celui rapport� par B. Teyss�dre � propos de la Gen�se revue par Philon. C�est pourquoi notre qu�te des origines nous conduit � un d�tour oblig� par la Gen�se et les textes de l�antiquit� assyro-babylonienne, dans lesquelles B. Teyss�dre poursuit la trace de la cr�ation du Diable, comme synth�se d�une longue lign�e de d�mons femelles. � la profondeurLa Femme-serpent = de kour� � ophis = de virgo � virago��L�esth�tique, c�est le p�ch�, c�est la femme en l�homme, c�est le serpent dans la femme.��[76] Aux temps anciens, quand nos parents habitaient un jardin bien irrigu� et le serpent n� de la terre parlait le langage des hommes. S�insinuant pr�s de la femme, il lui reprocha de tarder � cueillir le fruit qui lui permettrait de discerner le bien du mal. La femme, comme chacun sait ��d�humeur instable et vagabonde��, mangea le fruit, en donna � l�homme. Tous deux furent m�tamorphos�s. Ils pass�rent ex akakias kai aplothtos �th�n eis panourgian, d�un �tat caract�ris� par ��l�absence de mal�� et ��l�unit� indivise des fa�ons d��tre��, � un autre �tat dont Rabelais retiendra le nom la ��panurgie��, et qui doit se d�finir � partir de son contraire comme ��duplicit� maligne, rus�e���� � Le r�cit de la Gen�se repens� par Philon, surcharg� de moralit�, mod�le jud�o-chr�tien sur lequel ��l�Europe a �labor� un mod�le d�universalit� qui incluait d�embl�e son droit � l�exclusion....Ce qui nous s�pare de Philon, c�est que l�unit� de l�homme ne r�side plus en Dieu mais en la d�esse Raison. Le Paradis n�en finit plus d��tre perdu (...) : le Serpent s�duisit la Femme. Ce reptile est la plus rus�e des b�tes des champs (GN,3,1). Il a pour attribut ��l�astuce��, il le prouve par ses effets, puisque ses victimes d�couvriront apr�s la faute leur propre attribut, la faiblesse fonci�re qui les expose sans d�fense, leur ��nudité ” c�est-�-dire la sagesse. � Qui fallait-il s�duire ? La femme, Havvah, ��la vie��. ��Adam donna pour nom � sa femme z��, Vie��. Le serpent, commente Philon ��est l�ami conseiller de Vie��. De quelle vie ? La faute a dissip� l�esprit-souffle divin en �mes-souffles individuelles. Les deux concepts h�breux, ruah et nephesh, ont pour �quivalents approch�s pneuma et psuch�. La s�duction qui rompit ��l�unit� indivise�� par sa ��panurgie�� entra�na la chute de la ��vie pneumatique�� vers les ��vies psychiques��. C�est de la vie par l��me, non par l�esprit, que le serpent est ��ami��, et les images ne se d�robent pas qui fourniraient � ce genre d�amiti� toute sa pertinence : Pour la femme, Vie suspendue � la sensation et aux chairs, nous disons que le serpent c�est la jouissance qui se tortille et s�enroule, incapable de se mettre sur pieds, toujours � ras du sol, rampant vers les seuls biens de la terre, cherchant les retraites qui sont au-dedans du corps, pour ainsi comme se nichant comme en des replis (orugmasin) et crevasses (casmasin) en chacun des sens.��[77] ��Les premiers co�ts (sunodoi) du m�le et de la femelle ont pour guide-initiateur la jouissance��.[78] � Ce qui traverse les cultures, c�est la b�te qui choisit pour ��retraites�� les ��replis et les crevasses�� du corps f�minin. Les participes allong�s et sinueux ilusp�men�n, poluplok�tat�n, katabebl�men�n, (se tortillant, s�enroulant, rasant le bas) font retour � l�allure ophidienne. Or pour le Juif, il �voque L�viathan mont� de l�Ab�me, dont le ��serpent tortueux�� est l�attribut. En cette figure sous-entendue la rencontre d�Eros et de Thanatos est imm�diate. Le ��conseiller de la vie est venu de la mort�� (l�ab�me). La citation de Philon ne s�arr�te pas � la femme. Elle s��tend et se laisse subrepticement pressentir quand les ��replis et crevasses�� sans cesser d��voquer� le sexe f�minin, ont appr�t� leur nid en ��chacun des sens��. La litanie du serpent-jouissance se prolonge : conseiller de l�homme, se plaisant � saccager ce qui vaut mieux que lui, tout adonn� � faire mourir par ses morsures venimeuses bien qu�indolores. Bernard Teyss�dre souligne que ce passage d��ros � Thanatos, cette r�troversion du sperme qui donne la vie vers le venin qui tue aura boulevers� l��conomie libidinale. Le soubassement du p�nis-serpent traversant les cultures re�oit des connotations qui pour �tre culturelles, n�en sont pas moins satur�es de charges �motives intenses. Ces affects, ins�parables des concepts restituent � la phrase sa port�e. Or, le rapport de la ��jouissance�� (�don�) � la ��sensation�� (aisth�sis) est m�diatis� par la femme. Est d�clar�e jouissance illicite, celle qui n�a pas pour finalit� la maternit�. Le serpent repr�sente donc la pire jouissance, la jouissance illicite. Philon le d�clare en toutes lettres : ��Pour la femme, la jouissance est par elle-m�me souillure�� (mochth�ra). Par nature la femme n�y a pas droit ; contre nature, elle se l�approprie par magie. Elle est toujours peu ou prou sorci�re.[79] Le serpent-jouissance ne corrompt l�homme qu�en passant par elle. Il fomente ��impostures et tromperies��, il app�te, puis ��harponne�� sa victime ; il la ligote tout enti�re en remontant des sensations vers l�intellect emp�tr� dans leurs liens. Dans le couple conjugal � deux p�les, l�un est dominant, l�autre domin�. Le dominateur, c�est l�intellect o �gemonikos nous, semence de l�esprit-souffle divin, don du phallus. La domin�e, bien s�r, c�est ��la m�re des vivants��, Vie, non pas pneumatique en Dieu mais vie psychique ��suspendue � la sensation et aux chairs��. C�est la femme. Et c�est la part de la femme en l�homme. � Ce r�le m�diateur est observable dans la mani�re dont la jouissance s�installe dans le serpent. Le point de vue descriptif (l�anatomie au sens large) est transpos� au plan moral : le serpent est un animal sans patte affaiss� de tout son long sur son ventre, qui se nourrit de mottes de terre et transmet par ses dents un venin mortel. Ces trois caract�res se retrouve dans l�homme asservit � la jouissance (parall�le d�cevant : le mod�le de la b�te atteint sa limite !). Car les animaux ne sont port�s � la jouissance que par le sens gustatif et g�nital, alors que l�homme l�est aussi par les autres sensations, lui qui poursuit tous les objets visibles et audibles qui peuvent apporter d�lectation aux oreilles et aux yeux. � Cette jouissance de surcro�t � l�homme par rapport � l�animal, c�est l�esth�tique. L� se d�couvrira un pendant au venin de mort, car l�esth�tique refuse de convoler avec les cieux. Elle a pour caract�re propre de rompre ��l�unit� indivise�� des esprit-souffles en Dieu, de lui r�f�rer la multiplicit� morcel�e des �mes-souffles individuelles... La perversion qu�est la jouissance a pour effet l�inversion de toutes les valeurs : elle subvertie la hi�rarchie des sexes, l�ordre social et l�harmonie cosmique. A toutes ces subversions il fallait un responsable : c�est la femme. Ou par d�doublement, c�est la part de f�minit� en l�homme, le tortillis du serpent au creux de la femme jouissance. � Sous le signe d�une esth�tique g�n�ralis�e, les lignes de mal�fices se rassemblent. Eve cachant L�viathan dans son ventre, l��me-Vie suspendue (...), c�est la prostitu�e, la maquerelle, la sorci�re qui excite les sens par ses ��philtres d�enchantement��. Elle promettait le plaisir d�amour, elle apporte bien davantage : l�ensemble du monde sensible et imaginaire qui met la pens�e en relation avec les corps. L�aboutissement du philosophe n�a plus rien des lascivit�s qui miroitaient. C�est la doctrine sto�cienne de la perception. � �tait-il n�cessaire de l�introduire par le p�ch� � double visage d�entremetteuse et de magicienne, par la jouissance mont�e en Eve, avec L�viathan de l�ab�me ? Philon l�a pens� : ses impostures et tromperies, la jouissance n�ose pas les pr�senter � l�homme, mais � la femme, et par elle � lui. Car en nous l�intellect joue le r�le de l�homme, et la sensation de la femme. � La jouissance absorbe donc en premier lieu et fr�quente les sensations, par lesquelles ensuite elle abuse en l�envo�tant l�intellect h�g�monique ; car chacune des sensations est excit�e par ses philtres d�enchantement[80] : ������� la vue par la vari�t� des couleurs et des figures (qui l�ensorcellent) ; ������� l�ou�e par la m�lodie des sons ; ������� le go�t par la d�lectation des saveurs ; ������� l�odorat par les bonnes odeurs des parfums qui s�exhalent. � Quand elles ont re�u ces dons, les sensations, � la fa�on de jolies servantes, les apportent au jugement raisonnable comme � leur ma�tre, avec les concours de la persuasion, afin qu�il n�en repousse absolument rien. Et lui, aussit�t leurr�, de prince qu�il �tait devient sujet ; de ma�tre, esclave ; de citoyen, banni ; d�immortel, mortel. � Bref, il ne faut pas ignorer que la jouissance, semblable � une courtisane, � une putain, concupisce de copuler avec un amant et cherche des entremetteuses qui le lui fassent harponner. Or, ce sont les sensations qui lui am�nent, en entremetteuses et prox�n�tes, l�amant. Une fois qu�elle les a� prises au leurre, elle a t�t fait de subjuguer l�intellect. en faisant p�n�trer au dedans les apparences du dehors, elle les lui annoncent et les lui repr�sentent, imprimant en lui les empreintes de chacune d�elles et suscitant l�affect correspondant. Car l�intellect, semblable � une cire, re�oit les images qui lui viennent par les sens et c�est par elles qu�il saisit les corps. Le venin et les eaux vivesL�Oc�an souterrain n�est pas toujours charg� de valeurs n�gatives dans la Bible : il est reli� � la f�condit� et la Terre promise est d�crite comme ��un pays de cours d�eau, de sources qui sourdent de l�Ab�me dans les vall�es comme dans les montagnes (Dt. 8,7). � L�id�e essentielle est la toute-puissance de Dieu sur les eaux. C�est lui qui les appelle et les r�pand � la� surface du sol. Dans un sens pessimiste : s�il retient les eaux, c�est la s�cheresse, s�il les rel�che, elles bouleversent la terre (Job,12,15). Mais cela signifie le plus souvent qu�il distribue la pluie bienfaisante, qu�il contient la mer entre ses limites pour emp�cher le retour au Chaos (P.S. 104,9). � Si l�Ab�me des eaux est ambivalent, c�est en h�ritage d�un lointain pass�. A Sumer, patrie du D�luge, le dieu de la v�g�tation Dumu-zid-ab-zu ��fils fid�le de l�Oc�an d�en-bas�� meurt pour rena�tre. L�Ab-zu est l�assise cosmique, la masse aquatique sous-jacente � la terre des morts. Principe � la fois d��nergie f�condante et d��coulement perp�tuel. D�en bas montent ��avec all�gresse�� les sources qui � travers pluie et rivi�re retournent au� pays d�o� elle sont venues. En-ki ma�tre des eaux souterraines habite un �den sans maladie ni vieillesse ni malignit�, o� m�me les b�tes vivent en paix. L�Ab�me est sa ��maison de sagesse��. L�id�e a laiss� sa trace chez les Juifs. ��L�Ab�me et la sagesse, qui peut les sonder ?