Épistémologie |
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Autour du statut épistémologique de l’astrologie |
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Quatrième partie Les économies culturellesLa machine est à l'évidence est un outil susceptible d'économiser aux hommes de l'énergie, soit en leur épargnant tout travail, soit en réduisant au maximum l'investissement nerveux exigé pour accomplir une tâche résiduelle. Par machine, nous entendrons ici tout ce qui a été élaboré par l'homme pour démultiplier et réguler son action, pour obtenir un meilleur rendement, c'est à dire pour la prolonger dans le temps et/ou dans l'espace et l'objet de la sociologie concernerait en fait la description de cet artefact social et de ses effets. Cette « mécanisation » constitue une programmation qui reste à expliciter (cf. Colloque de Strasbourg, 1985, sur G. Simmel : La sociologie et le monde moderne, dir. P. Watier, Paris, Klincksieck, 1986). Or, si l'on admet volontiers que les structures juridiques ont fait l'objet d'un construit – notamment au niveau constitutionnel – il semble qu'il y ait quelque résistance à accepter qu'il en ait été de même pour l'organisation des langues et des rythmes de la Cité. Nous nous situons à égale distance, en quelque sorte, d’une astrologie qui voudrait que l’homme soit façonné par les astres, sensible à leur influence, et d’une sociologie qui renoncerait à rechercher à relier les manifestations sociales à un processus sous-jacent offrant une certaine régularité et permettant une certaine régulation des comportements tant individuels que collectifs. Pour étayer notre thèse sur l'obsession de la répétition et de la reproduction, afin de soulager et de démultiplier le pouvoir moteur dominant, nous ferons remarquer qu'une telle attitude continue à se manifester, notamment dans le champ linguistique et textologique, ce qui favorise l'existence de sociétés totalitaires, où un seul discours prévaut et est repris à l'infini. On mettra l'accent sur le recyclage des mots, d'une langue à l'autre, des textes, d'une période à une autre, en insistant sur l'invariance des signifiants compensée par une certaine ouverture au niveau des signifiés, par un processus de commentaire, d'interprétation. Le statut de la « Tradition », de ce qui est transmis par la mémoire, non pas génétique, mais orale ou écrite. Le fonctionnement est identique dans les deux cas, c'est à dire qu'il y a recyclage, retour de structures d'une génération à l'autre. Le recyclage des textes peut se faire par un jeu d'additions et de suppressions qui en modifient sensiblement la perception. Nous avons travaillé sur la structure et la logique interne de certains dispositifs astrologiques, ce qui montre bien que l’exigence logique et l’existence d’une cohérence interne ne sont nullement la marque de la transcendance, que ce soit celle de la nature ou celle de la révélation (cf. nos Mathématiques Divinatoires, Paris, 1983) On pense aux sources textuelles des Protocoles des Sages de Sion qui n'ont rien à voir avec l'antisémitisme; on pense à des textes expurgés et qui ont un usage bien distinct de celui qui leur avait été affecté à l'origine. Parfois l'exégèse a pour fonction de retrouver la fonction première du texte, c'est à dire de revenir aux sources. (cf. notre thèse Le monde juif et l'astrologie Milan, 1985) à moins qu’elle ne cherche au contraire à faire dire au texte ce qu’on a envie de lui faire dire, restituant ainsi le texte à son état premier de langue. La question des contrefaçons, des plagiats s’inscrit également dans un tel cadre de recherche. Ce qui est particulièrement frappant, c’est d’observer le jumelage de deux phénomènes : quand il arrive quelque chose à l’un, cela se répercute tôt ou tard sur l’autre. On a d’ailleurs là une matrice qui pourrait s’inspirer de la relation hommes/astres. Trois exemples illustreront notre propos : En tout état de cause, la spécificité d'un individu ou d'un événement ne ressortiront que par référence à un type, à un modèle. (voir P. Ratier, Individualité et sociabilité) PerspectivesOn se demandera si dans le débat entre sociologie et histoire – tel que le décrit un Paul Veyne notamment – la sociologie n'est pas handicapée par la façon dont elle traite l'astrologie. En fait, comme dit cet auteur (Comment on écrit