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Évolution des idées sur le Rêve-Éveillé de Robert Desoille

par Jacques Launay

lundi 27 juin 2016, par Webmaître

Le rêve-éveillé en psychothérapie a été initié en 1925 par Robert Desoille (1890-1966) et a connu depuis des évolutions tant au niveau des recherches de son auteur que de celles de ses successeurs. Ces évolutions se traduisent dans les dénominations successives de la méthode et de l’Association groupant ses praticiens :

Ces évolutions se traduisent dans les dénominations successives de la méthode et de l’Association groupant ses praticiens :

  • initialement : exploration de l’affectivité subconsciente par le rêve-éveillé ;
  • 1945 : psychothérapie par le rêve-éveillé dirigé ;
  • 1960 : création d’un " Groupe de recherche sur le rêve-éveillé dirigé " dans le cadre de la " Société de Recherches Psychothérapiques de Langue Française " sous la présidence du Pr Paul Sivadon, les vice-présidents étant Robert Desoille et Juliette Favez-Boutonier ;
  • 1968 : création du GIREDD (Groupe International du Rêve-Éveillé Dirigé de Desoille), après la mort du fondateur ;
  • 1982 : transformation en GIRED, avec disparition de la caractéristique " Dirigé " et maintien de la référence à Desoille ;
  • 1987 : transformation en GIREP (Groupe International du Rêve-Éveillé en Psychanalyse), marquant l’inscription de la méthode dans le champ psychanalytique.

  • On ne peut comprendre la spécificité du " Rêve-Éveillé en Psychanalyse " d’aujourd’hui sans envisager l’évolution de Desoille lui-même qui n’a cessé de se comporter en véritable chercheur de 1925 à sa disparition en 1966. Mais au préalable faut-il préciser que le rêve-éveillé n’a pas été inventé par Desoille bien que depuis 1938, année de publication de son premier ouvrage, son nom y soit immédiatement associé et même encore aujourd’hui.

    En soi, le rêve éveillé est une manifestation de l’onirisme humain à l’état de
    veille connu depuis longtemps. Desoille en avait découvert l’existence après
    avoir lu les expériences de Flournoy avec son médium Hélène Smith dans son
    ouvrage Des Indes à la planète Mars (1899).
    On connaît aussi les expériences de Janet provoquant des cauchemars hystériques sous hypnose, la " technique d’imagerie solitaire " de Léon Daudet, qui publie en 1925 : Le rêve éveillé.
    On peut citer aussi un auteur allemand, Karl Happich qui publie en 1922 une " méthode de surgissement d’images " dans une optique méditative et Carl Gustav Jung qui utilise " l’imagination active ".

    Desoille s’est intéressé depuis son adolescence aux manifestations de
    transmission de pensées, comme il le relate dans son ouvrage de 1938. Avant la guerre de 14-18, il entreprend des études de psychologie à la Sorbonne qu’il
    doit abandonner étant mobilisé. En 1923, il est attiré par un opuscule intitulé
     : Méthode de développement des fonctions supra-normales d’un certain
    Eugène Caslant, qui y relatait des expériences de montées et de descentes dans l’imaginaire à des fins plus ou moins ésotériques (comme c’était bien la mode à l’époque). Desoille le rencontre et expérimente avec lui durant deux années.

    C’est alors qu’il perçoit tout l’intérêt de cet onirisme à l’état de veille pour
    l’investigation psychologique et pour la résolution des conflits intra-psychiques par la mise en mouvement de l’imaginaire et la recherche de " la sublimation des instincts ", se dégageant totalement des projets occultistes de Caslant.
    Il publie les résultats de sa recherche dans son premier ouvrage de 1938
    Exploration de l’affectivité subconsciente par la méthode du rêve éveillé
    ,
    avec pour sous-titre Sublimation et acquisitions psychologiques. Si, par la
    suite, il évoluera dans l’interprétation théorique qu’il donnait à sa méthode,
    il restera toujours attaché à deux éléments qui lui apparaissaient essentiels :

  • la création de mouvements dans l’espace imaginaire,
  • la recherche de sublimation pour l’évolution des conflits.

  • On peut dire que Desoille a eu l’intuition tout à fait originale d’une
    utilisation de l’imaginaire mis en mouvement qui se différencie des autres modes d’accès à l’inconscient, même s’il n’adhérait pas, comme nous le verrons, à la notion stricte d’inconscient freudien.

    INCONSCIENT, voila bien un des problèmes de polémique à propos de Desoille, à qui l’on reproche de s’être trop préoccupé des " images " et pas assez de l’inconscient, en particulier de ses avatars dans le transfert. Personnellement, je ne partage pas ce point de vue, sauf à vouloir plaquer sur une pratique des théorisations appartenant à une autre.
    On peut citer ce qu’il écrivait en prologue à son dernier ouvrage publié de son
    vivant : Théorie et pratique du rêve éveillé dirigé, (1961) : " Le rêve
    éveillé, état intermédiaire et nuancé entre l’état de veille et l’état de
    sommeil, entre le " physiologique " et le " psychique " est, par essence, le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé, depuis sa naissance, ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses expériences, lesquels demeurent, en tout état de cause et face au monde extérieur, les facteurs déterminants de son comportement ". Reflet, réservoir inépuisable, angoisses, désirs, depuis la naissance, voila bien des expressions qui nous renvoient à la notion d’inconscient (qui, il faut le préciser, n’est pas une invention de Freud comme le montre bien l’ouvrage de Lancelot Whyte : L’inconscient avant Freud, 1960). Par contre, l’apport génial de Freud a été de proposer des hypothèses de fonctionnement de l’inconscient en lien avec une pratique bien précise, qui n’était pas celle de Desoille.

    À propos des rapports du rêve-éveillé et de l’inconscient, on peut également
    citer Jacques Chazaud, psychanalyste, qui écrivait dans une analyse du dernier
    ouvrage posthume de Desoille : Entretiens sur le Rêve Éveillé dirigé en
    psychothérapie
    , (1973) : " Tout lecteur de bonne foi... reconnaîtra que le
    rêve-éveillé de Desoille est la seule trouvaille qui compte depuis Freud ". En effet, si, à la fin du chapitre VII de la Traumdetung, il y a une esquisse de
    rêve-éveillé, cette voie n’a été ni explorée, ni approfondie par Freud. Celui-ci
    note seulement dans : Le mot d’esprit dans ses rapports à l’inconscient,
    (1905), l’importance de la régression dans le passage aux images visuelles et
    dans : Le moi et le ça, (1923), le fait que la pensée en images est plus
    proche des formations inconscientes que le langage verbal.

     

    LES RAPPORTS DU RÊVE-ÉVEILLÉ ET DE LA PSYCHANALYSE


    Ils ont été particulièrement étudiés dans un article très fouillé et documenté
    de Jacques Natanson intitulé : Le Rêve-Éveillé, la psychanalyse et l’évolution
    culturelle en France, (in Études Psychothérapiques, 1985, n°61). Il cite le
    livre de Denise Saada : L’héritage de Freud, (1966) dans lequel celle-ci
    classe sans hésitation le rêve éveillé dirigé de Desoille comme faisant partie
    de cet héritage, même s’il s’en écarte sur le plan pratique. Elle le range parmi
    les tentatives de simplification de la technique psychanalytique, trop longue et
    complexe dans un certain nombre de cas, au même titre que la " méthode active " de Stekel et les " psychothérapies brèves " d’Alexander. Mais selon elle : " La méthode du Rêve-Éveillé repose sur les mêmes bases théoriques que la psychanalyse ".

    Jacques Natanson rappelle ensuite les liens qui unissaient Robert Desoille et
    Juliette Favez-Boutonier, qui consacre le chapitre VI de son ouvrage :
    L’angoisse
    , (1945), à la " guérison de l’angoisse " par la méthode du rêve-éveillé. Elle explique pourquoi le R.E. qui parle le langage de
    l’inconscient a des effets thérapeutiques même sans interprétation : " C’est parce que l’angoisse est 1iée à des images qui se cristallisent en symboles, et l’affleurement de ces images dans le rêve-éveillé réalise déjà un certain défoulement ". Par ailleurs : " Il n’y a pas d’analyse sans synthèse et le rêve-éveillé de Desoille souligne le côté synthétique de la thérapeutique. "

    Des liens existent également entre Desoille et Françoise Dolto, Lagache, Nacht,
    mais aussi avec Gaston Bachelard, qui n’était pas particulièrement favorable à
    la psychanalyse freudienne. On peut comprendre ainsi que : "le Rêve-Éveillé, dans les années 1945-1965, se situait dans le courant de recherches d’orientation à la fois psychanalytiques et phénoménologiques qui se faisait jour en France à cette époque ". Jacques Natanson ajoute : " Même s’il se démarque de la psychanalyse - ce qu’il fit notamment dans son ouvrage de 1950 : Psychanalyse et rêve-éveillé dirigé - Desoille se situe par rapport à elle, il en tient compte, il la suppose, même s’il essaie de faire autre chose. " Comme le notent, en 1967, J. Deniau, P. Garnier et J. Levine : " … l’adoption des grands points de vue freudiens n’entraînent pas nécessairement celle de la pratique freudienne ". Et de rappeler qu’à cette époque, les scissions et les affrontements au sein du courant freudien portent autant sur la pratique que sur la théorie.

