Pour faciliter l’exposé, j’ai mêlé dans un même texte les deux conférences prévues lors de l’événementiel de Sartrouville
L’approche clinique que je présente ici n’est pas familière des professionnels et du public européen. J’ai tenté de faire au plus simple mais il est parfois apparu impossible de réduire le propos au risque de paraître avancer des arguments d’autorité.
Ces arguments sont issus d’une expérience de plus de 30 années de terrain. Au cours de cette expérience, je suis constamment resté à l’écoute du témoignage sans jamais chercher à réduire ce dernier à une composante théorique préalable. C’est cette accumulation des témoignages, associée à des conduites de guérison et à des suivis, qui m’a peu à peu permis d’avancer des hypothèses, parfois, peu académiques notamment celles concernant la pseudo-dissociation de la psyché des victimes de traumatismes précoces et durables subis dans l’enfance.
Le travailleur social qui se trouve souvent confronté à des enfants victimes de maltraitance doit pouvoir agir vite et efficacement dans le sens de la préservation de l’intégrité de la personnalité et du corps de l’enfant. Mais il doit également rester très prudent dans son évaluation de la situation. Le problème, pour lui, est de disposer d’outils fiables pour réussir sans détruire. En France, le retard, dans ce domaine, est considérable.
Avant de partager une expérience qui réponde à de légitimes préoccupations je ferai le point sur les modalités environnementales, événementielles et somatopsychiques qui entrent en jeu dans la prédation sexuelle ou dans les cas de maltraitance.
Je n’aborderai pas les questions pratiques qui concernent le repérage de l’enfant maltraité, le signalement et le suivi. La conférence de Vincent Caux répondra à une partie, au moins, de ces préoccupations.
Il m’arrivera souvent, au long du texte, de renvoyer le lecteur à des écrits antérieurs. Cela s’est parfois avéré nécessaire tant la matière abordée se trouvait ramifiée. Les sources et textes en question sont visibles sur les sites que j’ai indiqués plus haut.
Pour faire bref, l’entité humaine interagit constamment avec l’environnement que je nomme ici Réalité physique objective. (Cf. mon article complémentaire en annexe — à venir)
De même, elle réagit et interprète ces éléments/événements pour en faire une vérité assimilable, cela devient la Réalité psychique objective. La capacité d’ajustement au plus près entre ces deux réalités dépendra des transmissions parentales, d’abord, culturelles ensuite — tout l’environnement social et historique, des transmissions généalogiques, etc. C’est dire que la relation entre ces deux réalités devra toujours être ajustée, réactualisée et c’est la capacité à opérer des ajustements constants, laquelle dépend de la relative souplesse psychique de l’individu qui rendra la vie prospère. Les parents jouent un rôle primordial dans ce sens. Leur rôle consiste à permettre à l’enfant de se libérer de son attachement puissant, souvent inconscient, à l’influence de son premier environnement, de telle façon qu’il puisse y choisir ce qui est valable à sa vie adulte et rejeter ce qui ne l’est pas.
Je nommerais Conscience l’instance qui permet ces ajustements d’une réalité à l’autre. De la naissance à l’âge adulte, les contacts à la Réalité physique objective permettront à la Conscience de se forger, de se consolider et de prospérer... Cette conscience est la base des comportements manifestes de la vie, ce que l’individu sait de lui-même. On fixait habituellement à 3 ans l’âge auquel la Conscience semblait naître. Il y a tout lieu de penser qu’elle est opérante bien avant, voire durant la vie intra-utérine.
La vie de l’enfant doit se développer dans un climat de compréhension, de calme et de constant soutien. Ces éléments contribuent à l’édification de la personnalité de l’enfant et c’est ainsi qu’il gagne en assurance, que sa curiosité naturelle contribue à l’enrichissement progressif de son expérience.
Que se passe-t-il alors quand des accidents, plus ou moins graves, plus ou moins durables viennent perturber ce climat, ou bien que l’enfant ne bénéficie jamais de ces conditions de développement ?
Nous allons définir deux types d’atteinte et plusieurs qualités de choc/trauma, nous devrons également tenir compte du facteur temps - durée et fréquence des actes prédateurs :
Nous devrons toujours envisager la prise en charge des blessures de l’enfance selon deux angles :
Je souligne donc :
L’Importance primordiale de la réaction du milieu
Du plus proche au lointain, jusqu’à la société globale, aucun effet thérapeutique n’est consolidé si le processus de réparation n’intègre pas la validation des paroles de la victime.
1. La captation
Le prédateur installe tous les éléments qui favoriseront sa future programmation d’une maltraitance sexuelle, incestueuse ou de maltraitance physique.
