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Philosophie et anthropologie du mal
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Pierre Bamony

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Un jour, nous avons eu l�occasion, dans les pires moments de notre vie d��tre poss�d� par le mal physique, d�avoir une discussion th�ologico-m�taphysique avec un ami mauritanien, th�ologien et marabout[1]. Se r�f�rant � une sourate du Coran, cet homme du nom de Sh�rif en donna l'interpr�tation suivante : ��Dieu cr�a d'abord la mort puis la vie. En tant que source originelle de toutes choses, la Vie lui �chut comme son premier attribut et le plus essentiel. Et il donna en partage la vie et la mort � tous les �tres cr��s, les visibles comme les invisibles � savoir : les g�nies, les djinns, les Rohans, les anges, les archanges, les hommes etc. Tous les �tres invisibles qui ont une plus longue dur�e de vie, quels qu'ils soient, sont soumis comme nous, � la mort.

Si Dieu avait cr�� la vie en premier lieu et s'il en avait fait l'attribut essentiel des cr�atures, elles auraient comme lui l'immortalit� et l'auraient ainsi �gal�. Ce qui n'aurait point de sens puisque Dieu perdrait du m�me coup sa divinit� et son unicit� avec toutes les qualit�s qui lui sont inh�rentes. Dieu est donc l'auteur de la vie et de la mort��.

Partant de cette vision des ph�nom�nes, nous avons entrepris de comprendre pourquoi le jud�o-christianisme s'�vertue, depuis plusieurs si�cles, � soutenir que la mort est advenue au monde par la faute de l'Homme, c�est-�-dire des premiers parents, en l�occurrence, Adam et Eve.

Cependant, le passage suivant de l'Ancien Testament semble donner raison � l'interpr�tation de Sh�rif.: "Le Seigneur Dieu prit l'homme et l'�tablit dans le Jardin de l'Eden pour le cultiver et le garder. Il lui fit cette recommandation : tu peux manger les fruits de n'importe quel arbre du Jardin, sauf de l'arbre qui donne la connaissance de ce qui est bien ou mal. Le jour o� tu en mangeras, tu mourras." (Gen�se 2, verset 15 � 17).

Ce texte de la Bible donne lieu � deux remarques : ou bien la vie n'est pas premi�re dans le temps de la cr�ation des ph�nom�nes par Dieu (la mort serait-elle premi�re ?) ; ou bien la mort et la vie ont �t� cr��es conjointement, voire simultan�ment par Dieu. En effet, nous voyons l'homme jouir de la vie en tant que Dieu le sacre ma�tre du Jardin de l'Eden�; mais, en m�me temps il est menac� de mort par le m�me Dieu. Ce qui veut dire, en d'autres termes, qu'avant la chute d'Adam, la mort existait d�j� et que l'homme n'a pas �t� cr�� comme dou� de l�immortalit�, mais bien mortel puisque Dieu lui dit : "tu mourras" si tu d�sob�is.

I � Dieu, source du Mal[2]�?

Si l�on admet, comme semblent le faire toutes les religions r�v�l�es, du moins celles qui se sont r�pandues dans le monde � partir du Proche-Orient, que Dieu est la source unique d'une cr�ation qui contient � la fois mort et vie, il est aussi, selon le livre sacr�, la cause unique du bien et du mal. Cette hypoth�se est envisageable si on s�en tient au livre de Job I, 12 :

��L��ternel dit � Satan :� Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre�: seulement, ne porte pas la main sur lui��

Et Satan se retira de devant la face de l��ternel��.

Puis, dans Job 2, verset 6 et 7, il est �crit : ��L��ternel dit � Satan�: Voici, je te le livre�: seulement, �pargne sa vie.

Et Satan se retira de devant la face de l��ternel.

Puis il frappa Job d�un ulc�re malin, depuis la plante du pied jusqu�au sommet de la t�te��[3]

Ce texte montre, en apparence, que Dieu n�est pas toujours ni forc�ment l�auteur ni l�ordonnateur du mal qui advient � ses cr�atures, m�me aux bien-aim�es. Cependant, il peut autoriser des puissances subalternes � le produire. Toutefois, comme le montre manifestement le texte pr�c�dent, elles ne le cr�ent pas en tant que causes premi�res. Elles se contentent de le g�n�rer � partir de la source existante. En d�autres termes, si Dieu est le premier dans l�ordre des choses, ses cr�atures mauvaises qui symbolisent le mal, comme on le voit dans l�exp�rience de Job, ne peuvent rien entreprendre sans l�autorisation de leur ma�tre. Selon une lecture litt�rale et ordinaire des textes, on peut dire, en faisant fi des subtilit�s des interpr�tations th�ologiques et m�taphysiques, que Dieu est l�auteur � la fois du mal et du bien qui adviennent � ses cr�atures sur terre. C�est ce qui autorise Cr�ppy[4] � affirmer que ��Le diable est agissant dans le monde��. Certes, Satan ou symbole du mal ne peut rien contre Dieu lui-m�me dont il n�est qu�une cr�ature perverse, selon l�Ancien Testament. Mais il peut d�truire les cr�atures de Dieu et alt�rer sa cr�ation.

Malgr� ce qui appara�t comme une �vidence, en vertu de la r�alit� humaine, il n�en demeure pas moins que les philosophes ont d�ploy� beaucoup d��nergie pendant plusieurs si�cles pour tenter de nous persuader que Dieu n�est pas l�auteur du mal. Pourquoi tant de batailles th�ologico-m�taphysiques sur le probl�me du mal qu�une pi�tre cr�ature, comme l�homme, aurait caus�?

Cette question de l�origine et du probl�me du mal en ce monde m�rite donc un examen plus approfondi tant � travers la th�ologie musulmane et chr�tienne, les interpr�tations de la philosophie chr�tienne que chez les Ly�la[5]. Dans cette perspective, on verra qu�en d�pit des diversit�s culturelles, et de leurs interpr�tations sp�cifiques concernant ce sujet, il y a une convergence implicite vers le m�me point om�ga, � savoir Dieu comme le Cr�ateur du mal.

II � L�id�e du Mal dans le Coran

La lecture du Coran, comme livre r�v�l� par Dieu, permet une herm�neutique rationnelle du probl�me du mal. Certes, la th�ologie musulmane s'attache � affirmer de fa�on rigoureuse, l'absolue unicit� de Dieu, � le reconna�tre comme l'unique Cr�ateur de l'Univers. En vertu de cette conception, elle ne tol�re aucun principe, aucune pens�e de nature dualiste � la mani�re de Mani[6] selon lequel, il existerait d�s l'origine des ph�nom�nes un principe du Bien, la Lumi�re, et un principe du Mal, les T�n�bres, ou, en d�autres termes, Dieu et la mati�re, irr�ductibles l'un � l'autre en vertu de leur existence radicalement s�par�e, entre lesquels oscille sans cesse la nature humaine. Car la dualit� de ces Principes originaires se refl�te en sa volont�, en ses tendances fondamentales de fa�on absolue. L'homme n'est pas un �tre tout � fait libre en ce qu�il est constamment tiraill�, dans son essence originaire m�me, par l�ob�issance � l�un ou � l�autre de ces Principes.