    " C’est donc le mouvement psychanalytique dans son ensemble qu’il s’agit de situer dans la culture française " et Jacques Natanson rappelle les différents développements de la psychanalyse en France depuis les pionniers, Mme Sokolnicka, Loewenstein, Marie Bonaparte, René Laforgue, jusqu’à Lacan et leur inscription dans la culture française. Il montre comment durant cette période de 40 ans, : " … la culture de notre pays a été successivement marquée par quatre étapes :

    • - l’humanisme ;
    • - l’ère du soupçon ;
    • - le structuralisme ;
    • - le retour du sujet."

    • Pour en revenir à Desoille, il montre comment il en est venu à s’inspirer d’abord de Jung, puis à s’orienter vers Pavlov et une interprétation physiologique de l’imaginaire. Desoille s’appuie sur une citation de Freud d’après laquelle : " L’édifice théorique de la psychanalyse, que nous avons créé, n’est qu’une superstructure que nous devons asseoir sur sa base organique. Mais cela ne nous est pas encore possible " (in Introduction à la psychanalyse). Desoille pense que c’est possible grâce aux travaux de Pavlov : " Tout se passe donc comme s’il essayait de reprendre à son compte une des orientations possibles de la psychanalyse, celle du Freud anatomo-physiologiste... qui n’aurait jamais renoncé à mettre ses espoirs dans une chimie du cerveau. Tout se passe aussi comme si les sympathies politiques de Desoille, sur la fin de sa vie, l’avaient orienté dans cette direction ".

      A propos de l’évolution générale des psychothérapies par rapport à la psychanalyse, Jacques Natanson montre comment, dans la période 1970-1980, les divers courants, allant de la psychothérapie rogérienne au psychodrame en passant par la psychothérapie institutionnelle, se posent la question de savoir : " … si elles peuvent se maintenir en dehors d’une prise en compte de l’essentiel de la démarche analytique, à savoir la verbalisation, l’interprétation et le transfert ". Il lui semble que le rêve-éveillé, dans ce contexte, a subi une évolution analogue.

      Dans un autre article Robert Desoille et la psychanalyse paru dans le numéro du Centenaire, J. Natanson ajoute : " Desoille, tout en rendant souvent hommage à Freud et aux acquis de la psychanalyse, ne comprend pas bien ces acquis et ses critiques résultent pour une part de cette incompréhension ". " On peut penser que Desoille, à s’appuyer sur un biologisme inspiré de Pavlov, a manqué la possibilité d’un retour à Freud axé sur l’importance donnée au langage ".
      Gilbert Maurey, en 1973, avait montré, de son côté, toute l’ambiguïté qu’il peut y avoir à considérer le rêve-éveillé comme rattaché à tel ou tel système pré-explicatif : "Pour en revenir à Desoille, celui-ci n’a peut-être jamais retenu l’idée qu’il pourrait être ni jungien, ni pavlovien, mais tout simplement lui-même".

      G. Maurey, dans son ouvrage : Les cousins du rêve, (1992), a montré comment un élève de Desoille, Marc GUILLEREY (1895-1954) a pris d’emblée une orientation analytique dont il avait préalablement une expérience personnelle. Il utilise le rêve-éveillé comme une " technique d’associations libres sur le plan des images ", considérant que sa méthode passe également par la " prise de sens ", par la mise en mots des images - ce qui existe bien aussi chez Desoille ! Le transfert n’est pas considéré comme ayant un rôle aussi important qu’en psychanalyse, l’image ayant aussi une fonction sur ce plan à travers des " projections diverses " - chez Desoille aussi, me semble-t-il. Pour Maurey, Guillerey serait le véritable précurseur du rêve-éveillé en analyse. On connaît sa méthode et sa théorisation par son élève Gabrielle Charbonnier, qui a publié un article en 1966 dans la revue L’Évolution Psychiatrique et un ouvrage : Le maniement psychanalytique de l’image (ESF 1970).

     

    L’ÉVOLUTION THÉORIQUE DE DESOILLE


    Elle se suit aisément dans ses différents ouvrages publiés de son vivant :
     

    • 1938 : Exploration de l’affectivité subconsciente. Sublimation et acquisitions psychologiques, (J.L.L.d’Artrey)
    • 1945 : Le rêve-éveillé en psychothérapie. Essai sur la fonction de régulation de l’inconscient collectif, (PUF.) dans lequel apparaît le terme de "rêve éveillé dirigé" sur le conseil de G. Bachelard pour le démarquer d’autres utilisations non thérapeutiques.
    • 1950 : Psychanalyse et rêve-éveillé dirigé, Imprimerie Comte-Jacquet, prenant pour guide la critique de Politzer et où pointe déjà une vision pavlovienne de la névrose : "La cure des névroses par le rêve-éveillé dirigé implique donc, non seulement une réflexion du sujet sur son passé affectif, mais aussi un entraînement à acquérir de nouveaux automatismes adaptés aux conditions de la vie réelle".
    • 1955 : Introduction à une psychothérapie rationnelle, (L’Arche édit.), dans lequel s’affirme son orientation pavlovienne en lien avec la revue La Raison et les Cahiers de Médecine Soviétique, à conotation idéologique sous des apparences scientifiques.
    • 1961 : Théorie et pratique du rêve-éveillé dirigé, Éditions du Mont-Blanc, dans lequel il tente une synthèse entre les processus inconscients et la théorie pavlovienne du " double niveau de signalisation ".


    En ce qui concerne la verbalisation, l’interprétation et le transfert chez
    Desoille, ils sont nettement envisagés dans le dernier ouvrage de 1961 "Théorie et pratique du rêve éveillé dirigé" mais d’une façon toute personnelle :

    - verbalisation du scénario imaginaire qui est de moins en moins "dirigé" le thérapeute se limitant à de "simples stimuli de l’imagination" et rédaction du scénario vécu par le patient pour servir à l’interprétation seconde ;

    - interprétation des symboles du R.E. dans une optique essentiellement jungienne ;

    - transfert faisant l’objet d’un long chapitre avec discussion de l’intervention
    de Lagache à la XVIe conférence des psychanalystes de Langue française de 1951. Après l’évocation d’exemples cliniques, il concluait : "Nous retiendrons que dans la plus grande partie des cas (98%) la "situation de transfert" est vécue symboliquement dans le rêve-éveillé. Elle est également résolue symboliquement en invitant le sujet à modifier son attitude dans la situation symbolique du rêve éveillé et en l’amenant progressivement à prendre, en face de cette situation, l’attitude bien adaptée d’un adulte maître de soi".

    Voila bien une conception radicalement différente de l’attitude psychanalytique
    mais le problème n’est pas éludé. Le ressort de la cure reste à la fois dans une
    interprétation surtout jungienne, dans le domaine de l’abréaction et de la
    transformation des stéréotypes dynamiques.

    On aimerait, à ce propos citer D. Widlöcher qui écrivait en 1971 dans un article
    intitulé "Réflexions d’un psychanalyste sur le rêve-éveillé dirigé" (Etudes Psychothérapiques n°4-5) : "La pratique qui nous est proposée se définirait comme proche de l’analyse par l’étendue de l’insight recherchée, assez différente sur le plan de la relation (en raison d’une tâche),
    naturellement différente si l’on considère la tâche elle-même, quant aux degrés
    de directivité il ne serait pas sensiblement différent".

