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Le cas des maltraitances d'enfants |
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M�ditations sur les mythes du temps pr�sent � � Illel Kieser 'l Baz � � D�finitions et pr�sentation g�n�raleLes d�fenseurs de la r�silience nous disent ceci�: Le mot � r�silience � vient du latin rescindere, c�est-�-dire l�action d�annuler ou de r�silier une convention, un acte. Emprunt� au terme resilire, il signifie aussi ��ressauter � ou � sauter en arri�re �, � se retirer �. Le mot ��r�silier � a pris dans le vocabulaire juridique le sens de � renoncer, se d�dire �. Selon B. Cyrulnick, ��r�silier un engagement signifie aussi ne plus �tre prisonnier d�un pass�, se d�gager. La r�silience n�a rien � voir avec une pr�tendue invuln�rabilit� ou une qualit� sup�rieure de certains mais avec la capacit� de reprendre une vie humaine malgr� la blessure, sans se fixer sur cette blessure.�� � La r�silience appartient au vocabulaire technique du traitement des m�taux, elle d�signe � l�origine, une qualit� des mat�riaux qui tient � la fois de l��lasticit� et de la fragilit�, et qui se manifeste par leur capacit� � retrouver leur �tat initial � la suite d�un choc ou d�une pression continue. � Dans le domaine de l��cologie, la r�silience souligne, d�une part la capacit� de r�cup�ration ou de r�g�n�ration d�un organisme ou d�une population, et d�autre part, l�aptitude d�un �cosyst�me � se remettre plus ou moins rapidement d�une catastrophe � inondation, s�cheresse, etc. Les �cosyst�mes d�veloppent plusieurs m�canismes d�autor�gulation et parviennent � surpasser les effets des d�sordres en r�tablissant simplement et de mani�re progressive le stade initial de leur hom�ostasie �cologique. Les �cosyst�mes subissent �galement de nombreux changements adaptatifs de nature cr�ative qui transcendent les simples corrections apport�es aux dommages subis. � Les anthropologues �voquent la possibilit� pour certaines ethnies, soci�t�s, langues ou syst�mes de croyances de conserver des traces de leur patrimoine malgr� les vicissitudes du colonialisme et les pressions des groupes dominants. � Dans les domaines de la psychologie, de la victimologie et de la criminologie, le terme s�est impos� dans le traitement des situations � risque et en particulier celui des enfants vuln�rables dont on cherche � solidifier les aptitudes � r�tablir un �quilibre �motionnel lorsqu�ils subissent des moments de stress ou des abus importants, par une meilleure compr�hension du ressort psychologique. � En psychologie clinique, la r�silience devient un concept plus complexe. La r�silience est � l�aptitude des individus et des syst�mes (les familles, les groupes et les collectivit�s) � vaincre l�adversit� ou une situation de risque. Cette aptitude �volue avec le temps; elle est renforc�e par les facteurs de protection chez l�individu ou dans le syst�me et le milieu; elle contribue au maintien d�une bonne sant� ou � l�am�lioration de celle-ci. � (Mangham et al., 1995)[1] � En psychologie clinique, la r�silience est la capacit� � vivre, � r�ussir, � se d�velopper en d�pit de l�adversit�. D�un point de vue psychique, il s�agit de la possibilit� pour un individu de d�velopper des m�canismes de r�sistance et de survie malgr� les vicissitudes de l�existence, des circonstances difficiles, des malheurs, un choc traumatique ou un environnement d�favorable, voire hostile. Sorte d�endurance face au stress post-traumatique, la r�silience offre au sujet un sentiment de comp�tence, une ouverture diff�rente sur lui-m�me et d�autres perspectives qu�un stress continu ou r�p�titif. Ce m�canisme psychologique restaure ainsi une certaine confiance en soi impliquant plus de s�curit� int�rieure et apporte de nouvelles possibilit�s d��panouissement malgr� les difficult�s rencontr�es, les traumatismes subis ou les risques d�abr�actions d�sagr�ables. � Il est int�ressant de noter que ce terme d�signe la capacit� intrins�que des syst�mes vivants � retrouver un �tat d��quilibre, soit leur �tat initial, soit un nouvel �quilibre, qui leur permette de fonctionner apr�s un d�sastre ou en pr�sence d�un pression persistante. (Dans la m�decine traditionnelle chinoise on connaissait d�j� un processus identique�) � De mani�re plus transcendantale et convergente, pense la r�silience comme � un processus diachronique et synchronique �, c�est-�-dire ��l�articulation des forces biologiques d�veloppementales avec le contexte social, pour cr�er une repr�sentation de soi qui permet l�historisation du sujet��.