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Face aux peurs contemporaines

Le f�minin comme barrage


Les soci�t�s contemporaines sont la proie de grandes peurs collectives, surm�diatis�es, �ph�m�res mais qui se d�clinent r�guli�rement. Autant de manifestations prot�iformes d’une grande peur permanente qui semble n�cessaire. Tel un rempart contre la terreur, se renforce chaque jour davantage l’arsenal des valeurs dominantes, � grand renfort de repr�sentations m�diatiques, qui s�cr�tent les nostalgies de l’�ge d’or. Signe d’une fracture fondamentale dans le syst�me d’adaptation et dans le processus d’�volution humains, le retour de la peur porte la marque, dans les contreforts de la conscience collective aveugl�, p�trifi�e par sa volont� de contr�le et impuissante � r�amorcer un mouvement, d’un complot qui se trame dans l’ombre. Mais qui tire les ficelles�?

Comme dans l’article pr�c�dent, Catherine Barb�, en 1994, analyse les m�canismes des peurs contemporaines. Elle d�voile �galement comment ces peurs sont instrumentalis�es tout en signalant qu’une ligne directrice semble "d�terminer" la qualit� de cette instrumentalisation. Toujours, nous voil� renvoy�s � l’exclusion de l’�tranger et du f�minin, figures repr�sentatrices du chaos. Pr�sence annonciatrice de catastrophes � venir.

Sans y prendre garde, nul ne peut voir un lien entre l’instrumentalisation de la peur d’une grippe r�put�e d�vastatrice, les d�rives du climat et les charters de renvoi au pays des �trangers sans papiers. Au fond de cela g�t une peur bien plus profonde, visc�rale m�me et � trop s’en d�tourner nous passons � c�t� de sa r�solution probable.

M�me si les r�f�rences sont anciennes, le lecteur attentifs pourra trouver dans l’actualit� leur �quivalents contemporains.


Les valeurs dominantes

La nostalgie de l’�ge d’or

Avec la crise c’est le retour aux valeurs simples�: nature, famille, simplicit�, s�curit�.

Au discours s�curitaire s’ajoute donc le regret d’une nature maternante. La publicit� pour yaourt est exemplaire � cet �gard�: une femme v�tue de voile l�ger dissimule � peine un ventre respectable qu’elle prom�ne dans les verts pr�s fleuris, en d�gustant un yaourt. Un fondu encha�n� raccourcit le temps et d�j� l’enfant n� savoure son premier yaourt. Elle a tout d’un printemps de Botticelli. Femme-fleur, femme-nature, femme-corne d’abondance, les po�tes des temps anciens ont brod� sur ce th�me, on s’en souvient. Or, chantons aujourd’hui, fr�res et s�urs po�tes, la femme yaourt... nature bien s�r.

Quand la famille se sera agrandie pour compter trois enfants en �ge de pr�parer le petit d�jeuner, c’est dans le m�me vert pr� fleuri que la famille r�unie d�s potron-minet, dans l’all�gresse d’un chant, accueillera l’ami Ricor�. On n’en finirait pas, et avec quel plaisir, de faire d�filer encore le cort�ge de ces visions de r�ves, d�bordantes de bonheur�!

Dans le cas de l’eau min�rale, la nature est pourvoyeuse de tout bien. Avec les agences de voyage c’est l’abondance de biens sans effort.

Pr�voyance

Aux dangers qui se profilent sur tous les fronts, il existe des moyens de r�torsion �prouv�s. Feront-ils leurs preuves une fois encore�? Certains �mettent des doutes, humblement formul�s, mais qui en disent long sur les moyens � mettre en �uvre�: “ Nous sommes sortis du Si�cle des Lumi�res. La trilogie Science-Progr�s-Humanit� bute sur ses contradictions. Les climats se modifient, les eaux sont souill�es, l’atome menace. Il ne s’agit plus de ma�triser la nature, mais de ma�triser notre ma�trise de la nature. ”�[1]

Lutter contre les cons�quences d’un contr�le � tout crin sur la nature appellerait un contr�le renforc�. En est-il ainsi�? L’examen des valeurs courantes sur lesquelles se fonde notre conception de la civilisation et les moyens mis en �uvre pour la sauvegarder apportent en la mati�re des �l�ments de r�ponse.

Se faire une id�e pr�cise des valeurs dominantes de notre �poque ne n�cessite pas de lire des volumes de sociologie, il suffit d’allumer son poste de t�l�vision aux heures de grande �coute, l� o� se comptent � grand renfort de dollars les saintes “ parts de march� ” qui ma�trisent les programmations. C’est � cette heure exquise que d�filent les cohortes de spots publicitaires.

Propret�-Puret�

Dans les repr�sentations m�diatis�es de la propret�, nous marquerons un int�r�t particulier � celle qui utilisent le ��Trois en un��. Le proc�d� tend � se d�velopper, particuli�rement dans ce domaine particulier. Que ce soit le dentifrice x “3 en 1”, les laits et cr�mes cosm�tiques, les lessives�: la propret�/puret�/protection, fra�cheur, �clat, confort est un clich� qui superpose g�n�ralement, dans une vision cubiste, trois faces d’un visage f�minin.

Les eaux min�rales ne sont pas les derni�res � fonder leurs campagnes publicitaires sur la puret�: Volvic, Evian, toutes deux purifi�es et enrichies au contact d’une nature o� la seule tache humaine est un b�b�.