�� Il fallait d�clarer � la Sagesse personnifi�e : ��J�ai march� dans la profondeur de l�Ab�me��. � Dumu-zid descendu au pays d�o� l�homme ne remonte pas, a �t� investi� par Inanna du ��regard de mort��. Il aspire � changer de forme, � mettre son corps en harmonie avec son lieu. Il l�ve les bras vers le dieu solaire et prie : ��O, dieu UD, fais que mes mains deviennent les mains de quelque b�tes rampante ! Fais que mes pieds deviennent les pieds de quelque b�te rampante.�� La b�te rampante, est-ce proprement le reptile ? Elle n�est en tout cas point d�pourvue de pattes ! (Le mot se traduit tant�t par ��reptile, tant�t par bestiole aussi bien insectes que l�zard...). Elle participe sans autre pr�cision au registre chtonien o� Ishara, gardienne des serments, prend la forme d�un scorpion et Ningishzidda ��seigneur du vrai bois�� devient un serpent cornu. � Ainsi un serpent veille sur l�arbre de vie, aupr�s de la gerbe de Nisiba qui promet de plantureuses r�coltes, mais dans le m�me temps le voisinage du tr�s redout� scorpion renforce le c�t� n�gatif des autres ��rampants�� qui partagent son domaine. Les venins des crocs et des dards se r�pondent. Un m�me mot les d�signe en Akkadien, imtu : ��bave mauvaise��. De m�me l�infernale Lamashtu : ��venin de serpent, venin de scorpion��, tel est son imtu Les Assyriens l�ont repr�sent� debout, � t�te de lion, tenant de chaque main une hydre bic�phale. Le roi des g�nies des airs, Pazuzu aux quatre ailes peut-�tre dot� d�une queue de scorpion, tout comme Ardat lili, la vierge d�voreuse d�enfants. En �gypte le jeune Horus, piqu� par un scorpion, fut sauv� par la magie de sa m�re Isis. � L�effroi peut servir la ��bonne cause��, quand les serpents enlac�s sous forme de caduc�e re�oivent pour protecteur une paire de dragons, attributs du dieu Ningis... D�aspect f�roce, ils se dressent sur des pattes arm�es de serres et tiennent de leur main griffue une hampe. Ils sont ail�s, leur corps ondulant et leur t�te sont un m�lange de vip�re et de panth�re, leur coiffe est cornue, leur queue s�ach�ve en dard de scorpion. Mais souvent le serpent n�a pas pour r�le premier d�intimider l�impie. Venimeux, il fait cause commune avec ces porteurs de miasmes que sont les d�mons. Le vent de maladie se ��glisse partout comme un serpent��. Samanum, d�mon de peste, est un dragon � gueule de lion, pattes d�aigle, queue d��crevisse ; en d�pit de sa description, il est appel� insatiable��vers rouge��. Les premiers monstres que la mer enfanta pour combattre Marduk sont des serpents g�ants, dragons en furie, l�hydre et le dragon rouge. � La� solution �l�gante de la Gen�se fut de distribuer les aspects positifs et n�gatifs dans le temps. A l�origine, le serpent suscite quelque secr�te admiration... Puis ce fut la chute s�mantiquement fatale, lors sa ��ruse�� provoqua la ��nudité ” (arum pour les deux), de nos premiers parents. La lign�e des monstres femelles de Lilith � M�lusineB. Teyss�dre rapporte que les fils d�Isra�l ne se comportaient pas diff�remment des autres S�mites. C�est aux morts, non � Dieu qu�ils avaient jadis destin� les pr�mices des fruits, les premiers n�s de leur b�tail et peut-�tre de leurs enfants.[81]. La coutume a d� se perp�tuer longtemps car la Bible, port�e � passer sous silence des offrandes qu�elle r�prouve comme d�tournements sacril�ges, confirme leur existence de fa�on n�gative... La loi de Mo�se ne se lasse pas de lancer l�anath�me sur des rites qu�on aurait pu croire depuis longtemps oubli�s, si l�insistance m�me de leur interdiction toujours en vain renouvel�e ne t�moignait de leur vitalit� : ��On ne trouvera chez toi personne qui fasse passer au feu son fils ou sa fille, qui pratique divination, incantation, mantique ou magie, personne qui use de charmes, qui interroge les spectres et devins, qui invoque les morts.�� (DT,18,10-11). En d�pit des affirmations r�it�r�es que Yahv� seul est Dieu et que les ��autres dieux��, ador�s par les autres peuples sont des non-dieu, que les d�funts sont emprisonn�s dans leur Sh�ol souterrain et qu�il est � la fois inutile et impie de chercher � apaiser leur vindicte par des offrandes, il faut retrouver dans la terreur sacr�e devant la survie des anc�tres, le terreau tr�s profond, tr�s ancien. � En �gypte, les ��Esprits�� Akhou appartiennent au monde des morts. Ceux qui figurent sur les listes des souverains mythiques ont un statut interm�diaire entre dieux et hommes, trop �lev� pour se soucier des vivants. Mais souvent il s�agit de d�funts moins illustres et selon qu�ils sont combl�s ou n�glig�s par leur familles. Ils se comportent en g�nies b�n�fiques ou malveillants. En langue copte, ils prendront le sens de ��d�mons��. L��gypte des pharaons a cru aux ��revenants��... � En Gr�ce, la N�ky�a de l�Odyss�e reste dans toutes les m�moires : cette remont�e d�ombres ext�nu�es que l�offrande du sang doit revigorer quand le h�ros les consulte sur sa destin�e. Midi, qui partage le jour, est r�serv� pour les libations aux morts. C�est le moment fatidique o� H�cate, reine de ceux qui ont tr�pass� ��avant l�heure�� envoie chez les vivants le spectre de l�Empuse, et o� apparaissent, avides de vengeance, les fant�mes des cadavres qui n�ont pas re�u les honneurs fun�bres. Sur les tombeaux, l�image apotropa�que de Sir�nes sert � d�tourner d�autres vampires, leur semblable, de sucer le sang des gisants. Aux abords de l��re chr�tienne, en Attique, les tablettes d�ex�cration �voquent au c�t� des divinit�s infernales, Had�s le dieu ��d�en-bas��, Pers�phone, Herm�s le go-between, H�cate et les Moires, d�inattendus ��anges souterrains��, aggeloi katacthonoi. Terreurs nocturnes et d�mons femellesLa sagesse promet au fid�le que son sommeil lui sera doux et ne sera troubl� d�aucune ��terreur nocturne�� (Prov.3, 25). Que d�signent ces terreurs nocturnes ? Des cauchemars ? Peut-�tre, mais ��le sommeil de la nuit enfante des monstres��, ou plut�t les mauvais r�ves sont � peine distincts des d�mons qui les provoquent. Le Talmud, dans une �tymologie fantaisiste fait venir les Lilin de Laylah, ��la nuit��. Comme elles hantent le d�sert, elles s�apparentent � Lilith, ��tapie�� parmi les ruines. ��H�cate gisant au c�ur de mon foyer��, dira la M�d�e d�Euripide. Ces d�mons ont pour caract�re particulier d��tre femelles...Certains ont voulu ne voir dans la Lilith d�Isa�e qu�un volatile nocturne - un engoulevent (34,14). Le plus ancien manuscrit du proph�te leur a fourni une confirmation �quivoque, car � l�encontre du manuscrit canonique, il emploie le mot au pluriel, Lilioth. Le sens para�t �tre ��celles qui appartiennent � la nuit�� sans pr�ciser s�il s�agit d�oiseaux. Un passage tr�s controvers� de Job sur le sort du m�chant serait peut-�tre � lire ainsi : ������� Le premier-n� de la mort ronge ses membres ; ������� on l�arrache � l�abri protecteur de sa tent ; ������� pour le tra�ner devant le roi des frayeur ; ������� les lilioth s�installent dans ce qui fut sa demeur ; ������� et une pluie de soufre se r�pand sur son bercail. 18,13b-15 � Le roi des frayeurs serait-il un �mule de l�infernal nergal ? Le premier-n� de la mort serait-il la peste personnifi�e ? La pluie de soufre apporte puanteur et st�rilit� qui conviennent aux Lilioth des d�combres... Puanteur du Sh�ol, des Lemniennes, des Harpyes��En �gypte, o� s�vit le Typhon, les bouff�es de chaleur font monter des marais des miasmes pestilentiels [82]. Pour l��glise latine, d�s le VIe si�cle, la peste est morbus meridianus, la maladie de midi ou du Midi. C�est � midi que Smertiza, la Vierge de la Peste appara�t en Lusace. [83] � Qu�on se souvienne du formulaire magique contre ��la Lilith qui s�est empar�e de Saul fils de Qish et a rendu confuses ses pens�es.�� Que l�on compare cette inscription apotropa�que d�Arslan Tash : �� � celle qui vole dans l�obscurit� des maisons, va-t-en vite, � Lilith��. On conclura que les Lilioth d�Isa�e ou de Job passerait difficilement pour de simples oiseaux, quand les sorciers leur imputaient folie et maladie. � Babylone assemblait en trio Lilitu et lil�, ��d�mone sans �poux�� et ��d�mon qui n�a point pris femme��, avec Ardat-Lili, ��belle vierge�� d�sirable et inassouvie, ��d�mone qui ravit la lumi�re��. Voici un diagnostic magico-m�dical : H�cate au triple visage et dieu du seuil au double visageSi une femme, quand elle tombe malade, son acc�s la prend toujours pendant la nuit : prise du d�mon de lil�. [84] � Ardat-Lili est la plus redout�e. Une tablette la repr�sente sous forme de louve � queue de scorpion, en train de d�vorer une fillette. [85] Le trait distinctif qui fonde sa malignit� a pr�exist� de mill�naires � la psychanalyse : c�est la frustration. Ni �pouse ni m�re, elle ��qui n�a pas connu la jouissance, qui n�a pas enlev� son v�tement devant le giron de son mari��, elle ��qui n�a pas de lait dans les seins��, telle est la ravisseuse de la prog�niture dont elle est priv�e, la jalouse qui s�introduit par la fen�tre aupr�s des jeunes filles pour les rendre st�riles. C�est elle encore le vent de maladie ou d�impuissance qui��souffle dans la maison de l�homme�� � Le r�le de la sinistre triade est de porter � son paroxysme l�un des traits caract�ristique aux ��vents mauvais�� : ils ��ne prennent pas femme, n�ont pas d�enfants��, ils ��attaquent et d�truisent la vigueur sexuelle de l�homme.