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Le crime d’inceste et sa p�nalisation au regard du droit

mardi 24 f�vrier 2009, par Kieser ’l Baz (Illel)

En dehors des informations purement r�actives et toujours nimb�es d’�motivit� et de sensationnel, la question de la p�docriminalit� sexuelle est loin d’�tre v�ritablement prise en compte. Si certains politiques paraissent s’y int�resser on d�couvre bien souvent que les dispositions qu’ils impulsent sont plut�t incantatoires, outre qu’elles demeurent d’abord coercitives. Il s’agit d’abord de punir encore plus s�v�rement le pr�dateur - ainsi, un parlementaire italien propose-t-il de castrer ces d�linquants. R�primer et punir satisfont sans doute cette part obscure de chacun, celle qui crie vengeance face � l’innommable. Mais qu’en est-il des victimes, la soci�t� prend-elle en compte des dimensions familiales et soci�tales de l’atteinte sexuelle faite � des enfants�? Concernant le crime d’inceste, la situation se r�v�le encore plus obscure, comme si ces victimes posaient encore plus probl�me au juriste et au l�gislateur. De cet embarras r�sulte l’exclusion de la victime d’inceste, exclusion qu’elle subira sa vie durant.

En janvier 2009, une d�put�e, Marie-Louise Fort a rendu un rapport pour ��lever le tabou de l’inceste��. Il s’en est plut�t suivi une lev�e de boucliers et de critiques toutes hostiles � une pr�tendue sur-judiciarisation malvenue dans le contexte actuel de malaise dans la relation entre le pouvoir judicaire et le pouvoir politique.

L’absence d’inventaire, le manque d’expertise du probl�me favorisent l’expression et la transmission de pr�jug�s et de mythes latents qui ne doivent rien � la rigueur ni � la raison m�me parmi ceux - juristes et magistrats p�tris de rigueur - qui s’opposent � l’inscription du crime d’inceste dans le code p�nal.
La charge �motive colossale de ce sujet de soci�t� consolide le caract�re mythique de l’information, rendant difficile tout d�bat, impossible l’acc�s � des expertises et �tudes qui contribueraient � �claircir les points de vue. L’observateur est donc confront� � une radicalisation des positions, d’un c�t� les victimes - enfants ou adultes rescap�s�-, leurs d�fenseurs, de l’autre ceux qui refusent toute forme d’inscription du crime d’inceste dans le code p�nal. Implicitement c’est le silence qu’on entretient sous une chape �paisse et, par suite, un d�ni qui persiste.
Le d�ni semble avoir pour fonction principale le maintien de la ��coh�sion familiale�� - ce qu’invoque nombre de cliniciens et de magistrats, comme si la victime �tait consacr�e dans un r�le expiatoire - et � travers lui le maintien de l’ordre social, � tout prix...

Face � la volont� des victimes soucieuses de porter t�moignage de leur souffrance ou de leurs tourments, on ergote froidement sur la hi�rarchie � �tablir entre ��attouchement�� et viol, on invoque et on rappelle la rigueur du droit il me semble devoir rappeler certains �l�ments fondateurs du droit. Ces derniers nous renvoient � des principes antiques que nos parents et nos lointains anc�tres ont �rig�s au fondement de toute soci�t�. On comprend alors pourquoi les acteurs de la transmission, les parents mais aussi les ��forces vives�� d’une nation ont une responsabilit� qui va bien au-del� des simples r�gles rationnelles et concr�tes du droit, qu’ils viennent � faillir et l’on soup�onne l’ampleur de la d�vastation. C’est toute une cha�ne de la filiation et de la transmission qui est alt�r�e.