[2] � A partir de son exp�rience traumatisante, le sujet r�silient parvient � maintenir et dynamiser son �conomie psychique afin d�en conserver l�efficacit� repr�sentative. Ce processus est d�autant plus complexe qu�il d�pend des donn�es objectives du traumatisme r�el (guerre, g�nocide, torture, viol, attentat, etc.) et des donn�es subjectives du trauma psychique (effet d�apr�s-coup, d�compensation r�actionnelle, effet et �tat de stress post-traumatique, etc.).[3] � Quelle que soit la nature du traumatisme, la r�silience mobilise l�ensemble des processus psychiques et exige une d�pense d��nergie consid�rable. Dans le traumatisme, d�s lors qu�il existe une atteinte corporelle, une rupture entre somatique et psychique (�tat de sid�ration post-traumatique o� la victime est absente de la sc�ne), une effraction de la sensorialit� (la stupeur, l�anesth�sie de certaines zones agress�es), en relation avec la qualit� des processus d�attachement primaires (de type maternel), la r�silience d�pend aussi de la repr�sentation du corps et sa construction. Ainsi, dans les cas d�agression sexuelle, l�identit� sexuelle et les mouvements identificatoires sont gravement alt�r�s et les processus originaires d��mergence de la psych� et d�inscription au corps endommag�s. Enfants victimes de maltraitance et r�silienceLes enfants ne sont pas �pargn�s par la dictature de la vie et la f�rocit� de certains adultes. Comment s�en sortent-ils et suivant quels m�canismes�? Et comment fonctionne cette capacit� psychique qui permet aux enfants, �corch�s vifs de la vie, victimes de violence, de cruaut� mentale et d�agressions sexuelles, de rebondir, d��voluer et de donner un sens � leur existence�? Mais surmonter ses blessures traumatiques ne suffit pas, encore faut-il se r�concilier avec ses �motions et son corps, avoir un bagage affectif suffisant et b�n�ficier d�un soutien bienveillant et empathique. � Selon Cyrulnik, dans certaines situations de maltraitance, des enfants d�veloppent des strat�gies de survie significatives ou au prorata de l�intensit� du traumatisme qu�ils ont subi. Malgr� cette charge traumatique, ces enfants semblent tenir le coup et montrent ensuite des signes encourageants de gu�rison et d�adaptation souvent surprenants. Cette perspective offre aux cliniciens et aux th�rapeutes de nouvelles ouvertures en termes de diagnostic, de pronostic et de prise en charge. � Le r�le principal des professionnels qui soutiennent les enfants dans une d�marche de soins, est de les aider � chercher du sens et � �laborer une signification � la fois parlante et lib�ratrice de leur propre histoire. Le passage du traumatisme � la mise en place du processus r�silient se fa�onne � partir des diff�rents appuis que l�enfant aura r�ussi � tisser autour de lui, et surtout de sa capacit� � se faire accepter et comprendre. � Parce qu�elle perturbe son potentiel et son �nergie intrapsychique, et �puise ses ressources psychologiques, la maltraitance met l'enfant � rude �preuve. Ces situations de violence � psychique, physique ou sexuelle � peuvent avoir un effet sid�rant sur les pulsions de vie de l'enfant. Afin de survivre, la victime mobilise des m�canismes de d�fense qui encombrent l'expression de sa personnalit� ou enrayent son d�veloppement. Cette utilisation de moyens d�fensifs exige une d�pense d'�nergie psychique aux d�pends d'autres fonctions psychologiques, telles que la verbalisation, la mentalisation, l'imagination, la fantasmatisation, la cr�ativit�, la sublimation et la symbolisation, �l�ments de d�fense du moi fondamentaux � la structuration de la pens�e, et pr�mices des processus mentaux de r�silience. � Par ailleurs, les r�p�titions traumatiques, angoisses, inhibitions et cauchemars se retrouvent chez des sujets tr�s n�vros�s qui ont �t� maltrait�s au cours de leur enfance. C'est �galement parce qu'il est d�nu� de sens, que le trauma engendre