�� Ardat-lili a pour �mules Hallulaja, la courtilli�re qui r�de la nuit sur les routes pour agresser le passant. Kiskill Undakkarra ��la servante qui s�approprie la lumi�re��. SAM�NUM, ��le ver rouge�� emp�che le sevrage du nourrisson, arr�te � contretemps les menstrues, mais en revanche provoque ��les pluies rouges��, ��les crues pareilles � du sang��. � D�entre tous les monstres se d�tache Lamastu. Fille du ciel, elle en fut chass�e ��� cause de son esprit-souffle mauvais��. St�rile, elle feint d�ignorer que ses mamelles n�ont point de lait : �Apportez-moi vos enfants que je les allaite, et vos petites filles que j�en sois la gardienne ! A vos petites filles je veux donner le sein !� � Comme nulle m�re ne l��coute, la ravisseuse ��enl�ve l�enfant � la nourrice��. Envieuse, ��elle compte les mois de la femme enceinte, elle inscrit leurs jours sur le mur de la maison��. Elle se glisse dans la chambre de la parturiente, cherche � toucher sept fois le ventre de la m�re pour tuer le b�b�. Le rituel contre l�avortement prescrit de prot�ger la femme en couches par des pierres amulettes fix�es � diverse parties du corps par des ligatures magiques qui noueront ses membres et en interdiront l�acc�s aux mal�fices des sorci�res. Le portrait de Lamatsu est un cumul d�horreurs : � Sa face est d�une lionne-d�esse au visage p�le, ses oreilles d�un �ne, ses seins sont nus, ses cheveux hirsutes, ses mains souill�es (de sang), ses doigts longs, ses ongles trop longs, ses pieds comme ceux de (l�oiseau d�mon) Anzu, sont venin est le venin du serpent, son venin est le venin du scorpion �. [86] � Si effrayante, cette d�mone, abondamment repr�sent�e sur les amulettes, qu�elle aura surimprim� son image aux noms du trio Lilitu/Lilu/Ardat Lili pour aggraver les ��terreurs nocturnes des Juifs��, leurs Lilin et Lilioth. � Une remarque ajoute � la complexit�, c�est qu�en Canaan, le mot terreur a pu �tre un archa�que nom divin. Il intervient dans un texte unique de la Bible, quand Jacob et Laban prennent pour garant du contrat d�limitant leur territoire ��la terreur d�Isaac�� (GN, 31, 42-53). L�expression a parfois �t� traduite par ��le parent (anc�tre) d�Isaac��. Un antique dieu canan�en ��terreur�� a pu se d�grader sur place en mauvais g�nie des anc�tres, puis se m�ler aux terreurs nocturnes qui montent du pays souterrain, elles-m�mes confondues avec la parent� babylonienne de Lilitu. Par condensation, les Lilin et Lilioth bibliques auront produit le personnage de Lilith, autour duquel vont graviter tant de l�gendes rabbiniques. � L�image, tardivement a pu �tre compl�t�e � partir de mod�les grecs. Cela expliquerait comment Lilith ��l�inassouvie�� la frustr�e, est devenue ��l�insatiable��, la lubrique. Deux groupes de figures classiques se seraient superpos�s. D�un c�t�, l�Empuse, envoy� par H�cate, reine des Enfers, � l�heure o� l�on sacrifie aux morts,[87] et o� la terre tremble[88]. Les Stryges et les Lamies sont ses �quivalents latins. D�un autre c�t� les g�nies incubes, comme la Sphynge qu�un vase archa�que montre tomber du ciel sur un adolescent endormi.[89] Cette synth�se, la litt�rature hell�nistique l�a d�j� accomplie. Selon Philostrate, c�est par les plaisirs de l�amour que l�Empuse charme ceux qu�elle m�dite de d�vorer.[90] Les Sir�nes, les oiseaux tentateurs d�Ulysse, sont devenues les succubes qui mettent � profit le sommeil de mortels non seulement pour leur insuffler des r�ves �rotiques, mais pour s�accoupler avec eux. Horace ne l�ignore pas, ni Apul�e, ni m�me Joseph le Pharisien[91]. Or ces d�mones sont, comme Lilith, lubriques par frustration : jeunes filles elles s�obstinaient � demeurer vierges, refusant les pr�sents d�Aphrodite, qui, par d�pit, les m�tamorphosa en oiseaux[92]. Comme elle, ce sont des ravisseuses, presque des vampires. Elles endorment de leur chant ceux qu�elles veulent lac�rer. Leur bouche est ��ensanglant�e��. on les repr�sente agrippant de leurs serres une t�te humaine... ... Lilith des temps rabbiniques est pire que ses anc�tres de Babylone. Ail�e, nocturne, errante, elle est ���trangleuse�� des nouveau-n�s et ��si elle n�en trouve pas � d�vorer, elle se retourne contre sa propre prog�niture.��[93] ... Adam fut visit� en son sommeil par les esprits femelles qui accouchaient de nu�es d�moniaques sous formes de vils crapauds ? Lilith, condens� de ces fantasmes, devint la m�re de d�mons sans nombre, leur reine. Ces l�gendes sont certes tardives. Mais en ajoutant aux t�n�bres souterraines, � la mort, aux vents porteurs de maladies les souillures du sexe, elles parach�vent la configuration �motive de la nuit. Le d�mon de midiMidi est l�heure o� les odeurs du Sh�ol atteignent le maximum de pestilence. Or, l�odeur mauvaise est associ�e aux Lemniennes et aux Harpies, oiseaux monstrueux qui se pr�sentent au moment du repas. Ces deux types de d�mons femelles sont rencontr�es par les Argonautes. ... ��Midi le Juste�� n�est pas une heure quelconque. Aucune n�a autant de connivence avec la mort. � Mieux vaudrait faire le partage, dans cette th�matique tr�s riche, entre ce qui est proprement grec, ou proprement s�mite, ou commun � de multiples cultures. Qu�y a-t-il de particulier aux Grecs ? Les affinit�s �lectives entre midi et beaucoup de leurs figures mythologiques. Pan et les Aegyptans, les Satyres, Atalantes, Nymphes, Sir�nes ? � La fa�on dont se partage le jour : au matin le sacrifice aux grands dieux ouraniens de victimes blanches qu�on immole la t�te lev�e vers le ciel ; mais apr�s l�heure de libation aux morts, l�offrande aux divinit�s chthoniennes de b�tes immol�es t�te basse [94]. � La coutume de fermer les rideaux des temples et d�en interdire l�acc�s � midi, parce que toute pr�sence humaine y devient dangereuse � l�heure o� se manifestent les dieux infernaux Had�s et Pers�phone, o�, H�cate, souveraine des �mes en peine, envoie r�der le spectre de l�Empuse [95], o� remontent les fant�mes assoiff�s de sang que le soleil a lib�r�s en visitant de nuit l�empire d�en bas [96] et Stace, Th�ba�de IV. � Pourtant bien des l�gendes qui passent pour grecques se fondent sur un terreau commun � plusieurs civilisations. Ainsi, � l��poque d�Euripide la figure de ce qui deviendra la sorci�re est compl�tement constitu�e. Noircie encore par S�n�que, qui l�enrichira de motifs rituels. � De l��tude de Teyss�dre se d�gagent les �tapes de la construction d�un type de f�minin, par contamination entre des cultures diff�rentes, qui d�bouche sur une totalit� coh�rente, antith�tique du masculin. � La qu�te des Argonautes est ponctu�e de rencontre avec diff�rents aspects du f�minin, dont M�d�e figure la synth�se. Parall�lement � l��laboration d�une figure masculine, s��labore son antith�se au f�minin. La conqu�te des Argonautes, confr�rie masculine, comparable � celle des Egr�gores, retrace les �tapes de la prise du pouvoir de l�une sur l�autre. A la contrainte d�une qu�te masculine impos�e, Jason s�en plaint assez, � laquelle correspond une contrainte du f�minin. Red�couvrir cela aujourd�hui, c�est affirmer, � l�appui du mythe, l�existence d�une �galit� du masculin et du f�minin, fond�e sur la coh�rence, et contredit la th�se d�une f�minin �ternellement associ� au Chaos, contredit par le perp�tuel renvoi des H�ros solaires contre les h�ro�nes de l�ombre. L�appropriation du symbole solaire par un panth�on exclusivement masculin n�est pas, nous le verrons bient�t, une donn�e d�origine, mais le r�sultat d�une longue �volution. L�ent�l�chieAristote, An., 2,1 ; M�taph., 8,3,9... En- "parfait, complet, sans d�faut" Telos- : "ach�vement, terme, r�alisation" Ec�- : "porter" ; d'o� : "activit�, �nergie agissante et efficace" Par opposition � : ul� : la mati�re inerte dynamis : la puissance pour agir mais qui peut ne pas agir �nerg�ia : �nergie agissante mais qui peut ne pas aboutir L�entelechie est ce qui porte en soi sa fin/finalit�, c�est-�-dire la r�alisation. � Selon le De Generatione animalium, le principe de la g�n�ration des individus[97], dont l'analogie permet de s��lever � celui qui anime l'univers, est un premier moteur � l'action d�miurgique[98], bien diff�rent en cela de la pure forme, du moteur immobile. Il r�side dans le sperme et consiste en un mouvement �man� du g�n�rateur ; ce dernier repr�sente � l'�tat d'ach�vement ce qu'est en puissance la mati�re de la g�n�ration tou gennesantos o esti dunamei.