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Introduction
Les violences sexuelles inflig�es � l’enfant nous interpellent sur de nombreux plans. Personnel d’abord pour ce que cela implique de distorsions dans la constitution de la personnalit� de l’enfant, collectif aussi car le silence p�se encore autour des maltraitances domestiques, d’autant plus si celles-ci s’accompagnent de violences sexuelles. �thiques enfin, car le silence de l’imaginaire collectif (Benedict Anderson) autour de ces m�faits induit un aveuglement �quivalent sur la valeur m�me que nous donnons � l’individu. Enfin, il est l�gitime, pass� le feu de l’imm�diate actualit�, de se demander ce que deviennent ces rescap�s de traumas[i] de l’enfance. Le corps morcel� en autant de pi�ces qu’il cumule de sympt�mes, l’�me en d�rive et flottant au gr� des miracles qu’une science maladroite leur promet, ils cherchent une unit� que nos modernes psychologies ne peuvent leur proposer.
Nos cultures h�donistes con�oivent mal qu’il existe des lieux de l’�me humaine qui ne connaissent la paix que dans de rares circonstances. Les m�andres de l’�me �chappent encore � la lumi�re des experts. La question de la souffrance et de son abolition hante l’adulte rescap� des violences de l’enfance.
Confront� � la multiplicit� des m�thodes et des th�ories psychologiques ou neurologiques, la n�cessit� d’une approche globale s’impose mais il faut, pour cela que nous acceptions de passer des barri�res, th�oriques, morales, parfois religieuses. La division antique, en forme de s�paration, du corps et de l’esprit a forg�, que nous le reconnaissions ou non, le corpus de pens�e � partir duquel s’est �labor�e notre approche de la psych� humaine.
Or, d�s le d�but des ann�es 80, les progr�s de l’imagerie m�dicale et de la neurobiologie permirent une approche plus diff�renci�e des m�canismes neuronaux sans, cependant, parvenir � objectiver tous les m�canismes de la conscience ni � r�pondre au probl�me de la source de celle-ci. Si nombre de processus inconscients sont d�sormais connus et constituent le corps principal des sciences cognitives, la conscience comme si�ge d’exp�riences subjectives dot�es de qualit�s sp�cifiques et uniques selon chaque individu – qualia – est au centre de d�bats encore tr�s vifs entre ceux qui d�fendent le caract�re unique de l’exp�rience int�rieure et ceux dont le but consiste � lever, chaque fois un peu plus, le voile qui p�se encore sur les myst�res de l’esprit.
La question reste pos�e de savoir si l’approche objective et organiciste pourra un jour p�n�trer les myst�res profonds de la conscience et des m�canismes inconscients de l’esprit humain. Parmi les psychologues du d�but du xxe si�cle, C. G. Jung, � partir du principe de synchronicit�, �tablissait tr�s t�t un lien ind�fectible entre la mati�re et la psych� humaine qui, selon lui, appartiennent au m�me continuum, au m�me champ.
��Ce qui sert � ordonner la multiplicit� chaotique du monde des ph�nom�nes, c’est en tout premier lieu le nombre. Il est l’instrument qui nous est donn� pour �tablir un ordre ou pour saisir une r�gularit� pr�existante mais encore inconnue, c’est � dire une structure ordonn�e du r�el. Il est sans doute l’�l�ment ordonnateur primordial de l’esprit humain��. (1952)
Physiologie du trauma
Le trauma et le stress qui en r�sulte, perturbent les �quilibres neurologiques du moment, provoquant des r�actions de d�fense dont la finalit� imm�diate est de permettre � l’organisme, dans son entier, de survivre. Mais ces r�actions d�fensives ou de fuite s’av�rent dangereuses si elles persistent. Mais elles ne persistent qu’� deux conditions�: que la blessure cons�cutive du trauma ne soit pas caut�ris�e ou bien que l’agent traumatique continue son action malfaisante. Dans ces circonstances, l’organisme doit lutter contre une forme d’auto empoissonnement d� aux drogues lib�r�es par le cerveau –�noradr�naline et cortisol – et contre l’agent stresseur. Le cerveau et les r�seaux neuroniques sont alors l’objet d’un chaos interne qui peut alt�rer durablement les capacit�s m�me du sujet � �voluer et progresser dans sa vie. Ce sont les m�canismes d’acquisition et d’apprentissage qui, d�sorganis�s, se trouvent gravement bless�s, d�sorganis�s et incapables de fournir les bonnes r�ponses aux stimuli ext�rieurs. Le circuit de r�action Amygdale – Hippocampe est soumis � un emballement tel que la relation m�me du sujet � la r�alit� physique objective peut �tre l’objet de pathologies qui, d’aig�es qu’elles �taient apr�s le trauma, deviennent chroniques pour constituer l’apparente trame de fond de la personnalit�.