     

    COMMENT L’HISTORIQUE INSTITUTIONNEL EST PONCTUÉ PAR LES ÉVOLUTIONS THÉORIQUES


    Étudions maintenant comment les évolutions institutionnelles s’articulent avec
    les évolutions théoriques et les rapports du rêve-éveillé avec la psychanalyse.
    Création en 1968 du GIREDD, dans le but d’approfondir les ressorts cliniques
    dans le domaine des thérapies d’adultes, d’adolescents et d’enfants. Période qui ira jusqu’en 1982, et qui sera marquée par :

    • en 1970, le début de la revue Études Psychothérapiques, organe officiel du Groupe où sont publiés de nombreux travaux portant exclusivement sur le rêve-éveillé dirigé ;
    • en 1971 et 1973, la publication de deux ouvrages posthumes de Desoille à partir de manuscrits confiés à Nicole Fabre et mis en forme par elle :
      - Marie-Clotilde, une psychothérapie par le rêve-éveillé dirigé. Un cas de névrose obsessionnelle, relations de séances et commentaires, Payot, 1971.
      - Entretiens sur le rêve éveillé dirigé en psychothérapie, Payot, 1973.
    • la publication de SEPT OUVRAGES par des membres du GIREDD et qui marquent chacun des évolutions théoriques importantes :
      • 1970 : Le rêve-éveillé dirigé, une méthode de psychothérapie analytique, ESF, par Myriam Fusini-Doddoli, élève italienne de Desoille (Venise). Sans rien changer à la pratique desoillienne, elle étudie les rapports entre R.E.D. et psychanalyse à travers la fonction du fantasme, les relations entre le réel et l’imaginaire, le traitement du transfert qui, selon elle, se pose dans les mêmes termes qu’en psychanalyse, seul "capable de permettre la remémoration des problématiques inconscientes".

         
      • 1973 : Le triangle brisé. Trois psychothérapies d’enfants par le rêve-éveillé dirigé, Payot, par Nicole Fabre. Titre bien évocateur de la prise en compte de la triangulation œdipienne. Outre les modalités techniques propres à l’enfant, elle insiste sur le langage symbolique partagé, le R.E.D. réalisant une plongée au cœur du système de désir et la mise en mouvement d’une dynamique de la fonction signifiante. Elle envisage aussi la dynamique de la relation à travers "équivalence et interdépendance", "liberté et directivité", "acceptation du travesti et élucidation" dans des cures où n’intervient pas une interprétation du matériel symbolique.

         
      • 1975 : Le rêve-éveillé-dirigé et l’inconscient, Dessart & Mardaga, par Jacques Launay, Jacques Levine et Gilbert Maurey. Livre à trois voix :
        - J. Launay traitant de la genèse et de la méthodologie, avec étude de la place de l’angoisse dans la cure et des rapports entre discours R.E.D. et fantasme ;
        - J. Levine traitant de la façon dont le scénario R.E.D. et son analyse sont en prise sur l’inconscient, et des modalités de "métabolisation" des problématiques ;
        - G. Maurey développant essentiellement la spécificité de la relation.

        J. Levine montrait comment, par cette utilisation de l’imaginaire et son analyse, il existe des "modifications intra-systémiques du Moi" à travers les différents personnages qui viennent se mettre en scène sur le mode onirique et essaient de nouveaux modes résolutoires par rapport à ce qu’il appelle "les vécus de rupture".

        G. MAUREY envisageait l’impact du R.E.D. sur la relation, le thérapeute pouvant être désigné comme "un repère". Le R.E.D. constitue un "3e pôle relationnel" du fait qu’il est "le pivot de la cure". Le projet relationnel du thérapeute est défini comme "d’équivalence" renvoyant à son statut de "repère". Il agit en amont et en aval du R.E.D., ce qui situe les problèmes relationnels de façon bien différentes par rapport aux thérapies à relation duelle non médiatisées. La notion "d’équivalence" renvoie à celle "d’égale valeur" sans être pour autant "synonyme d’égalité ou d’identité".

        En ce qui concerne les rapports du R.E.D. et du fantasme, J. LAUNAY émettait l’hypothèse que "la dimension temporo-spatiale" du R.E.D. représentait "l’espace du possible" et pas uniquement "l’espace du désir". Le R.E.D. puise au même réservoir que le fantasme, c’est-à-dire l’inconscient, mais par la réactualisation d’une pensée qui a été fantasmatique. Le discours R.E.D. irait au-delà du fantasme pour restituer une problématique inconsciente dans un "langage archaïque".

        On peut dire que cet ouvrage a marqué un tournant important dans l’évolution de la théorie concernant le R.E.D., introduisant dans sa compréhension la notion d’inconscient freudien qui, il faut bien le dire, était récusé par Desoille, tout en lui gardant sa spécificité en tant que mode d’accès aux problématiques et mode relationnel original.
        C’est à cette époque qu’il est décidé d’écrire Rêve-Éveillé-Dirigé, avec des tirets, pour signifier qu’il s’agit d’un tout dont chaque élément est indissociable des deux autres.

         
      • 1978 : Écouter le rêve. Le rêve-éveillé-dirigé analytique. Ecoute et repères de l’inconscient.
        Poésie et mythe en psychanalyse.

        R. Laffont, par Roger Dufour.
        Livre extrêmement riche et dense dans lequel l’auteur veut rester fidèle à Desoille (dont il a été l’élève, comme tous les auteurs de cette génération) et donner à la cure R.E.D. le statut de véritable méthode analytique.
        Il insiste sur " l’intensité émotionnelle " et l’importance du matériel affectif et symbolique : " Le R.E.D. est un langage culturel occulté par ce qu’il est dans un rapport privilégié et dangereux avec l’inconscient. Il possède, comme le rêve nocturne, la capacité de révéler les fantasmes inconscients, d’en fournir la grammaire et, à travers cette grammaire, de découvrir comment le sujet écrit sa vie et se constitue ".
        Il introduit la notion de " rêve-éveillé de situation " au cours duquel " le sujet est invité à ressentir l’éprouvé, le laisser se montrer (images), le laisser se dire (accéder à la parole), le voir et l’entendre effectivement pour l’intégrer, l’assumer et l’analyser éventuellement."

        Il ne s’agit pas, d’une façon générale, de rechercher " le-sens-caché-derrière " le manifeste, mais " le sens-latent-dedans " qui était non vu et non entendu. Il prend le terme d’anabase pour qualifier ce mouvement d’avancée vers l’intérieur - ce mot possédant en grec le double-sens de marcher vers l’intérieur et de faire aller vers l’extérieur, avec une coloration d’aventure.
        Dans une optique en partie lacanienne, il insiste sur la fonction spéculaire du R.E.D. qui, selon lui, constitue l’instrument opératoire de l’analyse R.E.D., le patient travaillant sur le rapport de la parole, du corps et de l’imaginaire (P.C.I.), rapport constitutif de la dynamique psychique.

        Enfin, une analyse des rapports entre le langage R.E.D. et la légende, l’épopée, la fiction, lui fait considérer une " poétique du R.E.D. " définie comme " action de faire ", dynamique structurante dans une " démarche d’effraction progressive du sens ". Notion de " poétique " qui sera reprise ultérieurement par Nicole Fabre.
        Roger Dufour insiste sur " l’écoute affectivo-structurale " centrée sur les processus de structuration interne à la parole qui " intégre dialectiquement les différents niveaux du sujet ".

         
      • 1979 : Avant l’Œdipe. Rêve-éveillé-dirigé et fantasmes archaïques.
        Masson, par Nicole Fabre. À partir de la cure d’un patient, Bertrand, elle montre comment le R.E.D. fait apparaître des fantasmes archaïques témoins de phases très régressives. Elle s’appuie sur les travaux de l’Ecole Anglaise (Winnicott, Masud Khan, Balint, Marion Milner) tout en élaborant une théorie originale découlant de l’écoute et de l’observation clinique spécifiques aux cures R.E.D.
        Pour elle : " Le vécu archaïque se situe aux confins de l’image et des sensations corporelles ". De cet inconscient dont les mots ne parviennent à rendre compte que de façon vague et imprécise, elle dégage des processus opératoires : univers de fusion et de défusion, d’amour et de haine, d’explosion et de bien-être, d’angoisse et/ou de bonheur indicible. Univers où le Moi et le non-Moi, l’extérieur et l’intérieur se confondent. Monde d’avant la différenciation des sexes où le sujet peut être masculin ou féminin, voire sans sexe aucun. "

        " Quels que soient les avatars qui se succèdent, le sentiment de culpabilité en paraît toujours absent, comme si celui-ci ne pouvait survenir que dans un conflit qui mette en jeu la rivalité, c’est à dire une dimension œdipienne. Dans ces processus, il s’agit davantage de l’élaboration de l’angoisse existentielle, de la définition de l’identité et de l’intégrité corporelle à dégager des impressions sensorielles."
        " Le rôle du thérapeute est longuement précisé, à la fois analyste bonne-mère qui accompagne le sujet au cours du rêve-éveillé et le soutient dans ses efforts, mais aussi analyste mauvaise-mère jetant au monde, arrachant de son univers chaleureux le patient-fœtus ; enfin analyste réel, distinct du thérapeute fantasmé en rêve-éveillé et garant de la réalité et de la situation analytique".

