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L’humanité ne supporte plus les fanatiques

samedi 13 février 2010, par Halim Akli

 

Le village planétaire, puisque c’est de ça qu’il s’agit quand on évoque la mondialisation, appelle d’autres mœurs et des façons d’agir autrement plus larges et plus globalisantes, d’où le recours, plus précoce, chez les réactionnaires et autres fanatiques, à des organisations et des mouvements de type transnational et supranational.

Le sens commun, l’ambition de la raison et de la nation sont-ils dans le cours de l’histoire que nous vivons ? A notre époque, n’est-ce pas des organisations transnationales telle que l’OCI (ou d’autres) qui sont dans le sens de l’histoire ? A l’heure de la mondialisation, un nouvel Ataturk est-il possible ? Allas DI TLELLI (Halim AKLI) : Nous ne le dirons jamais assez ; le monde d’aujourd’hui est à la fois, une continuité de ce que qu’il a toujours été jusque là et une originalité. Le village planétaire, puisque c’est de ça qu’il s’agit quand on évoque la mondialisation, appelle d’autres mœurs et des façons d’agir autrement plus larges et plus globalisantes, d’où le recours, plus précoce, chez les réactionnaires et autres fanatiques, à des organisations et des mouvements de type transnational et supranational. Certains d’entre nous ont pris conscience de cet enjeu là, mais il est quand même utile de reconnaître que cet impératif des temps modernes échappe à la majorité des démocrates et des laïques de ce monde. La rencontre laïque internationale (Paris - 2007) que nous avons évoquée plus haut et qui a été l’aboutissement d’un long parcours marqué par beaucoup d’efforts consentis par les laïques de part le monde, a été motivée par ces considérations, à savoir la sensibilisation du plus grand nombre sur la nécessité vitale de libérer le combat laïque du cadre national restreint et inopérant pour lui imprimer ce cachet cosmopolite et universel à même de lui permettre de peser sur la scène internationale et de faire face, d’une manière significative et contemporaine, à l’avancée de l’obscurantisme. C’était une tentative importante d’inscrire le combat laïque dans le sens de l’histoire et d’autres actions interviendront dans ce processus de mondialisation inéluctable des valeurs humaines et humanistes que charrie la laïcité. Cet élan extraordinaire se devra de s’imprégner des substrats vitaux cités dans mes réponses précédentes et qui sont autant d’impératifs pour une efficacité optimale. Atteindre un tel objectif est salutaire pour la planète comme l’est aujourd’hui la question de l’environnement et son subsidiaire, la lutte contre le réchauffement de la Terre. Les enjeux sont plus que jamais planétaires et les actions, pour être efficaces et viables, sont tenues de s’inscrire dans cet aspect nouveau. Seulement, la dilution des communautés culturelles, ethniques et nationales dans un tout global et uniforme reste un enjeu du futur sur lequel il nous faudra anticiper, mais pas encore celui de la mondialisation qui s’appuiera pour longtemps encore sur les nations sans lesquelles elle n’aura plus aucun sens. Pour le combat laïc, intégrer cette globalisation est une condition sine qua none pour susciter la régénération de l’atavisme kémalien un peu partout dans le monde. C’est juste une question d’adaptation.

Un mot sur l’élection d’Obama ? Avez-vous connu, vous aussi en Algérie, une obamania ?