[99] � C'est en effet une loi g�n�rale de la production, tant naturelle qu'artificielle, qu'elle s'effectue par l'action d'un �tre qui est en acte ce que le produit � r�aliser n'est encore qu'en puissance. Ainsi, ce qui donne au corps vivant son organisation, aux organes leur constitution essentielle, ce ne sont pas les agents mat�riels, comme le chaud et le froid ; il en est de la g�n�ration comme de la fabrication : le chaud et le froid peuvent amollir ou durcir le fer ; mais ce qui en fait une �p�e, c'est le mouvement des outils qui porte en lui� l'essence constitutive, propri�t� de l'art. � L�accent est mis sur le dynamisme de la cause motrice. Le principe de la g�n�ration, du d�veloppement de l'embryon, est un mouvement qui continue le mouvement de croissance du parent m�le ; le sperme, qui v�hicule ce mouvement, est en effet l'exc�dent raffin� de la nutrition ; il communique ce mouvement au gam�te femelle, le sang menstruel, qui est lui aussi un exc�dent de la nutrition, lequel contient en puissance toutes les parties du rejeton, y compris l'ambigu�t� du sexe� mais � qui il manque seulement le principe moteur, qu'Aristote appelle ici le principe de l'�me. Le parent femelle fournit donc � la g�n�ration toute la mati�re ; le parent m�le au contraire n'apporte rien de mat�riel ; aucune partie du rejeton ne vient de lui ; le liquide s�minal, v�hicule mat�riel du principe vital se dissout, se volatilise ; il agit � la fa�on de la pr�sure qui fait cailler le lait, mais ne se retrouve nulle part dans les parties agglom�r�es. Il semble s'agir ici d'un effort pour diff�rencier nettement la cause motrice de la cause formelle. Elle appara�t ici comme une puissance active qui correspond � la virtualit�. Aristote donne lui m�me comme exemple de cette puissance active, au sens traditionnel de dynamis. � La conception dynamiste de la nature; au-del� du mouvement des outils, il y a l'activit� psychique, la puissance active de l'art ; pareillement, le sperme, qui poss�de le mouvement en acte, dont le mouvement effectif communique � la mati�re, aux menstrues, une impulsion organisatrice, le sperme accomplit dans la g�n�ration un r�le correspondant � celui des outils dans la fabrication ; il n'est qu'un instrument au service d'une puissance active, la nature, qui r�side dans le m�le. � Mais comment saisir l'activit� pure autrement que par la r�flexion dialectique ? On est alors rejet� vers des consid�rations m�dicales famili�res aux �coles m�dicales de l'Antiquit� auxquelles se r�f�re Aristote quand il s'interroge sur l'origine de l'�me dans le processus de g�n�ration. Il admet que tout principe dont l'activit� s'exerce au moyen d'un corps ne peut exister sans ce corps, de m�me qu'on ne peut marcher sans pied ; si donc on admet l'�me rationnelle, l'esprit pur, le no�s, qui pense sans organe, dont l'activit� n�est attach�e � aucun organe particulier. Il s'ensuit que toute �me, en tant que puissance, doit avoir communaut� avec un corps, c'est-�-dire une esp�ce mat�rielle distincte des quatre �l�ments, et plus divine qu'eux ; et la hi�rarchie des activit�s de l'�me correspondent � des degr�s de puret� de cette esp�ce ou nature : physis. Celle-ci est ce qu'on appelle le chaud, d�j� cit� comme exemple de la puissance active. Aristote est l'h�ritier d�une tradition m�dicale, selon laquelle tout �tre vivant contient une sorte de �chaleur� inn�e. Une nouvelle cosmogonieE. R. Dodds a montr� que dans la Gr�ce classique[100], les vieilles croyances en c�toient de nouvelles. Ainsi, la croyance en des messagers divins objectifs qui parlent � l'homme dans ses r�ves et ses visions coexiste avec l'id�e neuve qui rapporte ces exp�riences � une puissance occulte immanente en l'homme. Nous devons� le mettre en relation avec l'apparition � la p�riode classique de nouvelles th�ories qui coexistent avec les anciennes croyances en des dieux objectifs : comme si la divinit� s'int�riorisait. Ce qui va donner naissance � un mouvement puritaniste. � Chez Pindare, le corps de l'homme subit l'appel de la mort qui a toute ma�trise, mais une image de la vie subsiste encore vivante, et cela seul vient des dieux. Elle sommeille quand les membres sont actifs, mais quand l'homme dort, elle montre souvent dans les r�ves, quelque d�cision de joie ou d'adversit� � venir." frgt 116 � X�nophon �nonce cette doctrine en simple prose et fournit le lien logique que la po�sie a le droit d'omettre : �C'est dans le sommeil que l'�me (psuch�) montre le mieux sa nature divine ; dans le sommeil, elle jouit d'une certaine prescience intuitive ; et cela semble-t-il, parce que dans le sommeil elle est plus libre." et il ajoute que dans la mort, elle est encore plus libre. De m�me les Myst�res, permettent � l'initi� de " voir la fin (finalit�) de sa vie". � On trouve les m�mes affirmations chez Aristote et Platon. Ce sont l� des �l�ments d'une nouvelle structure culturelle, non dans la notion de survie apr�s la mort, qui est loin d'�tre neuve : de toute �ternit�, on a nourri les cadavres, meubl� les tombes. Mais dans les �poques ant�rieures, on ignorait la distinction �me/corps : ils �taient consubstantiels, ni celle de r�compense ou de punition apr�s la mort, ni l'�quation psuch�/homme vivant : �dipe pour parler de lui-m�me dit alternativement ��mon s�ma�� ou ��ma psuch���. � Les textes de Pindare et de X�nophon laissent entendre que l'activit� psychique et l'activit� corporelle varient en raison inverse. Ils sont � la base de ce qu'on a appel� le puritanisme grec. De nombreux t�moignages relatent l'existence de chamans grecs, grands je�neurs. Cette observation qui est un facteur essentiel de la culture chamanique qu'on peut encore observer aujourd'hui en Sib�rie[101], Scandinavie jusqu'en Indon�sie. � Or, cette nouveaut� intervient au moment o� la figure d'H�cate et d'autres divinit�s qui lui sont assimil�es d�veloppe v�ritablement sa fonction infernale. Mais il est �galement en relation avec les figures maternelles du f�minin comme Art�mis, elle est kourotrophos, "nourrice et nourrici�re�. C'est � cette �poque dans la 1�re partie du premier mill�naire que des d�esses de la p�riode archa�que sont r�duites � l'�tat de d�esses secondaires, et tr�s sp�cialis�es, ainsi Ilithyie, sp�cialis�e dans la protection des femmes en couche, bient�t assimil�e � Art�mis. H�cate est, d'autre part, li�e � Art�mis, la d�esse aux chiens, la furieuse chasseresse de la nuit � qui l'on sacrifie des chiens au carrefour et dans cette configuration spatiale appara�t le principe de l'union, d'une r�union des contraires.[102] Comme M�d�e, qui peut �tre principe de rupture, de scission, H�cate est aussi le lien qui unit les contraires. �volution parall�le de M�d�e et d�H�cateChez Euripide M�d�e invoque H�cate, assise dans le muchos, ��les profondeurs du foyer��[103] La parent� des deux d�esses appartient � la tradition. H�cate est la m�re de M�d�e dans la version de Dionysios Skytobrachion. C�est dans la tradition latine qu�elle est le plus souvent invoqu�e par la magicienne. Chez Apollonios, c�est dans le temple d�H�cate qu�a lieu le premier rendez-vous de Jason et de M�d�e. C�est dans le lieu sacr� que la magicienne, apr�s une nuit de doute et d�angoisse, donne � Jason les drogues utiles � vaincre le dragon. En Jason ��p�n�tra une force terrible, indicible, intr�pide[104]�� Pendant le voyage retour, selon Nymphis[105] M�d�e �l�ve un temple � H�cate en Paphlagonie. D�apr�s Apollonios[106], ce sont les Argonautes eux-m�mes, sur le conseil de M�d�e, qui accomplissent le sacrifice dans le m�me lieu, � l�embouchure du fleuve. Contrairement aux rituels solaires, abondamment d�crits dans le Livre I, ceux destin�s � H�cate sont indicibles : ��Et certes, tous les pr�paratifs que faisait la jeune fille pour c�l�brer le sacrifice - que nul n�en soit instruit et que mon c�ur ne me pousse pas � les chanter ! - j�ai scrupule � les dire.�� Alors qu�elle n�entre pas dans la lign�e g�n�alogique d�H�lios chez H�siode, la g�n�alogie �tablie par Dionysios Skytobrachion, elle est doublement int�gr�e � la famille r�gnant en Colchide : Pers�s, son a�eul y devient fils du Soleil d�une part ; de l�autre, elle �pouse son oncle paternel A�t�s, dont naissent deux filles : Circ�, s�ur d�A�t�s dans les versions aant�rieures, et M�d�e. Le clan des sorci�res, sous la tutelle de leur patronne, H�cate, s��largit : M�d�e se trouve entour�e d�une famille de sorci�res, sa cousine Pasipha�, d�une soeur, Circ�, et d�une m�re, H�cate, qui rel�gue Idye/Eideya ��celle qui sait��, l�Oc�anide ��aux belles joues�� de la version h�siodique. Mais au lien de filiation s�ajoute celui de l�initiation : ��Au palais d�Ai�t�s vit une jeune fille que la d�esse H�cate a particuli�rement instruite dans l�art de pr�parer toutes les drogues procur�es par la terre et l�immensit� de l�onde.��[107] De cette mani�re, M�d�e se trouve investie du m�me pouvoir que donnait H�siode � H�cate ��sur la terre et sur la mer inf�conde[108]�� La tradition la plus ancienne fait de M�d�e la fille de l�Oc�anide Idye ��celle qui sait��. Dans la tradition plus r�cente sa m�re est H�cate. Le changement de g�n�alogie est li� au passage de la d�esse bienfaisante � la sorci�re mal�fique. Fille d�une Oc�anide, M�d�e est en relation avec les puissances �l�mentaires �num�r�es par H�siode dans la Th�ogonie. Fille d�H�cate, elle reste li�e au monde divin, mais surtout associ�e � la d�esse nocturne que l�on invoque aux carrefours, lors de pratiques magiques. L�identit� de la m�re et de la fille est consomm�e dans ce passage d�Apollonios : ��La d�esse, fille du Titan, qui venait de se lever � l�horizon, la Lune, en la voyant (M�d�e) aller � l�aventure, se r�jouit avec d�lectation et se dit en elle-m�me �je ne suis donc pas la seule � m��garer vers la grotte du Latmos, ni la seule � br�ler pour le bel Endymion ! Ah, que de fois, chienne, tes perfides incantations m�ont rappel� mon amour...���[109] La description qu�en fait Val�rius Flaccus, � la fin du Ier si�cle ap. J.-C., dans ses Argonautiques, compos�e sur le mod�le d�Apollonios, ne laisse plus aucun doute, quand la fr�le jeune fille laisse �clater sa col�re et ses menaces contre les Argonautes pr�ts � trahir[110]. Telle une Bacchante ��transport�e de fureur��, ses plaintes semblent des hurlements de loup ou des rugissements de lion.