Dans son �laboration, le droit se fonde sur une part importante de l’imaginaire d’un peuple ou d’une Nation - ce que l’on nomme ailleurs les repr�sentations - qui se structure en mythes et en rituels, lesquels s’enracinent dans l’Histoire et d�crivent, � leur mani�re, une �volution, en principe vers un meilleur rapport entre les �tres humains. Le droit, avant d’�tre une froide abstraction, �cheveau de r�gles et d’usages, est d’abord �labor� sur un fonds mythique qui n’ignore rien des valeurs du sentiment.
Le droit officiel, celui des codes, lois et r�gles que l’on transmet dans les universit�s r�git partiellement les rapports humains. Il s’arr�te cependant aux portes de l’intime et du cercle de famille, ou aux portes des offices religieux. L’intervention de l’�tat s’arr�te aux limites de la ��vie priv�e��. Il existe donc bien des domaines interm�diaires o� la logique de soumission aux sources formelles du droit ne s’impose pas forc�ment. Pourtant, nos soci�t�s complexes laissent appara�tre bien des espaces au sein desquels le juriste est convoqu� sans que ce dernier se plie de bonne gr�ce � cette sollicitation. Ce sont des espaces de crise (divorce, contrats, responsabilit� civile) et loin de n’�tre que des futilit�s ces lieux de d�voilement de crises r�v�lent la perte plus globale du lien social, ou du vacillement d’une r�gle tacite qui faisait auparavant alliance.
La plupart du temps le juriste s’en tient � la tendance qui lui est la plus famili�re. Quand un ��arch�type�� dominant (Norbert Rouland, Anthropologie juridique, p.406) sur le plan officiel en vient � devoir affronter plusieurs logiques conflictuelles il institutionnalise celle qui lui est la plus opportune et qui sert au mieux sa propre finalit�. Il rejette alors les autres, toutes les autres, dans le champ obscur du d�ni. Il se cr�e alors un clivage entre l’usage et le droit et ce hiatus peut devenir si �vident que le juriste se trouve forc� d’ouvrir des chapitres sp�ciaux consacr�s aux r�gles qui r�gissent ce monde du silence. Or, beaucoup de juristes pr�f�rent s’en tenir aux r�gles bien s�antes de l’ordre du moment et rester sous le contr�le rassurant de l’�tat et des codes plut�t que de s’aventurer dans des domaines qui leur sont peu familiers, anthropologie, ethnologie, �conomie, etc. disciplines qu’ils tiennent d’ailleurs pour secondaires.
��Pour l’ensemble de la soci�t� comme pour chacun de ses membres, l’apparence rationnelle et unitaire du syst�me des manuels cache une contre-r�alit�, plurale, conflictuelle et multiforme que l’anthropologie aide � d�couvrir quand elle reconna�t que penser le monde c’est penser le droit.�� (M.Alliot, L’anthropologie juridique et le droit des manuels) Et, penser le droit c’est s’ouvrir � la pluralit�.

2Le mythe du droit2

Le droit positif g�n�re lui-m�me des mythes, l’exercice du droit, en effet, cherche � donner des groupes sociaux qui l’emploient une image d’eux-m�mes qui ne correspond pas toujours � la r�alit� physique objective. (ce que je nomme le Vrai)

S’agissant d’affaires de p�docriminalit� intra familiale, le magistrat Didier Beauvais affirme que ��ces affaires �taient toujours tr�s difficiles. Elles �taient m�me tenues pour les plus compliqu�es, et ce pour plusieurs raisons�:

-�la dimension psychologiques est importante�;

-�elles reposent sur des d�clarations �manant d’enfants souvent tr�s jeunes et perturb�s, qu’il n’est pas toujours ais� de recueillir et d’interpr�ter [...] il faut essayer de d�terminer si les atteintes sexuelles ainsi d�sign�es sont de nature criminelle ou correctionnelle�;

-�les faits �tant souvent ni�s par les auteurs pr�sum�s, le juge doit en d�finitive arbitrer entre les d�clarations des uns et des autres�;

-�en dehors des d�clarations des enfants et de quelques t�moignages, il n’existe que tr�s peu d’�l�ments mat�riels et ce, d’autant moins que les affaires peuvent �tre tr�s anciennes, le l�gislateur ayant repouss� le point de d�part de la prescription et allong� la dur�e de celle-ci. Au mieux, il y a des traces constat�es par un examen m�dical, mais une fellation ne laisse aucune trace et la sodomie n’en laisse plus � l’issue d’un d�lai assez bref�;
[...]�� (Minist�re de la Justice, Inspection des services judiciaires, compte rendu d’entretien avec M.�Didier Beauvais, Conseiller � la cour de Cassation, 09 janvier et 24 janvier 2006, dans la cadre de la mise en cause du juge Burgaud)