D�s lors, on peut se demander si certains versets du Coran relatifs au probl�me du Mal ne rendent pas possible une interpr�tation de la dualit� non pas en dehors comme Principe ind�pendant de Dieu, mais � l'int�rieur m�me de la volont� divine en tant que acte cr�ateur et originaire de ce qui est. En effet, si nous nous en tenons aux R�flexions sur le Coran[7] du Professeur Mohamed Talbi et du Docteur Maurice Bucaille, cette perspective est possible. Le point de d�part de leurs r�flexions sur l'origine du Mal est la Sourate XXXVII 75-85 dont l'extrait qui nous int�resse ici est le suivant : ��Dieu dit : O Iblis ! Pourquoi n'es-tu pas parmi ceux qui se prosternent ? � Il dit : je ne suis pas de nature � me prosterner devant un humain que tu as cr�� d'une argile crissante extrait d'un limon f�tide.

� Dieu dit : sors d'ici ! Tu es maudit ! Sur toi sera la mal�diction jusqu'au Jour du Jugement.

� Ibl�s dit : Accorde-moi d'attendre jusqu'au jour o� les hommes seront ressuscit�s

� Dieu dit : tu seras de ceux � qui il est donn� d'attendre jusqu'� l'heure prescrite.

"Alors Ibl�s dit : Seigneur ! De m�me que tu m'as fourvoy�, � mon tour je leur farderai tout sur terre, et tous je les fourvoierai. A l'exception, parmi eux, de tes serviteurs sinc�res

� Dieu dit : Voil� une Voie Droite ! Effectivement, sur mes serviteurs tu n'auras aucun pouvoir, � l'exclusion des fourvoy�s qui te suivront. A tous ceux-l� rendez-vous est donn� dans la G�henne�� (Le Coran, LaRose).

La soixante-neuvi�me Sourate, "dans l'ordre chronologique de la r�v�lation" mentionne le tiraillement de l'Homme entre Dieu et Ibl�s. Elle s'inscrit dans la logique de l'opposition Dieu-Ibl�s qui semblent se partager la destin�e de l'Homme sur terre. Cette Sourate dit en effet : ��Allez-vous donc prendre Ibl�s et sa post�rit� pour ma�tres plut�t que Moi, alors qu'ils sont pour vous des ennemis Quelle ex�crable substitution ce serait pour les Injustes !�� (XVIII, 50)

��Nous d�mes : O Adam ! Habite, toi et ton �pouse, le Paradis. Mangez avec joie de partout o� vous voulez. Mais n'approchez pas de cet arbre que voici. Car alors vous seriez du nombre des Injustes. Par cet arbre, Satan les fit d�raper, et ainsi, les fit sortir de l'�tat o� ils se trouvaient.

� Nous d�mes alors : Descendez (Ihbit�) ! les uns pour les autres vous serez d�sormais ennemis[8]. � [1989�: 123].

Selon ces deux auteurs ��le Mal qui nous fait tant de mal, s'origine � la racine m�me de l'�tre��. Qu'entendent-ils par cette expression ? Ibl�s, devenu al-Shay-t�n ou Satan, apr�s sa r�volte contre Dieu ou plus exactement son p�ch� d'orgueil, est le principe m�me � partir duquel le Mal advient au Monde et � l'Homme. Bien plus, en se d�clarant l'ennemi de cette cr�ature ing�nue dont il est par ailleurs jaloux, Ibl�s introduit dans la nature humaine la dualit�. N'est-il pas, en effet, le mauvais esprit qui inspire le mal au coeur de tout homme soumis � Dieu, son Cr�ateur, et Principe du Bien ?

D�s lors, ��Ibl�s est la figure typologique du Mal. Adam, c'est l'homme faillible mais r�cup�rable. Dans les deux cas, c'est la volont� divine (mash�'a), une volont� pr�alablement arr�t�e qui avait pr�valu, qui avait, d�s le d�part, tout pr�vu et tout programm�, ce qui prouve bien que tout ce qui existe, et tout ce qui existera, le Bien autant que le Mal, proc�de du Cr�ateur, par d�cret pr��tabli (gad�). En effet, Dieu avait ordonn� � Ibl�s de se prosterner devant Adam, et d'avance "l'avait mis hors d'�tat d'ob�ir" ; il avait interdit � Adam de toucher � l'arbre d�fendu, et il avait d�cr�t� (qada) de toute �ternit� qu'il y toucherait�� reconnaissent encore ces auteurs (p.127)

Ce raisonnement vise � �lever Dieu au-dessus de tout. Car si Dieu, dans cette opposition d�Ibl�s au sujet de l�Homme, exige de sa cr�ature l'ob�issance, cela sous-entendrait qu'il aurait pour attribut quelque impuissance inh�rente � son essence. Mieux, une telle attitude aurait, entre autres, les deux cons�quences suivantes : ou bien Ibl�s serait surpuissant par rapport � Dieu ; ce qui, pour la th�ologie musulmane serait inconcevable ; ou bien il appara�trait comme un rival �gal de Dieu symbolisant le Mal comme principe ind�pendant de Dieu ; cette dualit� est �galement inadmissible dans le contexte de l'Unicit� de Dieu.

En ce sens, la question de l'origine du Mal appara�t donc claire : ��Dieu a-t-il cr�� le Mal�? Il a bien cr�e Ibl�s, et il ne pouvait ignorer ce qu'il allait incarner. Au niveau ontologique, le Mal existait donc comme potentialit� et en puissance dans Ibl�s. En ce sens, Dieu, en cr�ant Ibl�s, avait bien cr�� le Mal. Car le Mal n'aurait pas pu exister, de lui-m�me, s'il n'avait �t� cr��. Si Dieu n'avait pas con�u un mod�le d'Univers dont le mal, en tant que possibilit�, le Mal n'aurait pas pu faire surface, et du coup la libert� n'aurait plus eu aucun sens. Mais Dieu ne fait pas le mal��[9]. En suivant la logique de raisonnement de ces auteurs, on pourrait faire remarquer que si Dieu ne cause pas directement le mal lui-m�me � ce qui serait en totale contradiction avec l�un de ses attributs essentiels, en l�occurrence, la Bont�-, il n�en demeure pas moins qu�il laisse faire. Mieux, il accorde � l'homme la libert� de produire le Mal. Cette libert� consiste de sa part soit � pr�ter une oreille coupable � ce que lui murmure Ibl�s, soit � r�sister � ses attraits sous toutes les formes du Mal qu�il puit inspirer. D�s lors, la soumission � l�appel d�Ibl�s appara�t, eu �gard aux r�alit�s des hommes, comme ce qui, en second c�est-�-dire par Ibl�s, g�n�re le Mal. C�est en ce sens que ces auteurs remarquent�: ��Le projet "homme" qui �tait en Dieu et qui �tait marqu� du poin�on de la libert� du choix, rendait n�cessaire le passage du Mal de la virtualit� � l'existence. C'est par Ibl�s que se fit ce passage. En somme la cr�ation de l'homme condamne Ibl�s � "existentialiser" le Mal dont il �tait potentiellement porteur��(p.128).

