Machines A Sous Gratis
Ins�curit�, Libert�, Ordre...
� �

�

Format texte à imprimer

�

�

Illel Kieser Ibn 'l bAZ

�

�

�

�

�

Ainsi le processus qui conduit � l'attente d�un ordre renouvel� et r�dempteur ��se manifestait chaque fois� dans des circonstances semblables : essor d�mographique, industrialisation acc�l�r�e, affaiblissement ou disparition des liens sociaux traditionnels, �largissement du foss� entre riches et pauvres ; alors, chacune de ces r�gions, l'une apr�s l'autre, voyait un sentiment collectif d'impuissance, d'angoisse et d'envie se donner libre cours. Ces hommes �prouvaient le besoin pressant de frapper l'infid�le afin de redonner corps, par la souffrance inflig�e aussi bien que subie,��.

Les fanatiques de l�Apocalypse, Norman Cohn, Payot 1983, p. 60.

�

�

La campagne �lectorale fran�aise fut enti�rement centr�e sur la question tr�s mythique de l�ins�curit�. Aux USA, depuis l�attentat du 11 septembre 2001, les propagandistes belliqueux d�une croisade pour d�fendre les valeurs de la libert� ont pris le dessus. Au nom de nos id�aux les plus essentiels, nous autres peuples occidentaux allons devenir complices d�une extermination progressive de toute diff�rence.

Il convient cependant de tenter d�y voir clair et de nous donner l�occasion d��tendre la r�flexion au-del� des fronti�res �troites de la province France en nous engageant sur un terrain plus global, celui des grands th�mes moraux de la civilisation dite occidentale. En fait il ne s�agit plus l� de l�Occident seul mais aussi du Japon, de la Cor�e, des centres urbains, d�Am�rique Latine, etc. Il s�agirait plut�t donc d�une culture� qui accompagne l�installation de l��conomie lib�rale.

La campagne de l��lection pr�sidentielle fran�aise et l�installation d�un nouveau gouvernement nous servent d�exemple significatif sur la mani�re dont une rumeur se propage sur un terrain � forte tonalit� �motionnelle.

Exemplaire car elle nous montre combien les courants politiques, mais aussi intellectuels, se font pi�ger � ce jeu de l��motionnel, d�voilant leur absence de distance et, par voie de cons�quence, leur incapacit� � se r�f�rer � un projet global. Lequel, pourrait, pourquoi pas, englober les faits de violences, les artefacts d�ins�curit� dans une r�flexion plus vaste.

C�est ce que Lionel Jospin semble avoir voulu faire. Il lui manquait cependant les clefs d�un projet susceptible de servir d�appui � une vision plus large de l�avenir� Et pour cause, l�intelligentsia n�est pas pr�te � admettre d�autres id�es que celles de sa tribu. C�est aussi pourquoi, il fut jug� si terne�! Il ne fit pas r�ver. Il n�y aura pour lui que des regrets�! On reste dans l��motion.

Pour une fois l�exemple fran�ais n�est pas exceptionnel, nous voyons chez nous na�tre un mouvement qui s��tend de plus en plus aux pays d��conomie lib�rale.

La violence et l�ins�curit�

Il a beaucoup �t� question ��d�ins�curit頻 et d�une atteinte port�e aux libert�s. Jacques Chirac est m�me all� jusqu�� invoquer le besoin de restaurer ��l�autorit� de l��tat��. Voil� qui est tr�s fort, nous avions d�j� entendu ces discours path�tiques moult fois mais c��tait durant des coups d��tat en Am�rique du Sud ou en Afrique� Personne n�a relev�! Serions-nous en danger�? Quelle grande menace p�se sur nos vies�? Qui soit si imposante qu�il faille mobiliser toutes les forces d�un peuple pour lutter contre elle. � l��vidence on joue sur le registre �motif et quand l�on s�adresse ainsi � des foules il est � craindre que de vieux monstres ne s��veillent.

Effor�ons-nous de ne pas penser que le Pr�sident fran�ais crie aux loups pour d�tourner l�attention sur ses propres m�faits. Et quand son lieutenant Nicolas Sarkozy � chantre du frapp� efficace � affirme solennellement ��qu�il ne faut plus d�impunit頻, on dresse l�oreille. De qui parle-t-il�?

��Restaurer���! Tel est le mot qui retiendra notre attention car il r�sonne �trangement en �cho avec ceux d�une attente eschatologique�: la restauration d�un ordre nouveau et d�une d�livrance du joug de la tyrannie � ici celle de l�ins�curit�.

Ins�curit�! Voil� un autre mot �trange qui trouve aussi une lointaine parent� dans l�histoire des peurs en Occident. Il ne fut question ni de d�linquance ni de violence mais d�ins�curit�. Comme si la S�curit� devenait un des principes fondamentaux de la R�publique et, par extension de la D�mocratie. Une r�volution morale serait-elle en voie d�accomplissement, qui �rigerait la S�curit� au m�me rang que Libert� � �galit� � Fraternit�? Ou bien ne s�agirait-il que de substituer La S�curit� aux autres. Jacques Chirac qui, durant sa campagne d�entre deux tours, r�duisit la notion de Libert� en la liant au ��r�tablissement de l�autorit� de l��tat�� semble le sugg�rer.