Le chaos primaire qui suit le trauma �tend la d�sorganisation � tout l’organisme, des m�canismes de r�gulation des neurotransmetteurs, c’est toute la cha�ne hormonale qui est touch�e, les m�canismes de r�gulation de l’humeur perturb�s. Les grands cycles vitaux de l’horloge biologique sont �galement touch�s et l es rythmes veille/sommeil perturb�s.
L’amygdale est essentielle � notre capacit� de ressentir et de percevoir. C’est le cas de la peur et de toutes les modifications corporelles qu’elle entra�ne. Si vous vous promenez la nuit dans un bois inconnu et que vous entendez des bruits suspects, votre cœur se met � palpiter et l’amygdale s’active en lib�rant ses signaux. L’amygdale re�oit de nombreuses connexions de l’hippocampe. Celui-ci est impliqu� dans le stockage et la rem�moration de souvenirs explicites, ses connections � l’amygdale peuvent �tre � l’origine d’une �motion d�clench�e par un souvenir particulier. L’hippocampe temp�re la r�action imm�diate suscit�e par l’amygdale en puisant dans le stock m�moriel une r�action pertinente. L’hippocampe est aussi sp�cialis� dans le traitement non pas d’un seul stimulus mais d’une collection de stimuli, et/ou du contexte d’une situation. Et c’est � par l’hippocampe et de ses liens �troits avec l’amygdale que le contexte associ� � un �v�nement traumatisant peut devenir une source d’anxi�t�. Car, alors l’apprentissage est d�j� d�ficient.
Dans ce cas, l’approche th�rapeutique devra tenir compte de ces �l�ments m�moriels – sources de souffrances – et des apprentissages chaotiques. M� par un processus d’auto protection, l’organisme cr�e alors deux plans de vie, l’un s’inscrira dans la r�alit� de mani�re apparemment normale et permettra de nouveaux apprentissages, l’autre demeurera enfoui derri�re une muraille d’oubli tout en demeurant mena�ant. L’�nergie emmagasin�e au sein de cet espace demeure mena�ante et c’est de l� que proviennent cauchemars, flashbacks et explosions �motionnelles. La dissociation s’installe et peut s’av�rer fortement nuisible, mais pas forc�ment…
�tapes et processus de la th�rapie
Margaret Wilkinson a repris certaines hypoth�ses de Jung en s’int�ressant aux ph�nom�nes dissociatifs cons�cutifs � des traumas de l’enfance. ��Au cours des dix derni�res ann�es, les analystes et les sp�cialistes des neurosciences ont commenc� � �branler le monde psychanalytique pour proposer des mod�les nouveaux de fonctionnement de l’esprit � partir des connaissances issues des neurosciences. Je trouve qu’� bien des �gards, c’est la compr�hension de Jung sur l’esprit, la condition humaine, et le Soi[ii], qui est la plus compatible avec les enseignements qui se d�gagent de neurosciences aujourd’hui.�� (Wilkinson, 2004, p. 84). Un des ph�nom�nes les plus singuliers qu’il nous soit donn� de rencontrer en �coutant les t�moignages de rescap�s de maltraitance de l’enfance – c’est aussi le cas pour des rescap�s de tortures, d’attentats, des exil�s, etc. – est l’apparition d’une dissociation de la psych�. Une part de l’�tre semble ��fonctionner�� de mani�re pertinente pendant qu’un autre, comme tapie dans l’ombre, ne manque jamais de submerger la premi�re d’un flot d’�motions violentes, de flashbacks, de cauchemars… Si bien que la personne vit dans un �tat de constante anxi�t�, elle n’est plus harcel�e par son pr�dateur de l’enfance mais par des d�mons int�rieurs. La r�action logique serait alors de chercher � faire dispara�tre ces derniers. Or, en s’attaquant aux sympt�mes, en les diff�renciant les uns des autres, la th�rapie introduit un morcellement pr�judiciable � l’unit� personnelle. De plus on peut passer � c�t� d’une v�rit� paradoxale�: certains signes perturbants peuvent avoir une finalit� pertinente en vue de r�int�grer l’unit� perdue.