Cependant, quelle que soit la pertinence de ce raisonnement, il n'�vite pas pour autant une aporie de taille. En effet, si l'on admet, comme le font ces deux th�ologiens, qu'en usant de sa libert�, l'homme est capable d'actualiser le Mal, c'est-�-dire de rendre possible sa manifestation effective, on r�introduit la pens�e de la dyade divine. La libert� humaine, dans cette perspective, doit �tre con�ue � la fois comme ph�nom�ne concret et comme absolu dans sa transcendance. Car pour passer du stade de la fiction[10], ou de la virtualit� � celui de la r�alisation, on est conduit � penser que Dieu a dot� sa cr�ature d'une double disposition qui est justement l'essence m�me de sa libert� comme choix : d'une part, celle qui consiste � se laisser conduire � Dieu, c'est-�-dire � se laisser incliner vers le Bien ; d'autre part, celle qui le soumet � l'empire d'Ibl�s et, par cons�quent, � s'orienter vers le Mal. Une telle interpr�tation rejoint subrepticement celle de Mani dont il a �t� question plus haut. Il faut donc inverser ce raisonnement.

D�abord, si l'on veut �viter cet �cueil, � savoir la pens�e de la dyade divine comme double Principe originaire Bien et Mal, il faut situer dans la nature m�me de Dieu l'acte cr�ateur du Mal. D'abord, si Satan n'est pas l'�tre-Premier par rapport � Dieu, Puissance auto-g�n�ratrice, il faut croire que le Mal est un possible divin. Il est ant�rieur � la cr�ature mauvaise comme inh�rence � l'essence divine. Autrement, on ne peut affirmer que Satan a �t� � l'origine un ange parfait si�geant aupr�s de Dieu jusqu'au moment o� il c�de � la tentation, au p�ch� d'orgueil. Pour qu'il p�t se rebeller contre son cr�ateur et qu'il entra�n�t quelques autres esprits dans sa chute, qu'il h�rit�t pour ce faire d'une mal�diction couvrant toutes les g�n�rations futures issues de lui, il fall�t qu'il f�t con�u par son cr�ateur avec cette id�e comme possibilit� originaire. Dans cette perspective, la tentation qui causa sa ruine �tait d�j�-l�, le mal ant�rieur � lui. Autrement, on ne comprendrait pas comment le mal serait advenu puisqu'il est suppos� �tre l'inventeur du Mal en tant qu'il le tire de son �tat de virtualit�.

Ensuite, il y a comme une malice morale dans la volont� divine quand elle d�clare l'homme libre, c'est-�-dire une libert� de transcendance originelle et originaire. D'une part, d�j� Ibl�s, l'ange parfait, semble donner l�impression d'avoir �t� lui-m�me une victime, c�est-�-dire d'avoir �t� pi�g� dans sa libert� dans la mesure o� il confesse � son Cr�ateur de l'avoir fourvoy�. En d�autres termes, Dieu induit sa plus belle cr�ature en erreur. Il l'�gare, la d�tourne du droit chemin : celui de la contemplation de son Cr�ateur, de la soumission ou de l'ob�issance � sa volont�. L'ange parfait n'aurait pas pu se fourvoyer si son cr�ateur lui-m�me ne l'avait dot� du pouvoir de s'�garer. On pourrait m�me dire que Dieu, en tant qu'�tre omniscient devait n�cessairement savoir que sa plus parfaite cr�ature allait se fourvoyer et il l�a laiss� faire. De m�me, Dieu a laiss� Satan d�cr�ter la guerre � l'Homme, agissant ainsi avec son consentement ; et avec son accord, il s'octroie m�me le droit de le fourvoyer sur terre, lui et sa prog�niture, jusqu'� la fin des temps, ce que Dieu admet �galement.

La tradition de la Bible autant que celle du Coran sont d�accord sur le point suivant�: Dieu et Satan scellent une alliance pour se partager le destin de l�Homme sur terre, cet �tre suppos� la cr�ature la plus aim�e de Dieu et qui, de surcro�t, lui ressemble par l�usage de la libert�. Cette alliance se conclut � l�insu de la victime elle-m�me.

Enfin, loin d'�tre un facteur actif dans la gen�se du Mal en ce monde, la libert� humaine appara�t plut�t comme une impuissance fonci�re entre deux principes qui la tiraillent constamment ; principes �galement divins par leur origine commune. Livr� � une guerre perp�tuelle de titans au-dessus de sa t�te qui l'inclinent d'un c�t� comme de l'autre, cette impuissance de la libert� et de la volont� humaine ne saurait �tre cause d'aucun mal.

III � Le Mal dans la philosophie chr�tienne

C'est pourquoi, �tudiant l'origine du Mal dans le contexte biblique, Paul Ricoeur peut �crire : ��Le mal vient � l'homme comme le "dehors" de la libert�, comme l'autre que soi dans lequel elle se prend ; "chacun est �prouv� par sa propre convoitise qui l'attire et le leurre��(J.Q, 1, 33). C'est le sch�me de la s�duction : il signifie que le mal, bien que pos�, est d�j�-l� qui attire ; cette ext�riorit� est si essentielle au mal humain que l'homme dit Kant, ne saurait �tre le m�chant absolu, le Mauvais, il est toujours le m�chant en second, le m�chant par s�duction ; le mal est � la fois "pos�" maintenant et toujours d�j�-l�[11]��.[12]

On comprend d�s lors, selon cet auteur, que l'homme soit perp�tuellement soumis � une situation duale en tant qu'existant. Dans la structure m�me de sa nature, on trouve � la fois les deux impulsions, les deux tendances : une bonne inclination qui fait penser au choix du Principe du Bien ant�rieur � lui et une mauvaise inclination �galement pr�existante � sa propre contingence, � son propre surgissement dans un monde d�j� d�termin� de cette fa�on dyadique. Le "yetzer hara" h�breu ou mauvaise inclination, remarque Paul Ric�ur, est m�me une institution divine en l'homme�: ��C'est une des choses que Dieu cr�a et dont il dit qu'elles �taient "tr�s bonnes" ; c'est donc que l'inclination mauvaise n'est pas radicale que l'homme aurait engendr� et duquel il serait radicalement impuissant � se lib�rer��[13].

