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Lettre � ... en r�ponse � une critique aveugle |
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� Andr�-Michel Berthoux � � C'est en recherchant des photos du film d'Antonioni, ��Zabriskie Point��, que je suis tomb� sur votre analyse. Je ne me suis pas tout de suite d�cid� � vous r�pondre pensant que l'indigence argumentaire d'une critique ne fait de tort qu'� son auteur et non � celui qu'elle pr�tend vis�. Mais au fond, pourquoi pas. Je voudrais simplement vous dire que les cr�ations artistiques, quelque soit le domaine dont elles sont issues, existent et perdurent ind�pendamment du degr� d'incompr�hension qui les entourent. Progressivement, � travers toutes les modes bruyantes et aveuglantes qui finissent irr�m�diablement par se dissoudre avec le temps, les v�ritables �uvres s'imposent, se frayent un chemin, et marquent les nouvelles g�n�rations qui ne pourront que tenir compte, dans leurs t�ches de cr�ateur, de la nouvelle vision du monde que lesdites oeuvres recelaient, faisant passer pour acad�miques (pour ne pas dire plus) toutes les autres qui continuent � ignorer leur apport fondamental. � Mais revenons � Antonioni.� Je souhaiterais pr�ciser un seul point (car les niveaux d'analyse possibles sont nombreux chez Antonioni, comme chez tout artiste important). Les unions charnelles, comme vous les appelez, constituent un th�me r�current chez ce cin�aste. Les rapports sexuels, comme je pr�f�re les nommer, toujours h�t�rosexuels chez Antonioni (il y a d'autres cin�astes italiens qui traitent des relations homosexuelles, je pense � P.P. Pasolini dans ��Th�or�me�� par exemple), sont un moyen de caract�riser les rapports sociaux d'une certaine classe, d'une certaine cat�gorie sociale, la bourgeoisie ou la classe moyenne. L'homme a une fonction sociale pr�cise, un projet de carri�re, une ambition; la femme, elle, a un statut social plus flou, moins d�fini, sa motivation est plut�t la recherche d'un v�ritable amour, sinc�re, d'une mani�re de vivre harmonieuse avec elle-m�me et celui qu'elle aime. La plupart du temps, les protagonistes n�ont pas de probl�mes d'argent (Antonioni s'en est expliqu� d'ailleurs). C'est ce qui a fait dire � beaucoup de critiques que le probl�me central �taient chez ce cin�aste l'incommunicabilit� et la solitude qui en r�sulte (lieux communs d�nonc�s par G. Deleuze dans ��L'image-temps��). � Ainsi, dans le ��D�sert rouge��, Giuliana, le personnage fragile et suicidaire interpr�t� par Monica Vitti, participe � un apr�s-midi �changiste (tentative avort�e toutefois) dans une cabane de p�cheur. Dans ce lieu, exigu et sordide, le sexe, �voqu� uniquement par allusions � des substances aphrodisiaques, n'est qu'un moyen de rendre compte des rapports d�j� lourdement �tablis entre chacun d'eux, et t�moignant le plus souvent de relations de dominant � domin�� (entre mari et amante, entre mari et femme tromp�e, ...) qui en d�coulent. Giuliana ne peut envisager de faire l'amour qu'avec son mari. L'aventure extra-conjugale qu'elle va vivre, quelques temps apr�s, nous r�v�lera son angoisse face � la r�alit� de ses d�sirs. Dans ��Blow-up��, le photographe exerce une tr�s forte emprise sur les femmes qu'il c�toie, mannequins, jeunes starlettes, la femme du parc. Il ne peut percevoir le monde que d'en haut ou de l'ext�rieur. Il n'est pas dans le monde mais � la p�riph�rie. Lorsqu'il y p�n�tre en agrandissant un clich�, il constate une autre r�alit�, plus violente, qui finit par le d�stabiliser � tel point qu'il se laisse persuader par une troupe interpr�tant une pantomime de ramasser une balle de tennis imaginaire qui roule � ses pieds. Les rapports humains, quelques soit leur forme et la position occup�e (dominant ou domin�) sont toujours une source d'ali�nation pour l�individu. Dans ��Zabriskie Point��, Antonioni prend le contre-pied de cette id�e en montrant que la v�ritable r�volte des jeunes ne s'est pas exprim�e dans les campus, mais dans le d�sert jusqu'ici inexplor� du rapport sexuel lib�r� du poids de la culture bourgeoise. L'acte sexuel devient alors un moyen non-violent d'appropriation physique d'un espace, d'un territoire. Lieu constamment menac� par la civilisation, par l'urbanisme agressif de la soci�t� capitaliste (comme l'�tait le parc dans Blow-up), soci�t� dont la seule issue est, pour Antonioni, une explosion finale. � Andr�-Michel BERTHOUX |
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