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Regard de l'int�rieur


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L'Inde au quotidien


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Pauline Hirschauer-Choudhury

Premiers pas � Delhi

Parler de l'Inde en g�n�ral n'a pas beaucoup de sens car ce sont ses disparit�s qui la d�finissent. Je pourrais parler des tr�s riches dont on ne voit que les murs rehauss�s de barbel� ou de la classe moyenne qui roule en marutis (voiture l�g�re et particuli�rement silencieuse, tr�s � la mode en Inde) et est avide des nouveaut�s dont le march� de consommation est inond� tous les jours ou encore des tr�s pauvres dont le ventre gronde de faim. Mais je connais tr�s peu ce qui se cache derri�re les grands murs des riches et seuls les pr�jug�s, quelques lectures insuffisantes et la rue nourrissent ma vision des plus pauvres, je parlerai donc pour l'instant de ce que je connais le mieux : cette classe moyenne urbaine totalement ignor�e dans nos pays occidentaux.
J'habite � Delhi avec mon mari indien, dans l'une des plus grandes villes indiennes et de surcro�t la capitale administrative et politique du pays. Delhi garde sa sp�cificit�, je ne peux donc g�n�raliser ma connaissance de cette ville � toutes les m�tropoles de l'Inde, m�me si tous les syst�mes municipaux indiens se ressemblent apr�s tout. Plus pr�cis�ment j'habite dans un quartier r�sidentiel au dessus de Old Delhi, pas tr�s loin du campus de Delhi University, � l'oppos� de New Delhi construite par les Anglais au d�but du si�cle.
New Delhi concentre presque tous les pouvoirs politiques et administratifs de l'Union Indienne, et son paysage de grandes art�res a�r�es bord�es de banians et d'arbres ashokas (arbres majestueux tr�s r�pandus en Inde) vaut largement une r�putation de capitale occidentale. Mais New Delhi seule n'est qu'un corps sans �me, le Old Delhi est un exemplaire incomparable du tumulte laborieux de l'Inde en qu�te de son gagne-pain journalier.

Le march� lucratif des d�chets

L'organisation quotidienne m'a �tonn�e par son apparence un peu chaotique, on dit de l'Inde que c'est un pays � � l'hygi�ne douteuse �, pourtant l'int�rieur des maisons est bien plus propre que la plupart de nos maisons de l'Ouest, le sol est lav� tous les jours ainsi que le pas de porte. Et je crois pouvoir le dire de toutes les classes de la soci�t� indienne, des plus pauvres aux plus riches. Le c�t� sanitaire demande le plus d'attention, c'est celui qui rebute les touristes, celui qui nourrit les maladies. La rue indienne peut �tre tr�s sale � l'image d'une d�charge ou tr�s propre comme une de nos rues famili�re.