Cette conception conduit � voir dans la structure de la Cr�ation elle-m�me l'origine du drame essentiel, celui du Mal. Celui-ci serait coextensif � l'origine des choses. On peut y d�celer originellement le chaos que l'intelligence divine a sans doute organis�, mais imparfaitement au regard de l'homme qui subit ses effets n�gativement. En ce sens, il appara�t, encore une fois, impossible d�attribuer � l'homme l'origine du mal radical originel. Il n'en poursuit et n'en actualise qu'un effet secondaire. L'homme trouve le mal d�j�-l�, comme le dit Paul Ric�ur, et il le continue � sa mani�re. Le Mal appara�t � l'horizon de l'origine des ph�nom�nes dont on constate des effets seconds dans les actes de violence, d'agressivit�, de destruction tant dans la nature que chez les �tres humains. Le Mal originel est inh�rent constitutionnellement � la fondation du Monde ou de la Cr�ation comme oeuvre de Dieu.

D�j�, en son temps, Saint Augustin s'est longuement interrog� sur l'origine divine du mal dans la Cr�ation comme ph�nom�ne incontournable et obs�dant. D'o� ce questionnement de l�auteur : puisqu'on enseigne dans les Livres r�v�l�s que Dieu a pour essence une infinie bont�, ses cr�atures ne devraient-elles pas avoir en partage cet attribut�? Or, il n'en est pas ainsi. Alors, d'o� vient le mal puisque la cr�ature, dans sa singularit�, n'enferme pas de perfection qui pourrait faire penser � celle de Dieu ? Ces questions d�Augustin ne concernent pas seulement la manifestation du Mal mais m�me sa racine, sa source premi�re. M�me si la crainte inscrite au coeur de l'homme concernant le probl�me du Mal n'�tait pas fond�e, il n'en demeure pas moins que ce sentiment lui-m�me est un mal[14].

Mais alors, pourquoi le Mal existe-t-il puisque l'unique auteur des choses est bon et qu'une infinie bont� ne peut cr�er que des choses bonnes � l'image de Dieu lui-m�me ? Pour rendre compte de ce qui nous para�t ainsi paradoxal, antinomique, il faut admettre que Dieu a d� cr�er des choses moins bonnes par essence que lui. Ou bien il faut supposer que la mati�re dont il s'est servie pour les cr�er �tait mauvaise et que l'ensemble porte alors l'empreinte de celle-ci. Par la suite, il n'a pas �t� en mesure de corriger cette imperfection.

M�me sur ce point, des questions insidieuses surgissent aussit�t qui limitent grandement l'omnipotence de ce Dieu. En effet, s'il est Tout puissant comme il est enseign�, il serait en mesure de changer la cr�ation, de la transformer radicalement pour �liminer toute forme de Mal ou d'imperfection. Si c'est intentionnel, on peut aussi se demander en vue de quelle fin pr�cise il aurait laiss� subsister le Mal dans sa Cr�ation et dont l'homme en p�tit tant dans la justice que dans l'injustice. Dans le premier cas, la figure de Job, reconna�t Paul Ric�ur, ��t�moigne de l'irr�ductibilit� du mal de scandale..." Cette image du "juste souffrant" [15] para�t � la conscience humaine comme inacceptable. Dans le second cas, le m�chant semble �galement voulu par Dieu puisque, dans la th�ologie musulmane examin�e plus haut, Dieu lui-m�me parle de ses "serviteurs" exclus de l'empire de Satan et des d�voy�s qui suivent ce dernier. Ils sont condamn�s comme lui � la g�henne �ternelle par Dieu.

M�me si on examine le probl�me sous l'angle de l'�ternit� de Dieu, le Mal ne se con�oit pas autrement qu'� partir de lui. En effet, puisque Dieu a d�cid� de cr�er, � un moment donn� du temps �ternitaire, il aurait pu, suite � une mauvaise oeuvre, an�antir la mati�re qui pervertit et d�forme son essence. Il aurait pu faire l��conomie d'une mauvaise cr�ation et continuer � subsister seul. Et dans la perspective d'une manifestation de sa surabondance par l'acte cr�ateur, il aurait pu annihiler la mauvaise cr�ation et en �tablir une bonne conform�ment � son �tre consid�r� comme le souverain Bien, le Bien infini.

Saint Augustin en vient � s'interroger sur sa propre origine pour mieux appr�hender la racine du mal int�rieur au coeur de l'homme : ��Qui m'a fait ? N'est-ce pas mon Dieu, qui n'est pas seulement bon, mais qui est la bont� m�me ? D'o� vient donc que je veux le mal et que je ne veux pas le bien ? Est-ce pour subir de justes ch�timents ? Qui a mis en moi, qui y a sem� ces germes d'amertume, puisque je suis tout entier l'oeuvre de mon Dieu tr�s doux ? Si c'est le d�mon qui m'a cr��, d'o� vient le d�mon lui-m�me ? Si c'est par une d�cision de sa volont� perverse que de bon ange il est devenu d�mon, d'o� lui est venue cette volont� mauvaise qui devait le changer en d�mon, puisqu'il avait �t� cr�� ange tout entier par un cr�ateur tr�s bon ?�� [16]

Finalement, en bon Chr�tien, logique avec soi-m�me, Saint Augustin r�sout le probl�me de l'origine du mal par une sp�culation de type m�taphysique. En effet, la corruption des choses est due � un d�faut de bont� intrins�que. Si elles �taient souverainement bonnes, elles auraient une nature incorruptible. Tout ce qui se corrompt est priv� d'un bien. A ce titre, le manque de pl�nitude dans le bien implique que les choses corruptibles participent du n�ant. ��Donc, �tre priv� de tout bien, c'est le n�ant absolu. Donc, aussi longtemps que les choses sont, elles sont bonnes. Donc, tout ce qui est, est bon ; et le mal, dont je cherchais l'origine, n'est pas une substance, car s'il �tait une substance, il serait bon. Ou il serait une substance incorruptible, et par cons�quent un grand bien ; ou il serait une substance corruptible qui ne pourrait se corrompre si elle n'�tait bonne�� (p.145)

Mais cette subtilit� intellectuelle ne remet pas fondamentalement en cause les interrogations essentielles sur l'origine du mal. En affirmant que le mal est une privation d'�tre, on n'enl�ve pas � Dieu l'id�e qu'il est l'auteur d'une cr�ation imparfaite. M�me si, du point de vue de Dieu, le mal n'existe pas, comme du point de vue de l'ensemble de la Cr�ation en tant qu'absolue il peut appara�tre comme presque insignifiant, comme Leibniz � la suite de saint Augustin tend � le penser, il n'en demeure pas moins qu'il est une r�alit� singuli�re au niveau du v�cu humain qui le manifeste comme tel.

Mais, selon l�auteur du Discours de m�taphysique", le mal est relatif ��parce que, dans le d�tail, certains �l�ments ne s'harmonisent pas avec certains autres, on les tient pour mauvais. Or, ces m�mes �l�ments s'accordent avec d'autres et en cela ils sont bons. Ils le sont aussi par eux-m�mes��. D�s lors, dans la pens�e du Mal, il faut tenir compte de la totalit� de la Cr�ation divine. Suivant cette perspective, le Mal, comme nous l�avons dit, devient un ph�nom�ne simplement relatif et qui peut se r�duire � une dimension plut�t psychologique.