tout un cort�ge de sympt�mes � somatisations, perte de l�estime de soi, troubles relationnels, manque de confiance, marginalisation sociale, id�ations suicidaires, passages � l�actes, autodestruction, addiction, d�pression, etc. Ajoutons que le tourment psychique dure tant que le sujet ne parvient pas � reconna�tre et � faire reconna�tre sa souffrance. Dans ces contextes, tant le langage � comme expression de l�authenticit� de la personne � que les �motions ont �t� verrouill�s par l�effet du traumatisme. Or, la r�silience peut �tre un moment d��laboration permettant au sujet de lib�rer un discours sur son histoire et/ou de tenter de d�verrouiller cette double fermeture. Sous l�effet de la r�silience, le traumatisme peut ainsi devenir un moteur. Toutefois, la r�silience ne suffit pas toujours ou n�appara�t pas de mani�re aussi spontan�e. Les facteurs favorisant le processus r�silient peuvent �tre enray�s ou inhib�s. Cette capacit� est souvent enfouie, voire emp�ch�e par l��tat de stress post traumatique, les divers sympt�mes associ�s et les r�actions du corps social. � En �veillant le psychisme, une th�rapie peut tenter de faire �merger un processus r�silient. L�objectif du travail th�rapeutique est de transformer le traumatisme en moteur, en pulsion de vie�: exploiter, �duquer, ou soigner le traumatisme, le conduire "hors de", pour mieux le travailler. C'est le trauma qui s�cr�te de l'inconscient, qui donne un sens profond � nos d�sirs et � nos v�rit�s, mais �galement � nos angoisses. La psychoth�rapie est un travail verbal qui essaie d'apprivoiser les �motions que le trauma soul�ve. La bienveillance de l��coute et l�empathie essayent de lib�rer le sujet de sa �commotion psychique�. La parole circule et prend alors le pas sur le trauma. � Dans la plupart des cas, l'enfant traumatis� n'a plus acc�s
au secret de son �tre, principalement parce que la situation de maltraitance a
fractur� son identit� et alt�r� sa personnalit�. Cependant, le v�cu corporel,
m�me s'il est associ� � un v�ritable massacre, peut s'int�grer � son histoire �
condition de � En victimologie clinique, la recherche d�montre que ceux qui s�en sortent le mieux parmi les enfants traumatis�s, sont ceux qui ont r�ussi � tisser autour d�eux des r�seaux de solidarit� et � se lier affectivement, ceux qui sont parvenus � effectuer des d�marches efficaces, � orienter leurs demandes et � trouver les bons interlocuteurs pour se faire aider. Ces liens soutenants (les � tuteurs de d�veloppement �) ont un effet structurant sur l�individu. La r�sistance psychique int�rieure est donc �galement une question de force relationnelle, de capacit�s d�attachement et de confiance en soi. R�silience et th�rapie� Il me semble que, lorsqu�on a �t� bless� dans sa vie, on est contraint de mettre en place, de tricoter un processus de r�silience jusqu�� sa mort. La blessure est enfouie, ma�tris�e, transform�e, mais elle ne gu�rit jamais compl�tement. �[4] � Loin d��tre une cicatrisation miraculeuse ou magique, cette
capacit� de r�silience n�est pas une vaccination contre la victimisation ou une
anesth�sie de � Les d�veloppements psychologiques d�adaptation des sujets r�silients incluent tout � la fois l�humour, l�imagination, la cr�ativit�, l�investissement affectif, l�id�alisme, l�engagement, l�altruisme, l��thique relationnelle, la spiritualit�, etc. Par ces diff�rents m�canismes psychiques, il est ainsi possible de s��chapper, de transcender ou de sublimer ses propres blessures. Toutefois, ces processus mentaux ne traitent pas en profondeur toutes les blessures existentielles et peuvent m�me engendrer d�autres types de souffrances, comme la marginalisation, l�isolement, le sentiment d��tranget�, etc. La r�silience fonctionne � certaines conditions � individuelles, familiales, environnementales. Il faut donc entrer dans le vif d�une blessure traumatique, la cicatriser par les mots et le sens pour lui �chapper. Il faut encore se r�concilier avec l�humain et envisager l�autre � th�rapeute, confident, partenaire, etc. � comme soutien privil�gi�, guide ou passeur. � Lorsqu�un sujet est bless� gravement par l�existence, il est
donc contraint de tisser un processus psychique de r�silience jusqu�� sa mort.
