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les voies mystérieuses des entrailles de la terre |
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André-Michel Berthoux Dans
le film de FELLINI, “La dolce vita” (ITALIE - 1960), Steiner
(Alain CUNY), est un ami du personnage principal Marcello (Marcello
MASTROIANNI). La
maison de Steiner est comme un refuge rempli de poésie, de musique, de douceur
et d’amour. C’est le monde dans lequel souhaite pénétrer Marcello, journaliste
dans des revues à scandales. Il désire changer sa vie, écrire autre chose que
des potins, quitter ce monde superficiel où tout n’est que représentations et
tromperies, abandonner les fêtes nocturnes qui durent jusqu’à l’aube, cet
univers où tout semble lui échappé, l’amour, la force d’écrire son livre, la
véritable image de son père. Cette
vie désordonnée, sans ambitions et décadente n’est-elle pas “la farce à mener par tous” comme le dit
Rimbaud. Le jugement de Steiner est sans appel : “La vie la plus misérable vaut mieux qu’une existence protégée par une
société organisée où tout est prévu, parfait”. L’obscurité et la tranquillité
deviennent alors pesantes. La paix fait peur et n’est qu’une apparence qui
cache l’enfer. Il faudrait vivre, dit-il à Marcello, en dehors des passions,
des sentiments, dans l’harmonie d’une oeuvre d’art réussie, dans cet ordre
magique, puisqu’à tout moment une sonnerie de téléphone peut annoncer la fin de
tout; idée reprise par TARKOVSKI,
dans son dernier film, “Sacrifice”
(FRANCE / SUÈDE - 1986). L’amour n’est possible que si l’on vit détaché du
temps, “distaccato”. Le monde de
Steiner et celui de Marcello ne sont donc que des apparences. Qu’est-ce alors
que la réalité, et comment atteindre cet ordre magique, ce monde harmonieux
dans lequel seul l’amour est possible ? “Le
temps est sorti de ses gonds” (Hamlet, I, 4) ; mais Steiner, à la
différence de Hamlet, ne se sent pas capable de lutter contre les forces du
chaos. Il tuera, avant de se donner la mort, ses deux enfants. Entre
chaos et monde des apparences ne subsisterait que l’œuvre d’art. Les premières
mesures de la Toccata et fugue de Bach résonnent, selon Steiner, comme des voix
sorties des entrailles de la terre pour affronter et combattre les puissances
de la destruction. Il décrit ainsi la peinture de Morandi : “Les objets sont baignés dans une lumière de
rêve, et pourtant, ils sont peints avec
une matière, une précision, une rigueur qui les rend presque tangibles. C’est
un art où rien n’arrive par hasard”. Entre le rêve et le tangible il n’y a
pas de place pour le hasard. Tout exprime une volonté de l’artiste, un choix
que l’être humain est incapable de faire dans le monde des illusions. Dominé ou
apeuré par l’univers qui l’entoure ce dernier ne peut que fuir dans la mort ou
renoncer à toute ambition. Marcello n’entend ni ne reconnaît la jeune fille
rencontrée quelques jours auparavant dans un restaurant, alors qu’il tentait
vainement d’écrire; jeune adolescente dont le profil lui rappelle les anges
peints dans les églises de l’Ombrie. En perdant ce regard innocent, l’homme
entre en lutte avec lui-même et devient un être misérable en proie à ses désirs
futiles. Mais Fellini nous demande de ne pas le juger; laissons-le alors
danser, déambuler sur la plage et s’émerveiller à la vue d’un gros poisson pris
dans des filets dont l’œil en gros plan semble être le nôtre . André-Michel BERTHOUX |
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