Cette conception relativiste du mal, qui justifie l��uvre de Dieu tout en refusant de le reconna�tre comme l�auteur du Mal, va �tre examin�e par Leibniz en s�riant la nature des probl�mes relatifs au Mal.

D'abord, concernant le principe m�me du mal, Leibniz ne varie pas de pens�e par rapport � la th�ologie chr�tienne en g�n�ral. Il reprend m�me � son compte l'id�e augustinienne du n�ant comme l'essence du mal. Selon Leibniz donc, le Mal est advenu au monde sous deux modalit�s : d'une part, la racine du Mal est c�xtensive � la structure imparfaite des �l�ments qui constituent la cr�ation ; d'autre part, le mal comme ph�nom�ne concret et sensible doit �tre situ� au niveau m�me de l'homme.

A ce titre, on peut voir, dans l'apparition de l'homme au sein de la cr�ation, comme la manifestation du mal. En d'autres termes, la gen�se du mal co�nciderait avec ce qu'on pourrait appeler l'anthropogonie. La r�f�rence au mythe adamique montre bien, en tant qu'�v�nement singulier en son origine mais universel par ses cons�quences, le passage de l'innocence ou �tat du Bien au p�ch� ou �tat du Mal. Il r�v�le, en outre, le statut de l'homme destin� originellement (et peut-�tre aussi originairement) au bien mais enclin au mal.

M�me si ce discours tend � disculper Dieu dans sa volont� cr�atrice d'une oeuvre imparfaite, et donc, du Mal, n�anmoins, il sous-entend que dans l'exp�rience historique de l'homme, voire dans la perspective du mythe adamique, chacun trouve originalement le mal d�j�-l�. Personne ne le commence absolument. Ce faisant, en s'�vertuant � d�responsabiliser Dieu de l'origine du mal, n�est-ce pas vouloir malicieusement le r�duire � l'impuissance�? Car on ne peut concevoir raisonnablement qu'un �tre insignifiant comme l'homme ait pu originellement subvertir l��uvre de Dieu.

Pourtant, Leibniz reconna�t aussi ce fait comme il l'�crit dans le Discours de m�taphysique, article 30 : "On voit bien cependant que Dieu n'est pas la cause du mal. Car, non seulement apr�s la perte de l'innocence des hommes, le p�ch� originel s'est empar� de l'�me, mais encore auparavant il y avait une limitation ou imperfection originale connaturelle � toutes les cr�atures, qui les rend peccables ou capables de manquer... Et c'est � quoi se doit r�duire, � mon avis, le sentiment de Saint Augustin et d'autres auteurs que la racine du mal est dans le n�ant, c'est-�-dire dans la privation ou limitation des cr�atures, � laquelle Dieu rem�die gracieusement par le degr� de perfection qu'il lui pla�t de donner��[17]. Selon Leibniz, Dieu n'est pas la cause du mal � un double titre : d'abord, le Mal provient, hormis le p�ch� originel, d'une finitude, c'est-�-dire d'une limitation inh�rente � l'�tat d'�tre cr�� ; ensuite, le Mal compris dans ce sens, n'a, pour ce faire, rien de positif ; il reste purement n�gatif en tant que privation ou manque d'�tre. Dans ce m�me ouvrage, Leibniz reconna�tra que, m�me si Dieu permet le Mal, il ne le cause pas directement. Dieu "incline sans n�cessiter", �crit-il.

Ensuite, selon Leibniz, le Mal se pr�sente sous trois formes : le mal m�taphysique qui consiste dans l'imperfection en g�n�ral ; le mal physique qui se manifeste dans la souffrance inh�rente au vivant ; le mal moral qui tire sa racine du p�ch� originel. On pourrait m�me dire, � sa suite, que la premi�re forme du Mal contient les deux derni�res comme ce que le particulier est au g�n�ral.

Plus sp�cifiquement, le Mal m�taphysique est, selon Leibniz, la privation du Bien m�taphysique. Lorsqu'un homme perd sa raison sans cause intelligible d'un point de vue humain, on peut parler d'un mal m�taphysique. Il en est de m�me de la souffrance scandaleuse du juste, celle de Job dont nous parle l'Ancien Testament. Ce mal comprend � son tour deux aspects distincts : d'une part, le Mal m�taphysique en g�n�ral ; d�autre part, le Mal comme l'in�gale r�partition des biens et des maux dans le monde. Le Mal m�taphysique est in�vitable, et cela ne saurait souffrir aucune contradiction dans la mesure o� l'imperfection, la privation, la limitation sont inh�rentes au concept m�me du fini. Bien plus, on peut y voir la condition de possibilit� de la cr�ation d'un monde quelconque par Dieu.

Si telle est la condition �ternelle des possibles dans l'entendement divin parmi lesquels il op�re un choix, une d�cision cr�atrice arbitraire du meilleur, il est clair que le Mal est, non seulement le ph�nom�ne constitutif et ins�parable de l��uvre cr��e, mais �galement la condition du bien. A cet effet, selon Leibniz, on peut distinguer deux volont�s en Dieu : la premi�re, ant�c�dente, tend, comme par n�cessit�, � tout bien en tant que bien ; la seconde, cons�quente, incline au meilleur mais admet en elle tel ou tel mal, comme la condition de r�alisation du bien.

Quant au mal physique et au mal moral, ils sont en fait des cons�quences du Mal m�taphysique. Le mal physique, selon Leibniz, r�sulte de la circonstance suivante : Dieu a voulu r�aliser non seulement un monde possible, mais encore le meilleur monde possible. Par cons�quent, le mal physique ou douleur n'est voulu par Dieu que comme la condition de r�alisation de ce monde d�termin�. Il est l'objet de la volont� cons�quente de Dieu. Le mal moral a pour cause la libert� m�me de l'homme. Il est permis mais il n'est pas voulu par Dieu.

Cependant, sur ce dernier point, on peut l�gitimement contester l'interpr�tation du philosophe en r�f�rence aux sources de la religion jud�o-chr�tienne, � savoir la Bible. Dans Gen�se, 3, 22 � 24, il s'agit moins d'une permission du mal que d'une volont� d�lib�r�e de Dieu lui-m�me d'interdire � l'homme la jouissance du bien �ternel. Et l'on rejoint l'interpr�tation de Sh�rif selon laquelle Dieu est par essence la source de la vie en tant qu'elle est son attribut premier. Il cr�e la mort, qui est regard� comme un mal, le Mal absolu, qu'il a donn� en partage � l'Homme et � toutes ses cr�atures visibles et invisibles. Autrement, l'Homme aurait �t� �ternel comme lui et deviendrait ainsi son �gal. D�s lors, la mort, en particulier celle de l�Homme, qui l�inf�riorise par rapport au statut de son Cr�ateur, se situe � l'horizon principiel de la vie � la fois comme absurdit� et la limit� absolue de toute rationalit� humaine.