Quant � la petite derni�re, l’eau de Qu�zac, elle est tout simplement “ la sensation pure ” �gren�e sur r�cit mill�nariste du d�luge de l’An Mille.

Les publicit�s automobiles sont �galement une v�ritable mine des �valeurs actuelles’ en g�n�ral, et aussi de la propret�, toujours associ�e � la femme.

C’est assez nouveau�: on a plut�t l’habitude de voir un pauvre homme, englouti jusqu’� la ceinture dans la gueule de l’engin, comme en d’autres temps Jason dans celle du dragon, en ressortir tout barbouill� de cambouis.

L’article“ Belles bagnoles et petites p�p�es ”,�[2] nous apprend qu’en d�pit de la f�minisation grandissante du march�, la publicit� automobile poursuit son hold-up sur l’image de la femme. ”

“ �a y est, ils viennent de d�couvrir qu’un conducteur sur deux est une femme ”. C’est une publicit� parue il y a quelques semaines � peine�: double page dans les magazines, avec photo de femme et sa coccinelle jaune. Une annonce furtive, sans tapage. Il faut dire que Shell ne cherche � nous vendre aucune r�volution, seulement des stations-service o� il y a des gants pour se prot�ger les mains quand on met de l’essence dans son r�servoir. D�tail infime...

La propret� prot�ge du sale, de l’impur. De la puret� � la s�curit�, le glissement est ais�. Elle est le seul rempart contre les agents polluants d’un monde si idyllique, que sont, entre autres, ��la violence�� et ses ��bandes��.

S�curit�

“ Le nouveau code p�nal est marqu� par l’aspiration des Fran�ais � la s�curit� ”�[3] Huit ans apr�s le d�p�t du projet de loi, est-ce un hasard si le nouveau code entre en vigueur au moment o� les conflits sociaux s’exacerbent�[4]�?

Le code ne fait qu’ent�riner l’impact du double message m�diatis� depuis des lustres, fond� sur l’exacerbation dans l’imaginaire d’une grande peur collective prot�iforme, dialectis�e � la valorisation d’un rutilant discours s�curitaire

Le garant de la s�curit�, en dernier ressort, c’est l’�tat, dont les armes, par effet boomerang, se retournent contre lui. Les mises en accusation des instances repr�sentatives du pouvoir, au plan r�gional ou national se multiplient, dans les catastrophes �cologiques et autre. Suivent les actions judiciaires�: deux exemples r�cents en sont les proc�s de Furiani et de Vaison-la-romaine.

La publicit� comme miroir

Les valeurs examin�es jusqu’� pr�sent r�f�rent � un univers prot�g� et protecteur. Utilisant d’abondance des repr�sentations f�minines, la communication contemporaine vise � nous convaincre qu’est souhaitable le seul monde de la m�re, la seule apte � pr�voir les dangers, le seul capable d’octroyer la s�curit� et le confort.

Mais les repr�sentations de la femme ne sont pas univoques�: la m�re protectrice appelle d’autres figures du f�minin, � elle oppos�e. Il semblerait bien en fait que la repr�sentation de la femme soit le pivot sur lequel s’articule tout notre syst�me. En effet, s’il est incontestable que les valeurs examin�es plus haut ait une fixit�, n’en d�plaise � Monsieur Debr�, il en est d’autres moins stables. Les valeurs en place � sauvegarder laissent cependant transpara�tre quelques flottements, des domaines o� l’on n’appelle plus exactement un chat, un chat... mais peut-�tre une chatte. C’est en effet entre les genres, masculin et f�minin, que le flou des valeurs semble le mieux install� qui laisse transpara�tre la fondamentale ambivalence du f�minin. Cela non pas exclusivement parce que la femme est abondamment utilis�e, dans la publicit� par exemple. Le f�minin n’appartient pas exclusivement � un sexe plut�t qu’� l’autre�: c’est un ensemble de valeurs, de qualit�s dont nous aimerions montrer qu’elles sont partag�es entre homme et femme, et qu’aujourd’hui semble s’op�rer un renversement dans les attributions de l’un et de l’autre.

La vulgarisation scientifique offre un catalogue �difiant du partage des qualit�s entre, dit-on, l’homme et la femme�[5]. La confusion entretenue entre masculin et homme, parall�le � celle entre f�minin et femme ne fait qu’accro�tre le d�sarroi.

Les repr�sentations du f�minin comme pivot

Rien ne nous pr�parait � cette r�v�lation. Certainement pas en tout cas la publicit� automobile que l’on peut voir tous les jours � la t�l�vision. Les femmes y �voluent dans un registre tr�s limit�, qui va en gros de l’auto-stoppeuse � l’allumeuse. � quelques exceptions pr�s, lesquelles ne sont d’ailleurs pas sans arri�re pens�e, du genre de femme au bord de l’accident ou femme au bout d’un revolver. Dr�le d’image de la femme que l’on nous donne. Pourtant, dans les agences de pub ou chez les sociologues, il n’est question que de la f�minisation de notre soci�t�. Il y a hiatus, mais o��?[Ibid.] ”

Une r�trospective des vingt derni�res ann�es nous d�couvre deux �coles�:

  • Premi�rement la voiture est consid�r�e comme un objet de d�sir, symbole de virilit�, arme de s�duction ou signe ext�rieur de richesse�:

� En 1968, la femme se pr�lasse sur la banquette de la Renault 10, se blottit dans le coffre, caresse le tableau de bord�; elle entrouvre puis ressort vite les genoux pour inviter le conducteur � monter � bord.

