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Prot�ger son enfant et se trouver condamn�e

mercredi 20 janvier 2016, par Webma�tre

Voici l’histoire d’une femme et de sa fille qui ont d� quitter la France, en 2000, pour vivre cach�es dans un autre pays europ�en parce que la justice du leur n’a pas su ou voulu d�fendre l’enfant contre un p�re incestueux. Cette histoire se passe en France, mais des histoires semblables se vivent �galement en Belgique, au Canada, en Suisse, en Australie, aux �tats-Unis ou ailleurs. Il semble que prot�ger les p�res soit une r�gle universelle.
T�moignage extrait du dossier M�res en lutte et publi� dans ��Femme Actuelle��, par Fr�d�rique Spitz). (Sisyphe)

Nous publions ici un t�moignage qui pourrait para�tre exceptionnel. Il devrait l’�tre�! Mais il se trouve que beaucoup de m�res, soucieuse de prot�ger leur enfant se trouve soumises � des choix radicaux, situation insupportable dans une d�mocratie moderne.

Ce t�moignage a �t� publi� en avril 2006 sur le site enfancedanger.com pirat� depuis et ferm�. Le r�cit rapporte l’exil d’une maman confront�e � la violence arbitraire d’une justice dont on constate chaque jour la soumission � un ordre pervers, aussi pervers que le pr�dateur lui-m�me. (NDLR)


Les m�res ont mauvaise presse. Il n’y a pas si longtemps, on leur reprochait de ne pas prot�ger leurs enfants contre des p�res incestueux ou on les soup�onnait de complicit�. Maintenant, si elles �coutent les plaintes de leurs enfants et agissent pour les prot�ger, on les accuse de mentir ou de manipuler dans un but de vengeance contre un conjoint ou un ex-conjoint. Quelle que soit l’attitude de la m�re, on trouve toujours moyen de la discr�diter en ayant recours � des th�ories psychanalytiques dont le fondement scientifique est plus que douteux. Il arrive m�me que la situation soit renvers�e et que des m�res - et non les abuseurs - se retrouvent devant le tribunal pour avoir voulu prot�ger son enfant et que ce dernier soit confi� au p�re agresseur. La parole de la m�re et celle de l’enfant sont syst�matiquement mises en doute sous pr�texte que certains parents utilisent l’inceste comme une arme pour r�gler leurs probl�mes de couple.


Voici l’histoire d’une femme et de sa fille qui ont d� quitter la France, en 2000, pour vivre cach�es dans un autre pays europ�en parce que la justice du leur n’a pas su ou voulu d�fendre l’enfant contre un p�re incestueux. Cette histoire se passe en France, mais des histoires semblables se vivent �galement en Belgique, au Canada, en Suisse, en Australie, aux �tats-Unis ou ailleurs. Il semble que prot�ger les p�res soit une r�gle universelle. T�moignage extrait du dossier M�res en lutte et publi� dans�Femme Actuelle, par Fr�d�rique Spitz). (Sisyphe)


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En f�vrier 2003, pour prot�ger Tess, je me suis r�fugi�e � l’�tranger avec elle, aid�e par les membres d’une association suisse. Je n’avais pas d’autre choix pour respecter la promesse que je lui avais faite ��Plus jamais ton p�re ne te fera de mal��. Tess a aujourd’hui 6 ans. J’en avais 28 lorsque j’ai rencontr� son p�re, en 1990. Il pr�parait son dipl�me d’avocat tandis que je travaillais comme responsable dans une imprimerie. Notre histoire a commenc� par des escapades amoureuses et des bouquets de fleurs. Tr�s vite, il m’a pr�sent�e � ses parents et � ses soeurs. Loin des miens, je retrouvai l’ambiance s�curisante d’une vraie famille. F. �tait charmant, c’�tait le bonheur.