Parce que le traumatisme est grav� dans la m�moire individuelle, l�oubli ne
peut l�emporter sur � Nous l�aurons compris, les lignes ci-dessus qui sont une compilation de nombreux articles dithyrambiques sur la r�silience[5] nous laissent croire que le miracle existe. Il est alors d�autant plus g�nant de passer � la critique de ces �loges. N�est-il pas question, le plus� souvent, d�enfants en danger�? On a la vague sensation de briser un arbre de No�l, la veille de la f�te� ou d��tre un mistigri pissefroid. �laboration critiqueAnciennet� de la r�silienceC�est un concept largement connu depuis l�antiquit�, notamment en M�decine Traditionnelle Chinoise. Les Chinois connaissaient la capacit� des syst�mes vivants � se r�g�n�rer apr�s une blessure grave. Nous dirions m�me qu�il s�agit d�un des postulats fondamentaux de cette m�decine. Les circuits �nerg�tiques se reconstituent tr�s rapidement apr�s une l�sion afin de re-cr�er rapidement la charpente �nerg�tique de l�entit� humaine. Cependant, cette m�decine nous apprend aussi que la reconstitution ne se fait pas sans dommage. Le vide b�ant cr�� par la blessure, appelle une �nergie fournie par l�ensemble, celle-ci provient d�autres circuits. Cela cr�e un d�s�quilibre, une sorte de marque calleuse sur l�arbre de vie. Un vide se cr�e, le plein pourvoit au remplacement de l��nergie perdue, mais la r�serve est la m�me d�s la conception. Le concept d�entropie � la masse d��nergie disponible dans un syst�me vivant est une d�s l�origine � existe aussi au plan humain. Si les tenants de la r�silience � qui s�appuient aussi sur un mod�le issu de la physique des mat�riaux � allaient jusqu�au bout de leur mod�le, physique notamment, ils mod�reraient leur enthousiasme. � moins de changer de syst�me de repr�sentation du monde�! Tout est possible. Nous aurions affaire alors � une sorte de mutation de l�esp�ce humaine. Pourquoi pas�? Beaucoup de m�decines dites ethniques �voquent �galement
cette perte de communication ou d�alliance avec R�silience et InconscientLa r�silience est, certes, un concept qui para�t d�passer les anciens clivages d��cole. Comme beaucoup d�autres qui meublent la volont� des th�oriciens de la psychologie de sortir des dogmes archa�ques, il demeure dans une perspective descriptive � ce qui n�est pas si mal � sans rien dire du pourquoi�? On d�crit les facteurs qui favorisent la r�silience, on les
a �tudi�s de l�ext�rieur mais on ne sait rien des composants intrins�ques qui � La r�silience d�crit partiellement les effets de Accordons n�anmoins � Boris Cyrulnik et � ses ma�tres qu�ils reconnaissent que les facteurs favorisant le processus r�silient puissent �tre bloqu�s ou inhib�s. Cette capacit� est souvent enfouie, voire emp�ch�e par l��tat de stress post traumatique, les divers sympt�mes associ�s et les r�actions du corps social. La r�silience ne nous pr�sente pas de v�ritable voie th�rapeutique, elle ne suffit pas pour ��gu�rir�� � et, pour la circonstance, il faudrait red�finir ce mot. � travers cette notion on comprend que l�on peut d�passer certains moments dramatiques de l�existence ou tout ce qui peut alt�rer gravement le cours normal de l��volution d�un individu. On soup�onne, en �largissant la port�e de ce concept, qu�il existe en l��tre humain une formidable potentialit�, non de gu�rison mais de retrouvaille avec les sources de la vie. Mais on ne conna�t pas le prix � payer� Cyrulnik s�exprime comme un entra�neur sportif et il ignore les effets en profondeur d�un traumatisme. Comme un coach avant le match, il semble exhorter sa troupe� On verra