��Dans ce document, je reprends les hypoth�ses que les neurosciences nous proposent sur ces patients dont l’exp�rience d’un trauma pr�coce a l�s� leur capacit� de conscience (their capacity to be ’in mind’) et, avec elle, leur fonction d’int�riorisation (reflective self-function), qui pr�sentent des signes de dissociation et dont les d�fenses maintiennent l’exp�rience insupportable du trauma � l’�cart, hors du champ de conscience.�� (Journal of Analytical Psychology, Volume 50, Number 4, September 2005, pp. 483-501)
Pour retrouver une unit�
L’action th�rapeutique passe d’abord par le renforcement de cette structure que l’on nomme conscience de soi. (Damasio) Il est important de rep�rer, dans un premier temps, les lieux o� et comment cette conscience a pu s’installer en dehors des effets destructeurs du trauma. Ce sera soit une profession, un sport, un loisir, un art, voire une technique de m�ditation, etc.
C’est � partir de l’observation de ce domaine pr�serv� que l’on pourra conduire une progressive reconnaissance de soi par le sujet en prise avec ses craintes, ses anxi�t�s et, surtout, son hyper-vigilance.
Chez la plupart des sujets souffrant de traumatisme il existe un champ de vie dans lequel toutes les ressources sont mobilis�es et op�rationnelles. Il arrive m�me, parfois, que certaines facult�s y soient d�multipli�es. Il s’agit d’un ph�nom�ne compensatoire qui d�coule de l’utilisation de l’�nergie bloqu�e par la zone traumatique et ainsi rendue disponible pour un usage particulier. Ce champ d’activit�s optima a �chapp� aux s�quelles du trauma et le sujet l’a construit avec ses propres ressources. Il �chappe donc au ph�nom�ne d’emprise du pr�dateur.
Par exemple, ce sera l’activit� professionnelle pour certains, pour d’autres ce sera un loisir cependant que certains s’investiront dans un outil de cr�ativit�. Sans soutien ni orientation ce champ risque de faire �cran � la souffrance muette voire de favoriser le d�ni et une forme d’unilat�ralisation de la conscience. La surcompensation appara�t dans ce domaine que le sujet prot�ge car il le sent comme lui appartenant totalement.
� partir du t�moignage de la personne, on peut dresser une carte de cet espace libre et s’en servir de pour amorcer un processus de r�paration…
Premier temps
Consolidation de l’espace conscient� renforcement de l’image soi � nouveaux apprentissages et premi�res inflexion comportementales � Consolidation et Inscription au temps
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Premier point d’appui pour renforcer l’image de soi. Le sujet y aura d�velopp� des comportements, des attitudes, des app�tences qu’il reconna�t comme lui appartenant et qui lui renvoie l’image de sa singularit�. Ces composants peuvent servir de base � un �largissement rendu possible dans les phases qui pr�c�dent. L’�nergie ainsi lib�r�e pourra alors �tre rapidement r�investie pour des t�ches et des apprentissages nouveaux.