� En 1975, l’auto-stoppeuse en minijupe sous un parapluie, pos�e l� par Uniroyal, pour tester l’efficacit� des pneus pluie.

� En 1994, l’auto-stoppeuse au foulard fait traverser la France � un conducteur de R21.

� Apr�s l’amour, une femme apprend que c’est l’essai d’une Volvo qui donne � son mari tant de fougue. “ Tu l’ach�tes quand�? ”

� Une vamp fait une quiche au poireaux en petite culotte�: r�serv�e exclusivement aux conducteurs de ZX Citro�n.

� Une femme fait une lecture �rotique de la fiche technique de la Renault Safrane, ce qui semble exciter la libido du conducteur�;

etc.

  • Deuxi�mement c’est l’illustration de “ la voiture phallus ”, invent�e pour les gar�ons, symbole d’�vasion, de puissance, de vitesse, de statut social c’est � dire un outil de s�duction du m�le�; en face la femme... Le message s’adresse aux hommes�: votre voiture, c’est votre virilit�. Le plaisir de conduire reste une valeur exclusivement masculine. En vingt ans, on dirait que cela n’a pas chang�. Pourtant...

Le m�me message dans les ann�es 80, dans une publicit� qu’on ne pourra pas soup�onner de s’adresser aux femmes, puisqu’ayant pour objet les supermarch�s du bricolage B3, des outils aux allures phalliques suggestives c�toient des nymphes potel�es et alanguies.

La repr�sentation de l’homme a chang�: avant il disait “ je suis le plus fort ”�; aujourd’hui�: ”Je veux qu’on m’aime ”. Comme un petit gar�on, qui se blottit sur le sein de sa m�re�: ��Rappelez-vous les sensations de votre premier air-bag�� dit B.M.W, montrant l’ad�quation entre son coussin de s�curit� avec le sein maternel. Du sein maternel � celui de la ma�tresse, il n’y a qu’un pas.

�S�curit�’, le mot est l�ch�. Faut-il voir une corr�lation avec la crise, les incertitudes, la peur de cette fin de si�cle�? “ Je veux qu’on m’aime ” crient donc d�sormais les consommateurs, hommes et femme confondus au marketing. Ce qui veut dire�: je veux de la s�curit�, du confort, de la fiabilit�, de la rondeur, de la beaut�, de la douceur.

��C’est �vident, ce sont l� des valeurs f�minines, par opposition � celles qui furent longtemps en vigueur dans l’automobile. Elles ont pris le pouvoir depuis plusieurs ann�es dans le design et la communication (...) La s�curit� (...) a remplac� la vitesse dans l’argumentation des constructeurs pour devenir en publicit� un arch�type f�minin. Un arch�type � 16 soupapes paradoxales, chez Audi.��[�mission ��Filles de pub��]

Une femme au volant�: r�sultat c’est l’accident d’o� n�cessit� d’un syst�me de s�curit� Procon-ten

“ Impact dans 20 secondes ”, femme au volant, deux enfants derri�re�; pas d’accident. Le nouveau r�le est de d�dramatiser la situation.

Les assurances�: les femmes ont moins d’accident que les hommes donc “ dans la pub auto, les femmes ne sont pas l� pour repr�senter la r�alit�, mais pour illustrer des valeurs f�minines vendues aux hommes... La r�alit� du march� est tr�s diff�rente de l’image qu’en donne la pub. ”L’importance d�cisionnaire de la femme s’est accrue, dans tous les domaines, mais la pub continue � transmettre une repr�sentation traditionnel de la femme�: la voiture-berline est une affaire d’hommes.

Au contraire des petits mod�les dont la publicit� s’adresse au femmes�: “ Il n’y a au monde de voiture plus f�minine ni plus facile � conduire. ” D�pensi�re, elle se gare pour revenir ensevelie sous les paquets, s’entra�nent au stand de tir pour �liminer leur mari, voleur de Peugeot 106. Dans la derni�re mouture, pour la m�me marque, le mari voleur (de voleur � volage, il n’y a qu’un pas vers le renversement d’une valeur tellement f�minine), se bat avec une porte de garage peu coop�rante (pi�g�e), combat dont il ne sortira �videmment pas vainqueur.

On est pass� de la femme passive et sensuelle � la femme active et guerri�re, qui n’est pas conforme non plus � la r�alit� du march�.

La premi�re version pour la 106�: deux hommes dansent le tango. Les hommes ont d�test�. La publicit� est donc retir�e. La raison�? 42% du march� est repr�sent� par les hommes�!!!! Conclusion, la femme 106 est un homme.�[6]

La publicit� auto met la p�dale douce�[7]�!

Dans les autres domaines�:

“ Ambre solaire (cr�e en 1935) v�hiculera pendant plusieurs d�cennies les notions de plaisir, de joie de vivre et de s�duction, � la port�e de tout le monde. Les pin-up en maillot de bain sont forc�ment souriantes. Pas question pour ce produit populaire d’utiliser les charmes d’une femme fatale. A la fin des ann�es 80, les choses changent, la publicit� embo�te le pas aux innovations scientifiques... Ambre solaire a d� prendre le virage scientifique n�cessaire � l’heure o� le soleil se dote aussi d’une connotation n�gative... Ambre solaire insiste d�sormais sur ... la filtration photostable et la n�cessit� de prot�ger ses enfants du soleil. Pour conserver ses 45% de part de march�s, Ambre solaire est pass� de la pin-up s�ductrice � la m�re protectrice.[- Ibid., p.28.]

