Machines A Sous Gratis
T�moignages � 2

Mots-clefs�: P�docriminalit�, inceste, viol, traumatisme, pr�dateur, manipulateur, pervers, R�silience, traumatisme, maltraitance, B.Cyrulnik

�

�

Mon n�nuphar

�

� six ans, je suis devenue irr�m�diablement une adulte.

J�ai pris conscience que les ��grands�� mentaient et ne feraient rien pour moi. Jamais.

C�est seule que j�ai du ruser pour faire face au danger qui chaque nuit me guettait.

� six ans, je me suis sentie abandonn�e, seule. Absolument seule.

Les adultes ne voulaient pas voir la v�rit� alors j�ai fait comme eux, je me suis ��arrang�e�� avec cette r�alit� insupportable pour sauver ma peau. Et ce d�ni me suit encore dans ma vie de femme adulte.

J�ai six ans. Ma m�re me dit un matin�:

��������� Mais, j�ai entendu quelqu�un pleurer cette nuit, on aurait dit un enfant�

��������� C�est moi Maman qui ai pleur�.

Mon silence ensuite attendant sa r�action. Je pensais avoir tout dit dans cette phrase. Je savais cet instant d�cisif.

Et sa r�ponse comme un couperet�:

��������� Mais non enfin, c��tait un chat�!

� cette seconde j�ai cess� d��tre une enfant et je me suis tue 20 ans sur cette horrible douleur.

� cette seconde j�ai perdu tout espoir car elle n�a pas voulu entendre, elle n�a pas voulu comprendre. Elle a d�ni� me montrant ainsi la voie du mensonge avec soi-m�me. Quel lourd h�ritage que j�ai � combien honor�

Cela avait commenc� avant mes six ans mais au d�but je ne comprenais pas bien ce que faisait mon p�re. Ce n�est qu�� cet �ge que la situation est devenue intol�rable. J�avais pleur� cette nuit en effet car j�avais eu peur, froid. Encore une fois il m�avait d�rang�e dans mon sommeil. J�osais � peine ouvrir les yeux et ensuite je faisais pipi dans mon lit. Au matin j�avais honte de mes draps qui sentaient mauvais. Ma m�re a m�me voulu m�attacher avec des sangles autour de mon lit ��pour que mes nuits soient moins agit�es�� disait-elle.

Plus rien n�allait dans ma t�te, j��tais perdue.

Alors j�ai trouv� une ing�nieuse parade. Je me levai � 3h du matin, je m�habillais, allumais toutes les lampes de ma chambre et je jouais � la poup�e. J�avais compris qu�il n�oserait pas venir dans la lumi�re, face � une conscience �veill�e. C�est ainsi que j�ai �chapp� au pire et que je me suis � peu pr�t sauv�e physiquement. Il est retourn� vers ma troisi�me s�ur qui elle a souffert plus de quinze ann�es dans sa chair les assauts de ce p�re incestueux.

Mon mouvement d�enfant a �t� interrompu, ma spontan�it� a �t� contrainte. J�ai vu le monde autrement, avec un regard et une conscience d�adulte. Mais j�avais aussi ma demande d�enfant et mes peurs. Tout ceci est encore trop lourd m�me si je commence peu � peu � faire de la place parmi cette accumulation de sentiments contradictoires.

Comme Chlo� dans �� l��cume des jours��, un n�nuphar a pouss� dans mes poumons m�emp�chant de respirer vraiment. De l�ext�rieur on ne voyait rien, tout �tait cach�, contr�l�, ma�tris� jusqu�� l��puisement. Mais la plante �tait bien l� avec ses racines profondes. Elle s�est d�velopp�e avec le temps m��touffant progressivement jusqu�� l�asphyxie Et je m��tonne encore de ma claustrophobie�!

Puis l��lan de vie qui reprend le dessus avec le courage de d�buter un premier travail th�rapeutique. Ouf, �a y est, tout va bien, j�ai coup� le v�g�tal et on y voit que du feu�!

C��tait sans compter sur la force prodigieuse de ses racines qui ont fait repousser la plante. J�avais alors oubli� � quel point �a fait mal un n�nuphar dans la poitrine au niveau du c�ur�.Il fallut me rendre � l��vidence et reprendre une th�rapie.

J�ai fait une radio de mon poumon, j�ai mis le projecteur sur ma plante. J�ai cess� de d�nier son existence. Mon n�nuphar sera en moi � tout jamais.

Je l�arrose r�guli�rement de mes larmes mais me r�volte moins contre le sort. Il n�y a pas de solution, pas de r�ponse � mon mal. Ma vie est dure, mon quotidien envahi par cette fichue plante qui pointe souvent le bout de son nez masqu� par des d�guisements que je commence � reconna�tre.

Sa pr�sence m�am�ne � faire des choix sp�cifiques, elle conditionne une partie de ma vie. Depuis quelques mois il m�arrive de l�oublier car soudainement je constate que je respire � pleins poumons. Alors je pense � elle avec tendresse et me dis que nous formons un joli couple ma plante et moi. Plus je la regarde et plus elle se fait petite. Quand je l�ignore copieusement elle se d�veloppe myst�rieusement jusqu�� m��touffer.

Que puis-je faire de ce v�g�tal si encombrant�? Je sais qu�il n�y a pas de r�ponse mais je pose encore la question

Je pourrais dire �galement que ma souffrance est comme une musique interne. Si je ne la prends pas en compte dans l�orchestre de vie, tout est dissonant pour moi. Il m�arrive depuis peu de m�int�grer spontan�ment dans la symphonie de la terre mais c�est de courte dur�e. Toujours ma musique de fond qui reprend, lancinante, m�obligeant sans rel�che � r��crire ma partition, � choisir de nouveaux instruments.

Parfois je trouve sur mon chemin des sons nouveaux qui s�int�grent dans ma musique et je les fais miens.

Ma musique est si particuli�re qu�elle ne peut pas cohabiter avec n�importe quelle autre. Alors il me faut tendre l�oreille pour rep�rer les m�lodies qui me sont harmonieuses. Je me suis si souvent �gar�e en poursuivant la musique des autres.

Parfois il m�arrive de baisser le son pour �couter la musique de la terre. C�est la plus belle car elle conduit aux �toiles. Et l� mon orchestre ne joue que tout doucement. Juste pour mettre en valeur cette harmonie terrienne. Et je prie l��me du monde�..

F. V. B. � Juin 2005

Retour vers l'ent�te de rubrique � Plan du site � Vers le haut de page � En savoir plus sur nous
Envoyez vos commentaires et vos questions au r�gisseur du site. Copyright � � 1997 Lierre & Coudrier �diteur