On est surpris par cette presque candeur avec laquelle ce magistrat exp�riment� expose comment, au sein d’une chambre de l’instruction, on ergote sur les ��faits�� concrets - ��Voyons�? Fellation ou sodomie�? - Y-a-t-il viol en cas d’introduction d’un doigt...�?�� Que de discussions fort int�ressantes entre dignitaires de la justice ..., on plaindra volontiers le juge contraint par le l�gislateur, d�cid�ment irr�aliste, � une si lourde t�che s�mantique. Mission impossible, si l’on s’en tient, bien s�r, � la n�cessit� d’une preuve mat�rielle. Outre les contradictions de ses dires - soit il s’agit de tr�s jeunes enfants donc forc�ment soutenus par des adultes t�moins, soit l’on a affaire � des adultes et il se plaint des d�lais de prescription�-, � aucun moment le magistrat ne s’interroge sur la dimension du temps�: il s’agit d’actes r�p�t�s commis sur des enfants ��souvent tr�s jeunes�� et durant des p�riodes tr�s longues. Durant combien de temps ont-ils subi ces faits�? Il ne s’agit pas de viol, au sens habituel du temps, acte brutal, imm�diat et terrible mais commis une seule fois. Les viols (fellation, sodomie, avec objets), dans ce cas, se r�p�tent, ils sont commis parfois durant de nombreuses ann�es, au-del� m�me de la pubert� dans certains cas.
S’agissant d’actes de nature correctionnelle (attouchements), le magistrat oublie, l� aussi, que ces actes se r�p�teront durant de nombreuses ann�es et ce d’autant plus que les pr�dateurs savent parfaitement ce qu’ils font et ne s’embarrassent pas de scrupules.
Puisque ��la dimension psychologiques est importante�� - ce qui, dans la bouche d’un magistrat, signifie confusion et impr�cision irrationnelles - s’interroge-t-on sur ce que cela signifie au plan de la structuration de la personnalit� de ces enfants�?
Que se passerait-il si l’on apprenait qu’une femme adulte a �t� soumise � des viols r�p�t�s par le/les m�me/s pr�dateur/s durant une tr�s longue p�riode�?
Doit-on rappeler au juge et au l�gislateur qui se renvoient la responsabilit� du d�faut de r�alisme pour l’un, de volont� d’appliquer la loi pour l’autre, ce que sont les �l�ments essentiels et fondamentaux pour la structuration de la personnalit� - psychogen�se - de l’enfant�? Doit-on rappeler que cette atteinte, outre les faits physiques, l�se gravement la construction des repr�sentations de l’enfant�? Elle la pervertit et c’est un assassinat psychique�! Ce que souligne ce t�moignage si souvent entendu mais dont l’importance existentielle est ni�e�:
��L’impression d’irr�alit� de soi... de ne pas faire partie du monde.
Un sentiment profond d’absurde. Que tout est absurde et d�risoire.
Comme si l’on n’avait pas de connexion aux choses, au sens des choses.
Rien n’a de sens. La vie grouille autour, accapar�e par un quotidien qui semble d�risoire, et l’on est au milieu, dans une cage invisible, se demandant ce que l’on fait l�.
La perception du dehors est ouat�e. Dehors est-ce un d�cor�? Dehors n’a pas de profondeur.
Et dedans c’est l’enfer. L’enfer d’�tre.
S’oublier... comment s’oublier�?
Tout parait d�risoire. Et l’on est fig� dans son corps.
L’Ennui. Cette impossibilit� de se mettre en action. Le cerveau tourne � plein r�gime, les id�es jaillissent � foison et retombent aussit�t.
Rien. On n’arrive pas � bouger.
Pourtant il y a de quoi faire tout autour... de quoi s’occuper... oui... ce n’est pas le probl�me.
Le probl�me c’est le corps qui ne re�oit pas les ordres du cerveau. Le cerveau tourne dans le vide.
Le corps est immobile. La substance qui relie les deux est inerte, comme morte.
Qui peut comprendre �a�?
Et le temps s’�coule sans qu’on le transforme.
Et la vie se passe sans qu’on puisse l’attraper.
Pourtant on voudrait l’aimer, la vie. On voudrait la saisir et en faire partie.
Mais quelque chose manque... sans pouvoir trouver quoi. Et l’on se sent vide. vide de Soi.
�� C. R.

