Br�ve histoire de l’�volution de la notion de folie
La crise que traverse le syst�me mon�taire international est largement due � l’h�g�monie mondiale du mod�le am�ricain pr�n� par les lib�raux int�gristes. L’Am�rique du Nord est la premi�re puissance mondiale militaire et financi�re du monde et, en tant que telle, elle exerce une tr�s grande fascination sur les �lites des autres nations. Ainsi son influence morale est tout aussi puissante que sa domination militaire. Dans le domaine des sciences la supr�matie am�ricaine ne fait pas non plus de doute, m�me si cela est moins net. Il est cependant un domaine o� la Pax americana exerce une influence pernicieuse sur les vies quotidiennes des peuples europ�ens. Il s’agit de la psychiatrie.
En quoi sommes-nous concern�s et comment�?
Nos soci�t�s ne vivent plus selon des lois ��naturelles�� qui orchestreraient nos vies selon des r�gles de bon sens ou selon des principes coutumiers ou transcendants. Au cours de leur histoire, les peuples se sont donn� les moyens d’�dicter des principes fondamentaux, d’o� sont d�coul�s des principes moraux et, par suite, des lois. Ces principes d�limitent des normes comportementales plus ou moins souples, des sortes de fronti�res � l’int�rieur desquelles les �tres humains, hommes et femmes, enfants et vieillards se reconnaissent comme semblables et �uvrant pour un bien commun. Probablement tr�s t�t dans l’histoire de l’�volution de l’humanit� il fallut des gardiens du respect de ces lois, se diff�renciant peut � peu des autres pouvoirs, c’est � cela que servent aujourd’hui les diff�rents services de polices qui sont charg�s de surveiller et de punir (Michel Foucault, Surveiller et punir) les diff�rentes formes de criminalit�. Tr�s t�t, et probablement d�s l’aube de l’humanit�, des interdits fondamentaux furent pos�s pour garantir la survie du groupe et la pr�servation de l’esp�ce. (Tu ne tueras pas, Tu ne voleras pas le bien d’autrui, ...) Les codes civils se sont affin�s au cours du temps, �tablissant des degr�s dans le crime ou pour les d�lits. Mais ces codes �tablirent aussi des normes dont les caract�ristiques nous impr�gnent encore sans que nous le sachions vraiment. C’est un effet de groupe et sa persistance au cours des temps fonde ce que nous nommons culture. Ainsi les diff�rents �l�ments qui composent un groupe �pousent des comportements statistiquement semblables. Cela veut dire aussi que certains �l�ments finissent par �chapper � cette norme.
Les crimes et d�lits ne sont pas les seuls ��d�viances�� - par rapport � une norme pr�alablement d�finie - que nos syst�mes de vie doivent affronter. (Dans tout groupe humain, il existe une part incompressible de ��d�viance�� et c’est probablement une loi incontournable.) La folie telle que nous pensons la conna�tre d�finit une forme singuli�re d’alt�ration du comportement et cette fa�on de la concevoir fut tr�s tardivement �labor�e. Dans les soci�t�s anciennes, ceux que nous rep�rons comme fous �taient int�gr�s au groupe � la mesure de leur d�viance. Nombre de soci�t�s contemporaines continuent de fonctionner encore sur ce mode, mais leur nombre tend � diminuer au fur et � mesure que l’urbanisation se renforce. Dans ces soci�t�s-l� la folie n’existe pas, il s’agit d’autre chose que la communaut� des vivants assume et compense selon une loi que nous avons perdue de vue, l’identit� entre les �tres, ce que le vocabulaire moderne nomme solidarit�. (Notons en passant que cette identit� porteuse de coh�sion est instinctive, visc�rale, les singes et d’autres animaux gr�gaires la pratiquent) La coh�sion du groupe est plus puissante qu’elle peut compenser la faiblesse de l’un de ses �l�ments, c’est pourquoi, ce lien perdure tant que la coh�sion du groupe n’est pas menac�e.
La m�moire de l’Histoire conserve cependant, pour la plupart des soci�t�s qui nous ont laiss� des traces, des cas de folie que rien ne pouvait contenir. Les mythes nous rapportent qu’il s’agissait l� d’une affaire de dieux, voulant dire par l� que cela �chappait au contr�le humain et que l’on n’y pouvait rien, hors la mort ou le bannissement.