l'histoire, Paris, Seuil, 1971), il y a pu y avoir une erreur d'aiguillage, à un certain moment de sa formation, tant il est vrai que l’épistémologie doit se poser ce type de question sur l’histoire d’une discipline et des orientations suivies. Il ne s'agit pas simplement, à la façon d'un Edgar Morin, de faire une sociologie de l'astrologie (Le Retour des astrologues, Cahiers du Nouvel Observateur, 1971), mais de constituer une astro-sociologie. Encore qu’une meilleure connaissance, par les sociologues, de l’histoire de l’astrologie permettrait une nouvelle approche épistémologique de celle-ci. Disons que la question du statut de l'astrologie empoisonne l'épistémologie des sciences sociales. La sociologie serait en fait une crypto-astrologie à condition de ne pas enfermer l'astrologie dans l'image d'un savoir sur les astres – ce qu'elle n'a été que ponctuellement – mais comme l'étude des structures spatio-temporelles imaginées par l'Homme et faisant appel à son environnement: la machine, par excellence, ne serait-elle pas la mise en place d'un lien entre l'homme et le mouvement des astres, dans un processus faustien de mécanisation de l'humain. Ce ne serait donc pas l'astrologie qui poserait ce rapport entre l'homme et les astres mais ce serait l'homme, lui-même, qui l'aurait organisé., sans en peser toutes les conséquences à terme, c’est à dire probablement sans apprécier les automatismes ainsi déclenchés. On peut dire aussi que par rapport à la sociologie, l'astrologie se situe en amont et l'Histoire en aval: la sociologie est plus spéculative que l'Histoire et moins que l'astrologie en ce qu'à terme elle peut prétendre décrire ce qu'elle ignore. Mais elle est moins causaliste (au sens diachronique) que l'Histoire, mais plus que l'astrologie axée sur les récurrences et sur un certain automatisme (synchronique) des situations spatio-temporelles, un habitus. La Nouvelle Histoire a voulu s'appuyer sur la sociologie mais aura négligé l' astrologie ou en tout cas l'éventualité de constituer une « nouvelle » astrologie, dont le discours sous-tend une cyclicité chronologique autonome. Nous entendons par là que le profil de cette périodicité ne dépendrait pas des événements qu’elle génère – sinon que c’est par eux qu’elle peut être appréhendée – mais qu’en revanche les événements qui surviennent sont tributaires de la dite périodicité. Les pratiques théâtrale, musicale, chorégraphique dont le déroulement n'est censé réserver aucune surprise, du moins pour les participants, semblent évoquer cet idéal « mécaniste », où le temps se déploie selon un agencement bien précis. Il y a là comme l'invocation d'une Providence, en dialectique avec un état sauvage, non « mécanisé ». Le lien entre l'homme et le cosmos génère une sorte de machine, de mécanique: le mouvement et la multiplicité des astres sont un paradigme « mécanique » des sociétés humaines. Le repas nous apparaît ainsi comme un lieu et un temps où tout est figé à commencer par la nourriture qui est « morte » et qui de ce fait ne peut surprendre par son comportement. Il y a là également une exploration à conduire sur le rapport entre ce qui est programmé, réglé et ce qui est vivant, imprévisible : comme nous l'avons dit, tout découpage se déploie dans le temps et nous avons montré, à propos du cycle de l'emploi, qu'il y avait alternance. Pour nous, la sociologie introduit du relief : bien que tendant vers le général, elle combat le nivellement qui voudrait que les clivages, les segments, socioculturels et le rythme des activités humaines soient purement aléatoires. De tels découpages le sont, certes, dans l'absolu mais ils sont un legs que nous ne pouvons évacuer et qui réduit notre marge de manœuvre. La sociologie nous rappelle le poids du passé et elle a pour objet de le gérer. Les parents ont mangé des raisins verts.... On citera ce propos de Gandhi en 1924 à propos de la machine : « Notre corps est une très délicate pièce de machinerie. Le rouet est une machine; un petit cure-dents est une machine. Ce à quoi je suis opposé, c'est à la folie des machines, non aux machines elles-mêmes » (article du Hind Swarai, cité par Louis Fischer in La vie du Mahtma Gandhi, Paris, Belfond 1983, pp. 117-118). Il nous semble essentiel d’envisager une psychologie de la machine, à la façon d’un Azimov, de façon à mieux cerner ce