J’ai relevé de nombreux cas où l’homme avait nettement choisit la mère de ses enfants dont il tirera un profit criminel après avoir, au préalable, soumis son épouse à une emprise mentale si puissante qu’elle sera incapable de réagir avec un minimum de discernement.
Dans des circonstances plus communes, celle d’une famille, apparemment sans histoire, l’homme - 98% des prédateurs - choisit sa victime très tôt, il la préparera tout en créant autour d’elle les conditions de vie qui faciliteront la prédation : prendre l’habitude du bain commun avec l’enfant, imposer des règles douteuses très tôt sous des prétextes très rationnels, voire très pédagogiques, imposer l’habitude de visites tardives et inopinées dans la chambre de l’enfant durant la nuit, autant de manières de brouiller les pistes auprès de son épouse et de tout l’entourage...
La captation détourne l’attention de l’entourage, elle installe un climat d’aveuglement à toute la maisonnée qui s’installe dans une relative inconscience des événements qui se produiront plus tard. Cette phase n’est pas dénuée de comportement de séduction à l’égard de l’enfant et de l’entourage. Le prédateur pédosexuel use volontiers de séduction. Ce n’est que contrarié ou découvert qu’il peut devenir dangereux et très violent.
2. La programmation
Le crime est programmé dès que le prédateur est certain que tous les éléments de la vie peuvent lui assurer une invisibilité certaine. Les manigances manipulatrices des premier temps de la prédation, pour peu que celle-ci éveille quelques soupçons, suffiront à détourner l’attention. Le mécanisme d’emprise commence à ce moment. L’entourage perd toute forme de conscience voir de réactivité même si certains faits peuvent paraître troublants. L’aveuglement est installé, le prédateur contrôle toute la vie de la maison ou de l’environnement dans lequel il exerce son acte. (Processus fort bien décrypté par le film Les garçons de St. Vincent, dans l’affaire d’un couvent sur l’ile de Jersey, dans celles, plus récentes, des écoles des monastères catholiques en Irlande)
Cette programmation vise trois buts, en dehors de l’assouvissement d’une pulsion morbide,
l’isolement de la victime,(Un processus identique se retrouve dans des affaires matrimoniales qui concernent uniquement des adultes : le cas des manipulateurs narcissiques)
le contrôle total de l’environnement,
la consolidation du personnage socialement irréprochable du prédateur.
3. L’emprise
Dans le face à face qui oppose le prédateur à sa victime, l’emprise s’installe. Celle-ci pourra durer bien au-delà des faits criminels eux-mêmes. Cette durée dans le temps, quelque que soit la distance qui pourrait s’interposer entre le prédateur et sa victime, est un phénomène largement ignoré des spécialistes, même si, de nombreuses victimes s’en font les témoins.
Ce phénomène d’emprise qui peut donc durer dans la vie de l’adulte est si puissant et indéracinable que certaines victimes en sont l’objet leur vie durant. Durant le processus psychothérapique, il peut devenir un puissant freinateur.
Les modes opératoires de l’emprise seront multiples, ils reposent sur :
L’association perverse de la victime à la prédation : « Ce sera notre secret ! »
La violence, les coups, les menaces, le prédateur installe une peur suffisante pour taire toute velléité de révolte
Le chantage, souvent mortifère : « Si tu en parles tu vas détruire toute la famille ! »
La négation de la parole de la victime, pour peu que celle-ci ose parler
Le double jeu du prédateur : hors de tout soupçon, dont le personnage social passé à la laque rend la victime impuissante, incapable de se révolter : « De toute manière, quoique je dise, personne ne me croira ! »
L’extrême réactivité du prédateur aux mécanismes de vie d’un milieu donné.
Voici quelques lois que mon expérience me permet de poser :
Il y a proportionnalité entre la précocité, la durée, la séduction (absence de violence pour établir a captation) et la profondeur et l’étendue de la lésion.
La réaction doit être immédiate sinon la structure de l’entité humaine est profondément atteinte, parfois gravement lésée. Le processus de réparation sera d’autant plus difficile à mettre en place et à se consolider que la victime est enfermée dans l’impossibilité de communiquer. Cela résulte de l’isolement installé dès les premiers instants de la captation.
Si le signalement n’est pas rapide les lésions s’installent. Des manifestations ostensibles d’une atteinte traumatique on passe à une mise en latence des effets du traumatisme, en fait, la lésion s’organise dans les strates profondes de la psyché et ce qui paraissait un déséquilibre de comportement chez la victime se développe en personnalité plus ou moins adaptée.
