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Projet de civilisation�: imposture et illusion
I - Ordre et barbarie


On parle beaucoup de civilisation�: projet de civilisation, choc des civilisations, enjeu de civilisation, etc. civilisation s’oppose � barbarie et s’accompagne du ��Progr�s��, entendons par l� une �volution technologique pour plus de confort. Cela semble avoir un sens mais qu’en est-il vraiment�? Comment l’humain peut-il vivre en soci�t� et � quelles conditions�? Ne devrions-nous pas revenir sur les fondements de toute "civilisation"�?

Depuis peu d’ann�es, on entend beaucoup parler de civilisation�: projet de civilisation, choc des civilisations, enjeu de civilisation, etc. Ces annonces reposent sur un pr�suppos�: chacun doit savoir que civilisation s’oppose � barbarie, c’est ce que l’on apprend en classe. La civilisation, s’accompagne du ��progr�s��, entendons par l� une �volution technologique pour plus de confort. Mais une �ducation purement technique, purement pratique, mat�rialiste et ��m�canique�� ne fournit aucune protection contre les illusions des fausses lumi�res d�shumanisantes du ��progr�s��. Il y manquerait, � coup s�r, cette culture essentielle dont la loi la plus profonde, la plus charnelle serait l’inscription dans la continuit� des g�n�rations. Nous - les cultures dites d�mocratiques - avions cru avoir, depuis longtemps quitt� les rives de la barbarie. Nous avons voulu imposer nos valeurs et nos illusions � tous les peuples de la plan�te. La question se pose vraiment de savoir de quelle civilisation nous parlons.

Les diff�rentes r�trospectives dont nous sommes si friands insistent souvent sur ce gain de confort apport� par le progr�s et la civilisation�: la femme, par exemple, peut d�sormais �tre un acteur social en m�me temps qu’une bonne m�nag�re et cela se pr�sente comme un formidable ��progr�s��... double temps, double vie, voil� de quoi satisfaire l’ego �corch� du f�minin�!

La civilisation s’accompagne en outre d’un acolyte �trange�: la D�mocratie. En m�me temps que la civilisation, nos �vangiles modernes apportent aux nations conquises les admirables bienfaits de la d�mocratie. Sur ce champ ��s�curis頻 survient alors ma�tre ��March頻, charg� d’offrir aux hommes d�sormais pacifi�s et sortis de leur barbarie d’antan, les ��biens mat�riels�� tant n�cessaires au bonheur. Mais les lois du March� ne sont pas celles de la D�mocratie, il consid�re d’ailleurs ces derni�res avec m�pris car il d�tient le v�ritable pouvoir de contr�le. Barbarie, nous avions cru comprendre, en un temps recul�, qu’il s’agissait d’un stade sauvage de l’humanit�, quand rien n’�tait en ordre et que nos anc�tres, forc�ment bestiaux s’adonnaient aux pires s�vices contre leurs semblables... On entendait par barbarie tout ce qui est indignit� pour la condition humaine�: esclavage, viol, torture, cannibalisme, etc. Mais une observation m�me distraite de l’actualit� nous montre un monceau d’indignit�s accumul� � seule fin de r�pandre les bienfaits de la d�mocratie. On comprend alors, mais personne ne nous le dit clairement, qu’il existe maintenant une bonne et une mauvaise torture, en somme, il existe un bon et un mauvais mal. C’est un fait extraordinairement nouveau dans l’Histoire et qui scelle l’invasion du monde par le progr�s, c’est un ph�nom�ne absolument unique pour l’humanit�. Ne sommes-nous pas, en effet, la fine fleur de l’humanit�, l’accomplissement ultime de tout ce que la nature humaine peut porter d’inventivit� et d’�lan vers des horizons toujours plus lointains�?

La barbarie de la d�mocratie serait bonne car elle porte les vertus universelles du progr�s, avec en salaire, des ��dommages collat�raux�� qui repr�sentent le sacrifice minimal fait � l’ogre ��progr�s���! Pour nous �viter de soudains spasmes schizophr�nes, il ne manque pas d’experts en tous genres pour expliquer au peuple ignorant, que le mal doit se d�cliner en d’infinies nuances. Les rationalisations abondent pour dire en quoi notre mal - celui de la civilisation, la n�tre bien entendu - est le meilleur du monde. Ses victimes sont offertes en sacrifice � un Dieu inconnu mais dont on discerne les figures�: D�mocratie, March�, Lib�ralisme, lesquels se subdivisent en une infinit� de d�it�s secondaires dont la principale se nomme�: ��d�fense des int�r�ts...�� - ceux des territoires porteurs des embl�mes supr�mes de la D�mocratie...

Ne croyez-vous pas qu’il nous soit n�cessaire, sans penser � mal, de revenir � une lecture de l’�volution des soci�t�s humaines, juste pour mieux comprendre la parole des experts�?