Tout semble annoncer qu�un ennemi guette � l�int�rieur� La structure m�me du nouveau gouvernement le laisse � penser. Le Minist�re de l�Int�rieur devient celui de la s�curit� int�rieure et des libert�s locales, se substituant m�me � dans ses d�cisions r�centes - au Minist�re de la Justice. Cependant que la conduite des arm�es est d�l�gu�e � Mich�le Alliot-Marie, dont on sait que le pr�sident lui c�da la conduite des affaires du parti du pr�sident pendant que ce dernier occupait la fonction supr�me. C�est dire la place symbolique qui lui est laiss�e l�. Voil� qui est logique car les arm�es europ�ennes agissent sous l��gide d�un gendarme mondial, dont la pax america doit r�gner sur la plan�te enti�re comme un flambeau universel �clairant le monde.

Le mot m�me d�ins�curit� englobe plusieurs notions importantes

���������������� Tout d�abord il concerne bien s�r la violence au quotidien, les actes d�incivilit�, la d�linquance primaire et la d�linquance organis�e � lesquelles sont pr�sent�es comme naturellement li�es.

���������������� L�ins�curit� �voque �galement cet �tat int�rieur que connaissent beaucoup de citoyens fran�ais et europ�ens devant la mondialisation, le ch�mage, les d�localisations, le manque de rep�res dans un monde mouvant et incertain auquel rien ne les a pr�par�s � ce qui signe d�embl�e la faillite du syst�me �ducatif et de l�information�

���������������� Ce mot touche �galement les repr�sentations que l�on se fait de l�avenir�: les retraites, la place de chacun au sein d�une Nation ou, plus prosa�quement, de ��ma cit頻.

���������������� Il renvoie �galement � une autre forme de qu�te beaucoup plus intime, celle du corps et donc des atteintes dues � la maladie � c�est un point que d�aucuns oublient� Une angoisse est toujours diffuse et c�est pour cela qu�elle a besoin d��tre nomm�e.

Voil� donc un mot, simple, direct qui parle � plusieurs niveaux de nos vies quotidiennes. Mais il ne prend de sens qu�� travers des syst�mes de repr�sentation, des images et donc de l��motionnel.

Il n�existe derri�re une expression aussi redoutable aucune notion rationnelle, qui soit ��instruite�� au sens o� des arguments seraient pos�s pour �tayer les discours, justifier des mesures concr�tes qui seraient alors inscrites au sein d�un projet de soci�t�. Au lieu de cela l��motivit� est �rig�e en principe de gouvernement et ce sans qu�aucune justification soit donn�e autre que ces arguments qui signent un retour � des r�flexes d�ordre archa�que�:

��Nous avons peur et cette peur vient de la turbulence des ces jeunes � dont beaucoup sont des enfants d�immigr�s � qui ne respectent plus aucune r�gle, aucune morale. Certes, nous ne pouvons plus graisser nos guillotines, alors enfermons-les et nous retrouverons enfin la paix�!��

�

Par ses vertus agglutinantes le mot regroupe des peurs fondamentales de nos soci�t�s, lesquelles d�coulent de tout autre chose que de la violence incivile de quelques turbulents et les solutions que l�on pr�tend y apporter doivent �tre simples, efficaces et imm�diatement r�alisables. On fait d�une r�alit� complexe un probl�me social simple auquel on applique des solutions simples� on passe du politique au registre du mythe, voire de la rumeur. On laissera le temps assumer une telle imposture. On pratiquait d�j� cet exercice depuis longtemps en mati�re budg�taire, avec des objets physiques, on le fait l� avec des citoyens, des enfants, etc. On cr�e ainsi un tr�s f�cheux pr�c�dent, celui d�une exception � la notion d��galit� devant la loi.

Une soci�t� de l��motion et du spectacle

Pour spectaculaires qu�elles soient, ces mesures n�auront jamais l�efficacit� qu�on leur pr�dit. � l��motivit� comme r�gle de gouvernement, s�adjoint un compl�ment indispensable�: un rem�de divin, de vertu religieuse, l�exorcisme. La D�mocratie, en France, est menac�e par un mal bien plus pervers que n�aurait pu l��tre J.-M. Le Pen�: la th�ocratie. Et c�est pourquoi il n�est plus question d��galit� ni de Fraternit� � m�me face � Le Pen ce principe ne fut jamais �voqu�. S�il s�agit d��radiquer la peur, ce trouble n� d�un sentiment diffus d�ins�curit� qui laisse penser que la coh�rence fondamentale de notre vie est menac�e, face aux sombres nuages du Chaos qui menace, il n�est pas d�autre r�ponse que d��radiquer toute forme d�h�r�sie. Simplement, comme �a, car la foi dicte les conduites�!

�

L�Histoire ne d�ment pas nos propos, bien au contraire. Nos cultures ont travers� des zones au cours desquelles aux gouvernements rationnels se sont substitu�es des formes th�ocratiques de ��gouvernance�� � terme issu du management d�entreprise.

