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Économie, œcuménique – Virtuel | |
Hécatom
– be, du grec hékaton, « cent » et de bous,
« bœuf » Le mot
grec, en transcription directe signifie « sacrifice de cent bœufs ». De tels
sacrifices sanglants eurent lieu dans l'antiquité grecque, mais pas très
souvent, pas très longtemps. La plupart du temps, c'est seulement une dizaine
de chèvres ou de moutons et/ou un seul bœuf que la communauté offrait en
sacrifice aux divinités tutélaires. On
comprend un peu : il fallait avoir les moyens ! Quelle société pourrait
s'offrir ce luxe de perdre une telle quantité de nourriture ? À moins bien
sûr qu'elle ne sache plus très bien comment écouler ses excédents. Et puis,
quand même, les dieux ne sont pas si voraces ! Certes, il y en eut bien qui
dévoraient leurs enfants. Zeus merci ! Ces temps sont bien révolus. Mais au
fait, de quels dieux parlons-nous ? Il y eut ceux, très antiques, dont Zeus, le
petit dernier de la lignée, grand consommateur de belles vaches aux grandes
cornes, nous est bien connu. Dans d'autres contrées, on se souvient de Yavhé,
autre grand amateur de chair fraîche Mais
depuis Jésus, dans la société judéo-chrétienne, les goûts divins se font plus
frugaux : du pain, une goutte de vin, quelques fragrances d'encens. Dieu est au
régime. Peut-être depuis qu'il est tout seul ! Finis, les grands festins, les
somptuaires bamboulas du tonnerre de ... Pardon, je m'égare ! Certes,
aujourd'hui encore, à l'Occident de l'Orient, on sacrifie toujours au cousin
Allah (toute révérence gardée) l'animal à poils laineux, lors de réjouissances
communautaires où Dieu et hommes se retrouvent en convives. Et pendant
ce temps là, chez nous, dans l'Occident au nord de l'Orient, à quel dieu
sacrifions-nous ? Au chœur de l'Église, l'hostie fait toujours recette, dans
l'allégresse. Mais ça ne nourrit pas vraiment ! Non, lors des agapes festives,
des grandes bouffes, et autres orgies stomacales, avez-vous vu souvent réciter
le Benedicite ? Ces rites là tombent en désuétude. Dans la société de
consommation, depuis cinquante ans, les hommes se goinfrent en douce, hors de
portée du regard divin. Ils inaugurent d'autres rituels pour d'autres dieux.
Mais lesquels ? La fée électricité ? La fée publicité ? Non, ce ne sont que
nymphettes sans envergure. Nous jurons nos grands dieux, mais où sont-ils ? Qui
sont-ils ? Ceux dont le regard tue, ceux que nous ne pouvons, nous les hommes,
regarder en face sans grand dommage ? Ça me
rappelle une histoire, très ancienne, rapportées par notre vieil Hésiode dans
sa Théogonie. Et il l'aimait tellement cette histoire qu'il la reprend
dans les Travaux et les jours. « C'était
au temps, nous dit-il, où se réglait la querelle des dieux et des hommes
mortels, à Mécôné. En ce jour-là, Prométhée avait, d'un cœur empressé, partagé
un bœuf énorme, qu'il avait ensuite placé devant tous. Il cherchait à tromper
la pensée de Zeus : pour l'un des deux partis, il avait mis sous la peau chairs
et entrailles lourdes de graisse, puis recouvert le tout du ventre du bœuf ;
pour l'autre, il avait, par une ruse perfide, disposé en tas les os nus de la
bête, puis recouvert le tout de graisse blanche. Sur quoi le père des dieux et
des hommes lui dit : “O fils de Japet, noble sire entre tous, tu as bel ami,
été bien impartial en faisant les lots ”. Ainsi
railleur parlait Zeus aux conseils éternels. Et Prométhée aux pensers fourbes
lui répondit avec un léger sourire, soucieux de sa ruse perfide : « Zeus très
grand, le plus glorieux des dieux toujours vivants, choisis donc de ces parts
celle que ton cœur t'indique dans ta poitrine «. Il dit, le
cœur plein de fourbe, et Zeus aux conseils éternels comprit la ruse et sut la
reconnaître. Mais déjà en son cœur il méditait la ruine des mortels. De ses
deux mains, il souleva la graisse blanche, et la colère emplit son âme, tandis
que la bile montait à son cœur... » Comme
punition, Zeus « refuse (alors) de diriger sur les frênes l'élan du feu
infatigable ». Pour ses frères les hommes privés du feu, Prométhée se fait
voleur du feu divin. Ce qui fait bondir Zeus d'une colère encore plus grande,
et en compagnie des colocataires de l'Olympe, il imagine le pire fléau dont il
puisse affliger les mortels, « un être tout pareil à une chaste vierge »,
la femme ! Passons
... Cette
vierge aux yeux pers n'a pas encore de nom dans la Théogonie. Mais
Hésiode, y revenant dans les Travaux, la baptise Pandore. Il enrichit et
explique : « ...“ Pandore ” parce que ce sont tous (pantôn) les
habitants de l'Olympe qui, avec ce " présent ” (dôron), font présent du
malheur aux hommes qui mangent le pain (...) la race humaine vivait auparavant
sur la terre à l'écart et à l'abri des peines de la rude fatigue, des maladies
douloureuses qui apportent le trépas aux hommes. Mais la femme, enlevant de ses
mains le large couvercle de la jarre, les dispersa par le monde et prépara aux
hommes de tristes soucis. Seul l'Espoir restait là dans son infrangible
prison... » C'est bien
depuis ce jour que « des tristesses errent innombrables au milieu des
hommes : la terre est pleine de maux, la mer en est pleine ! Les maladies, les
unes de jour, les autres de nuit, à leur guise visitent les hommes, apportant
la souffrance aux mortels ... » Tout ça
pour un bœuf mal découpé, quand même ! Mais je me
demande pourquoi je n'ai pas arrêté de penser à ça, ces temps-ci ! Catherine Barbé 18/01/2001 Bibliographie Hésiode,
traduction Paul Mazon, Belles Lettres, 1972, Théogonie,
535 à 617, Travaux,
70 à 106. |
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