La tradition biblique dit bien que Dieu punit Adam en lui interdisant d�acc�der au statut d��tre immortel, privil�ge dont est le seul b�n�ficiaire. Ceci confirme la r�flexion de Sh�rif selon laquelle Dieu s�est r�serv� � lui seul le privil�ge de l��ternit�. Adam a eu le privil�ge de ressembler � Dieu en jouissant de la facult� de la science du bien et du mal. Dieu semble lui interdire de conna�tre d�autres attributs comme lui-m�me. Du moins l�Ancien Testament le dit express�ment�: ��Puis Yahv� Dieu dit : "Voil� que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour conna�tre le bien et le mal ! Qu'il n'�tende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l'arbre de vie, n'en mange et vive pour toujours !". Et Yahv� Dieu le renvoya au Jardin d'Eden pour cultiver le sol d'o� il avait �t� tir�. Il bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les ch�rubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie��.[18] Dieu se sent-il vaincu par l'audace de l'homme de vouloir l'�galer ? Ou s'agit-il d'une ironie de la pr�tention de cette vile cr�ature � vouloir d�sirer l'�ternit� de la Vie ?

IV � Un point de vue anthropologique�: l�id�e du Mal chez les Ly�la.

Dans le contexte culturel des Ly�la, on admet volontiers l'id�e que Dieu est l'unique cause du bien et du mal, de la vie et de la mort. Au premier niveau, c'est le vivre dans son ensemble et comme tel qui constitue l'essence m�me du mal. Dans ce contexte culturel, le probl�me fondamental du mal n'est pas tant la mort, per�ue comme terme normal ou naturel � la vie biologique, que la souffrance sous toutes ses formes li�es au sensible immanent, moral ou physique. Sur ce point, les avis convergent puisque le probl�me du mal est essentiellement envisag� dans sa dimension temporelle et anthropologique.

Selon les sages de Goundi que nous avons consult�s sur cet aspect du probl�me en question ��la mort est venue au monde pour �viter aux hommes la faim. Si elle n'avait pas �t� cr��e par Dieu, les hommes se reproduiraient si vite qu'ils r�duiraient � n�ant tous les biens de la terre. La mort est voulue pour �tablir l'�quilibre entre le nombre des hommes et les productions de la terre. La mort est donc n�cessaire parce qu'elle est le relais de la cha�ne des hommes sur terre. Elle est � la fois leur salut et leur perte, c'est-�-dire la seule garantie de leur p�rennit� sur la terre et leur singuli�re destruction constante et successive��[19].

En ce sens, la sorcellerie comme puissance de destruction et donc d'�quilibre des communaut�s familiales est �galement envisag�e comme n�cessit� et oeuvre de Dieu. Selon Beli Bationo et Brahima Bamouni, acolytes du Djandjou[20], interrog�s � Bianouan par Sylvie Brunel et nous-m�me en 1978, ��le sorcier existe r�ellement. Il tient son pouvoir de sorcellerie de Dieu lui-m�me dans la mesure o� il na�t ainsi dou� au m�me titre que ceux qui naissent infirmes ou bien form�s... Dieu lui-m�me autorise le pouvoir n�gatif du sorcier parce qu'il les dote de cette puissance. Il permet que certains viennent au monde uniquement pour tuer, pour d�truire en portant atteinte � la vie des autres de fa�on volontaire ou involontaire � l'image des fauves par rapport aux autres animaux�� ( Ibidem).

Enfin, m�me d'un point de vue de la naturalit� de la mort, de la fatalit� singuli�re des individus, la mort s'enracine encore dans l'essence divine au principe de toutes choses en ce monde. Selon les sages de Goundi ��Dieu, en cr�ant les �tres, leur assigna respectivement des points. Chaque �tre qui vient � la vie est dot� d'un nombre de points d�termin�s. Au fur et � mesure de sa vie, il les �limine. Lorsque le dernier point est d�compt� le d�cret de Dieu est sans appel. Car ces points sont inscrits dans le sang m�me des �tres vivants. Le caract�re naturel de la mort r�sulte de ce fait �tabli � l'origine. Dieu limite la vie des �tres vivants par ces points. La mort, en ce sens, tire son origine de Dieu lui-m�me�� (Ibidem).

Ainsi, chez les Ly�la, la mort comme Mal radical, est accept�e socialement, voire individuellement dans le cas des personnes �g�es, comme un d�cret institu� par Dieu � l'origine du surgissement des �tres vivants, et singuli�rement l�homme, � la vie. Mais ce que l'on ne s'explique pas bien dans ce contexte culturel, c'est le mal en tant que souffrance, comme si la finalit� du sensible n'�tait que de nous procurer du plaisir, d'�tre source unique de joie. Notre destination sur terre serait alors la jouissance des choses que le cr�ateur, par l'interm�diaire de la vie, met � notre disposition ; et non la souffrance. Celle-ci appara�trait comme un accident contraire au bien-vivre per�u comme une n�cessit� inh�rente � la vie elle-m�me.

V � Quelle pens�e tirer de cette �tude du Mal�?

Bien que prisonnier de notre foi catholique qui s'est install�e au coeur de notre conscience comme seconde nature, nous avons souvent dout� de l'existence d'un Dieu. Aux pires moments de nos souffrances, nous nous �tions m�me plu � penser ces myst�res inintelligibles de Dieu et du mal selon deux possibilit�s qui nous paraissaient plus cons�quentes ou plus acceptables. D'abord, la terre est peut-�tre l'unique lieu du diable ou des puissances du mal. La religion appara�t alors comme une r�action humaine pour conjurer, ou � tout le moins, pour comprendre le mal ; voire pour le domestiquer d'une certaine fa�on. D�s lors, Dieu se serait retir� de la cr�ation qu'il a livr�e aux forces du mal dans l'ind�finie temporalit� humaine. Elle deviendrait peut-�tre Paradis avec la dissolution des �l�ments dans le chaos et leur r�g�n�ration par et dans cette destruction.

Ensuite, Dieu ou les Dieux selon l'appellation des religions humaines, ont sans doute quitt� la terre imparfaite ou inachev�e pour aller rayonner dans les cieux. Dans ce sens, ils pourraient n'�tre que f�cond�s par l'esprit humain. Alors ils ne sont pas, mais ils sont con�us, pens�s comme s'ils �taient apparemment. Dans cette perspective, ces superbes images de l'homme se pencheraient � pr�sent avec condescendance vers les habitants de la terre pour qu�mander leurs gr�ces. �tres solitaires ayant oubli� leur origine, ils se pi�gent dans la toile que les hommes eux-m�mes ont tiss�e et se prennent � r�ver d'une communaut� avec eux ; communaut� aux liens invisibles et incertains. Ils ont besoin de leurs cr�ateurs pour exister et oublier ainsi leur solitude fantastique.