Allas DI TLELLI (Halim AKLI) : Personnellement et je crois que c’est le cas de nombreuses personnes dans les pays non démocratiques, j’ai suivi de très près cette présidentielle beaucoup plus par passion et par exorcisme que par une quelconque obamania. Au-delà du fait qu’il s’agissait de la première puissance dans le monde, à travers cette élection, nous avons en fait vécu, à travers le petit écran et la presse, une démocratie bien réelle, ce qui nous a fait oublier, le temps d’un article, d’un débat télévisé, la sobre et funeste réalité qui prévaut dans les pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Libye et tous les pays tombés dans l’escarcelle du despotisme et de la tyrannie. En Algérie, le parallèle est édifiant tant est si bien que tout un pays navigant à vue de nez et complètement abandonné dans une non-gouvernance endémique et ses institutions frissonnant, comme à l’ère des années de plomb, aux pulsions d’un monarque lui obéissant au doigt et à l’œil, vient d’entamer la marche vers une énième violation de la constitution qui permettra au président actuel de briguer un troisième mandat synonyme d’une présidence à vie. Il faut rappeler que la constitution actuelle limite le nombre de mandats présidentiels à deux à travers son article 74 qui vit ses derniers moments. Il y’a lieu aussi de rappeler qu’aucune vie politique notable n’est autorisée depuis plusieurs années, notamment depuis l’intronisation de Bouteflika en 1999. La présidentielle américaine nous rappelle à l’amère réalité algérienne et des Algériens qui n’ont jamais connu de campagne électorale équitable et transparente ni d’élections sans fraude du fait d’une administration centralisée et complètement soumise aux caprices des clans au pouvoir. La démocratie américaine nous rappelle cruellement que l’audiovisuel, monopole exclusif du régime qui en fait, au frais du contribuable, une redoutable machine de propagande et de manipulation de l’opinion, est fermé à l’initiative privée et partisane. Obama nous rappelle surtout que les démocrates algériens sont réprimés, marginalisés, interdits d’antenne et de l’espace public au motif d’un état d’urgence qui rétabli de fait le régime de parti unique et qui contredit, si besoin est, la fausse paix retrouvée dont on se vante en haut lieu.

Mis à part ce bref moment d’évasion démocratique qui nous aura bercé des mois durant, c’est un parti démocrate américain qui revient aux affaires et qui ne changera pas grand-chose sinon que nous aurons moins de justifications divines à l’impérialisme américain qu’incarnent les conservateurs du parti républicain. Obama servira l’Amérique aussi assidûment que son prédécesseur avec une petite note plus parlementariste sur la scène internationale. Dans ce domaine, rien ne nous empêche d’émettre quelques vœux comme celui de voir la nouvelle administration adopter une attitude aussi ferme que la précédente vis-à-vis des régimes obscurantistes tel que celui de Téhéran. Nous souhaitons que des pressions soient exercées sur Tel Aviv pour abolir la fusion entre le judaïsme et l’État hébreu à l’origine de la politique agressive de celui-ci et source d’actes anti-démocratiques à l’encontre des démocrates, des laïques et des non juifs à l’intérieur même de l’État d’Israël. L’Afghanistan qui est une priorité dans la politique étrangère de Barak Obama doit être remis sur rails dans les meilleurs délais et ce, aussi bien sur le plan de la stabilité politique que sur celui de l’essor économique sans quoi, le tout sécuritaire à la Bush sera vain, voire pire…

Aurais-tu d’autres points, d’autres précisions à ajouter pour les lecteurs et que tu n’aurais pas eu l’occasion d’aborder durant cet entretien ? Allas DI TLELLI (Halim AKLI) : Tenter, peut-être, de résumer tout ça en quelques mots ! L’ordre moral ou religieux a montré ses limites et l’humanité en a assez de subir la folie meurtrière de fanatiques qui se croient investis d’une mission divine qui consiste à faire couler le sang et à faire régner la terreur et la discorde dans le monde et au nom d’un Dieu que les religions « s’arrachent » depuis des siècles. Cela explique la réflexion de Victor Hugo que je qualifierai de coup de gueule éclairé et qui déclarait dans Choses vues ceci : « Enfer chrétien, du feu. Enfer païen, du feu. Enfer mahométan, du feu. Enfer hindou, des flammes. À en croire les religions, Dieu est né rôtisseur. » Or, beaucoup de religieux désirent donner une image autrement plus positive de leur Dieu, en vain. La réalité est têtue car les fanatiques leur font de l’ombre en trouvant matière à justifier leurs pulsions destructives dans les religions elles-mêmes. Il y’a donc beaucoup de travail à faire sur ce terrain là avant de se lancer dans des professions de foi tendant inutilement à prouver qu’une autre vision de la même religion existerait. Être croyant ne doit plus signifier, au XXIe siècle, avoir des œillères et avoir peur de dire non au non-sens et aux coups de sophisme en faveur du crime. Pour atteindre ce degré de conscience qui permettra au croyant de croire tout en refusant d’avoir le sentiment de détenir la vérité absolue et de stigmatiser tous ceux qui ne partagent pas cette « vérité », la laïcité est une valeur nodale qu’il faudra intégrer pour se préserver de tous les excès.