En mars 92, j’�tais enceinte. De fa�on myst�rieuse, � partir du sixi�me mois de ma grossesse, F. instaura une distance entre nous. Le 27 octobre, Tess naissait. F. ne m’avait pas accompagn�e � la maternit�. Quand il finit par nous rendre visite, il �tait g�n�, froid. J’avais l’impression de me trouver en face d’un �tranger. Mes proches me rassur�rent�: les p�res ont parfois de dr�les de r�actions... Le temps arrangerait les choses. Je suis rentr�e � la maison, pr�te � d�placer des montagnes pour d�fendre notre bonheur � trois. Peine perdue�: ni mon optimisme ni les attentions n’ont eu raison de son indiff�rence. Ce n’est qu’en pr�sence de tiers qu’il devenait un compagnon et un p�re attentif et aimant.


Une nuit Tess, qui avait alors 2 mois, s’est mise � pleurer. Je revois F. se lever brutalement et secouer notre b�b� en hurlant�: ��Tu ne vas pas me faire chier toute ma vie�!�� J’�tais sid�r�e. Comme une automate, je lui ai retir� Tess des mains. Je cherchais � la calmer, je pris la peine de lui expliquer des choses �l�mentaires, qu’il �tait normal qu’un b�b� pleure la nuit... F. s’est rendormi, tandis que je restais les yeux grands ouverts, incapable de trouver le sommeil. Le lendemain, il semblait avoir tout oubli�. Pour ma part, je ne pouvais pas faire comme s’il ne s’�tait rien pass�. Je voulais absolument qu’il me dise ce qu’il ressentait. Je lui proposai que nous consultions ensemble un psychologue. Il refusa tout et me signifia que le d�bat �tait clos.


Quelques semaines plus tard, Tess est tomb�e malade. En pr�sence du g�n�raliste, F. s’est montr� inquiet, mais d�s son d�part, il m’a hurl� que s’�tait ��l’occasion ou jamais de la laisser crever�!��. Je n’en croyais pas mes oreilles. Ses acc�s de haine me paralysaient. Mais comme on me le disait, il vivait mal sa paternit�, il avait besoin de moi, c’�tait mon r�le de l’aider. Il me fallait �tre forte.


Noy�e au milieu de toutes ces recommandations, esp�rant retrouver l’homme que j’avais connu, ma vigilance s’est assoupie. Quelques jours plus tard, le r�veil fut brutal. Le temps de pr�parer le biberon, j’avais confi� Tess � son p�re. J’avais � peine tourn� le dos que je le retrouvai sur le balcon, tenant Tess au-dessus du vide. Soudain, tout est devenu clair, �vident�: il ne traversait pas une crise passag�re de paternit�... Je commen�ais � avoir tr�s peur.


A la suite de cette �pisode, nous avons eu de violentes disputes. F. �ructait en parlant de notre fille, hurlait qu’il n’allait pas ��se trimbaler cette chieuse toute sa vie��. Il �tait temps de se s�parer... C’est avec soulagement qu’il me vit faire mes valises. Avec ma petite Tess, je pris l’avion pour Bordeaux, o� r�sident mes parents. Ils nous attendaient � l’a�roport. C’�tait le 6 septembre 1993.


Tess et moi avons alors commenc� une nouvelle vie. Tr�s vite, j’ai retrouv� du travail et par l�, mon ind�pendance. F. ne nous donnait aucune nouvelle. Je l’imaginais lib�r� et nous sentais enfin � l’abri. Jusqu’� ce jour de d�cembre o� il a d�barqu� � l’improviste. Il avait intent� une action en justice pour obtenir un droit d’h�bergement. Mais pour moi, c’�tait impensable. J’avais la certitude que nous avions �vit� le drame de si peu qu’il n’�tait pas question d’exposer ma petite fille � de nouveaux dangers.


Au juge j’ai racont� les violences physiques et verbales que F. avait inflig�es � notre enfant. Et sa demande n’a pas abouti. Pendant trois ans, malgr� les multiples proc�dures, aucun juge, au vu des violences �voqu�es, n’accepta de lui confier Tess. Il voyait sa fille une fois par mois en ma pr�sence, chez moi. La situation paraissait id�ale�: le lien paternel n’�tait pas rompu et Tess se trouvait en s�curit�.