Le d�ni dont je fais souvent �tat recouvre bel et bien un ensemble d’actes que le l�gislateur, donc le droit, ne d�crivent pas et dont ils persistent � nier l’existence. S’il n’existe jamais de vide juridique, il existe bel et bien un vide dans la conscience collective.

Le crime d’inceste n’est pas seulement l’abus sexuel (atteinte sexuelle, agression sexuelle ou viol) commis par une personne de la m�me famille, c’est aussi l’ensemble des actes d’ordre sexuel perp�tr�s sur un enfant par des adultes qui auraient, sous quelque forme que ce soit, autorit� sur un enfant. Cela comprend les adultes du voisinage, les pr�cepteurs, tout tiers. La limitation du crime d’inceste � la famille n’a pas de sens et ignore l’�tat de compl�te d�pendance de l’enfant par rapport au milieu que ses parents cr�ent autour de lui et dont ils fa�onnent les fronti�res. Cette limitation d�douane �galement trop facilement la soci�t� de sa propre responsabilit� car il n’�chappe � personne que l’�ducation est largement contr�l�e par les agents sociaux.

Situons le droit naturel et le droit positif qui sont aux fondements des syst�mes juridiques des soci�t�s modernes, puis voyons leur articulation l’un � l’autre, dans leur conception et leur application vraie.

2Droit naturel2

Le droit naturel est l’ensemble des normes prenant en consid�ration la nature Humaine et sa finalit� dans le monde (d�finition du Petit Larousse) et dans l’Histoire.

Ainsi, les droits naturels humains sont des droits qui viennent du fait singulier de l’existence et de la n�cessaire p�rennit� de l’esp�ce humaine, sans consid�ration de position sociale, d’ethnie, de nationalit�, ou de toute autre consid�ration particuli�re.
Au sens large, le droit naturel d�signe toute recherche objective de normes de droit en fonction des seules caract�ristiques propres � l’�tre humain, ind�pendamment des conceptions du droit d�j� en vigueur dans les soci�t�s humaines.

Le droit naturel, selon les th�oriciens du droit, rel�ve de deux formes d’acceptions l�g�rement diff�rentes�:
• Recherche du juste par une appr�hension rationnelle et concr�te des r�alit�s sociales dans leur contexte global et orient�e par la finalit� de l’�tre humain dans l’Univers, telle qu’elle peut �tre envisag�e dans un moment donn�, le juste est ici compris selon les principes d’�quit� et de respect des libert�s,
• Principes immuables, d�couverts par la raison, qui d�rivent des connaissances acquises des comportements ��naturels�� - instinctifs - des �tres et des groupes humains, ce qui associe forc�ment des disciplines parall�les au droit, histoire, ethnologie, anthropologie, histoire des civilisations, �conomie, etc.

La conception du droit naturel, en toute logique, devrait �tre la m�me pour l’esp�ce humaine en son entier, c’est ainsi que le poserait le penseur occidental. Il appara�t cependant que le droit anglo-saxon, fond� sur la common law, et la conception europ�enne du droit de tradition romano-germanique (droit �crit, puis �volution vers le droit positif), sont diff�rents, de sorte que le rapport entre le droit naturel et le droit en g�n�ral est sensiblement diff�rent selon que l’on se place dans le monde anglo-saxon ou en France. Ajoutons � cela l’�mergence de plus en plus flagrante de mouvements qui tendent � relativiser les r�gles universelles pos�es par la raison.
Par ailleurs, on comprend que le juriste, soucieux d’ordre, de hi�rarchie et de concret soit peu familiaris� avec les �l�ments du droit naturel. Nombreux, m�me, seraient tent�s de le rattacher � la morale plus qu’� la recherche du juste.

2Droit positif2

D’un point de vue juridique, la loi �crite, �dict�e par le l�gislateur, constitue l’une des sources du droit, de m�me que les lois non �crites comme l’usage, la coutume, ensemble de r�gles non �crites, admises comme obligatoires. Le droit positif est constitu� par l’ensemble de ces r�gles. C’est ce qui est ��pos頻 de ��positum��, un droit tel qu’il est commun�ment pratiqu�.

