Inasliyen qui affirme une fidélité à toute épreuve pour sa thématique qui reste résolument empreinte des préoccupations de l’heure et attachée plus que jamais au combat qui a toujours été le sien. Il aborde le thème de la famine qui ravage les pays pauvres quand ailleurs, c’est la surabondance alimentaire qui inquiète. Une allégorique résumée à un enfant mort dans le giron de sa maman voyant sa sépulture, cinq siècles après, être l’objet d’une fouille archéologique coûteuse..." />
L’album « Vrigh-awen » (Je vous répudie) qui vient d’annoncer un éclatant come-back de l’un des pionniers de la chanson moderne engagée, Inasliyen en l’occurrence, aux éditions Belda Diffusion, est une œuvre hors du commun et une réelle leçon pour les « pousseurs de chansonnettes » carriéristes. La thématique reste fidèle au combat originel du groupe dans laquelle on note une mue, somme toute logique, vers l’universalité des causes justes. La dimension artistique de l’œuvre, quant à elle, est une véritable merveille.
Après la sortie des œuvres d’une autre icône dans le paysage musical et poétique, à savoir Mdjahed Hamid, le retour de l’immortel « Baba inuba », la constance d’un Takfarinas qui caracole dans les hit-parades dans plusieurs pays, ce nouveau produit de Rabah Inasliyen arrive à point nommé pour casser la spirale des raccommodages de cadences et de rythmes, des éternelles reprises sans innovation notable qui puisse les justifier et enfin, des folkloriques « spécial fête » qui ont fait de la musique un domaine pauvre et la quête du gain et d’une aura acquise dans un désert artistique, les seules motivations. De l’avis même des puristes, ce nouveau produit est incontestablement un acte de renaissance pour la musique moderne Nord africaine.
Dans cet album, Inasliyen affirme une fidélité à toute épreuve pour sa thématique qui reste résolument empreinte des préoccupations de l’heure et attachée plus que jamais au combat qui a toujours été le sien et qui dure déjà depuis près de quarante ans. Le texte engagé y est fortement présent hissant son art au firmament des valeurs nobles pour lesquelles, tant de vies se sont offertes en sacrifice, tant de générations ont maintenu, contre vents et marées, le flambeau de nos espoirs allumé dans le froid interstellaire des dictatures et des injustices et tant de chemin parcouru... Pour Rabah, l’histoire, la vraie, reste encore à reconquérir par une jeunesse qui reste, malgré tout, l’avenir de ce pays dénaturé, défiguré, trahi...
Dans « Tirga n llufan » (Rêves d’enfant), dont la musique initialement conçue pour le film « La montagne de Baya » de Azeddine Meddour, Inasliyen aborde le thème de la famine qui ravage les pays pauvres quand ailleurs, c’est la surabondance alimentaire qui inquiète. Une allégorique résumée à un enfant mort dans le giron de sa maman voyant sa sépulture, cinq siècles après, être l’objet d’une fouille archéologique coûteuse...
Le deuxième titre, « Ilemziyen », est un hymne à la jeunesse qui s’inspire des soulèvements passés et exhorte celle-ci à s’impliquer dans la prise en main de sa propre destinée, une destinée étroitement liée à celle de la patrie ; seule voie du salut que Rabah explique avec force persuasion : « ...on avancera jamais si on arrête pas de s’apitoyer sur notre sort ».
L’hymne à la jeunesse c’est aussi un retour aux sources du point de vue orchestration musicale puisque le prélude est un istikhbar chaâbi exécuté sur le style zidane, une manière de dévoiler les débuts artistiques de l’enfant d’El Biar. La chanson, interprétée par un trio de voix aussi prodigieuses que gracieuses que sont Djamal Allam et les deux frères fondateurs du groupe ; Mourad et Rabah, évolue et fait merveilleusement sa mue pour se parachever sur une mesure pop-soul ; parfaite illustration de l’évolution musicale de Rabah qui prône l’ouverture et deviendra par la suite l’un des meilleurs représentants de la musique « moderne ».
Dans « Tugdut » (Démocratie), Inasliyen mettent l’action, avec des mots tenaces, sur l’avènement de la démocratie, ses fossoyeurs, ses martyrs, ses trahisons et enfin son salut qui réside dans l’inéluctable exigence de rassemblement. Comme dans « tafsut umazigh » (Printemps amazigh) sortie trois ans après le printemps 1980, Inasliyen se réfèrent dans « Tugdut » aux événements tragiques du printemps 2001 pour en extraire matière à construire cette union tant attendue.