Deuxi�me temps
�largissement � structuration � int�gration � r�-exploration du pass� � Inscription au temps
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�largissement
C’est � partir d’un champ d’exp�rience privil�gi� que le sujet adulte peut reconstruire un espace indemne de toute s�quelle. J’ai donn� l’exemple de l’exercice professionnel comme espace vierge de toute atteinte traumatique – m�me si, bien s�r, le sujet demeure l’objet de troubles cons�quents. Cet espace rec�le d�voile donc des attitudes, des comportements plus authentiquement caract�ristiques du sujet. S’appuyer sur ceux-ci pour un travail d’�largissement du champ de vie est un garant de p�rennit�.
Pour l’enfant, il s’agit d’une reconstruction � partir de l’exp�rience sensorielle de l’espace et du temps. Chez l’enfant, aussi, il existe des poches de vie qui �chappent aux agents de la l�sion traumatique. Mais elles peuvent �tre tr�s vari�es car leur qualit� d�coule d’une rencontre al�atoire entre le milieu et les affinit�s du moment. Tel enfant trouvera refuge dans la nature en fuyant le plus longtemps possible les lieux de souffrance, tel autre se r�fugiera dans sa chambre pour se laisser emporter par des r�veries qui l’emm�neront tr�s loin (Elles lui serviront de refuge quand il sera devenu adulte). D’autres iront se r�fugier en pratiquant avec intensit� une activit� divertissante, sports, activit� artistique, etc.
Comme l’animal, l’homme bless� cherche refuge dans un lieu de paix o� il peut se reposer de la violence subie…
Structuration
Sur ces lieux int�rieurs l’entreprise de restauration de l’�tre peut trouver des appuis et des mod�les. C’est en revalorisant leur place que le sujet parvient � sortir du premier d�dale de ses souffrances en �prouvant le caract�re positivant de la restauration de l’image qu’il a de lui-m�me.
Tels pourraient �tre les premiers pas d’un �tre qui fut longtemps le pantin passif d’un chaos terrifiant et qui con�oit enfin qu’il lui est possible d’�tre acteur de sa construction.
Int�gration
D�sormais plus autonome et agent, le sujet peut songer � l’int�gration progressive des strates de son pass� � sa vie pr�sente. Le sujet ne se sent plus ni sale ni honteux de cette vilaine blessure, si elle demeure une marque de son pass�, elle n’est plus un lien d’emprise.
Je demandais � une jeune femme pourquoi elle ne parlait pas des maltraitances subies dans l’enfance � son ami�: ��Parce que j’ai honte�!��, me r�pondit-elle. L’int�gration, c’est la possibilit� enfin pr�sente de retrouver les espaces de honte comme parties int�grantes de l’histoire personnelle sans crainte, ni haine ni d�ni.
Inscription au temps
Une fois ce travail d’int�gration effectu�, le travail d’histoire – celle de soi – peut s’achever en permettant au sujet de s’approprier le d�roulement de sa propre histoire. D�sormais, cette reconstitution ne d�pend plus des autres, les parents, les souvenirs des autres, etc. ni des lambeaux de la m�moire traumatique, flashback, fantasmes, r�ves, etc. mais d’un m�moire dont il se sera r�appropri�e l’�tendue.
Selon la violence du trauma et sa dur�e, cette m�moire pr�sentera des plages vides qu’il sera impossible de combler et cela sera probablement irr�versible mais ce manque, ce vide d’histoire ne sera plus la source de menace qu’il �tait auparavant.
La m�moire �pisodique permet � l’individu de se voir en tant qu’acteur des �v�nements m�moris�s. Le sujet m�morise non seulement un �v�nement qu’il a v�cu, mais tout le contexte particulier de cet �v�nement.
C’est cette composante de la m�moire qui est le plus souvent touch�e par les amn�sies cons�cutives � des traumas. De plus, la charge �motionnelle v�cue par le sujet au moment des faits conditionne la qualit� de la m�morisation �pisodique.