apr�s�! Jung nous mettait en garde, il y a bien longtemps sur les effets d�un travail sur soi qui ne reposerait pas sur des bases solides. ��Le d�veloppement de la personnalit� qui sort de ses dispositions germinatives pour arriver � sa conscience totale est charisme en m�me temps que mal�diction. La premi�re cons�quence en est la conscience d'un in�vitable isolement de l'individu qui se s�pare du troupeau indistinct et inconscient. C'est la solitude; il n'est point pour cela de d�signation plus consolante. M�me l'adaptation la plus r�ussie n'en d�livre pas, ni l'ajustement sans la moindre friction, au milieu, nulle famille, nulle soci�t� et nulle situation. Le d�veloppement de la personnalit� est un bonheur tel qu'on ne peut le payer que tr�s cher.��[7] Certes, on peut acqu�rir la capacit� de transcender les effets de blessures cuisantes et terribles mais la question reste pos�e de la complexit� des r�seaux r�parateurs. En effet, il ne faut pas n�gliger les facteurs de contamination psychique�: si l�effet d�un traumatisme puissant bloque l��coulement de l��nergie psychique, la stase ainsi provoqu�e peut fort bien passer inaper�ue mais cela ne l�emp�che ni d�exister, ni d�agir en sourdine. Bien souvent, par un m�canisme bien connu de transmission psychique, il peut se faire qu�un membre du groupe, auquel appartient la personne ��r�siliente��, ���ponge�� les effets de ce traumatisme. Et la famille est un groupe tr�s restreint. La r�silience, telle qu�elle est con�ue en psychologie par Cyrulnik, pose un probl�me d��thique et une question�: ��qu�est-ce que la bonne sant� psychique�?�� Je n�ai pas trouv� beaucoup de textes sur la r�silience qui �voquent l�existence de l�Inconscient et bien moins encore de l�existence possible d�une dynamique de communication entre l�Inconscient et le Conscient. Une critique de la notion de r�silience nous met, par ailleurs, en garde sur certains effets pervers. ��Il y a donc lieu de craindre que le discours optimiste sur la r�silience et le succ�s qu'il rencontre dans les m�dias ne soient qu'un nouvel avatar de la tendance � justifier les parents, tendance universellement acquise sous leurs coups (cf. le syndrome de Stockholm). Une nouvelle mani�re, apr�s bien d'autres, de dire, sans v�rifier de pr�s la rigueur du raisonnement "Mais non ! les gifles et les fess�es, ce n'est pas si terrible ! La plupart des gens s'en sortent tr�s bien ! D'ailleurs, la transmission interg�n�rationnelle, �a n'existe pas; c'est un mythe ! Et puis, les �preuves de la vie, �a rend les gens plus fort !" (Cf. Cyrulnik : "Le traumatis� est biologiquement mieux pr�par� au stress comme un champion entra�n� � r�pondre aux �preuves." (Un Merveilleux malheur, p. 179) "Le bless� a acquis d�sormais une mani�re de sentir le monde et d'y r�pondre. Meurtri lors de son enfance, il acquiert, comme un champion, un mode de r�action." (id.) !).��[8] C�est pour cette raison que nous pouvons nous �tonner de voir combien d�associations de d�fense des droits de l�enfant, entre autre, r�servent une place royale � ce concept directement issu des milieux am�ricains du management. Cet aveuglement est �tonnant. Une d�pendance pour une autrePartant d�un constat fait sur certains individus particuliers la r�silience appara�t d�abord comme un �tat. L�analyse du milieu et de l�histoire des sujets spontan�ment ��r�silients�� permet � Cyrulnik d�en d�duire qu�il suffit de cr�er, en quelque sorte, ces conditions pour que l�effet du traumatisme s�estompe ou disparaisse chez les autres, en g�n�ral. La g�n�ralisation est h�tive. Il ne s�agit