Mais l'homme, ce cr�ateur de dieux a oubli� qu'il les a lui-m�me oints. Les yeux fix�s au ciel, il cherche d�sesp�r�ment leur habitacle. Se sont-ils cach�s dans un manteau nuageux ? Quelle vo�te c�leste garde-t-elle toujours le souvenir de leurs traces et de leurs sillons ? De quel �clat peuvent-ils encore briller pour effacer ou estomper, voiler la lumi�re du soleil qui les �clipse ? Par quels yeux sont-ils capables de dissoudre les mille et une belles lucioles dont, par des nuits limpides, le ciel se sert pour narguer ou pour fasciner les fant�mes de la terre appel�s hommes ?

Tout semble plonger dans un silence entre les dieux et les hommes et calme enchantement entre le ciel et la terre. Dieux, dites-nous donc pourquoi les hommes sont-ils si malades de vous ? Semblables � des abeilles sur leurs fleurs, vous paraissez butiner dans les m�andres de leur t�te on ne sait quel suc ou quelle substantifique moelle ; ce contact intime, irr�el, provoque chez certains des d�lires, chez d'autres des extases ; chez d'autres encore, des emportements meurtriers et des guerres. Mais ils r�vent toujours dans leurs �tats bourbiers au quotidien de bonheur conjoint stellaire.

La folie des dieux a besoin de sacrifices, de sang �panch� sur les autels des hommes en guise d'actions de gr�ce. Les r�veries des hommes attisent leur pr�sence-absence, amie stellaire. Et pour le malheur de la terre, ce couple infernal fut ainsi con�u : les hommes-dieux. C'est le symbole de sa fin toujours future et d�j� grandement pr�sente ; � moins que cette terre m�me ne se gu�risse de ce mal et n'�pure la raison de ses habitants... Dans son id�e d'un monde sans cause divine, l'ath�isme est plus cons�quent mais non convaincant.

En d�finitive, il y a une question que les th�ologiens et les philosophes n'ont pas d� se poser : refuser de penser Dieu comme l'origine du mal, n'est-ce pas admettre une entit� aussi grande et puissante que Dieu et existant ind�pendamment de lui[21] ? Le mal serait alors une autre forme de "divinit�" qui se dresserait devant Dieu assimil� par l'homme � la Bont� et au Bien. Le mal-dieu limiterait du m�me coup la toute puissance de Dieu. Dans ce cas, ce que disait Cr�ppy, un sage ivoirien, que le monde est le lieu par excellence o� le diable, symbole du mal, est agissant, est vrai. La terre serait sous l'empire du diable. Et le royaume de Dieu commencerait seulement au-del� de la vie.

Une telle conception des choses r�soudrait en partie, le probl�me moral que pose au croyant l'existence de Dieu impuissant � r�soudre le probl�me du mal physique et m�taphysique, selon les termes de Leibniz. Nous n'aspirerions plus au Bien puisque nous saurions que notre monde est seulement le lieu du mal. La question m�me de la bipolarit� de nos actes (le tiraillement entre le bien et le mal), ne se poserait plus. Nous atteindrions ainsi la qui�tude au niveau de notre conscience. Nous serions plus fatalistes et nous assumerions mieux les maux que nous connaissons.

Cette mani�re de consid�rer les choses nous r�concilierait avec nous-m�mes. Car, si nous nous posons la question sur la bipolarit� et la nature diff�renci�e du bien-mal, c'est parce que les religions nous ont convaincus depuis des mill�naires, que nous sommes une parcelle de la divinit�, que nous avons en partage des qualit�s et dispositions divines. Nous serions alors simplement des �tres engendr�s par la nature ; puisque, selon les ath�es et les scientifiques cons�quents avec eux-m�mes, le mal n'est tel qu'aux yeux de l'homme seul. Ce qui appara�t ainsi � notre regard moralisateur, � notre conscience, parcelle de Dieu-Bont�-Bien, rel�ve de l'ordre de la Nature : en fait, une loi non qualifiable, non catalogable selon nos cat�gories humaines de penser. Mieux, sur ces questions, nous serions encore plus tranquilles en nous-m�mes s'il n'y avait point de Dieu.

Mais, Dieu ou pas Dieu, il s'agira toujours pour nous, pour notre intelligence insignifiante, d'une hypoth�se inv�rifiable. Ni la foi en Dieu ni la n�gation de Dieu � du moins, la n�gation de l'id�e de Dieu � ne l'emporteraient jamais l'une sur l'autre.

Cependant, dans la perspective o� il y aurait un Dieu, Causa sui et Causa Rerum, il faut admettre qu'il prendrait la figure suivante � du moins si on ne veut pas limiter son �tre par rapport � un autre �tre qui lui serait oppos� ��: Dieu-Bien Dieu-Mal-Bont�. Mal et Bont� sont deux faces d'une m�me r�alit�. Le Diable, symbole du mal, incarnation du mal, n'est qu'un autre nom de Dieu, symbole du Bien. Vid� de son contexte et de son contenu, le mythe de Janus, ce dieu aux deux visages, conviendrait tout � fait pour appr�hender ce qu'est le Bien-Mal qui symbolise l'id�e de Dieu, le Dieu jud�o-chr�tien que l'on nous a enseign�: cette fabuleuse et extraordinaire id�e que les hommes se sont faite pour leur bonheur et pour leur malheur en tant que concept op�ratoire d'explication des faits dont on ne peut rendre compte par son propre �clairage. L'id�e de Dieu �choue � s'expliquer elle-m�me...

La m�taphysique est-elle morte depuis le triomphe de la raison technico-scientifique�? Tant que la soif de l�Absolu reste inscrite au c�ur de l�Homme, les r�ponses mat�rialistes de la Science contemporaine, qui sont forc�ment parcellaires, limit�es � sa dimension terrestre, les questions fondamentales seront toujours de mise.

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Pierre Bamony Lyon le 4/11 2002

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Bibliographie

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[1] � Par-del� son sens vulgaire tel qu�il est connu en France et dans la zone de l�Afrique francophone, � savoir celui qui est cr�dit� d�tenir des pouvoirs magiques et sorcellaires susceptibles de nuire � ou d�aider un sujet humain, le mot marabout d�signe un homme pieux dans la tradition musulmane de l�Afrique du Nord. Selon Le Robert, entre autres sens, marabout, en sa signification premi�re, renvoie � un ��musulman qui se consacre � la pratique et � l�enseignement de la religion�� [1998]. Le marabout est donc un homme saint, un ermite recherchant le savoir et une vie pure par rapport aux charmes du monde.

[2] � Le terme du Mal est envisag� ici non pas en son sens courant, forc�ment relatif d�s lors que, en fonction des r�alit�s vitales et culturelles, les diff�rents hommes en viennent � avoir des perceptions et des conceptions sp�cifiques sur cette notion. En ce sens, le bien et le mal rel�vent de cat�gories irr�ductibles � une consid�ration universelle au sens o� l�on entend aujourd�hui qualifier d� ��axe du bien et du mal�� des zones du monde ainsi d�sign�es sans qu�une telle cat�gorisation accorde tous les esprits. Il s�agit bien plus de l�essence originelle, fondamentale de ce quelque chose � partir de quoi l�Homme s�autorise � parler de bien ou de mal. En d�autres termes, notre propos vise l�essence structurelle d�un principe ant�rieur � l�av�nement de l�Homme sur terre.