        " Se trouve ainsi posée la double exigence de la cure R.E.D. : favoriser la régression et les vécus fusionnels d’une part, et de l’autre maintenir l’altérité prometteuse de défusion. De là l’importance de la voix de l’analyste qui au cours du rêve-éveillé maintient la présence du réel ". (extraits de l’analyse de l’ouvrage par Nicole Dufour-Gompers in Études Psychothérapiques, n°38, déc. 1979, Privat.)

         
      • 1981 : Le temps de la névrose, le temps du R.E.D. par Jean Nadal. Il s’agit d’un article paru dans les Études Psychothérapiques, n°45, sept.1981, Privat, où se poursuit une réflexion, déjà élaborée en 1974, concernant l’articulation interne des images signififiantes et le rôle imparti au déplacement dans la diachronie et la synchronie de la cure.
        " Un éclairage sur la diachronie de la cure permet de repérer un certain nombre de " temps forts " synchroniques qui structurent le langage imaginaire dans l’analyse R.E.D. ". Il montre comment la cure est d’abord parcourue par des "signifiants-clignotants" orientant vers des hypothèses qui ne prennent leur poids qu’explicités par des "signifiants-carrefours". Puis viennent des "signifiants-révélateurs " qui, par récurrence, permettent de comprendre l’apport des signifiants précédents. Il s’agit d’organisateurs symboliques qui appellent l’attention de l’analysant et de l’analyste quant à la reprise du sens perdu, les jeux des registres (vécu subjectif, mythe, fantasme, rêve nocturne, souvenir écran), la levée du refoulement, la place de l’interprétation ".

        Les "transformations-métamorphoses" qui surviennent dans le cours même du rêve-éveillé lui assignent une fonction de décondensation qui, en quelque sorte, " dévide le symbole ". " Ce travail au niveau des significations laisse apparaître un rôle déterminant de la pensée, peu traité dans la littérature analytique et qui semble particulièrement agissant en R.E.D. ".

        DURANT CETTE PÉRIODE 1968-1982, NOMBREUX TRAVAUX SUR LES THÉRAPIES D’ENFANTS, avec de nombreux articles de Nicole Fabre, Jacques Levine, Jean Nadal, Marie-Aimée Guilhot, dans la revue Études Psychothérapiques.

         
      • 1982 : L’enfant et le rêve-éveillé. Une approche psychothérapique de l’enfant.
        ESF, par Nicole Fabre. Y sont envisagés les problèmes méthodologiques particuliers aux cures d’enfants et, à travers la cure de Nadine, comment s’effectue le passage du dessin à une expression authentiquement rêve-éveillé. Sont aussi développées les procédures particulières de l’interprétation avec les enfants : "Le rôle premier du rêve-éveillé, avant toute interprétation, et sans interprétation, est donc de rendre possible et non coupable l’expression devant un tiers des désirs interdits".
        On retrouve ici ses préoccupations déjà exprimées dans un article de 1971 : " Cures par le R.E.D. sans interprétation " in Études Psychothérapiques, n°3, dans lequel Nicole Fabre mettait l’accent sur la symbolique du R.E.D. comme langage de connivence, langage de libération et action thérapeutique.
        Problématique qu’elle reprendra plus tard dans sa partie de : Le Rêve-Éveillé analytique, publié en 1985.


    Ainsi durant cette période de 1968 à 1982 toute une recherche s’élabore pour une meilleure compréhension des ressorts spécifiques de la cure, en rêve-éveillé, de moins en moins Dirigé ", en particuliers en ce qui concerne les propositions de mouvements ascensionnels et de descente. Le rêve-éveillé est de plus en plus spontané, ce que J. Launay résumait dans son article de 1983 (in La serrure et le songe sous la direction de Y.Pélicier, Œconomia : "Les discrètes interventions de l’analyste, en début de cure, permettent de préciser une règle fondamentale : laisser venir les images le plus spontanément possible, se créer un espace imaginaire par l’implication d’un mouvement et de déplacements, dire à l’analyste les scènes qui se déroulent au fur et à mesure, exprimer les affects liés au déroulement des situations".

    Par ailleurs, les concepts freudiens et post-freudiens sont pris en compte dans
    la recherche qui se veut spécifique au rêve-éveillé en temps que mobilisateur de l’imaginaire. La problématique relationnelle est également approfondie, tout en évitant de la calquer sur le modèle de la relation psychanalytique non
    médiatisée par ce que Widlöcher a appelé "une tâche".

     

    DANS CE CLIMAT DE RECHERCHE ET D’APPROFONDISSEMENT SURVIENT, EN 1982, UNE SCISSION ET LA TRANSFORMATION DU GIREDD en GIRED.


    Scission dont les causes, comme dans toutes les scissions connues étaient autant relationnelles que théoriques, sinon plus : pour ne nous en tenir qu’à
    celles-ci, des affrontements existaient sur la place du rêve-éveillé dans la
    cure, la place et le rôle du transfert et la formation des jeunes analystes.
    Trois courants différents s’opposaient :

    • ceux qui prônaient une intégration totale du rêve-éveillé dans le cadre d’une psychanalyse, le RE n’étant qu’un mode d’accès à l’inconscient parmi les autres ;
    • ceux qui penchaient pour une spécificité du rêve-éveillé, certes éclairée par les apports freudiens et post-freudiens, mais avec la prise en compte d’une relation de transfert originale ;
    • ceux qui considéraient le rêve-éveillé dans une optique créatrice et novatrice, restant fidèles à la notion desoillienne de transfert exprimé et résolu dans et par le RE lui-même.

    Les conséquences de cette " crise " furent :
     

    • le changement de dénomination du Groupe, par la suppression du "D " de " Dirigé ", tout en gardant un attachement à la production et à la dynamique propre du RE en tant que mise en mouvement de l’imaginaire dans le cadre d’une relation ;
    • de chercher à approfondir cette relation en référence au transfert et au contre-transfert. Ainsi, parlera-t-on de plus en plus de " Rêve-Éveillé analytique ".


     

    ÉVOLUTION VERS LE GIREP (RÊVE-ÉVEILLÉ EN PSYCHANALYSE)


    Si l’on consulte les comptes-rendus des colloques de 1982 à 1987 dans les
    Cahiers de l’Institut du RE, on constate un travail important sur les rapports
    du RE et de la psychanalyse, avec pour thèmes :

    • - Rêve-Éveillé, onirisme et imaginaire,
    • - Lien entre image, affect et verbe,
    • - La question des thèmes dans l’espace R.E.,
    • - L’interprétation, la directivité,
    • - Le changement en cure RE,
    • - Le transfert et le contre-transfert donnent lieu à plusieurs colloques, avec en juin 1985 un rapport de J.Launay : Historique et évolution de la notion de transfert en Rêve-Éveillé de 1938 à 1985, (Cahiers de l’Institut du RE, n°2, de mars 1987).

      Cette recherche se concrétise par un certain nombre d’ouvrages nouveaux.
      1985 : Le rêve-éveillé analytique, de Nicole Fabre et Gilbert Maurey, Privat. Ouvrage à deux voix :
      - Maurey traitant : "imaginaire, onirisme, inconscient",
      - Nicole Fabre traitant : "les voies et les fins d’une analyse Rêve-Éveillé".
      Démarche complémentaire mais assez divergente, si bien que les auteurs ne renouvelleront pas l’expérience qui, à seconde vue, apparaissait assez acrobatique. Divergences clairement exposées dès l’avant-propos :
      - Gilbert Maurey se situant dans un cheminement rhétorique serré dans lequel les concepts lacaniens sont évidents et avec une récusation de la notion de régression ;
      - Nicole Fabre articulant circulation de la clinique à la théorie avec références explicites à l’Ecole anglaise avec tout un chapitre consacré à la régression.
      Ils introduisent l’un et l’autre des apports extra-analytiques :
      - pour Gilbert Maurey : références à l’onirisme délirant à partir de l’Amentia de Meynert et apports systémiques ;
      - pour Nicole Fabre : apports philosophiques en référence à Jankelevitch et à Bachelard.
      On peut comparer les points de vue théoriques de l’un et l’autre sous les angles suivants :

     

    RÊVE-ÉVEILLÉ, RÊVE NOCTURNE ET ONIRISME


    Pour Gilbert Maurey, le modèle du rêve nocturne est insuffisant pour la
    compréhension du RE et risque d’entraver celle-ci si l’on veut trop s’y référer.
    Pour lui, à partir de l’Amentia de Meynert et à partir d’une description par
    Henri Ey d’états oniroïdes non confusionnels, le RE serait à rapprocher d’un "
    onirisme délirant sans confusion ".
    Pour Nicole Fabre, les analogies entre RE et rêve nocturne se retrouvent au
    niveau de la "construction d’un espace imaginaire". Elle rappelle que pour Freud
     : "… c’est bien plus par son fond affectif que par son contenu représentatif que
    le rêve s’impose comme expérience psychologique ". Pour elle, les traits
    essentiels des RE sont les mêmes que ceux des RN.