Ainsi durant les p�riodes troubles de la fin de l�Empire romain d�Occident, ��l'univers fut aux mains de puissances mal�fiques et tyranniques��. Sous cette dictature le peuple �tait humili�, sans ressource. Et c�est gr�ce � l�av�nement d'une sorte de communisme o� tout appartiendrait � tous que la s�curit� �tait sens�e revenir par l'an�antissement du monstre.

Pour d�autres, proph�tes en leur pays, le mal pouvait �tre d�finitivement vaincu par un retour sans faille � la foi primitive, aux choses de la nature.

L�examen attentif de ces tranches d�histoire nous montre que le messianisme des pauvres d�sorient�s �merge l� o� il y existe une surpopulation subissant un processus de rapide changement �conomique et social avec un foss� s'agrandissant entre riches et pauvres. Et les foules se sont souvent embras�es sous la conduite d�exalt�s qui promettait un royaume de r�demption, un r�tablissement radical du bonheur, l�abolition totale des craintes de chacun.. Elles ne se sont jamais mises en mouvement sans laisser d��paisses traces de sang derri�re elles.

La droite extr�me a de longtemps r�cup�r� � son compte des slogans fond�s sur le renouvellement de la vie � ��Ordre nouveau�� � sur la victoire de l�ordre face au Chaos, sur la r�habilitation des valeurs fondamentales de la Nature. C�est pourquoi le retour au naturel et le r�tablissement de la s�curit� sont, en soi, porteurs d�un sens �quivoque qui ne peut s��riger en projet politique que sur la base d�une solide r�flexion.

La gauche extr�me, dite � tort progressiste, a toujours us� de l�artifice d�une croyance en la venue d�un communisme fondamental qui abolirait toutes les in�galit�s. Et cette utopie pourrait advenir si les ��travailleurs�� prenaient le pouvoir.

Ces deux formes de croyance, trop sommairement pr�sent�es par des groupes repli�s sur eux-m�mes, incapable d�adopter des strat�gies pertinentes, s�incarnent subtilement en un communicateur de talent et rus� qui reprend � son compte un terme propre au discours d�entreprise�: ��la gouvernance��, nouvelle bien s�r, comme substitut au ��management��. Silvio Berlusconi, � sa mani�re un peu brutale de vouloir g�rer l�Italie comme une entreprise, a manqu� d�un communicateur de talent. Jacques Chirac l�a trouv�. Les mots sont �l�gamment maquill�s, arrondis, sans asp�rit�, capables de flatter l�identification d�un public lettr�, mais les contenus sont les m�mes. � la place d�un gouvernement coercitif � de type franquiste ou communiste, nous aurons une gouvernance par la ruse, par l�effacement de la m�moire et par le d�tournement � c�est ce qui se passe aussi aux USA. Mais plus encore, l� o� certains mots peuvent choquer, nos communicateurs savent d�velopper des arguments qui s�inscrivent dans cette strat�gie de d�placement des valeurs rationnelles vers le sectarisme le plus redoutable, celui d�une id�ologie qui ne s�avoue pas.

Plus loin que l�ins�curit�

N�oublions pas que le th�me de l�ins�curit� est indissociable d�un autre tr�s commun dans l�histoire, celui de l�ordre � souvent nouveau. Bush, depuis d�j� plus d�un an, s�est empar� de ce th�me sans cacher ses intentions profondes�: prendre le pouvoir afin d��largir le champ d�extension des �conomies lib�rales, nord am�ricaines bien s�r. Nous voil� � devoir envisager une trilogie�: Ordre-S�curit�-Pouvoir. Voil� pour une longue m�ditation.

Nous voyons qu�en France d�j� le combat contre le chaos est engag� et contre les soldats du d�sordre, les prostitu�es, les ��coureurs de rue��, les �trangers� Aux USA, c�est d�j� fait, en moins subtil.

Relisons l�Histoire, relisons les mythes et l�gende et nous avons quelque chance d�apprendre ce qui nous attend.

Si au XIIe si�cle, le Comte Baudouin � un c�l�bre faux proph�te � avait eu un publiciste comme propagandiste, il n�eut pas �t� pendu�!

La France, disions-nous est porteuse d�exemples, ceux des id�aux de la R�volution et de la Convention des droits de l�Homme. Dans cette p�riode qui s�ouvre, gageons que les dirigeants fran�ais seront observ�s avec attention par leurs partenaires europ�ens. Et si cet artifice aveugle qui consiste � boucler les jeunes d�linquants pour recouvrer l�Ordre public diffuse ses nuages d�illusions, alors les valeurs de la D�mocratie seront menac�es et pour longtemps. Nous nous engagerons alors dans un tunnel de passions et de d�cha�nements s�ditieux qui seront les r�ponses des uns � jeunes, exclus du champs social, mais aussi tous ceux qui sont porteurs de cr�ation � � l�arrogance des autres.

Illel Kieser Ibn �l Baz

Plan du site � Vers le haut de page � Informations l�gales
Envoyez vos commentaires et vos questions au r�gisseur du site. Copyright � � 1997 Lierre & Coudrier �diteur