L’apogée poétique de l’album c’est sans nul doute « Tayri umedyaz » (Amour du poète). Exécutée dans une mélodie d’une sensualité expansive, la poésie parle avec des mots simples, sincères et des images qui transportent vers les cieux avant de redescendre sur terre pour dire combien est fort l’amour que le poète porte à celle qui « (...) est le poème, quant il est, pour elle, la chanson (...) ». Une œuvre saisissante par son inspiration poétique :
C’est Greame Allwright qui l’écrivit lors de son passage en Algérie, en 1986 et qu’il confia à Rabah avant son départ. Il s’agit de la chanson intitulée « Sans titre » dont la musique est signée Rabah Inasliyen. Un texte où la star rebelle des seventies rend hommage à la révolution algérienne et à l’affranchissement du joug colonialiste dans sa projection universaliste :
« Axanav » (traitre), « Anarag » (concitoyen) et « Vrigh-awen » (Je vous répudie) est une trilogie tant on y décèle une analogie plus ou moins étroite dans la thématique. La toile de fond étant une critique historique, sociale et politique que justifie « la crise de dénonciation qui sévit dans le pays ». Cette critique évolue pourtant pour ne pas rester prisonnière de l’étroitesse qui guète toute observation subjective. Dans « Anarag » (concitoyen), une œuvre toute en finesse qui dénote d’une maîtrise artistique hors du commun, Inasliyen ouvrent grande la voie au torrent d’espoir qui les habitent, sans quoi, aucune vie, aucune lutte ne valent la peine d’être menée :
Enfin, « Vrigh-awen » est un texte incisif qui, pour reprendre une image du verginien Edmund Randolph, mettra le feu à des combustibles que le vent de la colère avait par rafales déposées là. Il y est mit en exergue un certain malaise social, pointant du doigt accusateur les forces de la régression, les trahisons, les reniements, les pyromanes, ... Inasliyen revendiquent la fidélité au combat et assume avec force conviction sa quête du progrès, de modernité et d’un ordre juste.
L’album s’achève dans une atmosphère de nostalgie avec une reprise magistrale de l’immortelle « Tilufa » (événements) qui s’inspire des événements du printemps 1980 et qui aura bercé plusieurs générations d’hommes et de femmes depuis sa première sortie (VO) en 1983. Avec de nouveaux arrangements, tout aussi raffinés et résolument modernes, « Tilufa » mène l’auditeur dans les nimbus grisâtres de ses souvenirs, évoque les événements passés dans une enveloppe mélodieuse d’une originalité unique de part sa structure mais aussi sa beauté inouïe et son émotivité bouleversante.
Au dernier coup d’ongle du dernier mouvement d’arpège, Inasliyen auront achevé assurément leur conquête d’un nouveau public qui se surprendra dans son émerveillement et auront consolidé les inconditionnels de toujours qui se réjouissent déjà de « Vrigh-awen », un album dont on ne dira jamais assez combien il est exceptionnel et qui reste dans la lignée des précédents (Tafsut en 1983 - Isiakhem en 1992).
Bonne écoute !
Source : Mensuel « Les Culturelles NEWS », Janvier 2008.
Prochainement sur Kabyles.net : Portrait historique du groupe Inasliyen
Inasliyen est pour moi le plus grand groupe de musique algerienne ; des arrangements sublimes, une musique authentiquement kabyle, modernisée mais sans etre dénaturée. L’album de 1983 me fend l’ame à chaque fois que je l’ecoute et à chaque ecoute ses airs m’envoutent et transportent mon ame au faite des montagnes du Hoggar et me font respirer des bouffées d’espoir, l’espoir qui regenere le sang du peuple. Mais j’avoue que tout ça je ne le retrouve plus dans le dernier album ; un album qui je pense trop aéré, moins dense que les precedents. Il manque cette force ou ce volcan tumultueux qu’est la musique d’Inasliyen. Toutefois, de ce dernier album je retiens la beauté splendide et les eclaboussures fraiches des bourasques de fin d’hivers du majesteux Djurdjura et des plaines de la Soummam. Ecoutons Inasliyen et encourageons les à produire d’autres oeuvres. Un grand merci aux membres de ce groupe.
Comment peut-on se procurer ce chef d’oeuvre à écouter indispensablement ?
Merci
Sur le net sûrement. Merci, transmettez et faites de la pub !
En Algérie également. Sauf si une maison d’édition en europe décide de l’éditer ici pour le grand bonheur des puristes et des révoltés d’europe !
Un lien pour écouter la chanson "Axanav" (prononcer AKHANAV ) qui signifie "traitre" :
http://ath-hemdoun.com/index.php ?option=com_content&task=view&id=35&Itemid=1
En fait le lien ne marche pas comme ça. Faire http://ath-hemdoun.com puis recherche Axanav comme mot clef et on tombe dessus.
Le lien marche, il suffit juste de supprimer l’espace entre le "php" et " ?" inclu dans l’adresse (le lien) ci-desous :
http://ath-hemdoun.com/index.php ?option=com_content&task=view&id=35&Itemid=1
Voici un lien pour ecouter ce formidable album : http://music.agraw.com/Music-x88k752-217h/Kabyle-Music/Inasliyen/Inasliyen.htm