que de comportementalisme. Re-conditionn�, l�individu peut fort bien d�verrouiller son discours et aborder sa souffrance, mais ce sera sur du vide si l��nergie endigu�e ne s��coule toujours pas. Cela peut s�av�rer ��efficace�� durant quelques ann�es de vie mais l�individu se trouvera fatalement fragilis� et inqui�t� par la menace d�une rupture de cette dorure. Il sera � la merci de la moindre fracture dans sa vie�: divorce, maladie, d�m�nagement, licenciement, etc. Ce qui ne manquera pas de le placer dans une d�pendance � l��gard de son th�rapeute ou des circuits de soutien. On troque une d�pendance funeste pour une autre bienveillante mais l�authenticit� de l��tre ne peut �merger. L�individu �puisera ses forces � colmater les moindres br�ches, � moins qu�il ne d�l�guer cette tache � des proches qui, � leur tour d�pendent de lui. Le cycle de la transmission r�actionnelle au traumatisme peut ainsi se perp�tuer durant deux ou trois g�n�rations. Ces faits ne sont pas rares en psychologie clinique. � travers les circuits d�aide, de conseil et de soutien, on cr�e ainsi des rites et des dogmes qui prennent un caract�re mystique en prot�geant les individus ��r�silients�� des exp�riences int�rieures qui pourraient �tre fatales. Il ne faut cependant pas oublier que les dogmes n�ont qu�un caract�re provisoire et ils sont faits pour �tre transgress�s quand le moment est venu et que l�attitude consciente doit changer. Un autre aspect m�rite d'�tre soulign� : dans l�engouement actuel pour la r�silience il y a � la fois une r�action d�hostilit� � la psychanalyse et la fascination par une illusion.
La plupart des victimes ont trouv� dans une psychanalyse classique le renforcement institutionnel � leurs propres refoulements. Pourtant de telles cuirasses n'apaisent pas longtemps. Malheureusement, les angoisses infantiles grossies par des complexes archa�ques reviennent vite � l�assaut.
La justification oedipienne a toujours �t� fa�te au b�n�fice d�une pseudo innocence de l'adulte dans sa relation � l'enfant. � trop syst�matique user de cette interpr�tation la psychanalyse a �t� conduite � compl�tement ignorer, voire � masquer les abus r�els subis par les enfants. Les abus et attitudes abusives ont m�me �t� amplement justifi�s. Combien de patients ont d� taire leurs souvenirs et �motions d'enfants sous la pression d'un th�rapeute qui niait la v�rit�? Rien n�est plus facile que de manipuler des m�canismes de d�fense en les d�tournant afin qu�ils cadrent avec une th�orie.
C�est ce que feignent malheureusement d�ignorer les z�lateurs de la r�silience, en proc�dant de m�me � manipuler des sympt�mes tr�s lourds � des fins pseudo adaptatives. Mais ils d�tournent �galement au seul profit de leur prestige cet enthousiasme qui surgit quand le miracle est annonc� apr�s le malheur. Les militants de la cause des enfants se nourrissent de l�illusion de croire que la gu�rison peut survenir par la seule magie d�une rencontre entre une disposition psychique et un milieu protecteur. C�est conduire les rescap�s de la maltraitance � une addiction qui les conduira � prolonger leur lien aux associations de d�fense et � tous les groupes d�aide qui vont na�tre. Il faudra bien cela pour �viter le retour des angoisses. Cela passera inaper�u car largement institutionnalis� et ��pour leur bien��. Peut-�tre verra-t-on surgir des groupes durables comme c�est le cas pour les addictions�? On aura transform� des sympt�mes diffus et puissants en ghetto. Un atome de plus dans des soci�t�s qui ont perdu leur ciment et qui sont d�j� outrageusement morcel�es.