Pour les th�oriciens, le droit positif s’oppose � un droit qui serait ant�rieur au droit pr�cis� par le l�gislateur. Les r�gles de droit ne sont ni issues de la nature ni de Dieu, mais des �tres humains eux-m�mes, dans leurs activit�s sociales ou personnelles. Selon cette acception premi�re, le droit positif serait un droit vivant, fluctuant et �voluant selon la jurisprudence et les us au travers du temps. Il existe cependant deux courants qui pensent le droit de mani�re sensiblement diff�rente.
Le positivisme l�galiste est l’id�e selon laquelle le droit positif est dict� par les autorit�s politiques, et se suffit � lui-m�me. Pour lui, le droit et la justice, sont identifi�s � la loi.
Selon l’�cole du positivisme sociologique, le droit positif est l’expression de la soci�t�, c’est un ph�nom�ne social mouvant qui se rep�re en observant la soci�t�.
Par ailleurs, le droit positif repose sur la th�orie du normativisme, (Hans Kelsen) qui structure le droit dans une pyramide des normes.

Le droit positif et le droit naturel sont donc deux formes de droit, compl�mentaires, ni oppos� ni similaires. Ils s’articulent l’un � l’autre dans une logique dont on devine qu’elle ne sera pas absente de discussions et de d�bats.

Il existe en France une cat�gorie de personnes dont le statut l�gal se rapproche de celui des victimes d’inceste, il s’agit des transexuels. Leur mutation physique qui rend coh�rente identit� physique et identit� psychologique est ni�e. Il n’existe pas de disposition l�gale qui leur permette de rapporter leur mutation biologique. Ce que le droit concret ne peut enregistrer, le droit positif l’ignore et le r�duit � sa propre dimension ou bien il en nie jusqu’� l’existence. Le droit positif, en son application rigide peut g�n�rer du non-humain - les forbans du Moyen �ge.

L’absence de loi �crite ne signifie pas qu’il y ait un ��vide juridique�� comme certains le pr�tendent. C’est le propre du droit positif, cela veut dire que ce qui est pos� fait force de loi, ici il s’agit de la mise au ban d’une cat�gorie de personnes que le l�gislateur aura oubli� sciemment ou non. Le juriste se trouve alors bien aise de formuler son embarras ou son impuissance, oubliant qu’il est aussi un bras de levier citoyen, un t�moin de l’exercice de son propre pouvoir. Il ne peut � la fois candidement revendiquer son ind�pendance d’exercice et sa facult� de faire pression sur les autres pouvoirs auxquels il se trouve institutionnellement associ�. Outre le cynisme dont il fait preuve, un tel aveu d’innocence est coupable�!

�voquer le droit positif ou naturel n’aurait pas de sens si nous ne d�finissions pas auparavant le champ du droit

2Le champ du droit2

Dans toute soci�t� le droit est cens� tendre � l’accomplissement de certaines valeurs et permettre, par ses fonctions, � la dite soci�t� de se p�renniser, voire de s’accro�tre.

Dans sa forme, le droit est commun�ment identifi� � des normes ou � des proc�dures de r�glement de conflits. C’est ainsi que le droit recouvre la recherche du juste, de ce qui est �quitable, qui l�gitime ainsi la sanction, la pr�servation de l’ordre social et de la s�curit� du groupe social concern�.

2Sur quoi se fonde la loi qui �mane du pouvoir l�gislatif�?2

On discerne, � travers ce rapide tableau des formes du droit qu’il existe en outre un droit appliqu� et un droit plus mouvant que le l�gislateur s’applique � promouvoir. Il le d�duit parce qu’il est sensible aux mouvements qui traversent la soci�t�. Et cette r�activit� est d’autant plus n�cessaire qu’une soci�t� traverse une p�riode critique de reformulation de ses id�aux et de ses repr�sentations. Reste � savoir si l’exercice du droit se meut plus rapidement que ne mute la soci�t�. Comment se concilient la recherche de l’ordre, de la s�curit� et l’adaptation � de nouvelles mœurs impos�es par les mutations internes qui traversent une soci�t� en crise�?

Le l�gislateur n’agit certes pas par int�r�t ni par impulsion, mais plut�t selon certaines exigences qu’il est conscient de devoir satisfaire, entre autre son inscription dans la ligne d’une culture rationaliste et mat�rialiste qui s’est affirm�e dans l’histoire europ�enne avec la D�claration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen - notons en passant, que, concernant l’homme, on ne sait s’il s’agit de l’esp�ce, l’humanit�, ou du genre, le masculin. Il existe donc une double source du domaine l�gislatif ou juridique. Plus que le juriste, le l�gislateur doit �tre attentif � l’articulation entre le droit positif et le droit naturel. Plus que le juriste il peut veiller � la pr�servation du caract�re vivant du droit.
Mais il ne d�tient pas le pouvoir de l’ex�cution des lois, il peut juste, a posteriori, en contr�ler l’impact.