     

    RÊVE-ÉVEILLÉ ET IMAGINAIRE

    C’est le cœur du problème des rapports du RE avec l’inconscient. Pour Nicole
    Fabre, l’imaginaire RE peu être rapproché de l’espace potentiel tel que l’entend
    Winnicott, espace potentiel recréé et retrouvé, aire de jeu de la cure. Il y a
    dans le RE une "dramatisation" au sens de Masud Khan. Le RE en séance est
    créateur de l’espace analytique tel que le pense Vidermann.
    Pour Gilbert Maurey, les rapports du RE et du fantasme sont considérés dans une
    optique lacanienne, en lien avec la triade R.S.I. À travers l’imaginaire RE,
    c’est " un sujet qui parle " et de ce fait le RE est inscrit dans un autre ordre
    que l’imaginaire. Il fait sienne l’affirmation de Lacan sur " l’élucidation
    parlée " qui est le " ressort du progrès ". " C’est ici que l’analyse se joue -
    à la frontière du symbolique et de l’imaginaire ".

     

    PLACE ET TRAITEMENT DU TRANSFERT


    Gilbert Maurey examine " le mode de jeu transférentiel dans les rêves-éveillés
    et la manière selon laquelle s’exerce alors des effets à potentiel de changement
    ". Pour lui, ce jeu se déroule sur deux plans, l’un implicite, l’autre explicite
     :

    - " Le plan de l’implicite a trait au mode selon lequel dans le déroulement même
    des rêves-éveillés les éléments représentatifs du transfert subissent des
    modifications, trouvent des prolongements, des ramifications, des éclairages du
    fait d’une double poussée " : 1’une " naît de l’interaction entre les images,
    les pensées et le discours, interaction au sein de laquelle, le patient parcourt
    à son insu l’ensemble de son réseau signifiant par le vu, le senti, le dit avant
    même toute interprétation" ; l’autre résulte de l’interaction " qui s’exerce sur
    les éléments représentatifs du transfert comme la précédente. Celle-là est de
    nature relationnelle, à savoir que le rêve-éveillé est adressé à l’analyste, ou
    plus exactement que le patient éprouve qu’il est entendu d’une certaine place,
    celle de l’analyste dans la relation de transfert ". " Un mouvement complexe
    prend ainsi naissance et se développe ".

    - Le plan explicite est sans doute moins original, ce qui ne signifie évidemment
    pas qu’il soit superflu ou de qualité inférieure ".

    La place de l’analyste et son rôle dans le transfert sont envisagés dans une
    optique lacanienne, Gilbert Maurey y introduit une notion de " métacommunication
    " dont l’un des supports est " le rêve-éveillé, production inscrite dans la
    relation patient-analyste, dans une communication à l’intérieur de ce système,
    mais dont on ne peut vraiment parler que d’un ailleurs ".
    Nicole Fabre traite des problèmes transférentiels d’une façon plus diversifiée
    et plus clinique à propos de l’espace potentiel, de la régression, des
    résistances, de l’après-coup, de l’amour de transfert. Tout d’abord, le R.E. ne
    peut être proposé tant que la relation initiale n’est pas " suffisamment bonne "
    au sens winnicottien, décrit dans le cadre des structures archaïques de la
    relation à la mère. C’est l’illusion d’une mère suffisamment bonne qui est
    réveillée.

    Elle étudie les caractéristiques de "la présence-absence" de l’analyste en RE :
    " Cet espace-temps spécifique, intérieur à l’espace-temps de la séance à
    certains moments de la cure, apparaît donc massivement comme rappel de
    l’intimité archaïque, illusion fusionnelle aujourd’hui revécue, et cela du fait
    de la présence-absence qui est à la fois réalité et fantasme ". Mais " la
    référence à l’illusion suppose celle de la désillusion et c’est bien la
    dynamique d’une analyse que de passer de l’illusion à la désillusion ".
    Le rêve-éveillé facteur et lieu de " sublimation " du désir, c’est dire que sa "
    transformation " semble permettre de traiter le fameux " amour de transfert ".
    Elle fait ici référence à Octave Mannoni pour qui il y a nécessité, sur le plan
    relationnel, de toujours rester sur le registre imaginaire pour éviter "l’amour
    de transfert". "Quand cet espace de parole, cet espace analytique, se concentre
    de temps à autre en " espace du rêve-éveillé " ... l’analyste est plus
    facilement convaincu du caractère imaginaire de ce qui se passe dans la séance
    et la succession des séances. Le patient aussi peu à peu. En cela réside une des
    particularités du vécu de transfert en R.E.D. ainsi que du traitement du
    transfert ".

     

    DES APPORTS EXTRA-ANALYTIQUES A LA COMPRÉHENSION DU R.E.D.


    Gilbert Maurey, dans son chapitre : "Organisation et désordre en R.E.D.", en
    lien avec les travaux de Bateson, considère que les situations paradoxales, dans
    lesquelles analyste et analysant sont inscrits, produisent un "brassage des
    niveaux logiques" qui serait générateur de mouvement au sein d’un système
    statique ou répétitif. Il y aurait, ainsi, en R E.D. "une création par le
    désordre" qui pourrait s’apparenter à la réorganisation qui s’opère dans la
    pensée du sommeil.
    Pour sa part, Nicole Fabre fait référence à V. Jankélévitch, la proposition
    desoillienne résidant dans la mise en place de "l’alambic de l’alchimie
    espace-temps dans lequel le temps et ses contraintes seront feintes". Elle
    insiste également sur le "psychotropisme de l’image" en lien avec l’expérience
    bachelardienne de l’imaginaire ouvert sur l’avenir. La cure R.E.D. est ainsi
    proposition de créer un espace imaginaire qui devient espace de rêve et espace
    analytique.

    1987 : Analyse, activation et action thérapeutique
    par Marie-Aimée et Jean Guilhot (Edition ESF), ouvrage ayant pour
    sous-titre : " Vers un intégralisme analytique et prospectif " et dans lequel un
    chapitre est consacré au " RÊVE-ÉVEILLÉ ANALYTIQUE ET PROSPECTIF ".
    Pour les auteurs, l’intégralisme correspond à la prise en compte de la totalité
    des composantes de la personne humaine et de son environnement. Il est
    prospectif par son intérêt pour le devenir et est, de ce fait,
    transdisciplinaire et transculturel. L’axe de la conduite de toute cure se situe
    dans les "processus de libération " et de " développement novateur ".

    Le " Rêve-éveillé analytique et prospectif " ne peut se réduire à une simple
    variante de la psychanalyse avec production de loin en loin de " libres
    associations imaginaires ". Il s’agit de mettre en œuvre des" processus
    d’activation " " en phase d’approfondissement et d’élucidation " par la
    technique de focalisation, d’immersion, ou d’intensification " susceptibles de
    favoriser la reviviscence, mais aussi les confrontations et les catharsis à
    visée de liquidation ". Pour eux, le RE est un instrument de changement à
    travers un projet d’expériences réparatrices et novatrices dans une optique
    analytique et transpersonnelle.
    Cette orientation semble prolonger celle de Jean-Claude Benoit qui, dans les
    années 1960, incluait le R.E.D. dans les " Psychothérapies de Créativité " à la
    recherche de "potentiels subconscients d’organisation novatrice de la perception
    et des conduites", incluant le RE dans les "états hypnagogiques induits et
    dirigés", ( Contribution clinique à l’étude des états hypnagogiques induits et
    dirigés, thèse de doctorat en Médecine, l959).

    Jean Guilhot, dans l’ Hommage du centenaire de Robert Desoille,(1990, numéro
    hors-série des Cahiers de l’Institut du RE) reprend les grandes lignes de ce
    qu’il considère comme l’originalité du rêve-éveillé de Desoille, en tant que "
    thérapie multidimensionnelle " privilégiant les aspects dynamiques et
    prospectifs à travers les stratégies d’activation et de transmutation. Il parle
    de "co-pilotage" qui "lance un défi à la non directivité et au principe de libre
    association", patient et thérapeute se dirigeant mutuellement "au cœur d’une
    aventure et d’un vivant dialogue qui transgressent tout modèle ". C’est pourquoi
    il a toujours été opposé à considérer le rêve-éveillé par rapport à la
    psychanalyse dont, pour lui, les procédures et les objectifs sont différents.