Pour ce qui concerne cette soci�t� pr�tendument de ��racine chr�tienne��, tout le monde a entendu parler des cas de possession et de la mani�re dont le clerg� la traitait. Tous les cas de possession que les archives de l’Histoire nous d�voilent ne sont pas des cas pathologiques et c’est ainsi que l’histoire r�cente - moins de 5 si�cles - de nos soci�t�s urbaines r�v�lent que folie et anormalit� m�nent une �trange danse � deux.
1492, les Croisades ont pass�, Isabelle la Catholique expulse les juifs d’Espagne, Christophe Colomb d�couvre l’Am�rique. L’ennemi n’est plus le Maure inf�me mais un �tre du dedans. D�sormais, peu ou prou, notre monde actuel est n�. Catholiques fran�ais et espagnols vont livrer une bataille acharn�e contre les protestants anglais et hollandais pour la conqu�te de nouvelles terres. Ce sont ces derniers qui imposeront � la plan�te leur syst�me du monde. La folie n’existe pas encore mais on sait d�j� que ce monde qui vient repose sur des pogroms dont l’essence m�le religion et int�ressement financier. Cette tendance autodestructrice se prolongera par l’action meurtri�re de l’Inquisition qui sera la premi�re instance du monde ��occidental�� � �tablir des normes comportementales, morales et psychologiques - le religieux �tant une part du psychologique au sens moderne.
Au dehors du monde, donc, il y aura des �tres sauvages, m�ritant tout juste de voir leur �me sauv�e par une assimilation cannibale, au-dedans, la folie, religieuse, d’abord, rationnelle ensuite appara�t peu � peu. Le rationalisme ach�vera cette r�forme des m�urs et comportements.
Si l’on prononce le vocable anormal, une cha�ne d’associations mentales s’organise et nous fait penser � une anormalit� physique, une d�formation corporelle ou mentale, � des comportements extraordinaires - parce que nous ne les rep�rons pas comme semblables aux n�tres - ou bien � des fantaisies de comportements et d’attitudes dont certaines sont effrayantes. On nomme habituellement folie ces fantaisies.
Que l’on fasse r�f�rence � une entit� divine ou � une r�gle scientifique, donc incontournable et absolue, c’est d’une norme qu’il s’agit et celle-ci est d�finie comme n�cessaire � la vie sociale. Pour le d�viant, cela ne change rien. Que les modalit�s de sanction �voluent au gr� de l’effort de civilisation ne change rien non plus. De l’ex�cution � la mise au ban c’est le m�me effort que d�ploie un groupe pour �carter ceux qui, selon ses r�gles, perturbent l’ordre des choses.
Que le scientifique sache que sa v�rit� est provisoire ne change rien car ce sont les politiques qui appliquent les r�gles qui d�coulent toujours d’une vision du monde.
Que le pr�lat doute de la bont� universelle de son Dieu ne change pas plus puisqu’il faut bien que les brebis �gar�es rejoignent le troupeau ou p�rissent.
Folie et ordre social
La d�finition de la folie, plus largement, de toute d�viance, d�coule, dans nos soci�t�s, d’un artifice qui conduit � l’�viction du champ social de toute ��d�fiance oppositionnelle�� (Il s’agit d’une nouvelle maladie mentale et j’y reviendrai plus loin)
Ajoutons que toute perturbation de l’ordre d’une soci�t� est d’autant plus mal ressenti par ses membres que les id�aux qui pr�sidaient � la cr�ation de celle-ci d�clinent et s’�vanouissent. Les historiens, selon l’id�ologie qui les anime, pourront nous pr�senter cela sous l’angle �conomique, moral ou religieux mais, anthropologiquement parlant, il s’agit d’une seule et m�me chose, une mutation en marche.
Autre corollaire�: la d�fiance � l’�gard de la d�viance est d’autant plus appliqu�e que celle-ci se m�le � un �lan cr�ateur. Le d�clin d’une masse donn�e des valeurs fondatrices d’une culture s’accompagne d’un �gal surgissement de nouvelles formes de vie, de nouvelles repr�sentations du monde mais leur relative fra�cheur les pr�sente sous forme chaotique que l’ordre d�clinant ne peut que rejeter.