L’ambivalence du f�minin

Nombre de publicit�s utilisent la femme, dans deux repr�sentations contradictoires et compl�mentaires�: d’une part, la m�re qui lave plus blanc que blanc, m�me si de plus en plus souvent, c’est son mari qui �uvre pendant qu’elle enfante, gav�e de bifidus, encore plus blanc que pr�c�demment - mais ce n’est pas le lieu ici, pour l’instant, de d�terminer qui dans le couple assume aujourd’hui la fonction de m�re�; d’autre part la harpie, emp�cheuse de vivre en rond, voire tueuse potentielle, � l’occasion, au cas o� son mari voudrait lui subtiliser sa Peugeot�!

Un sp�cimen de la deuxi�me cat�gorie, du moins en apparence, associ�e aussi � l’automobile, figure dans une publicit� de 1984 pour une Citroen CX GTI Turbo, exemplaire en ce qu’elle inclut un texte sans ambigu�t�: “ c’est d�mon�! ”. Un visage de femme, noire, de profil, les yeux soulign�s de noir et de bleu, se d�tache d’un fond bleu nuit presque noire. De sa large, large bouche jaillit une automobile blanc-m�tal[Dans un article sur M�lusine je reprends ce th�me - sur ce site, en archives], tellement rapide qu’elle laisse fuser derri�re elle une tra�n�e blanche.

L’inscription “ C’est d�mon ” renforce le c�t� sombre, de l’ambiance de nuit et de la couleur de la peau. Mais la bouche ouverte ne peut manquer d’�voquer un accouchement, mais en v�rit�, la voiture part-elle en avant ou est-elle aspir�e par la bouche�?

Le but de toute publicit� est de faire vendre le produit en vantant ses qualit�s. Ici, la vitesse essentiellement, alli�e � l’a�rodynamique�[8], m�diatis�es par la pr�sence d’un personnage f�minin. De l’encart publicitaire d�crit plus haut, on peut d�gager quelques traits r�currents dans la repr�sentation de la femme�: on ne voit que la t�te, ce qui laisse � l’imagination le soin de composer le reste du corps. Elle est noire, donc renvoy�e � l’�trange/�tranger dans une culture blanche.�[9] La bouche/gouffre, d’o� jaillit l’objet dans une tra�n�e de lumi�re figure un d�placement de ce qui est habituellement attribu� au regard.�[10] On peut aussi y voir une connotation sexuelle, renvoyant au �vagin dent�’. Ce qui permet d’int�grer le masculin, absent de la repr�sentation�[11].

Dans le m�me temps, nous voyons �Schwartzie’, � la super-puissance andro�dique.

Pour l’Occidental, un objet de consommation, n� de la bouche d’une femme noire dans une tra�n�e de lumi�re et une ambiance de nuit ne peut manquer d’�voquer �danger’. Quant � l’impact dans la r�alit�, l’analyser n�cessiterait de poss�der des donn�es pr�cises concernant la r�alisation de l’objectif vis�, le public r�ellement touch�, ses comportements sur la route. Mais encore ne serait-ce pas suffisant, car on peut �tre amen� � se demander si l’objet CX GTI a seul b�n�fici� de la publicit�, ou si les cons�quences n’ont pas �t� �tendues � l’objet voiture en g�n�ral.

Or l’ambivalence a mauvaise presse�: c’est l’absence de cadre, de rep�re, l’instabilit� par excellence. Elle fait peur et fascine � la fois.

La fascination et la peur

�Adressez vos dons au tueurs en s�rie’, Lib�ration du 14/3/94.

��Depuis sa condamnation (pour le meurtre de 17 enfants et ados pr�alablement tortur�s, viol�s puis d�vor�s), Jeffrey Dahmer re�oit des centaines de lettres d’admirateurs fascin�s par ses actes, souvent accompagn�es de contributions volontaires (plus de 70.000 francs en 1993)��, p�cule auquel s’ajoutent les revenus monnayant ses interventions m�diatiques�: d�but mars, il a racont� en direct sur N.B.C ses crimes et expliqu� les pulsions qui l’habitent... Un cannibale japonais �tait pareillement intervenu � la t�l�vision, y compris � la t�l�vision fran�aise, lors d’un d�bat en direct, il y a quelques ann�es.

Les �monstres’ exercent une r�elle fascination. Le th�me du tueur en s�rie fait d’autre part l’objet de cr�ation, nous y reviendrons longuement plus loin. (On peut y ajouter la fascination nouvelle pour les tueurs p�docriminels. NDLR)

Les discours �cologiques comme synth�se

La nature souill�e par l’Homme, haro sur le progr�s sont les deux mamelles de l’�cologie. La pollution urbaine, le nucl�aire, les baleines et les b�b�s phoques...�: on ne compte plus les chevaux de bataille enfourch�s par les chevaliers du combat �cologique, ��v�tus de lin et probit� candide��. Blancs et probes sur eux�? Voire�!

L’objectif de l’�cologie, en tant que science, repose sur l’�tude du vivant dans son milieu. Que ces recherches aboutissent � la conclusion qu’il faille faire tarir les sources de pollutions, para�t logique respectable en soi, mais il ne saurait occulter les dessous d’une lutte, peut-�tre pas si nets qu’il semble, fond�s sur un retour du moralisme plut�t que sur une �thique.

