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"N’aie pas peur" (No tengas miedo)
samedi 3 novembre 2012, par
Le film rapporte l’histoire d’un inceste et la manière dont l’enfant victime va lutter pour faire entendre sa vérité, contre son entourage proche mais aussi au sein d’une société sensée protéger ses enfants. Le film semble déranger certains intellectuels parisiens.
Dans sa critique – Le Monde Culture de N’aie pas peur, Jean François Rauger nous dit :
« N’aie pas peur se veut donc une description à la fois romanesque et clinique d’une situation d’inceste dans l’univers a priori familier et rassurant de la moyenne bourgeoisie espagnole. On pourrait effectivement s’y intéresser si le film de Montxo Armendariz n’adoptait pas systématiquement les solutions les plus rebattues, les clichés les plus consternants, les choix les plus convenus pour parvenir à cette fin.
Le "grand sujet" est ici déversé par une sorte de robinet audiovisuel informe qui cherche à cacher l’artifice des choix adoptés par le cinéaste derrière la banalité du cadre, de la lumière et le faux naturel des comédiens.
Les pires idées (l’acteur qui incarne le père devient de plus en plus laid au fur et à mesure de la progression du récit, l’histoire est entrecoupée de séances de thérapies collectives) achèvent le film. »
À la lecture de cette critique on se demande si JFR s’attaque à l’aspect technique du film ou au sujet traité qu’il qualifie cependant avec mépris de « grand sujet ». L’ellipse favorise le malentendu. Rien n’est dit sur l’histoire de cette petite fille abusée par un père que le réalisateur décrit bien, un portrait assez vrai de ces prédateurs qui choisissent leur propre famille comme terrain de chasse.
JFR s’est-il un seul instant intéressé au sujet de l’inceste au sein de la famille ? Lui qui dirige la programmation de la Cinémathèque Française devrait avoir visionné de nombreux films qui relatent de près ou de loin les coins d’ombre « de la moyenne bourgeoisie » de nos sociétés et, de ce fait, ne pas ignorer que le sujet a été très peu abordé au cinéma. Juge-t-il que ce sujet est trop commun pour couler par le « robinet audiovisuel » ? Que sait-il de ces beautiful deceivers qui multiplient les artifices de séduction dans leur entourage proche et lointain tout en réservant à leur proie la sombre facette de prédateurs ?
Serait-il dérangé par ce « faux naturel des comédiens » ? On peut le penser, en effet, car c’est l’un des traits remarquables de ce film. On se demande parfois s’il ne s’agit pas d’un documentaire pris sur le vif. Il est vrai que des comédiens français, avec leur voie posée et déclamée, comme s’ils étaient au théâtre, n’auraient jamais rendu une telle impression de vérité…
Montxo Armendariz, le réalisateur est connu pour ses documentaires et un style singulier : une mise en scène soigneuse, toute en suggestion, des comédiens parfois amateurs qui semblent tellement imprégnés par leur personnage que l’esprit se détache de la fiction pour suivre les personnages au cœur d’une réalité que Montxo Armendariz s’est toujours appliqué à décrire.
Peut-être est-ce ce côté chaleureux et empathique du réalisateur qui gêne notre critique ? Sans doute eut-il souhaité que le « grand sujet » soit traité à la manière froide et désincarné du juriste, façon de ne rien laisser paraître du dégoût et de la révolte qui rampent tout au long du film ?
Ne dit-on pas que ce sujet suscité toujours une trop grande vague émotionnelle qui encombre les débats ? Décidément l’intelligentsia parisienne, en son arrogance, n’est pas près de se mirer dans ce miroir que Gainsbourg lui a tendu un jour :
« Faut savoir s´étendre
Sans se répandre
Pauvre Lola
Faut savoir s´étendre
Sans se répandre
C´est délicat »
Monsieur Jean François Rauger, désolé d’avoir à vous dire que, fort probablement, certains de vos proches sont, dans les coulisses de leur « univers a priori familier et rassurant », comme ce père, laids et écœurants.
En vignette : Michel Jenner qui interprète le personnage de la petite fille abusée, Silvia.