Il n’est pas question pour nous, les laïcs, d’empêcher. Notre rôle dépasse l’étroitesse et la débilité qui caractérisent l’intégrisme et les fascismes dans leur ensemble. Il s’agit, pour nous, de sensibiliser, de convaincre et d’agir en faveur de ce que les humains, quelles que soit leurs convictions religieuses pour les croyants ou philosophiques pour les athées, ont en commun, à savoir le désir de vivre en paix et en harmonie avec autrui, le besoin de pouvoir affirmer sa propre identité en se référant au bain culturel, à la langue et à l’origine et non à la religion qui relève de la sphère privée, la liberté d’expression et de pensée, le droit de penser et de s’exprimer librement sans aucune forme de censure autre que celle que l’intelligence et la rationalité humaines imposent à tout un chacun. Pour caricaturer un peu ce schéma, disons que pendant que le chrétien rêve d’un monde où il n’y aura que des chrétiens, le musulman d’un monde où il n’y aura que des musulmans, le juif que des juifs, le hindou que des hindous, le bouddhiste que des bouddhistes, certains athées que des athées, le laïque lui, rêve d’un monde où l’école, l’État, le travail, les médias, l’économie et la place publique soient séparés de la religion et où l’athée puisse vivre et développer ses idées sans que les religieux ne se sentent contraints de le réduire au silence, un monde où le croyant puisse pratiquer sa religion dans l’espace réservé à cet effet et en toute liberté tout en réservant l’exclusivité à la citoyenneté et à l’identité culturelle une fois à l’extérieure de la mosquée, de l’Église, de la synagogue et du temple. Ainsi, la religion ne servira plus d’alibi au crime, à la désolation et à la discorde.

A ce propos, j’ai la ferme conviction que l’un des problèmes qui empoisonnent le monde d’aujourd’hui, à savoir la question israélo-palestinienne, ne se résoudra jamais si la laïcité n’est pas instaurée en Israël, en Palestine et dans les pays de la région qui, pendant que leurs actions politico-diplomatiques et militaires sont motivées par des considérations religieuses, la communauté internationale pose le problème de la paix dans la région dans des termes politiques et géostratégiques. La laïcité dépassionnera cette question et fera en sorte qu’israéliens et palestiniennes puissent se considérer voisins, complémentaires et non comme juifs et musulmans bons à se faire la guerre ad vitam æternam ; plongeant indéfiniment la région dans le conflit, la haine et la pauvreté et le monde dans le statu quo.

La paix dans le monde n’est pas uniquement tributaire des équilibres économiques et des enjeux géostratégiques qui réguleront les relations internationales à l’ère de la mondialisation. La démocratisation, la reconnaissance officielle des identités culturelles et des langues dites minoritaires ainsi que la laïcisation de la vie politique, culturelle, éducative et sociale dans chaque Etat, en constituent le ciment. La paix est à ce prix.

Autre source : www.Kabyles.net

Voir en ligne : Kabyles.net

P.-S.

Pour la discussion, facebook profil de Allas DI TLELLI sur kabyle.net, voir le fil rss ci-contre


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