     

    1987 - TRANSFORMATION DU GIREDD EN GIREP : GROUPE INTERNATIONAL DU RÊVE-ÉVEILLÉ EN PSYCHANALYSE


    À l’instigation d’un groupe de thérapeutes de Rouen réunis autour de Jean-Claude
    Auriol en mars 1986, un groupe de réflexion est constitué en vue d’envisager une
    modification des statuts du GIREDD marquant nettement l’inscription de la
    pratique du RE dans le champ analytique. C’était en fait la reprise d’une
    question déjà posée en 1981, avant la scission : "Sommes-nous oui ou non
    psychanalystes ?".

    Au cours de ces réunions, si l’utilisation des concepts psychanalytiques
    freudiens et post-freudiens faisait à peu près l’unanimité pour la compréhension
    de la cure RE, il existait de nettes divergences quant à la formulation :

    • certains, autour de Maurey, voulant éliminer toute référence à Desoille estimant que rien dans ses écrits n’était analytique ;
    • certains autour de N.Fabre et de J.Launay, estimant que leur projet analytique de la cure R.E. ne saurait ne pas faire " mention explicite à Desoille, dans sa genèse et son héritage " ;
    • d’autres, enfin, autour de J.Guilhot, souhaitaient garder le sigle GIREDD afin de ne pas s’enfermer dans une conception restrictive et psychanalytique de l’inconscient.

    On trouvera les comptes rendus de tous ces points de vue dans les n° 20 et 21
    des Cahiers de 1’Institut du R.E. (mars 1987, octobre 1987).
    L’Assemblée Générale du 5 avril 1987 aboutissait à un compromis presque unanime,
    après hésitation entre : Psychanalyse Rêve-Éveillé, Rêve-Éveillé analytique et
    Rêve-Éveillé en Psychanalyse. C’est ce dernier qui fut retenu, le " EN "
    marquant le cadre et le projet de la cure, mais ne réduisant pas le RE à un
    simple événement de la cure psychanalytique.
    La référence explicite à Desoille était inscrite dans l’article 2 des nouveaux
    statuts : " Le GIREP s’inscrit dans le mouvement psychanalytique et maintient
    l’originalité de son apport fondé sur l’expérience et la pratique du
    rêve-éveillé qui s’origine dans les travaux de Robert Desoille ". Cet article 2
    est toujours en vigueur.
    L’approfondissement théorique se poursuit et se traduit par la publication de
    nouveaux ouvrages :

    - 1992 : Deux imaginaires pour une cure. Le
    rêve-éveillé en séance. L’analyse et la quête du sens.
    (Bayard
    édit.), par Nicole Fabre. À partir du récit d’une cure, Monique, elle montre
    comment, par l’onirisme éveillé, l’imaginaire entrouvert atteint à la fois les
    images du patient et celles de l’analyste. Elle avait déjà parlé, dans d’autres
    textes, de " co-création ". Pour elle, l’image rêve-éveillé n’est pas un reflet
    mais plutôt un creuset dans lequel se construit une réalité psychique. Chargée
    d’affects, d’émois, de souvenirs, elle est mise en mouvement dans la rencontre
    transférentielle et contre-transférentielle. La "poussée en avant de
    l’imaginaire du patient" va donner au transfert et au contre-transfert une
    tonalité particulière dans cette rencontre de "deux imaginaires".

    La fonction de l’image du " rêver éveillé " met en jeu, dans le contre-transfert
    la " capacité de rêverie de la mère " souvent à l’origine des propositions qui
    structurent cet " espace rêve-éveillé ". En contrepoint à la célèbre formule
    lacanienne faisant de l’analyste un "sujet-supposé-savoir", elle ajouterait
    volontiers, en ce qui concerne le R E, le "sujet-supposé-rêver" montrant par là
    que l’analyste est partie prenante du transfert.
    Elle insiste à nouveau sur l’importance du " mouvement dans l’espace imaginaire,
    lui-même figure de l’aire transitionnelle, de l’espace analytique et de l’espace
    psychique".

    - 1992 : Les cousins du rêve , par Gilbert
    Maurey , avec pour sous-titre : A la découverte de l’onirisme éveillé.
    Produtions des médiums, rêve-éveillé dirigé, délires oniriques. Rêve-éveillé en
    psychanalyse, Bayard. L’auteur considère le rêve-éveillé parmi les
    manifestations de l’onirisme à l’état de veille, au même titre que les
    productions médiumniques, le délire hystérique, en passant par le cauchemar,
    tous modes d’expression en lien avec l’inconscient.

    Pour lui, le rêve-éveillé de Desoille n’a rien d’analytique, son inventeur en
    étant toujours resté, selon lui, à des manipulations d’image dans une négation
    de l’inconscient et uniquement dans une recherche de sublimation, " élément
    crucial de sa méthode ". Cette constante aurait eu pour effet de " […] lui
    cacher une partie du paysage de ses rêves éveillés ".
    Cependant, " […]si une ligne de démarcation passe bien, pour ce qui concerne le
    rêve éveillé, entre son emploi à des fins de sublimation et son application
    psychothérapique, on peut cependant franchir cette ligne sans modifier
    profondément ses références théoriques. Ce fut le cas de Desoille. Il reste
    possible de faire des allers et retours de part et d’autre de cette ligne, alors
    qu’il s’agit d’une mutation quand le rêve-éveillé prend place dans une cure
    analytique où, si grand que soit le poids de l’imaginaire, celui de la parole et
    du transfert est encore plus important ". Et de citer deux élèves de Desoille
    illustrant ces deux orientations : André Virel développant une technique
    d’imagerie mentale dite "onirothérapie d’intégration", et Marc Guillerey créant
    une méthode originale, considérant que le rêve-éveillé passe aussi par la "
    prise de sens ", se constituant ainsi comme le " véritable précurseur du
    rêve-éveillé analytique".

    Maurey rapproche le rêve-éveillé du " délire onirique " dans une optique
    essentiellement lacanienne, envisageant les divers processus de
    désidentification, de projection, de régression et de mise en mots des images,
    qu’on y rencontre. Mais, ajoute-t-il, " Avec le délire et ses analogues, un
    certain domaine de l’onirisme éveillé se ferme, tandis que par l’emploi que
    firent Caslant, puis Desoille de leur méthode, il s’en ouvre un autre, qui se
    poursuivra dans le "rêve-éveillé en analyse ".
    On en vient ainsi aux rapports de " L’onirisme et la parole : le rêve-éveillé en
    analyse ". Il y avait chez Desoille " beaucoup d’œil et peu d’oreille ". "Il
    suffit .... que la parole soit entendue, la prise de sens visée et la relation
    de transfert analysée pour qu’il accède à la dimension que Freud donna au rêve
    par la psychanalyse".

    Le RE est envisagé à l’aune de la triade lacanienne R.S.I. et sa principale
    originalité serait de se situer " à la frontière métaphorique du symbolique et
    de l’imaginaire".
    "Nous nous trouvons de la sorte à un carrefour […] où se rencontrent, sans se
    confondre, car ils sont de niveaux différents, un tissu imaginaire, une
    production onirique et la parole. Quant à l’inconscient, il se situe lui aussi à
    un autre niveau ".
    L’interprétation est pensée sur le modèle de "l’apologue" de Lacan selon
    l’histoire classique des trois prisonniers, avec trois temps :
    " l’instant de regarder, le temps de comprendre, le temps de conclure ", temps
    logiques formant un ensemble et non des étapes temporelles".

    Sont ensuite envisagés les " masques " de la problématique sexuelle dans les
    productions oniriques, en particulier en ce qui concerne la régression et
    l’archaïque dont il faut, selon lui, relativiser le poids.
    "Admettre que la régression ne correspond pas seulement à une problématique à
    résoudre, mais bien aussi un effet de transfert, lui fait perdre un peu de cette
    sorte d’aura magique qu’on lui prête parfois".
    "L’angoisse que la régression vient colmater à tel moment du processus de
    l’analyse, est liée avant tout au danger d’émergence de contenus sexuels, en
    tout cas chez un adulte ".

    L’ouvrage se termine par l’hypothèse que l’onirisme éveillé représenterait un "
    ensemble autonome ", qui se comprendrait par le jeu des identifications et
    désidentifications : " Tout se passe comme si le sujet manipulait à son insu la
    série de ses identifications ", que ce soit dans le délire onirique ou dans le
    rêve-éveillé.
    " C’est un processus vital d’organisation de l’être humain que l’onirisme
    éveillé met en question, dans un jeu complexe de modifications, labiles ou
    persistantes, qui portent sur les formes idéales, les identifications sexuées,
    les relations à l’autre ". On peut imaginer d’appliquer à la reprise de ce
    processus la notion freudienne d’après-coup.