[111] � H�cate comme M�d�e peut �tre consid�r�e comme principe de rupture, de scission. Elle est aussi le lien qui unit les contraires. La d�esse renvoie enfin comme M�d�e, dans la mens masculine des po�tes et des artistes, � l'image de la m�re terrible, d'une m�re animale et d�vorante, assoiff�e de sang. La divinit� de M�d�eLa tradition litt�raire pr�sente une M�d�e humaine : son histoire se d�roule chez les hommes, elle en a tous les attributs. N�anmoins, dans la version la plus ancienne, son appartenance divine est nettement attest�e, par sa g�n�alogie, � tel point qu�H�siode l�inclut � son catalogue des ��d�esses immortelles entr�es au lit des hommes qui leur ont enfant� des enfants pareils aux dieux��[112] attestant de sa nature immortelle. Pindare, quant � lui rappelle la ��proph�tie que la fille inspir�e d�A�t�s, la princesse de Colchide, prof�ra jadis de sa bouche immortelle[113]�� De m�me, Mus�e la consid�re comme immortelle[114]. Au t�moignage des �crivains s�ajoute celui Parm�niscos[115], des scholiastes de Pindare et d�Elien[116], d�un culte rendu aux enfants de M�d�e � Corinthe. Pausanias[117]ajoute que sur l�Acrocorinthe se dresse un temple d�Aphrodite. Or, d�apr�s la scholiaste de Pindare, c�est M�d�e qui, sur l�ordre d�H�ra, fonda � Corinthe le culte d�Aphrodite. Les hypoth�ses de D�rrbach, reprises par Will[118] est que ces informations� constituent l�indice d�un culte tr�s ancien de M�d�e. Selon Will, il y aurait eu deux sanctuaires primitifs de M�d�e. elle aurait �t� chass�e de l�un par H�ra, de l�autre par Aphrodite. La pr�sence de M�d�e se devinerait encore au temple d�Aphrodite par une repr�sentation d�H�lios, dont la statue c�toie celle d�Aphrodite et d�Eros. Enfin, l��pith�te medeia est associ�e � Art�mis sur une st�le dat�e de la premi�re moiti� du iiie si�cle av. J.-C.[119] Ces indices r�unis permettraient de supposer que la d�esse olympienne aurait supplant� une ancienne divinit�, comme Art�mis iphigineia le fit d�Iphig�nie ou Art�mis calliste de la d�esse Callisto. L�implantation de sanctuaires d�un culte nouveau sur d�anciens sites d�di�s � des divinit�s plus anciennes, ainsi effac�es de la m�moire, est un proc�d� constant que l�on retrouve en de nombreux lieux. L��pisode corinthien vient �tayer la th�se de la divinit� de M�d�e. M�d�e y enterre ses enfants, selon Euripide, dans le but de les rendre immortels. Or, qui d�autre qu�une divinit� poss�de le pouvoir de donner l�immortalit� ? Cette p�rip�tie est une reprise d�Eum�los : M�d�e enterre ses enfants � la naissance, non pour les tuer mais pour les rendre immortels. Les pratiques d�immortalisation sont pr�sentes dans d�autres mythes, souvent sous les auspices du feu. Ainsi D�m�ter, chez Apollonios[120] dans des versions inspir�es de son Hymne hom�rique. La plus ancienne relation qui en soit faite remonte aux Chants Cypriens de Satasinos de Milet, probablement du d�but du VIIe si�cle av. J.-C. C�est alors tr�s certainement aussi � la nature divine de M�d�e que l�on peut rattacher la pratique magique qui consiste � rajeunir un homme en le faisant bouillir dans un chaudron. L��troite relation avec H�ra renforce encore l�hypoth�se. Outre l��pisode d�Eum�los rapport� plus haut, elles assument toutes deux la fonction de protectrice de Jason. Chez Hom�re d�j�, H�ra sauve Argo[121]. Chez Pindare, M�d�e est un instrument entre les mains de la d�esse, l�expression de sa volont�. Elle se pr�sente comme l�auxiliaire, l�ex�cutrice de la d�esse, son double � l��chelle humaine. Ainsi M�d�e, associ�e � plusieurs repr�sentantes du Panth�on olympien figure dans une fonction de m�diatrice de l�action divine, mais aussi pourrait �tre le vestige d�une d�esse, dont nous allons essayer de pr�ciser les caract�res, chass�e par les Olympiennes, honor�es par les envahisseurs indoeurop�ens. Comme le sugg�re Will elle devient d�s lors[122] aletis, l�errante, en qu�te d�un lieu o� agir et �tre honor�e. C�est en effet par la fuite et l�exil que se concluent tous les �pisodes du mythe. La d�esse-M�reParmi les hypoth�ses le plus couramment formul�es, sur cette M�d�e, d�esse �vacu�e du panth�on olympien, reviennent celle d�une divinit� chtonienne, selon Wilamowitz[123] et Carl Robert[124], d�une divinit� agraire pour Haas[125] ou encore d�une hypostase de la Terre-M�re d�apr�s Will[126]. Les trois hypoth�ses ne sont pas, nous le verrons incompatibles. Chacune de ces interpr�tations mettent en lumi�re des traits importants de la figure mythique. Les aspects chtonien et agraire constituent deux de ses caract�res principaux. La capitale du royaume d�A�t�s est Aia, ��le pays sans nom�� comme Gaia, chez Hom�re et les Tragiques, c�est la terre, le pays, contr�e myst�rieuse situ�e vers l�Orient, l� o� le Soleil se l�ve. L�ensevelissement des enfants a pu �tre mis en relation avec un rituel agraire : la plante meurt et la s�mence� enfouie dans la terre rena�t. Le caract�re agraire soutenu par le th�me de la mort et de la renaissance conduit � �voquer le mythe de D�m�ter. la trag�die d�Euripide en garde trace, quand elle �voque le t�l� ��myst�re, c�r�monie secr�te��[127]. C�est du m�me vocable que sont appel�es les c�r�monies d�Eleusis en l�honneur de D�m�ter et de sa fille Kor�-Pers�phone. Comme D�m�ter, M�d�e pratique des c�r�monies magiques d�immortalisation, elle utilise un char aux dragons ail�s, et enfin, elle s�unit � un mortel, pratiquement homonyme de Jason, � une lettre pr�s : Iasion[128]. Or cette union succ�de directement chez H�siode, � celle de M�d�e et de Jason. Elle est �crite en tels termes qu�elle semble d�velopper la simple mention faisant de M�d�e ��la florissante �pouse�� de l�Argonaute. ��D�meter, divine entre les d�esses, donna le jour � Ploutos, unie d�amour charmant au h�ros Iasion, dans une jach�re trois fois retourn�e, au gras pays de Cr�te ; et Ploutos, bienfaisant, va parcourant toute la terre et le vaste dos de la mer, et du premier passant au bras de qui il tombe, il fait un riche et lui octroie large opulence��[129]. Outre le rite agraire, c�est une �vocation de l�Age d�or, abondance de biens obtenus sans efforts, nous aurons a y revenir. Le rapprochement entre D�m�ter et M�d�e est renforc�e par l�onomastique. Will[130] rapproche en effet M�d�e des noms des hypostases de la d�esse-m�re, toutes magiciennes : H�cam�de[131], l�Agam�de de l�Iliade[132] ��experte � tous les poisons que nourrit la vaste terre��, M�gam�de[133],�� P�rim�de[134], �galement associ�e � M�d�e chez Properce[135]. La racine Med-, nous l�avons d�j� soulign�, en relation avec l�imagination, l�invention, la pr�paration, la m�ditation, mais aussi l�action de ��veiller, prendre des mesures pour��, sert aussi � la compositon des termes latins meditare et medicare. En plus d��tre magiciennes habiles � pr�parer les plantes, ces h�ro�nes ont en commun d��tre des m�res prolifiques. L�importance du th�me de la f�condit� de M�d�e � les versions anciennes la font m�re de sept gar�ons et de sept filles � la mettent en relation avec Art�mis medeia, d�esse du r�gne v�g�tal. D�esse de l�arbre, des moissons, des sources, mais aussi de l�accouchement. Art�mis, dans son aspect infernal et lunaire, fut identifi�e d�s la premi�re moiti� du Ve si�cle avec H�cate, puis avec S�l�n�. Enfin, la localisation des origines de M�d�e en Colchide font d�elle un possible interm�diaire entre les d�esses honor�es dans le Proche-Orient, Ischtar/Inana et les d�esses de caract�res semblables, r�v�r�es partout en Gr�ce. Les �tapes de l��volution de la figure mythique de M�d�e, depuis le temps o�, ��vierge aux yeux qui p�tillent�� fille de l�Oc�anide Idye ��celle qui sait��, jusqu�� la m�re meurtri�re, d�vou�e � H�cate, pr�sentent des analogies avec la Grande D�esse, � laquelle Jean Przyluski a consacr� un ouvrage du m�me titre. La Grande D�esseIl note en effet que le mythe r�v�le la nature de la D�esse-M�re dont nous approfondirons plus loin la fonction et l�impact au point de vue psychologique, ici initi� par l�auteur. L�id�e fondamentale est la notion de m�re, celle d�une d�esse responsable de la reproduction : " Celle qui a engendr� tous les dieux est � plus forte raison l'origine des hommes et des autres �tres."[136] S�appuyant sur la th�se de Glotz[137], il d�montre que le culte de la Grande D�esse s�est constitu�, dans les temps pr�hell�niques, par la fusion de divers cultes locaux. On est parvenu alors � l�id�e d�une divinit� universelle par un travail de synth�se qui r�unit dans une m�me figure les attributs de plusieurs divinit�s. La lente �laboration de cette figure complexe passe par l��tape de la Grande-M�re. D�abord, Nourrici�re qui subvient aux besoins �l�mentaires par la g�n�rosit� de sa nature abondante mais sauvage. Puis � un stade plus �labor� de civilisation, sa nature devient double, comme l�activit� des hommes. Dans le r�gne v�g�tal, elle synth�tise l�Arbre et le Grain ; dans le r�gne animal, elle est ma�tresse des b�tes sauvages et des animaux domestiques. Pendant une tr�s longue p�riode de temps, elle a �t� repr�sent�e sous forme humaine entre deux animaux affront�s. Pour s�assurer le secours de sa puissance efficace, le mana, les hommes lui consacrent des lieux sacr�s, souvent dans les bois, condensateurs d��nergie, avant de lui construire des palais semblables � ceux des rois. La premi�re �tape de l��volution se ferait par le passage de la nymphe locale anonyme � une D�esse nomm�e. Selon Przyluski, la d�esse a souvent une nature v�g�tale. Son nom peut signifier ��Dieu Sacré ». Esprit �l�mentaire du lieu, que figuraient chez les Grecs des divinit�s secondaires comme les Oc�anides, esprits des ruisseaux et des sources, et les Nymphes peuplant la campagne, les for�ts et les eaux, suivantes d�Art�mis. � Le lieu saint est un paysage complet : pierres, eaux, arbres qui d�signaient la d�esse - M�re. Le lieu saint est comme la statuette, d'abord un instrument magique. Toutefois comme il �meut fortement l'intelligence, l'imagination, la sensibilit�, il est propre � exciter la fonction symbolique de la psych�. � L��volution est parall�le de celle de l�organisation sociale. Selon Przyluski, la notion de personne mythique se serait ��condens�e autour de deux repr�sentations auditive et visuelle[138] : un nom et une forme.