Effectivement, le ton r�actionnaire du pr�ne �cologique ne fait pas de doute lorsqu’on �coute les scientifiques, appel�s � la rescousse�: ��Pollutions, d�gradations et d�s�quilibre se multiplient�: les soci�t�s industrielles disposent de techniques tellement puissantes et exercent de telles violences sur l’environnement que les pires exc�s sont � redouter. La conclusion ��cologique’ va quasiment de soi�: freiner le processus destructeur chaque fois que c’est possible.���[12] Que voudrait dire ��freiner le processus destructeur�� sinon freiner le progr�s, puisque les techniques de la soci�t� industrielle sont ��violentes��. L’�cologie ne va donc pas dans le sens d’un progr�s, mais dans celui d’une r�gression. Elle se r�v�le comme un des puissants syst�mes de d�fense mis en place contre un vaste complot technologique, ourdi dans l’ombre par un tyran, usant de pressions et d’�exc�s’ dont la finalit� serait la destruction du vivant.

Le danger doit �tre bien terrible pour que les r�nes du combat �colo soient prises en mains par l’�tat�: on a connu la cr�ation d’un minist�re de l’environnement. On sait les campagnes contre le tabagisme, l’alcoolisme, les interdictions de publicit� y aff�rent et les mesures de r�torsion �conomiques associ�es�: augmentation, taxations diverses. Pourtant, � paradoxe, le tabac est monopole d’�tat. Oui, mais alors, et les centrales nucl�aires g�r�es par E.D.F.�?

Le premier effet, si nous passons outre l’affirmation r�it�r� d’une �lite d’argent nantie de tous les privil�ges y compris celui de �s’intoxiquer’, ne r�side-t-il pas en une atteinte sournoise aux libert�s individuelles, quand l’�tat, notre m�re � tous, s’attaque � nos petits plaisirs coupable, et nous oblige � aller fumer en douce dans les Toilettes�? Quand il se livre, par syst�me �ducatif interpos�, � l’intoxication id�ologique de nos enfants, � tel point qu’il devient difficile de fumer chez soi, sans avoir droit � une r�flexion d�sobligeante�? Big Brother, c’est pour bient�t�?

Sans doute est-ce le v�u de certains.

La presse �crite se fait d’ailleurs l’�cho d’une sourde rumeur, dont un sondage, publi� dans l’Express, donne la tonalit�, sur les relations qu’entretiendraient les mouvements �cologistes avec l’extr�me-droite.

L’�cologie, dans ses d�rives moralisatrices ne r�sume-t-elle pas � elle seule une tendance rampante � r�tablir un ordre nouveau aux saveurs d’Age d’or dont l’arsenal des protections d�ploy�es donne une id�e plus pr�cise.

De quel c�t� est le �complot’�?

Les moyens de sauvegarde mis en �uvre

Le renforcement des zones de protection

Le corps se trouve au centre du rempart des protections, dont l’int�grit� ne souffre aucune des atteintes qui pourraient d�couler du progr�s. Dans les ann�es 70, vint le port obligatoire du casque pour les utilisateurs de deux roues � moteur. Puis ce fut le tour de la ceinture de s�curit�. Aujourd’hui, on peut supposer que l’air-bag sera le prochain sur la liste.

Mais c’est dans l’univers aseptis� des h�pitaux que se manifeste � l’�vidence le culte du corps. Plus de recherche � la d�couverte des secrets de l’organisme humain, pour plus de protection�:

��En dix ans, l’enfantement, la chose la plus naturelle du monde, a chang� de nature. Aujourd’hui gr�ce � une fascinante panoplie de techniques m�dicales - �chographie, c�lioscopie, biopsie des cellules f�tales - l’embryon est devenu un objet d’�tude...��[Nouvel Observateur, 19-25 avril 1990].

Les propositions se multiplient face aux dangers de contamination, comme le r�v�le celle ��d’assouplir le secret m�dical, en cas de Sida��.

Le corpse (cadavre) lui m�me devient intouchable quand il s’agit de ��supprimer l’autopsie�[13]�� (Le Monde 23/03/94).

Nous trouvons l� une confirmation de notre soup�on, formul� � plusieurs reprise, que derri�re une telle volont� de contr�le, les politiques de protection abritent non un d�sir de pr�servation de la vie, mais une survivance inconsciente de comportements f�tichistes, articul�s au corps, d’une part et � l’objet technique, comme si les deux ne devaient, dans l’avenir, ne faire qu’un.

Les utilisateurs de l’outil informatique n’ont-ils pas aujourd’hui mal � l’ordinateur, comme d’autres souffrent de migraine�? Ne sursautent-ils pas, pris de fi�vre, � la moindre d�faillance de l’outil, terroris�s au soup�on qu’un �virus’ aurait pu s’infiltrer dans ses circuits�?

Le ph�nom�ne n’est pas nouveau�: n’a-t-on pas pris l’habitude de dire avant l’av�nement de l’informatique, d’un moteur qu’il tousse’, quand il est �gripp�’ ,

Donner de l’esprit � la chose est � la base de tout comportement animiste, et l’animisme fascine, on ne devrait pas l’oublier.

Dans les rituels de gu�rison animistes, il s’agit de transf�rer le mal et la douleur dans l’objet.