Plus un ordre d�clinant se sent menac� plus il a tendance � multiplier les r�gles normatives, excluant ainsi toute entrave � son fonctionnement. Ainsi s’�largissent les d�finitions de la d�viance. Aux formes ��organiques�� de la folie - celle que l’esp�ce humaine doit accepter d’elle-m�me depuis la nuit des temps et qui est plus ou moins tol�r�e selon les moments - se m�lent des embryons d’une mutation qui n’est pas reconnu comme telle. Cela conduit � l’�viction du champ social de tout ce qui est ���trange�� et les modalit�s d’�viction �voluent selon les codes du moment mais elles cherchent toujours � s’appliquer toujours avec le maximum d’efficacit�.
(On comprend que la folie ordinaire n’est pas seule concern�e, sont g�nants tous les sujets qui entravent la marche du monde... y compris cette classe nouvelle nomm�e ��les handicap�s��, mais aussi les ��irr�guliers��. L’ordre d�clinant les voit comme objets, nos comme sujets.)
Venons-en donc aux d�finitions contemporaines de la folie par la psychiatrie contemporaine. Nous verrons combien les propos ci-dessus ne sont ni outranciers ni exag�r�s.
D�finition contemporaine de la folie
L’APA (American Psychiatrical association) d�tient le pouvoir de d�finir les termes et les crit�res en fonction desquels se fait la distinction entre le normal et le pathologique en termes de sant� mentale. Elle produit � intervalle r�guliers le DSM - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. Ce catalogue de d�finitions et de descriptions cliniques est diffus� dans le monde entier, tout acte psychiatrique qui se veut ��moderne�� y souscrit d’une mani�re ou d’une autre.
La premi�re �dition (DSM-I) est publi�e en 1952, et diagnostique 60 pathologies diff�rentes. La deuxi�me �dition (DSM-II) est publi�e en 1968, et recense 145 pathologies psychiques.
La troisi�me �dition (DSM-III) est publi�e en 1980 et d�nombre 230 pathologies.
Cette �dition avait pour but de faciliter une approche rationalis�e des essais th�rapeutiques afin de valider les nombreuses mol�cules nouvelles que les laboratoires avaient mis sur le march� depuis le d�but des ann�es 1970. Le DSM-IIII cr�e �galement des cat�gories de populations porteuses de pathologies, apparemment d�finies sur la base de crit�res cliniques.
Outre cet assujettissement aux productions des grands groupes pharmaceutiques, il ne faut pas n�gliger un autre fait symptomatique qui devrait nous �clairer sur l’impact ethnique - moral - de toute d�finition de la folie. Jusqu’en 1974, l’homosexualit� �tait class�e comme un d�sordre mental. DSM-II.
La quatri�me �dition (DSM-IV) est publi�e en 1994 et reconna�t 410 troubles psychiatriques. La version actuellement utilis�e est une r�vision mineure de ce texte, le DSM-IV-TR, publi�e en 2000. Cette �dition prolonge et approfondit le travail entam� avec le DSM-III.
La cinqui�me �dition est en cours de production depuis 1999, sa parution pr�vue pour 2011. Les 13 groupes de travail ont �t� d�finis et cr��s en 2007.
Psychiatrie et complexe pharmaco-industriel
Le Dr Steven Sharfstein, ancien pr�sident de l’APA, face aux critiques qui lui �taient adress�es, se justifiait ainsi en 2003�: ��Pour survivre, nous devons aller l� o� se trouve l’argent��.
Rien de plus clair�!
Les psychiatres sont les m�decins les plus soutenus financi�rement par l’industrie pharmaceutique. Lisa Cosgrove et Sheldon Krimsky, dans une �tude parue en 2006, pr�cisent�: sur 170 experts ayant contribu� au DSM IV, 56% avaient des liens financiers avec une ou plusieurs firmes pharmaceutiques. Quant aux experts des groupes de travail consacr�s aux ��troubles de l’humeur�� et aux ��troubles psychotiques��, ils �taient tous dans une position av�r�e de conflits d’int�r�ts. La psychiatrie, en dehors des narcoses - �lectrochocs - est tr�s consommatrice de mol�cules. D’autre part, les psychotropes et les antipsychotiques, prescrits pour traiter les troubles de l’humeur - troubles bipolaires, par exemple - et les psychoses - schizophr�nie pour la plus connue, sont tr�s co�teux. Ils sont aussi prescrits sur de longues p�riodes. Aux USA, le groupe des antid�presseurs g�n�re 20,3 milliards de dollars de profit, celui des antipsychotiques 14,4 milliards (chiffres �tablis en 2004 et en tr�s nette augmentation depuis).