Tout se passe comme si l’enfant, devenu adolescent, plus tard adulte, semblait avoir développé une sorte de capacité à surmonter ses souffrances. C’est le malentendu le plus terrible que pourrait induire une mauvaise interprétation du phénomène de résilience.
Paradoxalement plus la captation repose sur des facteurs violents et sur la coercition plus il est possible d’accéder à la lésion (dire, nommer, mémoriser...)
La société dispose, en effet, de codes pour réagir à ces violences. Les signalements de violences physiques sont plus régulièrement pris en compte. (Fréquence de la preuve, marquée au corps, mais pas seulement)
Il existe, par contre, moins de codes pour faire face à la séduction meurtrière.
Les effets de la blessure s’étendent du proche au lointain, de la surface à la profondeur ils ne s’estompent pas dans le temps. Leurs effets et leurs conséquences ont tendance à devenir chroniques. Des manifestations « superficielles » ou aiguës d’affectation de l’humeur, on passe à des comportements instables, voire asociaux. De la manifestation psychique de souffrance aiguës, on passe à des pathologies chroniques. L’atteinte psychique, la déformation opérée sur la structuration de la personnalité de l’enfant se révèlent par des atteintes somatiques qui rendront alors le crime quasi invisible. Cette fragilité physique pourra même être utilisée par le prédateur s’il doit un jour se défendre des accusations rendues possibles par une prescription de 20 ou 30 ans selon les États.
Nous disposons de peu de moyens cliniques associant certaines maladies chroniques à une prédation prolongée dans l’enfance. (Maladie de Crohn, par exemple)
(J’ai déjà exposé ce processus dans de nombreux articles depuis les années 80, voir sur le site)
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Bonjour Dr. ’L Baz,
J’ai lu quelques uns de vos articles qui m’atteignent droit au coeur tellement ce que vous dites est vrai, et trop méconnu.
Je ne sais si vous pouvez m’aider car j’ai écrit un livre dans lequel beaucoup de ce que vous écrivez dans vos articles se retrouvent dans mon horrible histoire de vie.
Vous parlez d’atteinte précoce, répétée, durable, impunie. Aussi d’atteinte Brutale - irruptive - très violente. J’ai été victime des deux de la part de mon propre père de l’âge de 2 ans à 13 ans. Personne de ma famille ne me croit, surtout que j’avais tout oublié jusqu’à l’âge de 38 ans, tant que j’ai continué à être sur l’emprise psychologique de mon agresseur. J’avais pourtant des comportements en solitaire hautement évocateurs depuis l’âge de 13 ans, mimant un viol perpétré avec violence sur moi-même avec contention et coups, etc. sans savoir pourquoi. Je vis seule, rendue a`51 ans et PERSONNE de ma famille ne me croit tellement mon père parait bien. Incapable de vie intime ou sexuelle. Toujours en thérapie. Ce qu’il m’a fait est un mélange de torture sexuelle et de viol. J’ai porté plainte à la police, c’est allé jusqu’à la procureure qui m’a crue mais a trouvé ma démarche Inusitée parce que j’avais oublié.
Je ne suis pas capable de continuer à vivre dans cette situation. Même mon propre fils, probablement abusé par son grand-père, mais qui aurait peut-être aussi fait des attouchements à des petites filles vit maintenant depuis 7 ans avec mes parents, octogénaires qui se portent à merveille. Mon fils agé maintenant de 24 ans a préféré rejoindre leurs rangs, celui du club des négateurs.
Ma démarche en justice (je vis au Québec) n’a pas pu continuer, étant donné l’absence totale de preuves, de témoins. Ma mère protège mon pere.
Ma seule facon de continuer à vivre était d’écrire ce livre pour livrer mon histoire. Mais encore là, se faire éditer par des éditeurs traditionnels pour un sujet comme celui là, alors que ce livre est fait de façon professionnelle de A à Z (aide d’une biographe francaise) et bien écrit, ce n’est pas facile. alors que c’est si fréquent. J’ai été victime de plus de la thèse des faux souvenirs induits en thérapie, ce dont mon abuseur se sert toujours pour se défendre et amener toute la famille à croire en son innocence.
J’ai besoin d’être crue pour pouvoir continuer à vivre. Je n’en peux plus de cette injustice et de ces mensonges. JE n’en peux plus d’être celle qui est ostracisée. Tous ceux qui lisent mon livre me croient mais il n’a pas assez de visibilité.