2Le tabou de l’inceste et le droit naturel2

On entend par ce terme ��naturel�� ce qui est ind�pendant de l’homme, ce qui n’est le produit ni de l’esprit ni de la raison mais qui d�coule d’une n�cessit� fondamentale � l’�dification d’une soci�t�. Le tabou de l’inceste, universel, fait partie de ces fondements. On comprend que le droit naturel se fonde bien plus sur des syst�mes de repr�sentation que sur des faits rationnels et physiquement rep�r�s. Ce n’est pas pour autant que ces formes de repr�sentations, quoique irrationnelles et aux contours souvent impr�cis, dussent �tre exclues du droit.

Il existe des forces naturelles comme le vent ou l’eau, qui sont ant�rieures � l’œuvre des humains et d’autres forces comme l’�nergie nucl�aire, l’�lectricit�, etc. qui en sont l’œuvre. Nous savons que ces œuvres humaines transforment le cours naturel des choses de la nature, si bien qu’il existe un champ du droit qui impose la prise en compte d’une r�alit� � mi-chemin entre nature et soci�t�. (Robert Lenoble, Histoire de l’id�e de nature) ��Nous pouvons donc caract�riser la loi naturelle et le droit naturel comme ant�rieurs � l’activit� l�gislatrice de l’homme et ind�pendants d’elle. Ils d�coulent de la nature m�me des choses�: �tant donn� ce que sont les choses, ils ne peuvent �tre autrement. Ils s’imposeraient � tout esprit comprenant bien cette nature�; mais comme elle reste myst�rieuse et sujette � discussion, les lois naturelles manquent de la positivit� des lois positives�; ce ne sont pas des donn�es de fait, mais des conceptions de l’esprit."�� (Paul Foulqui�, L’action)
Si nous savons maintenant prendre en compte l’impact de l’activit� humaine sur celle de la nature, en ce qui concerne l’�volution du genre humain, les questions font souvent l’objet de d�bats plut�t m�taphysiques que physiques. D’un c�t�, les sciences physiques nous permettent d’acc�der � des v�rit�s, de l’autre, les sciences humaines voient leurs conclusions souvent contest�es.
Si on con�oit raisonnablement que le tabou de l’inceste fut n�cessaire � la p�rennit� de la soci�t�, il en va tout autrement s’il s’agit d’en d�noncer les m�faits dans une p�riode contemporaine. De plus l’absence d’inventaire semble ne donner raison qu’aux d�tracteurs de sa n�cessaire �rection au rang de principe fondateur, ce qui impliquerait, de facto, la p�nalisation de sa transgression.
Or, le tabou de l’inceste rel�ve d’un principe qui est ant�rieur � l’�dification de toute culture, il lui est m�me n�cessaire. Son origine se perd dans l’histoire de l’humanit� mais il demeure un fait humain destin� � pr�server l’humanit�. Qu’importe les raisons - g�n�tiques, ethniques, religieuses ou autres - qui furent � l’origine de ce tabou - les anthropologues ne sont pas d’accord sur l’interpr�tation qu’il faut donner � l’universalit� du tabou - sa transgression porte atteinte � la structure d’une soci�t� et � l’ordre qui lui est n�cessaire pour durer. Le tabou de l’inceste est ant�rieur � l’organisation de toute soci�t� humaine. En ce sens, le droit positif doit le prendre en compte sous une forme ou sous une autre et c’est au l�gislateur de s’entourer de toutes les pr�cautions pour qu’il s’ins�re dans les principes d’ordre et d’�quit� qui lui sont chers.