Or, nous l’avons dit plus haut, la lutte contre la souffrance mobilise la science m�dicale contemporaine. Mais comme, les dieux en soient lou�s, nous aurions largement d�pass� le stade de l’animisme, il n’est plus question de la transf�rer, mais de l’exterminer. Car la douleur physique est le ��sympt�me�� d’un dysfonctionnement. Or, un sympt�me actuellement est porteur de connotations, au minimum, morbides, au plus il s’en d�gage des remugles de mort. Le sympt�me a perdu son simple sens �tymologique de �signe’.

Donc comme manifestations ext�rieure que ��quelque chose ne va pas��, dans la logique des m�urs en cours, il doit dispara�tre. �a d�passe, �a fait pas beau, pas propre. Vite, vite, de l’aspirine.

Une petite d�prime�? vite, vite, un antid�presseur, l’aspirine de l’�me.

C’est le syndrome du cataplasme. Et peut importe si dessous prend la gangr�ne. En surface, c’est lisse, c’est tout ce qui importe.

Vaincre la souffrance � tout prix n’est qu’un des signes - nous n’osons plus dire �sympt�me’ - d’un syst�me r�pressif en voie de d�veloppement.

R�pression

Il suffit de s’immiscer dans un groupe de parents � la sortie d’une �cole pour entendre que le discours sur la violence, largement m�diatis�, est bien partag� entre le commun des mortels. En ligne de mire, au premier plan et par effet de boomerang�: la t�l�vision. La culpabilisation marche � plein r�gime�! On ne s’�tonnera pas que les gouvernements ne s’�meuvent, �lection oblige, et ne prennent des mesures adapt�es � cette situation qui met en danger notre belle jeunesse, ce dont la presse �crite fait �cho � son tour�:

�L�gislation sur les films vid�o violents (en Angleterre)’ , Le Monde du 14/04

��Le gouvernement britannique veut durcir la l�gislation sur les films vid�o violents. Menac� d’une d�faite parlementaire, le gouvernement a annonc� un durcissement de la l�gislation relative � la vente de films vid�o trop violents. Mais cela ne cl�t pas le d�bat concernant l’influence de la �violence t�l�visuelle’ sur les enfants.

Pour calmer l’inqui�tude de l’opinion publique, traduite par le mobilisation des �lus, Michael Howard a donc propos� un plan en trois points....���:

� Peine allant jusqu’� deux ans de prison et de lourdes amendes aux revendeurs et distributeurs de cassettes ��ultra-violentes�� qui enfreindraient la r�glementation sur l’�ge du public�;

� Plus grande rigueur dans la classification des films, qui en limitera le choix�;

� �tablissement de nouveaux crit�res et rejet des films pr�sentant un ��mod�le contestable�� ou pouvant provoquer ��un tort psychologique�� chez l’enfant.

La panoplie accept�e facilement par le Parlement laisse n�anmoins sans solution le probl�me de la violence � la t�l�vision et son impact sur les enfants.

La juxtaposition de ces titres signale la r��mergence de monstres anciens o� l’antique peste vaut le Sida contemporain.

L’exclusion

Faisant r�f�rence aux r�centes d�clarations du Ministre de l’Int�rieur sur le danger terroriste, Le Courrier International publie un article�[14] de L’Hebdo de Lausanne, par Jean-Claude P�clet. Celui-ci ne manque pas de mettre en relation la r�cente vague de terrorisme subie par la France et les mesures pr�conis�es par J. L. Debr�: la suspension sine die des accords de Schengen relatifs � l’ouverture des fronti�res, et le fait qu’il “ double cette ann�e le nombre de charters expulsant les immigr�s clandestins. ”

Monsieur Debr� n’a pas invent� les charters, ni le protectionnisme. Il ne fait que s’inscrire dans une lign�e qui fonctionne selon un principe tr�s archa�que, nous aurons � y revenir.

Dans un pass� r�cent, son pr�d�cesseur, Monsieur Pasqua en avait us� de m�me[Le Monde du jeudi 24 mars 1994.], expulsant deux jeunes Alg�riens en “ urgence absolue ”, lors des mouvements sociaux suscit�s par le C.I.P. Cette mesure avait n�anmoins d’original d’avoir �t� prise contre l’avis de la justice�: bien que le juge n’ait pas consid�r� que les jeunes gens constituaient un danger pour l’ordre public, le Minist�re de l’int�rieur avait n�anmoins poursuivi l’ex�cution de l’expulsion.

Manipulation des peurs

Le consensus m�diatique fait dresser l’oreille et �carquiller les yeux.

Proc�s Touvier, "comme un revenant", Lib�ration du 18/3/94�; "un fant�me en pleine lumi�re" Le Monde, 19/3 ou le ��spectre de mai 1968 est dans toutes les t�tes��[L’Express du 17 au 23 mai 1994.].

Que repr�sentent ces cr�atures surgit d’outre-tombe�? Quel impact sur l’imaginaire�?

Manifeste la permanence de la projection

Comme si le grand ��complot��, toujours lui, �tait ourdi, mais par qui�?

La peur Mill�nariste, d’apr�s les recherches actuelles, serait une cr�ation de l’esprit des eccl�siastiques, n’aurait pas eu de prise sur le uulgum. Th�se rationalisante et r�ductrice, - voire r�visionniste�? - � laquelle nous ne souscrivons pas, tout en la prenant en consid�ration, � titre de t�moignage sur l’air du temps qu’il fait en ce bas-monde.