Du moins l’ai-je cru, jusqu’� ce jour o� je surpris F., assis devant la t�l�vision en train de caresser Tess entre les jambes. Je le mena�ai d’appeler la police. Il quitta la maison aussit�t avec cet air arrogant que je lui connaissais bien. En �tat de choc, je suis all�e tout de suite au commissariat. L’inspecteur de police m’a comprise et m’a conseill� de ��porter plainte pour attouchements sexuels sur mineur de moins de 15 ans, sans violence��. Submerg�e par l’�motion, je n’ai pu dire l’impensable. Je n’ai pas �t� capable de prononcer le mot ��sexe���; au lieu de cela j’ai parl� de ��l’aine��, de ��l’entrejambe��, mais je n’arrivais pas � parler du ��sexe�� de mon b�b�. Les mots pr�cis manquaient � la d�position. L’affaire fut class�e. Il nous fallu continuer � supporter les visites de F.


Avec une d�termination et un savoir-faire professionnels, il entreprit d’�mouvoir le juge en argumentant que je faisais obstacle � sa relation avec Tess�; il n’avait pas d’intimit� avec elle, sa fille lui manquait... Chose incroyable, il obtint gain de cause. Son droit de visite s’exercerait d�sormais dans un ��point-rencontre��, un centre o�, le premier samedi de chaque mois, il verrait Tess en pr�sence d’�ducateurs. J’�tais persuad�e que l’institution remplirait son r�le protecteur.


Ponctuel, avenant, flatteur, jouant le p�re mod�le, on lui accorda, d�s la premi�re entrevue, l’autorisation de quitter le centre avec Tess, le temps d’une ��promenade�� de 15 h � 18. De sa petite �chapp�e avec Tess, F. revint � l’heure pr�vue, affichant un visage rassurant, parfaitement ma�tre de lui-m�me, remerciant les �ducateurs, avant de me lancer, une fois seuls�: ��Un accident est si vite arriv�. La petite qui passe sous les roues d’un camion, et toi, je te verrai devenir folle d’apprendre sa mort�!��. Puis un jour, en 1996, l’institutrice de ma fille m’a convoqu�e. Au cours d’un jeu collectif, Tess lui avait confi�e, en montrant sa culotte�: ��Mon papa, il me touche l�. C’est pas bien��. Entendue par la police, son institutrice signa et confirma sa d�claration. Plus tard, F. me mena�a devant Tess avec un pistolet et d�clara�: ��Tu ne peux rien contre moi, la justice me prot�ge. Tu es morte��. Lorsqu’il fit feu, il s’av�ra que c’�tait un pistolet � eau. Je portai plainte pour menace de mort et signalai les faits au procureur. L’affaire fut class�e faute de preuves. F. avait r�ussi � inverser les r�les�: il �tait un martyr et j’�tais une proc�duri�re n�vros�e. Je m’enlisais dans un cauchemar. Difficile de d�crire le sentiment d’abandon et l’�coeurement face � ce constat d’impuissance.


En 1997, fort de cet avantage, il renouvela sa demande de droit d’h�bergement sur sa fille. Faisant fi de mes plaintes et des violences reconnues, le juge lui attribua un droit de visite conventionnel�: un week-end par mois et la moiti� des vacances scolaires. Accabl�e, je fis appel. On me r�torqua alors qu’en mati�re d’inceste, neuf dossier sur dix n’�taient qu’affabulation et r�glements de compte entre les parents. D�bord�s, les magistrats ne peuvent consacrer aux affaires tout le temps et l’attention n�cessaires pour que la v�rit� �clate.


Tess ne mentait pas. Mais comment l’auraient-ils su�? Jamais elle n’avait �t� v�ritablement entendue. Sur les conseils de mon avocat, j’�crivis � diff�rents minist�res. Tous renvoy�rent le dossier au procureur, qui consid�ra � nouveau qu’il n’y avait aucun danger pour l’enfant et que son p�re pouvait la prendre au mois d’ao�t. � bout de ressources, sans plus d’armes pour m’opposer au droit d’h�bergement, j’expliquai � ma petite fille qu’elle devait partir. La veille de son d�part, elle alla se cacher dans la valise, se d�battit, cria qu’elle ne voulait pas y aller. Mais Tess est partie, je me sentis mourir de d�sespoir.