    "Peut-on dire de l’onirisme éveillé qu’il serait un intermédiaire approximatif
    entre le code temporel de l’inconscient et celui que nous expérimentons
    ordinairement ? ". " La quatrième dimension de l’onirisme éveillé, le temps, ne
    serait pas imperméable au temps de l’inconscient : ce serait même une de ses
    caractéristiques ". " Si ces considérations sont fondées, nous devons admettre
    que l’onirisme, sorte d’imaginaire assez remarquable, joue un rôle éminent dans
    notre vie psychique".

    1995 : Le rêve-éveillé en psychanalyse, de l’imaginaire
    à l’inconscient,
    E S F, de Gilbert Maurey reprend, dans ses grandes
    lignes, les développements théoriques du livre précédent. " La place du
    rêve-éveillé analytique se situe à la fois dans la psychanalyse et déjà au-delà.
    Le rêve-éveillé semble un " événement " survenant de façon réitérée dans le
    cours de l’analyse et ne prenant tout son sens que dans le transfert. La
    recherche de sens montre que ce qui est produit " du côté de l’imaginaire " doit
    être entendu " du côté de l’inconscient ".
    " L’œuvre de Freud est ouverte à des voies qu’il indiqua sans parfois avoir été
    plus loin que ces indications. Le rêve-éveillé en psychanalyse emprunte sans
    doute l’une de celles-ci, une voie possible de progrès ".

    Voila les grandes lignes de l’évolution qui a conduit du GIREDD au GIREP, de
    Desoille à la psychanalyse, tout en gardant comme élément central le
    RÊVE-ÉVEILLÉ. Il n’est pas possible de rendre compte ici de tous les apports des
    uns et des autres au long de ces trente années.
    Il faut cependant dire un mot de trois orientations originales : celle de
    Jean-Marc Henriot, celle de Marc-Alain Descamps et celle de Roberto Enrique
    Rocca, d’Argentine.

    Jean-Marc HENRIOT, dans une série d’articles et
    d’exposés écrits entre 1988 et 1995, propose une compréhension du mode d’action
    du Rêve-Eveillé en lien avec le " pré-conscient " qu’il considère comme un
    espace psychique qui permet la contention et le traitement des " motions
    opposées en provenance du conscient et de l’inconscient ". Il émet l’hypothèse,
    dans une perspective topique, que : " Les frontières entre les espaces
    psychiques ne sont fonctionnelles qu’à condition d’être semi-poreuses,
    permettant une circulation osmotique d’un côté à l’autre ". Par ailleurs : "
    Chaque espace psychique est un lieu de contention des positions différentes
    issues de l’osmose à chacune des deux frontières qui le bordent ".

    Il s’appuie sur les travaux de Guillaumin concevant le pré-conscient comme "un
    espace transitionnel interne" dont le désinvestissement (selon Marty) ou le
    sous-développement (selon Anzieu) apparaissent comme une clé significative pour
    la compréhension et le traitement de certaines pathologies : troubles
    psychosomatiques, dépressions, pathologies caractérielles ou narcissiques. Selon
    Henriot : " L’analyse Rêve-Eveillé, avec sa procédure si spécifique, semble
    particulièrement apte à permettre à l’analysant une restauration de son
    préconscient et d’autre part la fonctionnalité osmotique des frontières
    semi-poreuses qui encadrent celui-ci " (in : Attention changement, Études
    Psychothérapiques, n°72, juin 1988).
    Dans un autre article, rendant compte de son intervention au Colloque de mai
    1993 sur le thème : " En quoi la cure RE est-elle une psychanalyse ? " Henriot
    rappelle que le Rêve-Éveillé analytique n’est pas réductible au seul imaginaire,
    mais qu’il s’agit d’une expérience particulière qui mêle imaginaire, affect et
    verbalisation ". S’interrogeant sur les " conditions de survenue de l’image, de
    la symbolisation et d’une représentation interne ", il s’appuie sur Bion et
    Anzieu pour élaborer l’hypothèse que " l’expérience du R.E. et les deux logiques
    qu’elle suppose, renvoie aux grands paradoxes de la construction même de
    l’identité suivant Winnicott " et aurait un rapport à la création du Moi-peau
    psychique. ( in " Origines de la vie psychique et expérience du Rêve-Éveillé. "
    Cahiers de l’Institut du R.E.P., n°30, janvier 1995).

    Marc-Alain DESCAMPS, dans son ouvrage : La
    maîtrise des rêves,
    (Editions universitaires, 1983), inscrit la pensée de
    Desoille dans le courant des "psychothérapies transpersonnelles" à côté de Jung,
    Frankl et Assagioli. Il insiste sur la "méthode active" que représente le
    rêve-éveillé cherchant à développer toutes les potentialités incluses dans cette
    pratique "novatrice et originale" qui, selon lui constitue "un plus" par rapport
    à la psychanalyse. (Trismégiste édit. 1990 )

    C’est ce "plus" et cet "autrement" qu’il va développer dans un article paru en
    1997, "La théorie du rêve-éveillé" ( in Cahier de l’Institut du R.E.P.,
    n°32, avril 1997). Pour lui, aucun concept extérieur ne peut être appliqué tel
    quel au RE, il doit lui être adapté. Et tout d’abord la notion d’inconscient qui
    ne se limite pas à "l’inconscient refoulé" de Freud, mais comprend
    "l’inconscient primitif", "l’inconscient archaïque", "l’inconscient créatif",
    l’inconscient thérapeutique.
    Il n’est pas possible de reprendre ici tous les développements concernant "la
    relation", "les images-forces", "le RE mutatif", "les Transactions", dont il
    faut lire les cheminements.

    L’article se termine par une "Métapsychologie du Rêve-Éveillé" dont "le
    principal apport est d’abandonner les croyances matérialistes pour rester ouvert
    dans ce domaine à une vision saine et positive de l’appareil psychique". "Le
    psychisme humain se comprend à partir de la théorie des structures dissipatives
    d’Ilya Prigogine : il se maintient en état d’équilibre instable par une
    dissipation continue d’énergie mentale. De même, selon René Thom, la
    morphogénèse se décrit par la disparition des attracteurs initiaux et leur
    remplacement par capture par des attracteurs représentant des formes plus
    globales [...] L’attracteur libère l’homme car il le tire vers l’avant, alors
    que la poussée de la pulsion provoque un refoulement".

    L’appareil psychique comporte un quatrième niveau : "Le surconscient" compris
    comme "une amplification ou une expansion de conscience", état dans lequel se
    réalisent ce que Descamps appelle des "RE mutatifs" et qui "fait échapper à
    l’égoïsme de l’ego et oriente vers une reconnaissance des Valeurs". Enfin, le RE
    fait apparaître "le Pôle de Réalisation" qui dans l’inconscient "se lie à la
    partie positive et saine de l’inconscient primitif, archaïque, créatif et
    thérapeutique"..."Ce processus de réalisation est lié au Sens des Valeurs. Il
    échappe au surmoi freudien et constitue le noyau et le ferment de l’éthique".

    Roberto Enrique ROCCA ( ancien Président de la
    Société Argentine du Rêve-Éveillé de Desoille), de formation et de pratique
    psychanalytique freudienne, insiste à travers tous ses écrits de 1984 à 1997 sur
    la nécessité de bien différencier les deux pratiques : " Je pratique le
    rêve-éveillé créé par Desoille et mon agir… bien qu’absolument psychanalytique
    dépourvu de toute intention rééducative ou psychagogique, est bien plus
    semblable à ce que Desoille faisait qu’à ce que faisait Freud. Je n’ai aucun
    doute que l’insight des conflits inconscients soit le ressort fondamental des
    cures et que l’inconscient qui surgit là est le même que Freud décrivait ; mais
    je ne doute pas non plus que le chemin qui nous permet d’accéder à l’inconscient
    et la perspective que nous en avons sont différents de ceux de la psychanalyse
    traditionnelle. " ( in "Lettre aux collègues du GIREP, 12 février 1994, Cahiers de l’Institut du R.E.P., n°29, juin 1994).

    En 1984, dans un article intitulé : "Rêve-Éveillé et mythologie personnelle",
    (in Études Psychothérapiques, n°55, mars 1984), il propose une conceptualisation
    du processus thérapeutique du RE comme structuration d’une " mythologie
    personnelle ", en prenant pour modèle la mythologie grecque. Thème qu’il
    approfondit dans un texte de 1997 : " La mythologie personnelle" (in Cahiers de
    l’Institut du R.E.P., n°32, avril 1997). " En synthétisant mon idée, je dirai
    que la cure analytique avec le rêve-éveillé peut être conceptualisée comme la
    structuration progressive d’une mythologie personnelle, en considérant comme
    telle la structuration et la systématisation des mythes propres à l’individu,
    exprimés dans les récits mythiques constitués par les scénarios des
    rêves-éveillés, étudiés dans les séances de commentaires ".