Que le pouvoir religieux et politique se soient empar�s des peurs populaires, � base de superstition, pour asseoir un pouvoir en �quilibre dans un monde en transformation, nous ne le nions pas. Jean Delumeau sur qui nous nous appuyons ne dit pas autre chose. Et c’est le m�me processus que nous relevons dans la soci�t� contemporaine, o� l’imaginaire est pris en otage pour les m�mes raisons.

Mais cela ne saurait tout expliquer, et surtout pas, en particulier, la permanence de la Peur dans l’histoire de l’humanit�, sa propension constante � se projeter sur des boucs �missaires, comment la peur est surmont�e, et sur quoi elle d�bouche, une fois vaincue.

Constance et m�tamorphoses des r�actions � la peur

Inutile ici encore de se plonger dans les ouvrages sp�cialis�s pour savoir ce qui s’en dit�: la presse � grand tirage relaie largement le discours sur la peur, en n’h�sitant pas � faire appel � l’�lite �rudite�! Faut-il que l’angoisse soit bien grande, et le besoin de se r�assurer�!

Une s�rie d’interviews, de l’historien G. Duby sur “ l’origine de nos peurs ” publi�s par l’Express, au mois de mars 1994, montre, si l’en �tait encore besoin, que le sujet est d’une br�lante actualit�, et aussi le besoin de replonger aux sources de l’histoire pour y trouver des rep�res. Pointe en filigrane un message rassurant�: si au cours de son histoire l’Homme a connu des peurs, au moins aussi terribles que celles d’aujourd’hui, l’humanit� en est sortie � chaque fois revigor�e, pourquoi pas aujourd’hui�? Pourquoi pas par les m�mes moyens�? Mais lesquels�? scande une foule avide de conna�tre la solution � son malheur.

On se souviendra alors avec int�r�t que le mill�narisme fut l’origine et l’occasion de pers�cutions dont les victimes remplirent le r�le du bouc �missaire qui rend par son sacrifice coh�sion et paix � la communaut�.

Les peurs mill�naristes qui animent le XXe si�cle finissant pourraient porter en leur sein la m�me soif de sang et de meurtre, que celles qui ont marqu� l’histoire dans ses grandes p�riodes de mutation.

Le bouc �missaire poss�de des qualit�s particuli�res qui le destine � sa fonction. Nous traiterons de la pers�cution des sorci�res, mais nous aurions tout aussi bien pu aborder celle des Juifs. Pour m�moire, la bible de l’Inquisition, le Marteau des Sorci�res, para�t en 1486. L’expulsion des Juifs d’Espagne se produit en 1492. Facile � retenir... Christophe Colomb... la D�couverte de l’Am�rique. Les tendances expansionnistes de l’Occident chr�tien ont pr�f�r� retenir ce dernier �v�nement dans les manuels d’histoire, au d�triment de l’autre. Honte ou faille de la m�moire�? Quoi qu’il en soit, c’est une faille dans l’�difice de la conscience.

En examinant les documents que nous avons choisi de traiter, on pourra constater que la peur de l’autre, de l’�tranger, du diff�rent reste une dominante. Qu’il s’agisse des “ bandes ” de J. L. Debr�, ou de pr�server “ nos marches ” de l’Est, le lit est pr�t des valeurs - celles auxquelles se r�f�re le Ministre de l’Int�rieur, sans doute - qui loin d’�tre “fragilis�es” comme il le pr�tend, ne font que prendre force et vigueur, aliment�es par les peurs de plus en plus nombreuses. (Consciemment manipul�e par le discours d’une �lite[J. Delumeau], certes, mais la peur a-t-elle besoin de �a�?) N’a-t-on pas plut�t l’impression que l’apport des la technique ayant fait reculer les fronti�res du malheur et de l’impr�visible, on s’emploie aujourd’hui � compenser l’absence de peurs r�elles par d’autres imaginaires�? N’est-il pas �trange qu’au d�but du deuxi�me mill�naire, la peur de la contamination par le virus de la peste ait �t� le revers synchrone de la peur du Juif, alors qu’aujourd’hui le sida trouverait ses v�hicules favoris chez les homosexuels et les Africains, les Br�siliennes, et autres boucs �missaires potentiels�?

�trangers, marginaux de tous les pays, m�fiez-vous�!

Quelles sont les constantes que l’on peut entrevoir entre peurs archa�ques et peurs contemporaines�?

“L’influence ”, euph�misme souvent utilis� pour ne pas dire “ contamination ”�: de l’un � l’autre, le glissement est facile, et le d�rapage ais�. Elle est v�hicul�e par une image-affect. Avec l’apport du progr�s et de l’outil technique, son impact est donc d�cupl�.

Permanence de l’affect et ambivalence�: la peur est ins�parable du progr�s.

Les barri�res de protection, la volont� de ma�trise n’y fait rien. De nouvelles br�ches s’ouvrent dans les remparts �rig�s par la toute-puissance�: quand une maladie grave r�gresse, jugul�e par les d�couvertes m�dicales, une autre surgit. On d�couvre soudain, contre toute attente, qu’un vaccin peut n’�tre pas inoffensif. Les mesures tr�s sophistiqu�es de protection dans les centrales nucl�aires g�n�rent de nouveaux dangers Comme si continuait � vivre, hors de la conscience des hommes, et contre leur volont�, un mouvement souterrain moteur des heurs et malheurs de l’humanit�.

“ La peste... Elle vint d’Asie par la route de la soie. Voyez-vous, l’�pid�mie, cette catastrophe, est donc aussi l’un des effets du progr�s, de la croissance. ”[L’Express, 24 mars 1994.]