Les psychiatres europ�ens diront qu’ils ne se sentent pas concern�s par ces collusions typiquement am�ricaines. C’est une mani�re d’exprimer leur aveuglement car ils appliquent bien les consignes du DSM et les protocoles th�rapeutiques.
R�f�rences pour ce chapitre�: Psychiatry & Pharma, the unholy alliance
Financial Ties between DSM-IV Panel Members and the Pharmaceutical Industry
Science et id�ologie
Un exemple particuli�rement frappant du confusion qui r�gne entre science, id�ologie et morale, quand la morale s’en m�le, nous est donn� par le groupe DSM V, The Sexual and Gender Identity Disorders dirig� par Kenneth J. Zucker. Ce groupe est donc charg� de d�finir les pathologies sexuelles et les d�sordres de l’identit� sexuelle.
Peggy Cohen-Kettenis est la Pr�sidente du sous-groupe GID (Gender Identity Disorder). C’est une professionnelle engag�e, respectueuse et empathique, sa nomination est probablement due � la tr�s forte mobilisation de toutes les associations am�ricaines qui d�fendent les personnes ��atypiques�� - qui ne reconnaissent pas dans le genre qui leur est assign� par leur identit� de naissance.
Ray Blanchard pr�side le sous-groupe Paraphilias - ��paraphilie��.
Enfin, R. Taylor Segraves dirige le sous-groupe Sexual Dysfunctions.
Ce qui nous int�resse ici, ce sont les positions de Ray Blanchard et Ken Zucker connus pour des prises en charge dites ��de conversion��. (Ce terme n’�veille-t-il pas de sinistres souvenirs surgis de l’Histoire du monde chr�tien�?)
Lors de mes ann�es d’�tude, nos professeurs nous apprenaient que dans le cas des ��troubles homosexuels�� il importait de parvenir � ��convertir�� ces ��malades�� � une sexualit� normale.
Ray Blanchard est aussi connu pour ses liens avec les milieux qui se sont oppos�s � la r�forme du DSM II lequel d�finissait l’homosexualit� comme une d�viance psychique. Il fallut 10 ann�es de combat pour qu’aboutisse enfin la d�psychiatrisation de l’homosexualit�. Ce m�decin est �galement r�put� pour ses prises de position en faveur des th�ories eug�nistes. Il est � l’origine d’une tr�s puissante campagne d’influence qui pr�ne la castration chimique, voire les condamnations � mort pour les r�cidivistes p�docriminels.
Kenneth J. Zucker et Ray Blanchard ne sont pas si exceptionnels qu’il y para�t. S’ils occupent une telle place dans le paysage de la psychiatrie am�ricaine, donc mondiale, c’est bien parce que quelque chose se meut dans les bas-fonds de nos cultures qu’on croyait avoir banni � jamais avec le proc�s de Nuremberg. Et Hannah Arendt soulignait fort justement, � l’occasion du proc�s de Eichmann, (captur� � Buenos Aires en mai 1960 par les services secrets isra�liens, et jug� � J�rusalem en avril 1961) que loin de l’abolir il consacrait la ��banalisation du mal��.
Les valeurs morales des religions du Livre d�finissent la finalit� de la sexualit� comme uniquement destin�e � la procr�ation. On devine donc ce qu’implique le retour du dogmatisme religieux dans les d�mocraties. Au moment o� les soci�t�s dites ��occidentales�� tendent � s’enfermer dans un vain retour aux dogmes antiques, on pressent bien que l’implication de la psychiatrie dans la d�finitions des d�viances sexueles n’a rien de scientifique. Et cela ne s’arr�te pas � la sexualit�...
Las de poursuivre les homosexuels de leur volont� de ��conversion��, les chantres de la puret� se trouvent d�sormais un ennemi int�rieur dont l’�radication totale et radicale rendra � notre soci�t� sa puret� perdue. Je d�signe les p�docriminels, pire, les r�cidivistes - mais ne le sont-ils pas tous�? - qu’il s’agira de jeter en p�ture � la vindicte populaire dans un acte de pur exorcisme selon les rituels les plus archa�ques et les plus sauvages.