Je veux que l,on sache que l,on peut avoir oublié, que la réputation irréprochable de l’abuseur étant donné la gravité des traumatismes me fait horriblement mal, que l’on se fie à cela pour ne pas me croire me donne envie de mourir car je reste enfermée dans ma tombe.
Mon père m’a attachée au niveau de la région génitale, m’a suspendue à un crochet nue avec une ceinture de cuir entre les jambes, m’a pénétrée l,anus et le vagin avec divers objets, m’a frappée avec sa ceinture de cuir sur les fesses, entre les cuisses et derrière les cuisses. iL M’A VIOLÉE À 7 ANS APRÈS M’AVOIR FAIT TOMBER DANS L’ESCALIER ET M’AVOIR FRAPPÉE AVEC UNE RÈGLE EN BOIS. Il m’a violée alors que j’avais une côte probablement fêlée ou cassée. à deux ans, il m,a attachée les deux bras aux barreaux de ma bassinette et m’a inséré des objets dans le vagin et l’anus. A partir de 10 ans, les viols sont devenus plus fréquents. Il me disait que toutes les femmes sont des garces, des putains et que nous mériterions toutes de mourir. Il me disait qu’il lui fallait boucher cela tous ces trous là et qu’il faisait cela pour m’éduquer, pour mon BIEN. A treize ans, il a eu peur que je sois tombée enceinte de lui et m’a introduit une aiguille à tricoter dans le vagin après m’avoir ligotée dans la baignoire (sans eau), en position gynécologique et me disant qu’il n’avait pas le choix car sinon je devrais partir de la maison. Tous ces détails ne sont pas dans mon livre étant donné que je n,AURAI jamais rien pour les corroborer. à part mes séances morbides et sadiques en solitaire. et une hospitalisation de 7 jours à l’âge de 5 ans pour troubles nerveux et psychosomatiques (incontinence urinaire, pleurs à la défécation). Même si mon livre est écrit sous pseudonyme et tous les noms changés, un éditeur a eu peur de poursuites en diffamation. Si monpère était décédé (IL A 86 ANS), ils m,auraient publié tout de suite et tel quel.
Suis-je encore condamnée à garder encore tout cela sous silence. POuvez vous m’aider ? Faire référence à mon livre pour illustrer vos écrits car mon père est un super bon exemple de pervers narcissique, peut-être psychopathe, peut-être double personnalité, je ne sais que trop. Mon histoire en est une d’emprise jusqu’à aller enfouir tout dans mon subconscient. J’ai étudié jusqu’au PH.D, ai même fait la moitié du cours de médecine dont le stage de psychiatrie. Je me lancais dans les études pour essayer de rehausser l’estime de moi-même et aussi essayer d,avoir l’amour de mon père qui ne valorisait que cela chez moi. Mes études m,ont permis d’analyser, tout le long de mon récit de vie, les comportements anormaux que j’avais et tout ce qui s’en suit, supporté par des ouvrages de référence.
Pouvez-vous parler de l’oubli chez les victimes d’inceste aussi.
Mais surtout, c’est comme une bouteille à la mer que je jette présentement, car j’ai souvent encore aujourd’hui envie de mourir devant tant d’injustice et de négation de la vérité. Je ne le fais pas car quelque chose à quelque part me dit de continuer. Mais j’avoue que si vous lisez mon livre, j,ai vraiment tout fait en mon pouvoir à date pour essayer d’être crue pour pouvoir guérir.
J’aimerais avoir une réponse de vous si possible, ne serait ce que pour me dire comment faire pour avoir plus de visibilité. Sept exemplaires de mon livre ont été vendus en France via mon site internet.
Peut-être qu,un expert en la matière pourrait m,aider. j,ai écrit à l’INRS ou son équivalent en france pour parler de mon livre mais pas de résultats.
Merci de votre écoute,
Danielle alias Maritée Auteure de "Ma vie en pièces détachées" Disponible via www.editionsjespoir.com
Bonjour Maritée, je vous réponds en massage privé car nous sommes souvent l’objet d’attaques virales. Je serai au Canada au printemps - au dégel - et je serais à votre disposition pour vous rencontrer. Vous soulevez le problème de l’édition et de l’édition... Il est évident que les circuits de l’édition sont verrouillés en France, depuis les années 80. Est-ce un hasard si la circulation des idées s’est arrêté à cette même époque. Daniel Bensaïd l’a souvent noté et dénoncé. Mais il nous reste des ressources... A bientôt Illel Kieser
Il me ferait extrêmement plaisir de vous rencontrer. Je demeure dans les environs de Montréal.
Vous avez mon adresse courriel je crois.
A plus tard, au printemps...
Maritée