S’�chiner � trouver des �l�ments positifs, mat�riels, tangibles, pour apporter la preuve du crime d’inceste rel�ve donc d’une aberration au plan du droit constitutif de toute soci�t�. Il s’agit d’une outrance du juriste moderne, bien plus soucieux d’associer le droit et le juste � des �l�ments tangibles, physiquement r�els. Il lui importe peu d’associer ici le Vrai et le Juste. La recherche coercitive le guide et ce sont les symboles m�me de la Justice qui le guident�: le glaive et la balance, soumission et �quit�.
Rechercher des �l�ments de preuves, parfois 20 ans apr�s les faits rel�ve du ridicule accompli et cache mal une volont� retorse. C’est aussi ignorer que les psychologues - ceux qui sont form�s � cet effet - savent reconna�tre les caract�ristiques singuli�res qui signent un crime sexuel ant�rieur. Ces m�mes psychologues savent �galement reconna�tre les caract�ristiques singuli�res du pr�dateur. (I. Kieser ‘l Baz, M.�Cyr). Or cela impose la prise en compte de disciplines consid�r�es comme secondaires au droit. (La criminologie n’est-elle pas quasi exclusivement enseign�e dans des unit�s d’enseignement du droit�?)

Il y a pire encore, reprocher aux victimes d’inceste de vouloir exercer une sorte de t�lescopage, voire de vengeance, dans le temps, en rapportant au jour de la plainte des faits qui remontent parfois � plus de 20 ans, au pr�texte qu’elles porteraient atteinte � une personne qui aura chang�, c’est donner cr�dit et assistance au bourreau non � la victime dans le pr�judice radical quelle aura subi. Les pr�dateurs sexuels ne changent pas, ils demeurent fig�s dans le d�ni de leur volont� de soumettre l’autre � l’�tat d’objet�! C’est aussi ignorer ce que le droit ne peut prendre en compte le besoin l�gitime de r�paration symbolique, cet acte par lequel une soci�t� reconna�t comme siens des membres bless�s ou �gar�s contre leur gr�. Le d�ni dont je parlais plus haut, qui concerne plut�t les juristes et qui tient � la forme plut�t conservatrice de l’exercice du droit, se double ici d’un d�ni institutionnel qui concerne le l�gislateur et, par suite, le peuple en son entier. Cette mise hors ban du membre bless� est un non sens de civilisation.

La victime subit longtemps les marques du crime, durant sa vie enti�re, le pr�dateur jouit toujours de sa libert� et de son ��honneur��, cela est affaire de soci�t�, ni de juriste, ni de police, ni de magistrat�!

Douter de leur facult� de discernement, ce que ne manquent pas de souligner certains experts nourris et abreuv�s des br�viaires d’une psychanalyse mal dig�r�e, n’est qu’un aspect suppl�mentaire de cette mise hors ban des victimes... C’est, toujours, les rejeter dans le non humain.

On conviendra que ce d�ni fait usage et, en tant que tel, il s’inscrit dans le droit positif. Qu’il le veuille ou non le juriste consacre paradoxalement la justesse d’un crime, transformant la victime en un monstre, un forban, un �tre hors des limites de l’ordre social. Les victimes d’inceste subissent de plein fouet une absence de prise en compte de leur dimension humaine.

La loi positive que d’aucuns nomment vide juridique - il n’y a pas vide mais inversion de la recherche du Juste - se trouve contraire � la nature des choses et/ou au bien commun. Une telle loi s’est �cart�e du Vrai et, en tant que telle, elle doit dispara�tre. Dans la pratique juridique, on voit bien la part de contingence et d’arbitraire in�vitable en ce qui concerne les d�tails des r�glements et des proc�dures dans la construction et l’application de cette loi positive qui l�gitime l’acte pr�dateur et rejette la victime.
On est dans le non sens humain et c’est bien ce que disent de nombreuses victimes...

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Un pr�c�dent
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Au proc�s de Bobigny, en octobre et novembre 1972, avec l’accord des pr�venues, Gis�le Halimi choisit de faire le proc�s de la justice. ��J’ai toujours profess� que l’avocat politique devait �tre totalement engag� aux c�t�s des militants qu’il d�fend. Partisan sans restriction avec, comme armes, la connaissance du droit ��ennemi��, le pouvoir de d�jouer les pi�ges de l’accusation, etc. (...) Les r�gles d’or des proc�s de principe�: s’adresser, par-dessus la t�te des magistrats, � l’opinion publique tout enti�re, au pays. Pour cela, organiser une d�monstration de synth�se, d�passer les faits eux-m�mes, faire le proc�s d’une loi, d’un syst�me, d’une politique. Transformer les d�bats en tribune publique. Ce que nos adversaires nous reprochent, et on le comprend, car il n’y a rien de tel pour �touffer une cause qu’un bon huis clos exp�ditif.�� (G. Halimi)