qui en l’homme s’en rapproche. Ce n’est qu’au prix d’une telle comparaison que l’on parviendra à cerner la spécificité humaine. Par machine, on entendra ici tout ce qui a été élaboré par l'homme pour démultiplier et réguler son action, pour obtenir un meilleur rendement, c'est à dire pour la prolonger dans le temps et/ou dans l'espace et l'objet de la sociologie concernerait en fait la description de cet artefact social et de ses effets. Cette « mécanisation » constitue une programmation qui reste à expliciter. (cf. Colloque de Strasbourg, 1985, sur G. Simmel, La sociologie et le monde moderne, dir. P. Watier, Paris, Klincsieck 1986). Si l'on admet volontiers que les structures juridiques ont fait l'objet de constructions – notamment au niveau constitutionnel – il semble qu'il y ait quelque résistance à accepter qu'il en ait été de même pour l'organisation des langues et des rythmes de vie. Il est urgent pour la sociologie de repenser son rapport à l’astrologie et d’ailleurs de reconsidérer, à nouveaux frais, l’astrologie, sans craindre qu’un tel rapprochement ne la discrédite. L’enjeu mérite bien que l’on passe outre, si bien que tout se passe comme si le problème de l’astrologie devient celui de la sociologie, il est donc urgent que le cas de l’astrologie, sous ses différents aspects, débouche sur une certaine démythification. Certains postulats qu’on lui attribue d’office, avec quelque complaisance suspecte ne sont nullement nécessaires à l’institution d’une certaine astrologie, nous pensons notamment à l’idée d’une influence des astres sur l’Homme qui constitue souvent le motif d’une fin de non recevoir à l’encontre de l’astrologie. Pour nous, il importe de déplacer le débat sur un terrain qui offre certes des difficultés mais d’un ordre différent, celui de la transmission des informations au sein des sociétés humaines. L’information censée avoir été transmise est en soi au niveau de sociétés très anciennes, à savoir localiser tel ou tel astre dans le ciel, sans recourir à un quelconque télescope – qui ne devient nécessaire qu’à partir d’Uranus et surtout de Neptune, sans qu’un quelconque savoir sur la nature des astres soit requis. L’astrologie que nous prônons repose en fait essentiellement sur la transmission au sein d’une communauté – dans l’espace mais aussi dans le temps – de positions astrales, selon des critères purement visuels. Entendons que le problème auquel nous serons désormais confrontés est celui de la possibilité d’une transmission inconsciente d’informations d’une génération à l’autre et d’un membre à l’autre. Peu importe le contenu de cette information pourvu qu’elle ait pu raisonnablement être accessible à un membre au moins de la communauté considérée, qu’il s’agisse d’un contemporain ou d’un membre d’une génération antérieure. On sait pertinemment que l’humanité peut fonctionner d’une part en s’appuyant sur une mémoire subconsciente du passé et sur l’apport de quelques « génies » capables d’irriguer intellectuellement toute l’espèce humaine. Le sociologue fait parfois penser à cet homme qui annonce que le métro va arriver mais qui ne sait pas dans combien de temps. Le métro finit toujours par arriver... L'historien, lui, ne sait jamais si le métro va repasser, c'est la dernière fois, qui sait, qu'on l'aura vu passer ? Quant à l'astrologue, au sens où nous l'entendons, il doit avoir les horaires. Notre approche aura notamment abouti à désenclaver la question des fondements de l’astrologie en relativisant la question du contenu de l’information au profit de celle de son véhicule. Il n’y a rien à redire à ce que l’on s’intéresse, par exemple, au passage d’une comète si cela fait sens socialement dès lors que l’on ne s’intéresse pas à la question de la façon dont celle-ci est susceptible d’agir autrement que sur les esprits. Que ce savoir sur le passage de la comète se diffuse de proche en proche, d’une façon ou d’une autre – tant par le biais du texte, de la parole, de tel ou tel media, que par d’autres voies encore à déterminer et à inventer, tel est l’enjeu et non point la question de l’intérêt des hommes pour les comètes. La circulation de l’information doit primer sur son contenu, voilà qui permettra de mettre fin à bien des faux procès.Jacques Halbronn — Paris le 01/01/01 |
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