[3] � Il est bien entendu admis que cette �preuve injuste du sage et du bien-aim� de Dieu a pour but de v�rifier le solide attachement des fid�les de Dieu � leur Cr�ateur. Mais on peut faire ici une remarque de bon sens�: Dieu sait, � l�inverse de Satan, que quelles que soient les souffrances que Job subirait, il ne renoncerait pas pour autant � l�amour de son Dieu. Autrement, tout sujet humain ordinaire qui ne comprendrait pas le sens de cette injustice innommable, malgr� l�amour de Dieu, ne pourrait continuer � pers�v�rer dans ce sentiment. Car on le sait�: l�homme attend de ses actes, spirituels ou non, une compensation des autres hommes, voire de Dieu lui-m�me. L�absence de r�ponse l�incline naturellement au renoncement, c�est-�-dire � poursuivre quelque effort dans ce sens.

[4] � Docteur en droit constitutionnel, ancien Pr�sident de la Cour Supr�me de la C�te d�Ivoire.

[5] � Il s�agit d�une population du Burkina Faso, sujet de nos travaux d�anthropologie depuis plusieurs ann�es.

[6] � Mani (216-277 apr. J.C.) est le fondateur de la religion dite manich�isme. Mani et ses premiers disciples ont combattu le christianisme, le bouddhisme et surtout le mazd�isme (religion de l�Iran pr�islamique du nom de Ahura Mazd� ou le ��Seigneur Pensant��, Dieu supr�me. Saint Augustin fut un des adeptes de cette religion avant d�y renoncer apr�s sa conversion au christianisme.

[7] � Editions Seghers, Paris 1989.

[8] � Ce passage reprend une tradition semblable � celle de l�Ancien Testament (Gn 2, verset 15 �17).

[9] � Ibidem.

[10] � Intrins�quement, l�Homme n�est pas libre. La libert� n�est pas premi�re en lui ou alors ce serait une libert� dans le bien, ce qui n�est pas encore v�ritablement libert�. A l�origine, elle est encore de l�ordre de l�hypoth�tique. Elle ne devient effective, ne passe de la simple puissance au stade de l�acte qu�� partir de l�interdiction divine et de la violation de celle-ci par l�Homme. Dans son Commentaire sur la Torah (Verdier, Lagrasse 1987), le th�ologien Juif Jacob Ben Isaac Achkenazi De Janow permet une telle interpr�tation comme il l��crit � juste titre ��Les anges, eux non plus, n�ont pas le pouvoir de faire ce que bon leur semble�; ils sont pure intelligence et penchant au bien�: ils sont forc�s d��tre bons. �tant donn� qu�aucune cr�ature au monde ne peut faire ce qu�elle veut, Elohim a voulu cr�er une cr�ature qui puisse agir comme elle le d�sire. En cela, l�homme est semblable au Saint, bien soit-Il, qui peut faire ce que bon Lui semble. Avant de go�ter � l�arbre de la connaissance, l�homme pouvait faire ce qu�il voulait, mais sa nature le poussait � faire le bien et non le mal. Aussit�t apr�s avoir go�t� l�arbre de la connaissance, il a commenc� � faire le bien et le mal. Pour cette raison, l�arbre de la connaissance du bien et du mal. Et c�est pourquoi le Saint, benit-Il, n�a dit d�aucune cr�ature qu�elle soit cr��e � son image, except� l�homme, au sujet duquel il est �crit�: ��Cr�ons l�homme � notre image��-Gen 1�:26-)(p.48).

[11] � Nous le verrons ult�rieurement, malgr� cette �vidence, m�me des textes bibliques, la philosophie et la th�ologie chr�tiennes s�emploient � nier que le Mal soit le fait de Dieu lui-m�me. Elles le placent plut�t dans la volont� ou la libert� humaines. Certaines interpr�tations de la tradition de l�A.T. font presque autant�: c�est l�orgueil de l�Homme (la d�sob�issance � la volont� divine � interdiction de manger du fruit de l�arbre de la connaissance) qui a caus� l�av�nement du Mal en ce monde. Nous pensons que Dieu n�a peut-�tre pas besoin d��tre ainsi justifi� si l�on tient � lui reconna�tre la Toute-Puissance et l�Omniscience.

[12] � Finitude et culpabilit� � La symbolique du Mal- (�d. Aubier-Montaigne, coll. "Philosophie de l'Esprit", Paris 1970)

[13] � Finitude et culpabilit�

[14] � Selon Francis Ferrier, dans son Saint Augustin, (PUF, coll. ��Que sais-je�?��), l�interrogation d�Augustin s�inscrit dans sa recherche de la v�rit� au sens absolu du terme, c�est-�-dire la v�rit� suivant sa dimension m�taphysique hors d�atteinte des querelles th�ologiques et philosophiques. Cette interrogation est li�e � l�origine du Mal comme le reconna�t cet auteur�: ��Augustin cherchait la v�rit� et surtout �tait pr�occup� d�un grave probl�me que la philosophie ne r�solvait pas�: ��Pourquoi faisons-nous le mal�?��. Il se mit alors en qu�te d�une r�ponse possible en fr�quentant divers mouvements spirituels � la mode en son temps. C�est donc cette qu�te qui a conduit ses pas vers l��cole de Mani. Comme l��crit justement Francis Ferrier ��la r�ponse � cette question est au c�ur du manich�isme du jeune Augustin. Seule la secte des manich�ens pouvait lui r�pondre, et c�est sans doute la raison pour laquelle, il restera neuf ��auditeur�� chez eux�� (p.16).

[15] � Ibidem

[16] � Confessions (�d. Garnier Flammarion, Paris 1964, p.133)

[17] � Edit. J. Vrin, Paris 1983, p.68

[18] � La Bible de J�rusalem (Desclee de Brouwer, Paris 1975)

[19] � Toutes ces donn�es anthropologiques constituent des points d�analyse effectu�s dans notre th�se de doctorat� d�Anthropologie et d�ethnologie (Universit� Blaise Pascal 2001)

[20] � Il s�agit d�un culte religieux traditionnel destin� � lutter contre les sorciers malfaisants dont toute la puissance psychique supra-normale les incline irr�sistiblement � nuire � autrui par des actes mortif�res constants dans ces communaut�s.

[21] � La pens�e de Mani est, sur ce point plus coh�rente avec et en elle-m�me. Si l�Homme et le monde qui le contient comme un de ses �l�ments, sont partag�s entre le Bien et le Mal, il va de soi que ce monde ne peut provenir d�un Dieu bon. Il est possible de lui accorder tout autre attribut, mais non la bont� qui appara�t n�cessairement comme un paradoxe eu �gard � l��tat du monde et � la situation des homme en lui. Tout, ici-bas, contredit cette possibilit�.

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