�� Mais l�exp�rience magico-religieuse enseigne que l��laboration de la figure mythique se fait plut�t � partir de ��la force du nom��.[139] � Quand elle commande � une troupe de nymphes des eaux et des bois. Nous pouvons D�sormais parler d'une d�esse-m�re. A cette promotion de la m�re correspond, comme on peut le constater dans les civilisations aniconiques, o� le processus magico-religieux fonctionne de la m�me mani�re, en l�absence de repr�sentations. � ��Deux grands moments sont � consid�rer dans l��volution des mythes et de leurs symboles. Les hommes des premi�res soci�t�s et des communaut�s agraires consid�rent surtout des aspects locaux de la force magico-religieuse. Leur horizon est limit�. Plus tard le mouvement des �changes mat�riels et spirituels, favoris� par la formation des grandes unit�s territoriales brise le particularisme agraire. Le d�veloppement des soci�t�s urbaines oriente alors les esprits vers la vision d�un univers centralis�.��[140] Devenue d�esse, elle acquiert peu � peu une l�gende, parce que son histoire est li�e � celle du pouvoir local. ��(...) dans leur plus large extension, mythes et institutions� sont l�aboutissement logique de deux s�ries concommittantes : l�unification se poursuit parall�lement dans l�ordre politique et religieux ; la royaut� universelle est l�aspect juridique du mythe de la grande d�esse.��[141] La civilisation babylonienne, puis celle des Assyro-Babyloniens a �labor� un syst�me fond� sur l�id�e d�unit� du cosmos : tout ce qui est vit de la m�me vie, les hommes, les animaux, les plantes, les astres eux-m�mes passent par des p�riodes de croissance et de d�clin. La Grande D�esse r�gne sur ce cosmos unifi�. � L�extension du culte de la D�esse, appel�e Tana�s, divinit� des eaux, et donc aussi m�re des sources venues du monde souterrain, � l�Occident, avant l�invasion indo-europ�enne permet d�expliquer la l�gende hell�nique des Dana�des. Elles sont filles de Danaos. Le changement de sexe laisse supposer le passage d�une gyn�cocratie � une organisation sociale diff�rente. Le caract�re sanguinaire de la l�gende rapporte en outre qu�� l�exception d�une seule, les Dana�des massacrent leurs �poux, trait qu�elles partagent avec les Lemniennes et autres Amazones, mais aussi avec la Grande d�esse cruelle et meurtri�re. � La D�esse est m�re des eaux, l�eau est source de la vie : la Grande-M�re est d�esse de la f�condit�. Mais pr�sidant � la reproduction des �tres, elle pourvoit �galement � leur destruction : ��La grande D�esse est Belliqueuse, parce que la guerre est une activit� meurtri�re... La mort des uns qui permet aux autres de na�tre et de grandir.��[142] Avant l��poque historique en effet on observe nombre d�institutions, li�es au peu de ressources dont dispose l�humanit�, oblig�e de limiter pour cette raison le nombre des vivants : l�infanticide, le meurtre des vieillards au profit des jeunes, des filles au b�n�fice des gar�ons. � La D�esse-M�re incarne cette cruelle n�cessit�, c�est pourquoi elle pr�side aux combats dans les soci�t�s archa�ques orientales. Mais souvent les hommes, pour se la rendre propice la gratifiaient d��pith�tes sucr�es : ��la Douce, l�Immacul�e��. Les attributs de la D�esseLe faisceau de verges, rest� vivace dans certaines l�gendes laconiennes sont r�v�latrices du caract�re sanguinaire d�Art�mis : la flagellation rapport�e par Lycurgue devant l�effigie de la d�esse pourraient �tre le vestige d�anciens sacrifices humains, qui, disparus progressivement dans le monde m�diterran�en, ont surv�cu longtemps en Inde. Il ne manque pas en outre de rappeler les torches port�es par D�meter, ou les serpents que dans certaines repr�sentations, tient H�cate[143], parfois figur�e, comme Shiva, de deux paires de bras en torsion. ��Chacun de nous, en observant ses frayeurs irr�fl�chies, peut en d�couvrir des vestiges. Dans la mentalit� archa�que, l'homme et la nature sont superpos�s et confondus. Le Sacr�, la Nature, et l�Homme sont confondus. Le polymorphisme est accept� par la conscience religieuse, parce que l'unit� du lieu saint est sous-jacente ce qui revient � dire que la cosmogonie cimente le moi archa�que morcel� une nouvelle transformation de symboles. Le proc�s d'individuation qui aboutit � la notion de personne humaine est comparable � celui qui dans une soci�t� mythique transforme la nymphe anonyme en d�esse.�� Selon lui le passage de l'Homo Faber � l'Homo Sapiens permet l'art, le langage articul�, la religion et la cueillette, la domestication des animaux. On passe de l�assujettissement � la nature � l�affranchissement progressif par l'outil et la technique. Alors entre l'action et la pens�e pour ou sur celle-ci s'intercale une bande libre � partir de laquelle l'homme peut entrer en contact avec un autre dieu. � La religion naissante toute impr�gn�e de magie est interm�diaire entre la technique et les religions plus �volu�es. Pr�sidant � l�origine au renouveau et � la f�condit�, la D�esse M�re a vu son r�le s��largir et elle est devenur Grande D�esse. A ses c�t�s sont apparus des personnages mi-hommes mi-taureaux, de sorte que la fusion est r�alis�e entre la ma�tresse des animaux et celle des hommes. Plus tard la Grande D�esse se confond avec la disque solaire dans une m�me entit� mythique et le disque solaire suffit � la repr�senter. Au culte de la grande M�re, devenue ma�tresse de l'univers, se sont adapt�s des symboles universels : le globe solaire, le lotus, l'arbre cosmique transform�s en axe du monde. D�s lors, Grande d�esse va �tre confondue avec l'image du soleil. � Apr�s avoir �t� la ma�tresse des animaux, continue Przyluski[144] la d�esse est devenue l'�pouse de deux consorts m�les, puis a form� un couple avec un seul �poux. La premi�re s�rie est magique, les deux autres sont surtout mythiques. Cet immense d�ploiement de force magique, o� concourent la danse, le bruit. Ce sont les gestes obsc�nes pour faire sortir de sa retraite hivernale la grande d�esse japonaise Amaterasu. � Ensuite, la D�esse mari�e, son statut a besoin d'�tre pr�cis� par la tradition orale ou �crite. �volution de la religion au rituelAu lieu d'opposer la magie � la religion, distinguons plut�t, nous dit Przyluski, une religion primitive magique et rituelle � laquelle succ�dent des religions de plus en plus repr�sentatives et mythiques. De la d�esse M�re au Dieu P�rePolyandrie et Monogamie. ��Ainsi partout o� l'homme s'est �lev� de bonne heure � une plus grande prosp�rit�, les dieux agraires forment un couple par l'union du Grand Dieu et de la Grande D�esse.�� Encore convient-il de moduler. Dans une vision dialectique, le couple est dans une relation d�union/combat. La pl�thore d�un des termes entra�ne l��crasement de l�autre, et suscite un tiers r�gulateur. Or, ce que nous savons de l'�volution des croyances indiquent que la triade est ant�rieur au couple. La d�esse m�re est en effet flanqu�e de deux acolytes. Facteurs de l'�volution religieuse������� Dans un premier temps, la m�re est seule. ������� Puis appara�t le premier couple : celui de la m�re et de son fils v�n�r�, subordonn�. ������� Le jeune Dieu est � la fois fils et Amant, parce qu'il est le substitut d'une d�esse qui �tait la fille de la Grande M�re. � Plus tard, on la retrouve m�re de deux enfants de sexe diff�rent. Trois p�riodes se succ�dent : la m�re seule, puis avec un seul enfant et enfin deux enfants. Ce nouveau couple se substitue � la M�re : ainsi du couple de jumeaux, Art�mis-Apollon. Finalement, la m�re est remplac�e par un grand Dieu. � Przyluski r�fute la th�se selon laquelle les religions ont �volu� de la magie � la religion puis � l'ath�isme. Il n'y aurait pas de discontinuit� entre le magique et le religieux. Le rite fait place au mythe. Et le mythe rapporte la relation des rites entre eux. Puis par diff�renciations successives viennent les dogmes. ��La mythologie est une masse peu coh�rente. L'ensemble des dogmes, la gnose est une structure.�� (Cf.p. 202.) Le culte de la grande d�esse pr�pare l'irruption d'une religion universelle. � Des valeurs nouvelles se cr�ent au plan individuel, il acc�de au monisme, plan d�acc�s � l'autonomie de la personne dans la communaut�. La conscience se concentre, se condense, contribue � unifier la conduite individuelle puis se donne un objet (polarisation des �nergies) totalement autonome. � Y a-t-il passage de culte de la Grande D�esse � d'autres ? Ce n�est pas s�r. Il se pourrait bien que les diff�renciations s'op�rent. Mais l'Immacul�e, la Douce, la Grande est l� tout au long de l'Histoire. � Le nom de la d�esse est � rapprocher de illimit�, infini, les grandes �tendues les Terres Vierges qui doivent �tre d�fendues. � Toutes les civilisations antiques qu��tudie Przyluski, de l�Indus aux rives de l�Atlantique, sont le r�sultat de croisements d�influence dont il faut suivre migrations et enchev�trements, depuis l��ge de pierre jusqu�� leurs formes plus �labor�es. Aux pointes extr�mes, les mondes antiques sont moins diff�rents que l�on aurait pu le croire. A l��ge de pierre, la Grande d�esse pr�sidait-elle d�j� � la vie et � la mort des �tres ? D�s l��poque pal�olithique, s��bauche un culte rendu � la protectrice des �tres, cr�atrice de la vie. C�est ce que r�v�lent des sanctuaires labyrinthes, premi�res grottes sacr�es de l�Occident, qui abritent dans le giron de la nature des repr�sentations animales et humaines, dont une multiplicit� de femelles gravides. Lorsque la M�re, d�esse des eaux et de la guerre � la fois, souvent cruelle et lascive, entit� tour � tour b�n�fique et mal�fique, r�appara�t, le culte reste tributaire de ses commencements. Il faudra longtemps avant que le progr�s de la spiritualisation, en relation avec l�organisation