Une fois, tous les syst�mes d’int�gration et d’apprentissage restaur�s, le sujet se retrouve en capacit� d’�tre ��complet��, acteur de sa vie.
Protocole th�rapeutique diff�renci�
Face aux traumatismes graves il n’existe pas de solution ni de th�rapie unique qui serait capable de venir � bout de tous les sympt�mes et signes pathologiques. Et ce serait une imposture de croire ou de laisser entendre la chose possible. Tout comme pour les polytraumatis�s qui, de la salle de r�animation jusqu’au traitement de r��ducation ambulatoire en passant par la chirurgie r�paratrice, c’est une �quipe compl�te de th�rapeutes qui s’affaire aupr�s d’eux, en �troite collaboration et en synergie les uns par rapport aux autres. Dans le domaine des troubles psycho-organiques dont l’implication neurologique est souvent profonde, il n’en va pas autrement.
Ce processus en deux temps et neuf phases ne se d�veloppe pas de mani�re lin�aire. Il faut bien penser, d’abord, que la conscience n’est pas une, elle est constitu�e de multiples �l�ments qui, en outre, n’�voluent pas forc�ment selon les m�mes rythmes ni dans le m�me temps. Si une part �l�mentale progresse vers un but, une autre peut mourir, cependant qu’une autre viendrait � na�tre. Dans ce processus extr�mement complexe, la lin�arit� d’un progr�s vers la gu�rison ne peut �tre envisag�e. On comprend d’autre part que la dissociation peut �tre int�gr�e au processus de r�paration.
Si nous avons des rep�res sur le processus de restructuration des fonctions neuronales vitales, les outils de consolidation et de r�paration peuvent varier et leur usage d�pendra alors de ce qui s’offre � l’�coute attentive des t�moignages au jour le jour, un pas � pas incontournable, minutieux qui impose une attention continue.
Ainsi, quand l’on proc�de � la consolidation de la conscience de soi sur la base de ce que celle-ci a construit en d�pit du traumatisme, on peut fort bien utiliser les ressources de la psychologie comportementale. Mais dans ce m�me temps o� de nouvelles adaptations se consolident et s’installent dans la vie de la personne, des r�miniscences, des r�ves, des flashbacks, des crises parfois violentes,… viennent perturber cette mise en ordre qui para�t alors chanceler dans un retour du chaos. La mise en ordre n’ob�it pas � des lois de caract�re lin�aire, statistiquement convergentes. Il ne s’agit pas simplement de la remise en route d’un train avec une locomotive et des wagons qui la suivent dans le m�me sens. Nous sommes plut�t face � une structure chaotique au sein de laquelle des facteurs d’ordre parviennent � se placer comme autant de polarisateurs d’�nergie mais sans lien apparent entre eux, tout au moins dans un premier temps.
Sens et place du r�ve
Dans ce fatras, les images int�rieures et les r�ves nous sont de pr�cieux auxiliaires. Les neurosciences nous en disent beaucoup sur les m�canismes neuronaux mis en œuvre chez un sujet qui r�ve mais le contenu m�me, l’imagerie, parfois riche voire profuse, sont totalement n�glig�,s ramen�s le plus souvent � une vague revisitation de la vie quotidienne. Un tel avis, profond�ment enracin� chez certains praticiens, n�glige la formidable richesse de l’imagerie onirique. De plus, la question pos�e par le contenu m�me du r�ve est ignor�e. L’observation attentive de nombreux r�ves durant quarante ann�es d’�coute attentive nous conduit � relire avec attention ce que nous disaient Michel Jouvet et C. G�Jung.
Pour Michel Jouvet (1992) le r�ve serait une sorte d’�quilibrateur de l’organisme humain et son contenu r�v�lerait, par sa sc�nographie et le jeu des images, une sorte de vision dynamique des forces mise en jeu dans l’organisme. Pour Jung, le r�ve exerce un r�le compensateur ou compl�mentaire � l’action du petit Moi/Je confront� � des forces bien plus importantes �manant d’autres instances de l’organisme humain.