La peste en dessous de soi... Sous la soie... la peste�!

La repr�sentation, par les quelques traits qu’elle utilise, draine une totalit�, de la m�me mani�re qu’il arrive, dans la journ�e, qu’une sensation, une �motion, un mot ram�ne � la surface un r�ve toute entier, que l’on croyait oubli�. Les associations que nous avons faite dans le d�cryptage des diff�rents documents montre qu’une certaine repr�sentation de la femme appelle forc�ment son compl�mentaire masculin, aux qualit�s exactement d�finies par la pr�sence d’un certain type de f�minin. De m�me, un pr� verdoyant parcouru par une femme enceinte enrichi de quelques ingr�dients suppl�mentaires ne manque pas d’�voquer la f�licit� d’un paradis perdu. L’incontournable dialectique de l’image s’imprime en filigrane, que nous retrouverons bient�t sous d’autres traits plus anciens.

En effet, une soci�t� qui focalise sa peur devant la nouveaut�, l’�trange, l’�tranger, l’autre et se polarise sur une morale de la propret�, de la s�curit� n’invente rien�: elle reproduit un tr�s ancien sch�ma que l’on retrouve dans les cultes les plus archa�ques vou�s � une divinit� pourvoyeuse des pires fl�aux. Sur l’espace laiss� vacant par la religion officielle, le consensus. Mais on observe des engouements collectifs rappelant par quelques traits ceux des religions naissantes.

Ces quelques �l�ments relev�s laissent supposer que l’impact dans la r�alit� objective pourrait, alors largement d�passer l’objectif avou�. Certes les publicitaires savent qu’ils touchent � une structure tr�s profonde de l’humain, nous le verrons plus loin. Mais au-del� de tous les objectifs explicites ou non, volontairement cibl�s ou involontairement atteints, se dessine une finalit� de l’objet image, que les dieux ni les hommes ne sauraient contrarier. C’est ce que nous allons essayer de montrer au cours d’un parcours au fil du temps, � rebours, avec premi�re halte quelque vingt-sept si�cles en arri�re, � la rencontre de l’�trang�re.

Catherine Barb�, Paris 1996


Suite de l’�tude�:
Aux sources du Mythe, la qu�te - Le mythe de M�d�e �

janvier 2010 par Catherine Barb�


Notes�:

[1] - Philippe Roqueplo, directeur de recherches au CNRS, in L’Histoire, n�138, p.21, note 4.

[2] - "Filles de pub", Anne Magnien, Le premier magazine, n�14, juin 1995.

[3] - Le Monde du mardi 1er mars 1994.

[4] - Voir les nombreux articles cit�s pendant cette p�riode, relatifs aux mouvements, � la fracture et � l’immobilisme sociaux. (Th�matique qui sera reprise par Sarkozy en 2007 avec le succ�s que l’on sait.NDLR

[5] - Eur�ka, novembre 1995, n�1, “ Hommes et femmes, nos diff�rences cach�es ”.

[6] - Cette s�rie de publicit�s pour la 106 permet d’approcher l’essentiel caract�re dialectique de l’image�: la repr�sentation de la femme au revolver appelle celle d’un masculin�; d’une part son mari qu’on imagine immanquablement ratapenade, le petit doigt sur la couture du pantalon, qu’il s’est repass� lui-m�me, dormant dans la baignoire ou dans la niche du chien. C’est d’ailleurs celui que les publicitaires ont choisi de pr�senter dans la derni�re mouture, ou il a n�anmoins encore le courage de braver l’interdit... Attendons la suivante�!

D’autre part et dialectiquement, ainsi que conclut l’article cit�: la femme 106 est un homme, i.e. elle poss�de les qualit�s du masculin qui font d�faut � sa moiti�.

[7] - In Mensuel du Diner’s club, juin 1995, p.31.

[8] - CX = coefficient de p�n�tration dans l’air.

[9] - Cf. reportage sur l’utilisation des noirs dans la publicit� en Afrique du sud depuis la fin de l’Apartheid, diffus� dans Culture Pub, en juillet 1995. INA

[10] - De tels d�placements ne sont pas rares�: par exemple H�cate aux trois visages est aussi repr�sent�es munies de trois paires de bras, soit l’un soit l’autre, soit les deux ensemble. Nous verrons dans d’autres exemples que l’accent mis sur le regard, accompagn� d’accessoires, g�n�ralement des armes.

[11] - Le mannequin vedette de cette publicit� est Grace Jones. Or l’artiste, aux allures androgynes, a �t� poursuivie longtemps d’une malsonnante rumeur, qui la faisait transsexuelle. Puis, une presse sp�cialis�e a largement exploit� une liaison avec le tr�s m�le Schwarzenegger.

[12] - Pierre Thullier, sp�cialiste de futurologie, enseigne l’histoire et la philosophie des sciences�; in L’Histoire, n�125, septembre 1989.

[13] - La dissection des cadavres est � la base des progr�s en biologie ��science du vivant��, en m�decine et � l’origine de la psychanalyse, faite par Freud � partir d’un mod�le de type biologique. On peut s’interroger sur la finalit� de sciences initi�es dans l’observation de la mati�re morte.

[14] - "Au secours, la Chiracquie�! La France, petit royaume obsol�te", Courrier international, du 12 au 18 octobre 1995.


Parution originale, Lierre & Coudrier, 1997. Deuxi�me �dition Hommes & Faits, avril 2002

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