sociale et les conqu�tes de la technique, puisse resteindre les pouvoir de la Brillante Reine du monde. C�est au prix d�une longue ascension de conqu�te que le Dieu P�re arrivera � faire triompher ses pouvoirs masculins. En suivant � la trace l�histoire de la D�esse M�re, on d�c�le les raisons de cette rivalit� et de ces luttes. Dans un univers gyn�cocratique, o� vie et mort apparaissent comme un m�me ph�nom�ne, connu et inconnu, chaque dissociation ouvre un progr�s nouveau. Les sanctuaires de la D�esse M�re ont �voqu� les paradis �l�mentaires, o� l�eau, la pierre et l�arbre s�associaient, forces composantes de tous les paysages sacr�s, encercl� par l�espace profane, jusqu�� la p�riode hell�nistique. Apparue la premi�re apr�s le Chaos, la d�esse M�re n�a pas seulement dans� au milieu d�un ch�ur de nymphes. Elle figure ensemble les aspects antith�tiques d�une nature nourrici�re et sauvage. Dans le vieux monde, c�est en Cr�te et en Inde que se sont r�v�l�es deux civilisations aux structures et aux forces �ducatives originales, qui s��clairent l�une l�autre. L�observation du culte de la Grande D�esse, � partir de ses formes originelles permet d�observer les transformations linguistiques, psycho-sociales, qui �voluent en m�me temps que la religion. � La grande crise travers�e par le monde antique encore mal connue, mais pourraient en garder quelques traces les mythes grecs, consid�r� comme une totalit�, qui marqueraient alors le passage du ritualisme magique � la mythologie religieuse ; ils auraient relat� le moment d�cisif o� la Terre-M�re vient s�allier elle-m�me avec le Dieu triomphant, quand le monde entre en �quilibre. Pr�c�demment, dyades et triades auraient pr�par� ce moment o� s�est consacr�e la vie sociale et morale. Magicienne, barbare, infanticide, voici enfin le f�minin monstrueux ! L�image et ses repr�sentationsLa divinit� de l��poque archa�que (pal�olithique) n�est pas � proprement parler une d�esse, mais une entit� indiff�renci�e charg�e d�assurer la f�condit�. Elle engendre par elle-m�me sans principe m�le. Sa fonction est adapt�e aux conditions de vie des soci�t�s qui la v�n�rent. Avec l�apparition de la civilisation, elle devient plus complexe. Elle devient double dans les soci�t�s agraires : Arbre et Grain dans le monde v�g�tal, ma�tresse des fauves et ma�tresse des animaux domestiques, dans le monde animal. � Potnia th�r�n : se pr�sente en Cr�te d�s l��poque �g�enne sous trois aspects : d�esse aux lions, d�esse aux oiseaux, d�esse aux serpents. Ainsi chez des peuples divers et pendant une tr�s longue dur�e, la d�esse a �t� repr�sent�e sous forme humaine entre deux animaux affront�s. Il n�est pas exclu que d�s l�origine, son attitude fut double, pacifique et conqu�rante. L��volution des repr�sentations refl�terait les phases de l��volution technique : chasseresse, dompteuse, ma�tresse des animaux domestiques, aspects qui viennent s�ajouter � sa fonction de ma�tresse de la f�condit�, sp�cifiquement divine, puis plus tard cr�atrice. � Mais rien ne permet d�affirmer que dans l�esprit du croyant une des fonctions pr�domine sur les autres. Du caduc�e, tige autour de laquelle s�enroulent deux serpents sym�triques, � la d�esse aux serpents. Avant d��tre attach�e � un lieu saint cosmique, la d�esse l�est � des lieux saints locaux. Ses avatars sont multiples : ������� v�g�taux : essence foresti�re ou graine ; ������� animaux : sauvages ou domestiques. Tout ce qui nous parvenu des cultes locaux confirme cette diversit� : la Grande-M�re �tait ador�e comme divinit� du pin, du figuier, de la vigne, du bl� ; elle �tait louve, �pervi�re, loutre, castor, vache ou biche... � La personnalit� de la Grande D�esse appara�t comme la somme de ses avatars, est la garantie pour le h�ros d�une royaut� universelle. L�unification des aspects diff�renci�s de la d�esse correspond � l�unification/centralisation du pouvoir et du culte et l�assurance de la stabilit� de l�univers. Nous avons affaire ici � des repr�sentations qui ne sauraient faire appara�tre l�ensemble des caract�risations de l�image-affect. Il est n�anmoins possible de rep�rer : � La qualit� psychique mise en �uvre � travers la figure mythique. Le nom associ� � la g�n�alogie renvoie ici � quelque chose de l�ordre d�une sagesse fond�e sur la pr�voyance. Dans les versions litt�raires post�rieures, revient le leitmotiv qui en substance signifie : si j�avais su ce qui m�attendait, jamais je n�aurais suivi Jason. La pr�voyance est au centre des pr�occupations de ce couple de h�ros. � L�affect associ�, la peur suscit�e par Echidna et Scylla, d�voreuses de passants, face auxquelles il n�est de recours que la fuite. C�est le conseil que donne H�ra � Jason dans l�Odyss�e : ��Scylla n�est pas une mortelle : c�est un fl�au immortel (...) On ne peut s�en d�fendre ; le mieux est de fuir.��[145] � La finalit� de l�action : la fuite devant l�inexplicable permet de pr�server la vie du h�ros et d�assurer son retour en terre grecque civilis�e. � La dialectique masculin/f�minin : face � un f�minin monstrueux, le masculin adopte un profil bas. M�d�e, d�esse civilisatrice ?Figure transitionnelle[146] de la Grande d�esse, honor�e en Gr�ce, mais aussi, particuli�rement dans tout le Proche-Orient, destin�e � m�diatiser l��nergie d�H�cate, dont nous avons montr� les liens d�identit� qu�elle entretenait avec celle qu�elle nomme, encore chez Euripide, sa ��ma�tresse��, M�d�e a subi en trois si�cles une �volution qui conna�t des p�riodes d�acc�l�ration. Inconnue chez Hom�re, qui �voque n�anmoins Jason, elle appara�t au viie si�cle chez H�siode, alors que, apr�s quatre si�cle de ��Dark Age��, de 1200 � 800, le r�gime des cit�s finit de se constituer. Elle est alors la ��vierge aux yeux qui p�tillent�� petite-fille du Soleil, mais, en arri�re-plan de cette repr�sentation, s�enroule la queue du monstrueux serpent Echidna. Par l�, M�d�e, en m�me temps que son caract�re ambivalent de m�diatrice entre le Monde-d�en-Haut et le Monde-d�en-Bas, signe son appartenance � la lign�e des monstres, terreur des hommes et des Hommes, tout comme les Lemniennes, les Dana�des ou les Amazones ; comme aussi les d�mons funestes qui tuent, vampirisent, st�rilisent, venus du Proche et Moyen-orient, Tiamat, Ishtar, Inana, Lilith, Sphinge, Harpyes, Sir�nes, Empuses, Lamies, Gorgones, Striges, vouivres. Cette identit� descriptive est bient�t transpos�e au plan moral, intellectuel et psychologique : Barbare, d�tentrice d�un savoir magique traditionnel et pr�tresse de la D�esse, elle est ravie par un Grec, dont elle se fait l�auxiliaire dans la conqu�te. En cela, elle est porteuse d�un message de progr�s civilisateur, fond� sur une p�dagogie de la peur. Par l�, elle manifeste aussi son ambivalence : � la fin du Ve si�cle en Gr�ce, alors que meurt la d�mocratie ath�nienne, le mythe est compl�tement constitu� qui la fige, elle qui savait ressusciter les morts, pour l��ternit� dans le r�le de m�re meurtri�re. La rationalisation du mythe, qui finit de s�op�rer alors ensevelit celle qui fut m�diatrice entre les vivants et les morts, pour ne garder que le souvenir de son ��humeur sauvage�� aux relents ��de bile am�re�� et de m�lancolie. Mais en tant que principe de vie et de mort, la figure sombre de M�d�e continue � ramper dans les souterrains de la culture, et surgit, en kair�[147], dans l�Histoire, pour semer la terreur, r�clamant les honneurs qui lui sont dus. �Catherine Barb�, Paris 1996 [1] � Th�ogonie, 957-962. Il est � noter que ce passage sert de transition avec le d�but du catalogue des �Immortelles entr�es au lit des hommes mortels, qui leur ont enfant� des enfants pareils aux dieux��, dont la premi�re �voqu�e est D�m�ter : �Divine entre les d�esses, (elle), donna le jour � Ploutos, unie d�amour � Jasion. Faut-il admettre une �quivalence entre le couple M�d�e/Jason et D�m�ter/Jasion, que confirmerait la reprise presque imm�diate, un peu plus d�velopp�e de l�histoire de Jason et M�d�e ? [2] � Ibid., v.992-1003. [3] � Dictionnaire �tymologique de la langue grecque, Chantraine. [4] � Th�og., 295 sqq. [5] � Od., XII, 89 sqq. [6] � Eur. M�d�e,1338 sqq. [7] � Cf. Il., VI, 181 sq. : ��...lion par devant, dragon par derri�re, chim�re au milieu..Son haleine terrible est un jaillissement de flamme ardentes.�� [8] � Th�og., 820 sqq. [9] � Selon une autre tradition, Typhon �tait un fils d�H�ra, qu�elle avait engendr� elle-m�me, sans le secours d�aucun principe masculin, comme elle avait fait H�pha�stos. In Dict. de la Myth., Grimal. [10] � H�siode ne donne pas de Typhon un portrait complet, mais insiste sur la partie sup�rieur du corps et ses attributs, contrairement � Echidna. dont la description est compl�te. [11] � Grimal, ��Typhon��. [12] � Th�og., 843 sqq. [13] � Ibid, 664 sqq. [14] � Ibid., 16. [15] � Dict.Chantraine. [16] � Ibid. [17] � Hom. W�rter 148-154. [18] � Ibid., 957 sqq. [19] � Ibid., 992 sqq. [20] � Ibid., 967. [21] � Le mot est � double sens : il renvoie d�une part � la sc�ne finale de la trag�die d�Euripide, o� M�d�e s�enfuit sur le char du soleil. D�autre par, c�est de son incursion sur la sc�ne tragique que M�d�e tire sa renomm�e, voire sa popularit�. Aujourd�hui encore, ce sont les nombreuses reprises de trag�dies et op�ras anciens, ou des cr�ations th��trales modernes qui la font conna�tre du public. [22] � D�apr�s le Dictionnaire �tymologique de la langue grecque, de Chantraine. [23] � Sur le probl�me du lien� entre la structure du monde mythique et la structure linguistique, voir E. Cassirer: Langage et mythe � � propos des Noms de Dieux, ch.IV, p.61 sqq. [24] � Pour plus de pr�cision, on se reportera � l�ouvrage Marcel. D�tienne et Jean-Pierre Vernant, Les ruses de l�intelligence � La M�tis des Grecs, cit� en bibliographie. [25] � Celui de Roger Boussinot, Bordas, 