La poubelle et les d�tritus

En effet, si la ville r�ussit � g�rer ses d�tritus , c'est un gage certain de cadre de vie plus attractif. Personne n'aime la salet� et, �tre propre, c'est l'�tre autant sur qu'� l'ext�rieur. La propret� est respect de soi-m�me et simple marque de dignit� humaine. La soci�t� produit des tonnes de d�tritus chaque jour pour son fonctionnement. En Inde, 60 % des d�chets sont biod�gradables et compostables, 80 % du reste peuvent �tre vendus et recycl�s et les d�tritus prennent ainsi une valeur financi�re indubitable. Sur un autre plan, � faire une poubelle � montre le niveau de vie de son ancien propri�taire et en Inde, cela revient � parler de tr�s fortes diff�rences de cultures, de castes et de religions. En France, il suffit de jeter les d�chets domestiques dans une grande poubelle verte par exemple qui sera vid�e r�guli�rement par les services municipaux. Il existe des camions de ramassage, des poubelles individuelles et communautaires, une main d'�uvre correctement r�mun�r�e, un �quipement sanitaire et des infrastructures pour g�rer l'�limination des d�chets.
A Delhi, il n'y a pas de poubelles vertes � domicile mais il faut faire quelques centaines de m�tres pour aller jeter tous les jours ses ordures dans les dalaos, enclos ciment�s et ouverts sur un flan pour permettre de vider et de jeter les ordures. L'endroit empeste � plusieurs lieux � la ronde, si bien que les habitants ou plut�t les domestiques des familles ais�es, vont rarement jeter leurs d�tritus � l'endroit exact mais s'en d�font quelques m�tres avant le dalao, �largissant ainsi la zone insalubre. Le ramassage des ordures varie d'un quartier � l'autre de la ville, tous les deux jours pour les quartiers centraux, jusqu'� trois semaines pour les quartiers p�riph�riques. Les vieux camions � la carcasse rong�e sont tout d�fonc�s et leur cargaison � ciel ouvert ; une fois pleins et sur la route ils inondent les alentours d'un parfum d�routant et les d�chets mal attach�s sur le dessus volent tout simplement � la figure des malheureux qui essayent difficilement de doubler. Ces camions de poubelles s'en vont � vingt kilom�tres de la ville pour d�charger leur collecte o� elle sera transform�e en compost ou en cendres. La municipalit� d�bord�e accepte volontiers l'aide du secteur informel sans laquelle la ville serait un v�ritable d�potoir. Ce secteur officieux transforme les d�chets en valeur positive et outre cela, il emploie un nombre consid�rable de personnes dans cette cha�ne incroyablement fructueuse. Tout commence au niveau des maisons et surtout des dalaos o� les vaches, sur l'�chine de laquelle sont juch�s les �ternels corbeaux noirs, paissent tranquillement dans les plastiques �ventr�s jaunes, bleus et roses en concurrence avec les chiens galeux et fam�liques qui fouinent partout tandis que les porcs au groin puissant remuent de la queue en se gavant entre autre de peaux de banane et de morceaux de chapatis. Au milieu des ordures et de cette faune, la plupart du temps, des femmes et des enfants trient les d�tritus faisant des tas de plastiques, de bouteilles de verre, de journaux, de papier, caoutchouc, etc. Ils sont pieds nus, en chappals (tongues de plastiques), et ramassent leur collecte � main nue, sans aucun gant, ce sont des ragpickers.
M�me si le cast�isme est aboli th�oriquement en Inde, des �tudes prouvent toutefois que ceux qui travaillent dans les ordures appartiennent � de basses castes et qu`ils sont en majorit� hindous. Ils peuvent se couper � tout moment avec des morceaux de verre ou de fer rouill� ou se faire mordre par des chiens enrag�s �tant ainsi � la merci des maladies les plus terribles. Ces personnes ramassent tous les matins le maximum de produits recyclables qu'ils vont, une fois charg�s dans leur brouette � l'aide d'un balai � manche court, aller revendre � des interm�diaires du march� tr�s lucratif du recyclage. D'autres ragpickers sillonnent les quartiers r�sidentiels � pied avec de gros sacs en toile dur plastifi�e ou des brouettes s'ils sont plus chanceux et ramassent les ordures au pied des maisons. En effet cela ne d�rangent pas les habitants de jeter tout simplement leur poubelle devant chez eux ou la maison du voisin pour �viter d'aller jusqu'au dalao la nuit, c'est d'autant plus facile que quelqu'un viendra ramasser les ordures le matin suivant et ira jusqu'� balayer la rue et br�ler les feuilles mortes. Le degr� de civisme varie d'une maison � l'autre. Dans les grandes villes les d�tritus augmentent avec la population et les habitants commencent � comprendre vraiment l'importance d'une certaine discipline quotidienne en ce qui concerne leurs d�chets domestiques.
Sc�ne de rue fr�quente, de jeunes gens font la le�on � un vieillard qui jette sa poubelle sur le trottoir en face de sa maison. Geste compr�hensible, apr�s un coup d'�il aux alentours pour d�nicher une poubelle inexistante, on jette le papier gras qui a envelopp� le samosa, beignet frit fourr� � la pomme de terre ou au chou-fleur. Les kabariwallahs rach�tent au poids aux habitants ou aux ragpickers les produits recyclables dans lesquels ils sont sp�cialis�s, les journaux, les bouteilles de verre ou le plastique. A v�lo, ils s'annoncent aux habitants avec les cris �nergiques de � kabariwallah, kabariwallah ! �. Les journaux rachet�s serviront � faire de petits sachets de papier utilis�s alors dans le commerce pour les consommateurs. Tout est objet au recyclage, le syst�me repose sur la division du travail et de la mati�re, plus la personne se sp�cialise dans un objet, plus elle se rapproche du recyclage final et plus les b�n�fices sont substantiels. Tout est minutieusement aplati et d�froiss� pour gagner en espace avant d'�tre emport� dans le local du middleman (interm�diaire qui g�re les d�chets r�colt�s par les ragpickers et les kabariwallahs) pour y �tre pes� sur de grandes balances � plateaux. Le middleman va ensuite vendre ses marchandises � un teckadar n'achetant que du verre, du plastique ou du papier et qui va � son tour s'en d�barrasser aupr�s d'un wholeseller, fournisseur en gros des usines de recyclage, maillon final de la cha�ne.
La gestion des d�tritus au quotidien demande une organisation rigoureuse et des moyens plus ad�quats pour traiter cette masse h�t�roclite et fumante. Les mains sont bien l� pour le labeur, il ne manque plus que l'�quipement et des moyens financiers. Depuis mai 2000, le Gouvernement de Delhi a lanc� sur les routes des inspecteurs sanitaires dont la fonction est entre autre de faire payer une amende aux citoyens qui prennent la voie publique pour leur d�charge personnelle. Les commer�ants sont th�oriquement oblig�s de mettre une poubelle � disposition de leurs clients. En g�n�ral, leur pas de porte est rutilant, les d�chets ayant �t� repouss�s jusqu'� l'extr�me limite de celle du voisin ou du domaine publique ! De son c�t�, le gouvernement a promis de diss�miner plus de 3000 poubelles dans la capitale.

Pauline Hirschauer-Choudhury, le 20/09/00
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