Selon Jung, les r�ves fournissent des images et des sc�narios qui sont fondamentaux dans l’investigation de l’inconscient. Accorder de l’attention aux r�ves, c’est encourager la conscience du moment � certains moments de la vie domestique qui avaient �chapp� � la vigilance consciente. Ce simple apprentissage conduit, par la suite � associer certains messages du corps – sensations corporelles, visc�rales, etc. – � des contenus plus volatils – pens�e, fantasmes, �motions, sentiments, etc.
Cela va tout � fait dans le m�me sens que la m�decine comportementale (Daniel Brown) ou des hypoth�ses d’A. Damasio. Attention, vigilance, �coute de messages de sens li�s aux �motions et aux sentiments, l’�tat de la conscience d�pend d’abord des repr�sentations fortement charg�es en �motions qui proviennent des organes des sens (proto-Soi), selon A. Damasio.
Conclusion
Le propos, ici, n’�tait pas d’apporter une contribution sp�cifique aux neurosciences mais de proposer des directions de recherche et des voies cliniques qui, � partir du domaine explor� par Margaret Wilkinson, peuvent �tre �tendues � d’autres aspects de la psych� humaine. M�me si mes recherches et observations se situent dans la lign�e de la ph�nom�nologie et de la psychologie analytique, les apports de Francisco Varela, de Walter J. Freeman et d’A. Damasio ont consid�rablement enrichi ma pratique en la lib�rant du poids de cette antique dualit� Corps/Esprit.
La conscience, dont les degr�s les plus primaires semblent reli�s aux �motions, ne peut pas �tre r�duite � une simple activit� c�r�brale mais elle r�sulterait d’une exp�rience globale du corps dans son ensemble. Les neurosciences se rapprocheraient alors d’une conception de l’esprit humain, d�fendue par Freeman ou Varela, qui accordent une place centrale au corps de l’individu situ� dans son environnement. Ils s’opposent ainsi au courant cognitiviste traditionnel o� le cerveau humain est vu comme un syst�me qui manipule des repr�sentations internes du monde en se basant sur des r�gles.
Les perspectives ouvertes par les neurosciences, combin�es � la ph�nom�nologie dont, une partie au moins, de la psychologie clinique est issue, nous conduisent � devoir reconsid�rer les repr�sentations que nous avions des troubles psychiques, notamment de la dissociation comme source de psychose. En revenant � des fondamentaux, � l’�coute premi�re que la conscience a du corps, des sensations aux sentiments, bien des individus gravement l�s�s par des blessures d’enfance pourraient acc�der � une unit� que les m�thodes classiques ne peuvent leur apporter tant elles morcellent le corps et l’�me…
Permettre d’explorer ��l’inscription corporelle de l’esprit�� en convoquant diff�rentes �coles de th�rapie, c’est acc�der � cette approche incarn�e dont parlait E. Varela. Celle-ci trouve son inspiration dans une forme de m�ditation bouddhique dite de ��l’attention/vigilance�� tout autant que dans l’�coute des images int�rieures et des r�ves. L’esprit est pr�sent � l’exp�rience quotidienne et l’individu peut la vivre pleinement lorsqu’un corps interagit en temps r�el avec un environnement tout aussi r�el. Alors les facult�s cognitives se d�veloppent en contribuant � l’unit� de l’�tre.
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Bibliographie restreinte
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<http://auriol.free.fr/yogathera/chakras/svadisthana/svadhishthana-III-2007-05-28.htm>
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[i] – Le trauma repr�sente l’atteinte interne ou externe port�e � l’organisme � un moment donn�. On nomme traumatisme la blessure qui en r�sulte imm�diatement ou tr�s tardivement au cours de la vie.
[ii] – Notez bien que le Soi dont il est question ici est un concept jungien diff�rent du ��soi�� dont Antonio Damasio se sert pour illustrer la structure du sentiment de ��soi��.