Et, ces mots de Montesquieu sont encore � m�diter�: ��Les lois, dans la signification la plus �tendue, sont les rapports n�cessaires qui d�rivent de la nature des choses.�� C’est dire que ceux qui ont le pouvoir cherchent toujours � justifier le bien fond� de leurs d�cisions l�gislatives en faisant appel � la raison et aux exigences d’un droit concret. En ce sens aussi, une charte des droits ne fait qu’expliciter ce que l’on consid�re comme des droits naturels pr�existants. Si ��la loi naturelle ou le droit naturel se r�duisent � quelques principes g�n�raux�� (P. Foulqui�), concernant la transgression du tabou de l’inceste il reste un long chemin � parcourir.

Une soci�t� peut-elle durer qui ignore les ressources de sa propre gen�se et celle de l’histoire de son esp�ce m�me�? Que vaut une soci�t� qui permet que ses propres enfants soient mutil�s, avilis, r�duits � la dimension d’esclaves sexuels�?
Que vaut une soci�t� dont toute la cha�ne de la filiation et de la transmission est alt�r�e�?
L’anthropologue ne peut s’emp�cher d’�voquer le triste rite sanglant de Moloch auquel on sacrifiait les nouveaux n�s pour r�tablir ordre et justice.
Au moment o� nos soci�t�s fa�onn�es par la volont� de domination et de pouvoir, entrent dans une p�riode sombre, il est permis de penser que ces ��sacrifices��, ne peuvent �tre envisag�s comme r�sultant de d�viances personnelles isol�es.

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R�f�rences et documentation annexe�:

La justice r�paratrice
http://www.csc-scc.gc.ca/text/rj/bckgrndr-fra.shtml

De la l�gitimit� des victimes�:
Ma�tre Eolas�: http://maitre-eolas.fr/?q=victimes
Arri�re-pens�es des discours sur la ��victimisation���:
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/09/CHOLLET/15078
et
Reconnaissance ou sacralisation�: http://www.monde-diplomatique.fr/2007/09/A/15114
La justice n’est pas une th�rapie, Robert Badinter, Le Monde du 08 septembre 2007
(Pour les abonn�s�:) http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2007/09/08/robert-badinter-ne-pas-confondre-justice-et-therapie_952825_3224.html

Arguments de juristes
Des suites du ��proc�s d’Outreau��
Ma�tre Eolas, Dadouche�: http://www.maitre-eolas.fr/2009/02/05/1308-va-t-on-enfin-parler-des-vraies-causes-d-outreau#co

Les pr�jug�s, en g�n�ral
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=50776
(Lire les commentaires, on y trouvera �galement les d�veloppements de deux juristes)
Idem sur�: http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=48197
et un article qui doit servir de base � des d�veloppements ult�rieurs
Les pr�jug�s autour de la p�docriminalit� intrafamiliale, par Naja, sur Hommes et Faits�: http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article141


Parution�: Inceste et p�docriminalit�: crimes contre l’humanit� de Kieser ’l Baz Illel, �ditions de la Fondation Fleur de Lys, Montreal, 300 p., 15 x 21 cm. (Am�rique du Nord) & Editions Lierre et Coudrier.

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En 310, vaincus et assi�g�s par les Grecs de Sicile, Carthage souffrait de manque d’eau. Les pr�tres, pour se faire pardonner leurs p�ch�s par Baal, organis�rent un holocauste, ces sacrifices de grande ampleur (tel est le sens premier du mot) qu’on appelle aussi, dans un vieux terme h�breu pass� en langue punique, des Moloch. Selon Diodore, 500 enfants de la noblesse furent ex�cut�s de la plus atroce des fa�ons. Un immense Baal tr�nait sur la place centrale de la cit�. Il �tait creux, et l’on entretenait � l’int�rieur un immense brasier. Les bras de la statue, articul�s, emportaient les enfants, encapuchonn�s de noir, dans la gorge b�ante o� ils �taient pr�cipit�s vivants, sous les yeux d’une foule que Diodore de Sicile d�crit ivre de joie d�mente et de folie meurtri�re.