    Pour lui : " Le génie de Desoille consiste à avoir inclus l’activité de rêverie
    dans un cadre thérapeutique défini, lequel détermine des modifications
    fondamentales de cette activité. " Le niveau des images mythiques doit être
    induit chez le patient autant que possible, et je crois que le vécu du travail
    imaginaire à ce niveau, dû à son voisinage particulier avec l’inconscient, se
    constitue en un pôle d’attraction, de sorte que le patient investit l’univers
    mythique, et il est possible de dévier vers celui-ci les affects propre au
    transfert. L’analyste fonctionne plutôt comme un catalyseur et le transfert se
    négocie - bien des fois sans être explicité - dans la dramatisation imaginaire
    ".

    En 1997, dans un autre article : " A propos de quelques particularités du
    Rêve-Éveillé (Notes pour une théorie) " (in Cahiers de l’Institut du R.E.P.,
    n°32, 1997), Rocca insiste sur la valeur du langage symbolique du RE en soi et
    qui bien souvent n’a pas besoin d’explicitations qui ne conduisent qu’à des
    rationalisations.
    Par ailleurs, le scénario est le terrain naturel où se développe et s’exprime la
    relation. " Le fait primaire de la création d’une structure
    linguistico-imaginaire où se manifeste, s’exprime et s’incarne la relation, lieu
    propre à la " communication poétique ", contribue à la restauration du soi et
    ses relations avec le monde environnant. Il considère comme fondamentale " la
    puissance prospective de l’imagination " et l’incitation par l’analyste de faire
    face et à surpasser les obstacles par un processus en mouvement. " Il est
    fondamental de tenir compte de cette énergie potentielle présente dans le
    travail du rêve-éveillé ".
    C’est pourquoi, bien que se référant à la métapsychologie freudienne, il tient à
    distinguer nettement la thérapie par le Rêve-Eveillé et à continuer à l’appeler
    " Rêve-Éveillé de Desoille " parce que constituant là son originalité et sa
    spécificité.

    Enfin, il faut citer, faute de pouvoir les développer, les apports
    théorico-cliniques, dans le domaine des thérapies d’enfants et d’adolescents, de
    N. Fabre, C. Fiatte, J.Lévine, B. Montaclair, J. Nadal, M. Natanson et ceux dans
    le domaine de la psychosomatique (M. Aumage, S. Chabée), travaux qui ont joué un
    rôle important dans l’évolution des pratiques et les élaborations théoriques.

     

    QUE DÉGAGER DE CE SURVOL HISTORIQUE ?


    Tout d’abord constater la très grande vitalité de recherche à propos du
    Rêve-Éveillé en psychothérapie depuis trois quart de siècle (1925-2000), tant en
    France qu’à l’étranger : Argentine, Allemagne, Belgique, Brésil, Italie, Suisse,
    Uruguay. On en trouvera la bibliographie chronologique dans le numéro hors-série
    Hommage du Centenaire de Robert Desoille des Cahiers de l’Institut du R.E.P.,
    (octobre 1990).
    On constatera ensuite la constante ambiguïté des différentes théorisations en
    lien avec la psychanalyse. Mais Desoille n’avait nullement l’intention de faire
    entrer le Rêve-Éveillé, tel qu’il le concevait, dans la psychanalyse. Il se
    posait seulement des questions sur le fonctionnement du psychisme humain tel
    qu’il l’appréhendait à travers sa pratique du R.E. et sur les rapports qu’il
    pouvait avoir avec la théorie psychanalytique. Ce qui l’intéressait au premier
    chef, c’était les capacités de changement par le Rêve-Éveillé lui-même, et
    soutenu en cela par des psychanalystes tels que J. Favez-Boutonier, F. Dolto, S.
    Nacht, entre autres.

    On peut citer, à ce propos, ce qu’écrivait Daniel Widlöcher dans un article paru
    en 1971 (in Études Psychothérapiques, n°4-5, juin-sept. 1971). " Est-il si
    nécessaire, si utile de situer ainsi le R.E.D. par rapport à la psychanalyse ?
    Sans doute, et pour de nombreuses raisons qui tiennent à l’histoire de la
    psychothérapie des névroses et aussi à la valeur de référence que conserve la
    méthode psychanalytique. Encore conviendrait-il de préciser ce que l’on entend
    par cette notion de références. On ne saurait la lier à un idéal thérapeutique,
    comme un préjugé favorable l’accorde parfois trop généreusement. " Et il
    ajoutait : " Si l’on parvenait à s’entendre sur un certain nombre de paramètres
    nécessaires, on pourrait situer chaque psychothérapie non par rapport à la
    psychanalyse mais dans un champs où la psychanalyse proprement dite occuperait
    une place définie parmi les différentes formes d’interventions
    psychothérapiques. "

    On a beaucoup reproché à Desoille de s’être tourné vers une approche pavlovienne
    de la névrose et d’avoir tenté, comme il le fait dans le dernier ouvrage paru de
    son vivant (Théorie et pratique du rêve-éveillé dirigé, 1961) un compromis entre
    inconscient et " double niveau de signalisation " ce qui apparaissait à l’époque
    comme une incongruité.
    Et pourtant, Widlöcher dans son ouvrage de 1996 : Les nouvelles cartes de la
    psychanalyse, (Odile Jacob), pose le problème des rapprochements possibles entre
    psychanalyse et neurosciences, regrettant que la plupart des psychanalystes
    actuels s’en tiennent à des positions défensives et isolationnistes : " Décrire
    un trouble en termes psychodynamique n’exclut pas le point de vue selon lequel
    il faut un cerveau pour produire cette dynamique de l’action "… " La physiologie
    de la volonté redevient une question à l’ordre du jour. Reste à développer une "
    physiologie de la volonté " qui pourrait s’appeler une " neuro-psychologie de la
    volonté ", renouant ainsi avec le rêve freudien du "Projet de psychologie scientifique", (1895).

    Dans La psyché carrefour, Georg Eshel Edit, 1997, suite d’entretiens, avec Emile
    Noël, D. Widlöcher montre comment la psychanalyse a besoin " de sortie du ghetto " pour s’ouvrir aux sciences de la communication : " toute la pragmatique de la communication, actuellement développée dans des travaux contemporains, éclaire certains aspects de la communication psychanalytique : les pensées surréférentielles, l’interprétation du contexte et, pourquoi pas,
    l’interprétation du signifiant, de la chaîne linguistique… etc. À l’inverse on
    peut penser que l’expérience psychanalytique pourrait stimuler certaines
    réflexions, notamment, dans les sciences cognitives ".
    Il faudra aussi un jour s’interroger sur la dimension "hypnotique" du
    Rêve-Éveillé, non pas en terme de suggestion, mais en tant que mode de
    fonctionnement de la psyché tel que le développe Roustang dans plusieurs de ses ouvrages et notamment "Influence" Editions de Minuit, 1990.

     

    L’ÉVOLUTION HISTORIQUE DU RÊVE-ÉVEILLÉ DEPUIS ROBERT DESOILLE JUSQU’AU GIREP


    Elle permet de distinguer trois grandes périodes :

  • la période desoillienne (1925-1966) : Desoille fasciné par ce qu’il observait dans l’utilisation du rêve-éveillé et l’introduisant dans une démarche psychothérapique, cherche à élaborer une théorisation originale prenant en compte diverses théories sur l’inconscient et en même temps les récusant, gardant toujours pour projet la sublimation des instincts grâce à des modifications intrapsychiques propre au rêve-éveillé ;
  • la période post-desoillienne (1968-1982) : les élèves directs de Desoille cherchent à élucider les ressorts de la cure R.E.D. à la lumière de l’inconscient freudien, tout en gardant 1’originalité du rêve-éveillé de Desoille. Ils prennent en compte les problèmes relationnels spécifiques sans tomber dans le mimétisme psychanalytique. Période qui se termine par une scission à propos des problèmes relationnels autant que théoriques ;
  • la troisième période, depuis 1982, durant laquelle l’intégration du rêve-éveillé dans la psychanalyse prend de plus en plus d’importance, peut-être au détriment de son originalité, évolution qui conduit à la dénomination GIREP en 1987 et à la transformation, en 1999, du titre de la revue Études Psychothérapiques en Études Psychanalytiques , gardant son sous-titre : imaginaire et inconscient.
  • L’avenir dira si une relecture de Desoille et une pratique du rêve-éveillé
    proche de la sienne ne sont pas prometteuses de nouvelles avancées dans le
    domaine de la psychothérapie.