Oui, il y a bien un lien entre la volont� de combattre l’axe du Mal - le monde musulman, qui s’en cache maintenant�? - et l’�radication de la p�docriminalit�.
Un ennemi dehors, un ennemi dedans�; les Croisades d’un c�t�, l’Inquisition de l’autre�!
Non, ce n’est plus de la science, c’est du sacr� au sens le plus mal�fique qui soit et nous nous trouvons les plus vives argumentations pour penser, dire ou �crire que ce n’est pas vrai, que cela ne peut pas exister ainsi�!
R�f�rences pour ce chapitre�:
Gen�se du DSM - Wikipedia (anglais)
La version fran�aise de Wikipedia ne rend compte que d’une r�alit� �dulcor�e du DSM
Transadvocate
Bird of Paradox
Organisation Internationale des Intersexu�s
Marie-No�lle Baechler
Lorsque l’enfant para�t
Dans un essai sur la banalisation de la transgression du tabou de l’inceste, j’ai soulign�, en fin d’ouvrage, combien il pouvait exister de relations entre la p�docriminalit� et la banalisation d’une industrie de pr�dation. Je veux dire que notre civilisation a perdu contact avec ses aspects les plus humains pour ne devenir qu’une soci�t� de pr�dation que la Loi du March� r�v�le sans que nul ne le conteste d�sormais, transformant chaque sujet en autant de robots fabricants qu’ils se trouve d’individus dans les nations.
Il ne s’agit pas d’une perversion seulement �conomique, ses racines sont bien plus profondes, elles se situent l� o� nous-m�mes, � chaque �tage de notre vie posons un bandeau sur la v�rit� qui s’�tale chaque jour.
Certes, ��il eut �t� r�confortant de croire qu’Eichmann �tait un monstre�� �crit Hannah Arendt. Pourtant, tant d’autres lui ressemblaient ��ni pervers, ni sadiques��. Ces gens �taient ��effroyablement normaux��. Ils ne savaient pas�!
Ce formidable probl�me nous demeure pos� aujourd’hui. Dire que les d�viants ��paraphiles�� et p�docriminels sont des monstres nous arrange car nous trouvons dans cette monstruosit� la justification de notre d�ni. (Je ne dis pas irresponsabilit� mais d�ni car il ne s’agit pas d’appr�cier cela � l’aune de la notion si pr�sente de faute, donc de repentance que savent si bien instrumentaliser certains orateurs)
Cette banalisation qui serpente dans nos cultures � sa mani�re ophidienne suppose qu’un syst�me rigide et coercitif ait, au pr�alable, tu� l’�tre social, et aussi ��l’animal politique�� en tout homme, en toute femme dont il ne conserve alors que l’aspect biologique, objet inerte et sans �me livr� au d�cryptage d’une science qui se veut absolue dans ses d�crets. Mais cette propension � l’absolu ou � l’universel n’est-elle pas �galement incluse dans le projet du lib�ralisme �conomique�? N’y a-t-il pas dans l’id�ologie du March�, promu au rang de ma�tre du monde, une volont� d’absolu qui transformerait l’�tre humain en une m�canique de production et broierait chaque individu sous productif ou celui qui serait susceptible de porter un autre projet forc�ment contraire � l’ordre gisant�?
Et c’est ainsi que l’enfant para�t...
Que les victimes d’inceste ou de p�docriminels ne se m�prennent pas, je ne d�fends ni les p�docriminels ni une quelconque d�p�nalisation. Ceux qui me connaissent savent � quel camp j’appartiens. Je suis pour une p�nalisation dissuasive des actes p�docriminels mais je d�fends avec vigueur le principe fondamental de nos soci�t�s, celui d’une justice sereine, � l’abri de toute forme de sensationnalisme.