A son retour, c’est une enfant meurtrie qui s’est avanc�e vers moi. Amaigrie, les yeux cern�s, le regard plein d’effroi. Elle hurlait la nuit, se r�veillait terroris�e. ��Mon p�re m’a touch� la z�zette, j’ai peur... Je ne peux plus respirer��, r�p�tait-elle, en s’arrachant la peau. Tout se brisait en moi.


Nous avions besoin d’aide, de toute urgence. Je pris rendez-vous chez un psychologue pour enfants. L�-bas, Tess se mit � rouler par terre, � l�cher les pieds de la table, � ramper sur le sol. ��Mon p�re m’a touch�e partout, et puis l�, dit-elle, en �cartant les jambes��. Tess poursuivit�: ��Il m’a dit que si je le disais, ma maman ne m’aimerait plus, qu’il la mettrait en prison et qu’il me tuerait��. Elle se cacha derri�re un si�ge. Le psychologue lui tendit des crayons. Elle dessina un sexe en �rection, puis au repos. Elle bavait, on aurait dit un petit animal. C’�tait insoutenable. La psychologue la r�conforta�: ��Tess, tu es une petite fille tr�s courageuse. Tu n’es pas responsable de ce qu’� fait ton p�re��. Le psychologue fit un signalement � la justice. Malgr� celui-ci, je fus somm�e de pr�senter l’enfant � son p�re. Tess me suppli�t de lui dire qu’elle ���tait morte��. Je croisais F. au point-rencontre. Il me glissa en saisissant sa fille�: ��Cela doit �tre horrible pour toi de ne pas savoir � quel moment je la touche��. Tess hurlait de terreur...


Quand elle revint, elle �tait compl�tement d�boussol�e. Je l’emmenai consulter un p�dopsychiatre. Il fut constat� que son p�re avait r�it�r� ses attouchements, cette fois en pr�sence d’un tiers. ��Ils me disaient�:��c’est bien��... Il m’a mis un petit zizi dans la bouche puis un gros. Je ne pouvais pas respirer. Il a mis son doigt dans mon derri�re, je voulais pas...��, r�p�tait-elle, en sanglotant. Le p�dopsychiatre fit un nouveau signalement de mineur en danger au procureur. Des gendarmes entendirent de nouveau Tess pendant plus de deux heures, hors de ma pr�sence. Convaincus qu’elle disait bien la v�rit�, un proc�s-verbal fut transmis au juge qui indiquait que des ��indices graves et concordant �taient r�unis de mani�re � poursuivre le p�re pour agressions sur mineure de moins de quinze ans par ascendant��.


A ce jour, ma plainte p�nale pour atteintes sexuelles est en voie de classement malgr� les nombreux certificats m�dicaux et la d�position de Tess faite � la gendarmerie. Je suis sous le coup de quatre condamnations civiles pour avoir demand� la suspension du droit de visite et d’h�bergement du p�re.


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Sans l’aide de Terres des Hommes, une association suisse qui, entre autres actions, a entrepris de lutter contre la p�dophilie, je vivrais�aujourd’hui�s�par�e de ma fille. Ses juristes, engag�s corps et �mes dans la d�fense des droits de l’enfant, ont repris le dossier pi�ce par pi�ce. Son calvaire a �t� reconnu par des experts p�dopsychiatres. Gr�ce � eux, Tess retrouve une certaine confiance dans la vie.
Elle sait d�sormais que les hommes ne sont pas tous des agresseurs comme son p�re. Nous vivons de solidarit�, h�berg�es, soutenues moralement et prot�g�es dans notre anonymat. Aujourd’hui, l’objectif de l’�quipe qui m’entoure, c’est que la justice fran�aise entende enfin Tess et reconnaisse la culpabilit� de son p�re.


Voir en ligne : Sisyphe


Publication originale, � “ Femme Actuelle”, premi�re publication sur Internet Sisyphe.org, nov. 2003