� � Tout ce que d�veloppent les d�fenseurs de la r�silience ne peut �tre que provisoire, c�est un premier pas qui permet au Moi de se solidifier, de reprendre confiance. Mais, l�individu, plus tard, doit �tre averti des dangers qu�il court s�il ne d�cide pas, � un moment ou � un autre, quand les angoisses reviennent, d�amorcer un travail sur soi, en profondeur. � La question de la paroleSi le concept de r�silience semble se d�marquer nettement de la th�orie psychanalytique, en ce qui concerne la parole, nous retombons dans un mythe caract�ristique de celle-ci. Si la psychoth�rapie est un travail verbal qui essaie d'apprivoiser les �motions que le trauma soul�ve, elle ne l�est que pour certaine personnes et encore. Nous vivons dans un bain de parole et d�images. Nos conceptions sont bien souvent d�une pauvret� pu�rile�: un probl�me une solution�! Et nous ne comprenons pas pourquoi cela ne marche pas toujours. Que la parole circule afin de transformer le traumatisme en moteur de la vie psychique rel�ve de l�utopie. Ce ne peut �tre qu�un vernis provisoire, dangereux de surcro�t car il masque la gigantesque excavation cr��e par le trauma. Il est �trange que Cyrulnik qui, pourtant, �voque souvent la r�conciliation du corps et de la psych�, tombe si facilement dans ce dogme de la psychanalyse, plut�t lacanienne. Parler son trouble, dire ses souffrances ne devient
lib�rateur que quand se produit un besoin int�rieur de synchronisation entre le
dedans � l�Inconscient � et le dehors � ��La bienveillance de l��coute et l�empathie�� ne suffisent pas m�me si elles sont essentielles. Il faut dire, � la d�charge des propagandistes de la r�silience, qu�il est �trange d�avoir � rappeler ces conditions essentielles � l�accueil de toute personne�: ��bienveillance de l��coute et empathie��. C�est un signe que la psychologie a perdu un �l�ment essentiel � son exercice clinique. Rogers est mort�! L� r�side un r�el probl�me qui d�passe le cadre de ce court article�! � � Le th�or�me de la r�silience, tel qu�il est expos� par ses d�fenseurs est incoh�rent, superficiel et surtout opportuniste. Il rel�ve fort bien d�une th�orie du management, mode am�ricain�: performance, efficacit�, positivation� Il ne peut en aucun cas restituer � l��tre humain bless� cette mobilit� de la curiosit� qui le pousserait vers la vie en inventant, chaque fois, de nouvelles formes d��volution. Il peut s�av�rer op�rationnel dans un contexte stable, dans une soci�t� s�curis�e mais ce n�est pas un concept psychologique op�rant pour des enfants qui vont conna�tre de multiples changements durant leur vie, des exil�s, des rescap�s de conflits militaires, pour des personnes qui devront, outre leur trauma, d�velopper de gros efforts pour vivre dans un milieu qu�ils ne connaissent pas ou bien auquel ils ne peuvent s�abandonner en toute confiance. � Bien plus int�ressante est la notion de Fonction Transcendante dont Jung a parl� et que j��voquerai dans un prochain article. Mauvezin mars 2005 � Mots cl�s�: Cyrulnik, r�silience, traumatisme, fonction transcendante, positivation, �nergie psychique [1] � Cit� par Yves-Hiram Haesevoets ��La r�silience, un concept m�taphorique contemporain��, sur le site de Psychorelief, <http://www.psy.be /articles.php?article=75> [2] � Cyrulnik B. (1991). La naissance du sens. Hachette litt�rature, 1991, Le vilain petit canard, Odile Jacob, 2001 et Parler d�amour au bord du gouffre, Odile Jacob, 2004. [3] � Brissiaud P. Y. Surmonter ses blessures. De la maltraitance � la r�silience, Retz, Paris, 2002. [4] � Cyrulnik, 2003. [5] � Je n�ai cit� en r�f�rence que les articles les plus importants. Pour plus de d�tails, lire la pr�sentation du concept faite sur ce site par Claudia Samson. [6] � Depuis 1916. [7] � Jung, L'�me et la vie, �d. Buchet Chastel, page.403. [8]
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