� une barbarie, n’opposons pas une autre barbarie quand bien m�me cette derni�re reposerait-elle sur un ��consensus��, faussement. La haine qui tenaille la victime du p�docriminel est normale et juste durant un temps, elle soutiendra sa col�re et son besoin de recouvrer une dignit� bafou�e. Mais c’est � la soci�t� toute enti�re de supporter la charge de la reconnaissance de la souffrance et de la blessure. C’est ce processus qui inclut la ��mise en accusation�� du pr�dateur, que la soci�t� globale doit conduire car lui seul est porteur de r�demption et de r�paration pour la victime. Je sais assez, pour avoir soutenu de nombreuses victimes, que la haine perp�tue le lien pervers que le pr�dateur a instaur� avec sa victime. Invoquer la vengeance, faire du pr�dateur un monstre incurable, c’est, paradoxalement, agir dans le sens de ce grand manipulateur - Myriam Badaoui, actrice centrale de l’affaire d’Outreau en est un parfait exemple - en se d�barrassant � bon compte d’un d�ni collectif. La victime ne peut soutenir longtemps ce lien au-del� de l’agression premi�re. Et l� il y a des solutions juridiques et �ducatives, des protocoles cliniques, des actions pr�ventives � mener. Surveiller et punir ne suffit pas, surtout quand cela se fait dans l’aveuglement des passions. Prendre en charge la victime dans son besoin profond d’�tre humain est la premi�re urgence. La commis�ration n’est pas un soin�!
Plus loin que la tol�rance � l’�gard de la transgression d’un tabou fondateur, nos soci�t�s d’ordre et de puret� s’en prennent elle-m�me � l’enfant.
La pression du complexe pharmaco-industriel sur l’�laboration du DSM est telle que m�me la terminologie psychiatrique est influenc�e, voire induite par les producteurs de nouvelles mol�cules.
Ainsi le ��trouble de d�fiance oppositionnelle avec provocation�� est apparu pour caract�riser une famille de signes affectant principalement enfants et adolescents turbulents, revendicatifs ou hyperactifs...
Le petit fr�re du DSM, le DSM IV, cas cliniques, pr�sente le cas de Kevin ��un joyeux gar�on de 9 ans qui est en deuxi�me ann�e de cours �l�mentaire�; il est amen� � la consultation externe car son instituteur, dans l’�cole priv�e qu’il fr�quente, a appel� plusieurs fois sa m�re pour lui signaler la d�gradation de sa conduite en classe.�� [...] (Allen Frances et Ruth Ross, 2000, p. 8) Ce n’est pas l’exemple clinique qui nous int�resse mais la pr�cocit� du processus de psychiatrisation, d’une part, le signalement par le p�dagogue d’autre part. Cela rejoint d’autres injonctions polici�res � la d�nonciation.
Une telle convergence est largement encourag�e actuellement au point de favoriser la prescription extr�mement pr�coce de mol�cules jusque l� r�serv�es aux seuls adultes. Les p�dagogues sont �galement de plus en plus form�s � faire des �valuations ��pr�ventives��.
Le fichier Edvige modifi� depuis peu maintient le signalement des enfants de 13 ans dans la plus grande indiff�rence. Sous sa forme premi�re il comportait le signalement des pr�f�rences sexuelles et des maladies. Cela doit �tre mis en parall�le avec les tendances contemporaines de la psychiatrie et la volont� contemporaine pour une s�curit� maximum, acquise non par la pr�vention mais par la mise au ban. Un pr�sident de la R�publique soutient fermement que l’agitation de certains enfants et que la p�docriminalit� trouvent leurs sources dans des dispositions g�n�tiques, ce qui implique le signalement le plus pr�coce qui soit de ces tendances malsaines. D’o� le fichage pr�coces des ��d�viants��, d�s l’�cole primaire donc. Le fichier Base �l�ves, exp�riment� d�s 2004 dans la plus grande indiff�rence, pr�conisait que ��Les �coles, les coll�ges, les lyc�es et les �tablissements d’enseignement sup�rieur (...) participent � la pr�vention de la d�linquance"��
Le Ministre, Xavier Darcos, est revenu sur certains �l�ments de ce texte dont il dit lui-m�me qu’il enfreint les r�gles de l’�cole de Jules Ferry et qu’il est ��profond�ment liberticide�� mais les d�crets portant modification ne sont pas parus, si bien que certains recteurs sanctionnent encore les p�dagogues qui ne remplissent par leurs fiches.
Ces dispositions, m�me si, parfois les dirigeants paraissent reculer, appartiennent � un arsenal dont nous trouvons le mod�le aux USA et nous ne pouvons pas pr�tendre que cela s’arr�tera � l’entr�e du port de Brest. ��Pas nous, non s�rement pas nous...��
Et, plus tard, ��Nous ne savions pas�!�� Cela fait 50 ans que le DSM est en place�!