1988. [26] � Duarte Mimoso-Ruiz, M�d�e antique et moderne, aspects rituels et socio-politiques d'un mythe, �d. Ophrys, 1982, Paris (en bibliographie). [27] � H�rodote, Histoires, livre VII, 197. � Hygin�: Fabulae, "Ino", p.2. [28] � Pindare, Pyth.IV, v. 183 sq et N�m�enne III, v.92 sq. [29] � Selon Hom�re, Od.,XI, 256 sqq, P�lias serait le roi l�gitime d'Iolcos; mais d�j� chez H�siode, il appara�t comme un dangereux usurpateur. [30] � Hygin, op. cit., III : le mobile est aussi la Toison d'or. [31] � Eumelos, frag.3. [32] � H�rodote, Hist.,VII, 62. [33] � Scholiaste d�Euripide, M�d�e, 10 et d�Appol. de Rhodes, IV, 814 ; Od., 11, 471-540, qui suivent en cela la version initiale d�H�siode, o� M�d�e figure au Catalogue des ��Immortelles entr�es au lit des hommes mortels��. [34] -D'apr�s Dictionnaire de la Mythologie, Pierre Grimal,"Argonautes", "Jason", "M�d�e". Et Duarte Mimozo Ruiz, op.cit.,p.11 sqq. [35] � La maladie de l��me, Les Belles Lettres, 1981. [36] � Corpus hippocratique, V.K.308. [37] � Hippocrate, Aphorismes, 6e section, &23, IV, L568. [38] � Op. Cit., P.125. [39] � La conqu�te de la Toison d�or, �voqu�e bri�vement dans l�Odyss�e, serait historiquement ant�rieure � la guerre de Troie. Voir notes. [40] � Cf. La version du mythe fondateur des Masa� : il est centr� sur les femmes, leur id�al de vie, rendu impossible par le massacre des troupeaux, ce qui a oblig� les masa�s � se faire cultivateurs, eux les mangeurs de viande. les hommes aujourd�hui sont ch�tifs et il leur est difficile de nourrir leurs enfants. De l� provient le mythe fondateur matriarcal : les chasseresses rencontrent les guerriers qui les fouillent dans leur intimit� et ainsi naquit la f�condit� et l�asservissement de la femme masa�. leur id�al de vie est de garder un mari assez longtemps pour avoir des enfants, les voir grandir, voir ses fils amener leurs femmes dans le village et avoir ainsi des petits enfants. Ce qui signifie un vie bien remplie. [41] � Argonautiques, I,850. [42] � H�siode et Pindare. [43] � Pyth.IV, v.217-223. [44] � V.1. [45] � Eur., v.406. [46] � Ibid., 746. [47] � Ibid., v.954 sq. [48] � Ibid., p.124 sq. [49] � Moreau, op.cit, p.69, note 43. [50] � Voir bibliographie. [51] � Trad. M. Delcourt. [52] � Apollonios, I, 1140-49. [53] � Son nom apr�s sa transformation en d�esse marine. [54] � Adler, p.103. [55] � M�d�e antique et moderne, p.120/1. [56] � A la triade m�le Zeus-Pose�don, Had�s s�opposent les trois d�esses D�m�ter-H�cate-Art�mis. [57] � Travaux, 724 sqq. [58] � ��H�cate et la propreté », Pallas, p.26. [59] � La religion grecque, 1981, p.83-84. [60] � Th�ogonie, 442 sqq. [61] � Euripide, M�d�e, 1-6. [62] � H�siode, Travaux, 112-119. [63] � Medea exsul, frgt 246, 1 sqq. [64] � Kain� istoria, 18. [65] � De Fato, 15, 35 ; Pro Caelio, 8, 18 ; De Inventione, I,49,91 ; Topica, 16,61 ; De Nat. deorum, III, 30,75 ; De Finibus, I,2,5. [66] � Catulle, 64,105-111 ; 147-153 ; 171-176 ; 397-406. [67] � Tibulle, El�gies, 1, 3, 35-50. [68] � Epodes, XVI,42 sqq. [69] � Ovide, M�tamorphoses, I, 89-97. [70] � Ibid., I,127sqq. [71] � Pharsale, III,192. [72] � Antigone, trad. P.Mazon. [73] � Euripide, Hipp., 74 sqq.; � mettre en relation avec la puret�, , la culture contemporaine, les mises en garde de l��cologie : c�est l�homme qui souille pollue la nature, contre l�id�al de puret�. [74] � 364-379. [75] � 339 sqq. [76] � La Naissance du Diable, p.10 : les pages qui suivent s�inspirent de tr�s pr�s de Bernard Teyss�dre, dont nous avons tent� de resituer le propos au plus pr�s de ce qu�il a �crit, n�h�sitant pas � nous couler dans son style incomparablement imag�, qui ne saurait, sans dommage pour le sens, �tre r�duit � une paraphrase sans �me. [77] � Philon, De Agricultura, 97. [78] � Id., De Opificio Mundi, 161. [79] � ��La plupart des femmes sont famili�res de la sorcellerie�� (Talmud de Babylon, sanh�drin 67a); ��Il faut dire l�h�r�sie des sorci�res, non des sorciers ; ceux-ci sont peu de chose�� (Sprenger, Malleus). Un contemporain de Louis XIII �crit encore: ��Pour un sorcier, dix mille sorci�res�� (cit� par Michelet, La Sorci�re, 1862, p. V). [80] � Dialectique masculin/f�minin : et non dualit�. L�intellect au sens o� B. Teyss�dre l�entend : l�appr�hension consciente du monde et non, selon l�acception la plus courante aujourd�hui, le passage au filtre de la raison. L�intellect n�a donc ici rien � voir avec une quelconque rationalisation mais renvoie � la conscience et, par l�, � une mise en �uvre. [81] � Cet usage, attest� � Carthage par le r�cit de Diodore de Sicile et par des cadavres d�enfants d�couverts sous des st�les, est d�nonc� au V� si�cle A.D. encore� par Isaac� d�Antioche chez les ��Arabes sauvages��. Le plus souvent et tr�s t�t, un sacrifice animal a �t� substitu� � celui d�un enfant (d�s le VI� si�cle B.C., une inscription punique de Malte �voque le molk d�un agneau � Ba�al. Le �sacrifice d�Abraham� en est la transposition biblique. Cela n�exclut pas que l�on ait persist� � immoler des enfants lors de rituels conjuratoires contre des p�rils exceptionnels : ainsi le Roi Moab , Mesha, immole son propre fils pour conjurer la menace isra�lite (2 Rois, 3,27). [82] � Plutarque, De Isid. et Osir., 41, 52, 79. [83] � R.Caillois, Bibl. 90. [84] � P.Haupt, Akkadische und Sumerische Keibschrifttexte, 88-89, 11,31. Sur ces ��d�mones�� babyloniennes, M.Leibovici, bibl. 4, p.87sq. [85] � R. du Mesnil du Buisson, dans M�langes syriens, I, p.421 sq ; Albright dans Bull. of American Schools of Oriental Research, VI, p.5-11. [86] � Cit� par Thureau-Dangin dans Revue d�Assyriologie et d�Arch�ologie orientale, 18, p.170. [87] � Scolie sur Aristophane, Grenouilles, 293. [88] � Aristote, M�t�or.II, 8, 6 ; Pline, Hist.nat. II, 195 ; Lucien, Philops, 22. Le tremblement de terre manifeste les puissances de l�Had�s, dont H�cate est reine. [89] � Lilith est assimil�e � Lamia par la Vulgate (J.P. Migne, Dict. de Philologie sacr�e, art. Lamia. c�est aussi une styge (Robertson, Thesaurus linguae sanctae) : elles ont en commun ��de sucer la m�lle des os��. [90] � Vie d�Appolonios de Tyane, IV, 25. [91] � Horace, Epodes, 11, 22 ; Apul�e, M�tam. 1,6 ; Jos�phe, Ant. Jud. 17, 64. [92] � Scholie d�Eustache sur Odyss�e, XII, 39. [93] � J.Bril, bibl.,89. [94] � Eustache, Scholie sur Iliade, VIII, 66. Schol. sur Apoll. de Rh., I, 587. [95] � Commentaire de Servius sur Virgile, G�orgiques, IV, 401 ; Scholie sur Aristophane, Grenouilles, 293. H�raclide du Pont, cit� par Proclus, in Platon Rep., II, 119. � midi, Antigone sacrifie � son p�re : Soph. Antig. 415-417. Culte d�Had�s et de Pers�phone � midi dans la vall�e du philops. [96] � Hymne hom�rique � H�lios, 11-14. [97] � Aristote, De generatione animalium, B,2,735, a 27-28. [98] � Ibid.,B,1,734,b,22-23. [99] � Ibid., B,1,734,b,34-36 entelecheia. [100] � Les Grecs et l�irrationnel, Flammarion, 1977. [101] � Observer est un bien grand mot : les �tudes quelque peu n�gligentes des premiers chercheurs sur le terrain, alli�e aux interdits du r�gime sovi�tique et � sa volont� de voir dispara�tre les cultures traditionnelles sur laquelle le r�gime actuel ne semble pas revenir, nous donnent fort peu d�informations. [102] � C. G.JUNG, M�tamorphoses de l'�me et ses symboles, 2e partie, ch. VII, p.615. [103] � Sur le caract�re chtonien du "muchos", voir J.P. Vernant, Mythe et pens�e chez les Grecs, ch. III, p.125. [104] � Op.cit. III, 1256. [105] � In Jacoby, FGH, IIIb, 432F8. [106] � Op;cit; IV, 241-252. [107] � Op.cit., III, 528 sq. [108] � Th�ogonie, 413. [109] � Op. cit., IV, 54 sqq. [110] � VIII, 415. [111] � VIII, 446. [112] � Th�ogonie, 1019 sq. [113] � Pythique, IV, 10-11. [114] � D�apr�s la scholie d�Euripide, M�d�e, 9. [115] � D�apr�s la scholie d�Euripide, M�d�e, 264/273. [116] � Scholie de Pindare, Ol., XIII, 74=53. Elien, Histoires vari�es, V, 21. [117] � Pausanias, II, 5,1. [118] � Will, Korinthiaka, p.117, n.1. [119] � Voir A.N.Oikonomid�s, ��Artemis Medeia, an Unpublished Funerary Stele in the J.P.Getty Museum��, ZPE, 45, 1982, p.115-119. [120] � Apollonios de Rhodes, IV,865-879. [121] � Od, XII, 62-72. [122] � Etymologicon magnum. [123] � U.von Wilamowitz, Griechiche Trag�die, Medea, p.9 sq., cit� par S�chan, ��La l�gende de M�d�e��. [124] � Carl Robert, Griechiche Heldensage, p.185 sq., cit� par S�chan, Ibid. [125] � Volker Haas, ��Jasons Raub des Goldenes Vliesses im Lichte hetithischer Quellen�� Aus Unterricht und Forschung, 7,1975, p.227-233. [126] � Will, op.cit., p.104 sqq. [127] � Euripide, M�d�e, v.1392. [128] � Th�ogonie, 970. [129] � Ibid., 969-74 [130] � Op.cit., p. 122. [131] � Il., XI, 624 sqq. [132] � XI, 740. [133] � Apollodore, II,4,10. [134] � Th�ocrite, Magiciennes, 15-16. [135] � II, 4, 8-9. [136] � Ibid. [137] � La Civilisation �g�enne, p.288. [138] � C�est le m�me chose que de r�duire aujourd�hui l�image � ce qui se passe sur l��cran (voir introduction). [139] � La grande D�esse, op. Cit. p.56. [140] � Ibid., p.62. [141] � Op.cit., p.65. [142] � Op.cit., p.28. [143] � Voir en Annexe, la D�esse aux serpents du Mus�e d�H�raklion. [144] � Op.cit., p.155. [145] � XII, v. 120-122. [146] � Nous utilisons le terme dans le sens o� l�emploie Winnicot quand il parle ��d�objet transitionnel��, qui d�signe un objet mat�riel qui a une valeur �lective pour le nourrisson et le jeune enfant. Cet objet assure une transition entre deux mondes ou deux modes de relation au monde. Il �l Baz Kieser en a �tendu la d�finition au monde adulte en qualifiant ainsi tout objet capable de faire pont entre deux r�alit�s. Ainsi, comme l�ours en peluche de l�enfant, le totem des soci�t�s dites traditionnelles assure le lien et la diff�renciation entre la r�alit� int�rieure et l�ext�rieure. [147] � Au moment opportun.
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