Les �l�ments pr�sent�s ici reposent sur un mod�le anthropologique, celui de la construction des groupes humains du plus petit - la tribu - � de plus vastes ensembles - les civilisations. Il s’agit de reprendre des fondamentaux issus des disciplines diverses des sciences humaines pour tenter d’�clairer un d�bat contemporain. Cette r�flexion est n�e de la lecture assidue des d�clarations d’intentions de nombreux politiques mais aussi d’intellectuels de la soci�t� civile. Je suis frapp� par le morcellement des propos, leur dilution dans un ab�me de d�tails - pas seulement dans le monde francophone, la tendance est mondiale et assez perceptible. Il m’est alors apparu qu’il manquait des composants pourtant bien fix�s par l’histoire du genre humain.

Ordre et d�sordre chaos et cosmos

Toute soci�t� a besoin d’ordre pour prosp�rer. Il ne s’agit pas d’un ordre militaire ou policier, voire administratif mais d’une mise en place de toute chose, de la terre au ciel et sur tous les horizons du territoire. Cet ordre est consenti, il donne sens � tout et, surtout, chaque individu y trouve les moyens de sa dignit� et la dimension de son humanit� - l’individu per�oit que son existence personnelle et sociale ont un sens coh�rent, indissociable et r�g�n�rant. C’est � l’int�rieur de cette cosmogonie que l’individu peut trouver la libert� d’exercer ses vertus sociales sans ali�ner son authenticit�. En effet les r�gles qui d�finissent la vie � l’int�rieur de ce territoire d�coulent de ce que l’on nomme commun�ment ��les universaux��. Ces derniers, points d’ancrage de tout ce qui d�signe la vie, laissent prosp�rer, sous leur orbe, des r�gles et coutumes locales qui orchestrent la vie communautaire ou sociale. Cet �difice social, transcendant, qui donne ordre et coh�rence au monde se nomme Cosmogonie ou repr�sentation du monde - cela se nomme �galement par d’autres ��projet de civilisation��, sans qu’il lui soit d’ailleurs donn� le moindre contenu (ce que l’on nomme aussi ��effet de manche��). Chaque soci�t� adapte sa cosmogonie selon les al�as de l’environnement mais ces changements ne s’op�rent qu’avec la plus grande solennit� car on touche alors aux �l�ments fondateurs de la structure sociale et personnelle. Ainsi, la D�claration Universelle des Droits de l’Homme et du citoyen, en 1789, est devenu un texte sacr� de l’histoire de la R�publique fran�aise. Elle a �t� reprise dans les Constitutions fran�aises de 1793, 1795, 1848 et 1946, sans parler de la D�claration universelle adopt�e par les Nations unies en 1948. Les modifications successivement apport�es � cette d�claration furent ponctu�es par de vastes d�bats et discussions qui servirent de rep�res � l’histoire des pays. Maintenant encore ils servent de r�f�rence dans l’�volution des id�es.

A contrario, le processus de changement annonc� de la Constitution fran�aise par le Pr�sident de la R�publique s’annonce-t-il, d�s le d�part, comme une profanation des fondamentaux de la R�publique Fran�aise car il est pr�sent� comme purement fonctionnel et seulement destin� � fluidifier la vie politique dans l’axe des id�aux d�mocratiques. Or, il s’agit l� d’une �vidente imposture car on ne peut ainsi banaliser des modifications aux textes fondateurs sans ouvrir un vaste chantier d’information, de formation et de confrontation o� les diff�rents �tages de la vie sociale et les diff�rents corps de l’�tat peuvent s’exprimer et apporter leur expertise, la contribution de leur sens civique.

On nomme ��environnement�� ce qui est aux alentours du ��territoire�� d�fini par la cosmogonie, lequel, dirons-nous, reste int�rieur�: le territoire, le pays, la Nation, etc. Il est alors �vident que l’intrusion au sein du territoire par des �l�ments ��hostiles�� ou ���trangers�� prend un sens qui d�passe largement les banalisations r�ductrices que nous servent quelques manipulateurs de pouvoir. On comprend que la charge affect�e au perturbateur de l’ordre constelle des charges �motionnelles tr�s puissantes puisqu’elles apparaissent comme destructrices de l’ordre initial. On touche � l’ordre du monde et cela ne peut se traiter avec d�sinvolture.

Les am�nagements de l’ordre du monde interviennent, en g�n�ral, de mani�re souple, voire consensuelle. Le consensus, nomm� aussi affectio societatis�-, dure tant que le groupe concern� - se reconna�t dans ses modes de repr�sentations et des symboles communs. Les changements, mutations ou transformations se font par bonds successifs sans alt�ration de l’ordre et en dialectique entre l’int�rieur et l’ext�rieur du territoire.

Tant que nous sommes dans un cycle de stabilit� ou d’expansion, � l’int�rieur de cet ordre, l’individu mais aussi la soci�t� enti�re disposent d’une r�serve d’autonomie et de cr�ation qui permet de faire face aux al�as des cycles de vie et aux situations critiques. Il s’agit en fait d’une r�serve d’�nergie qui assure � chaque �l�ment du tout - nomm�s citoyens sous nos r�gimes d�mocratiques, ou encore sujets pour le Condominium de la Reine d’Angleterre - ce que nous pourrions nommer libert�. On nomme, ailleurs, libre arbitre cette sensation int�rieure d’avoir � disposition une certaine masse d’�nergie qui demeure source d’inventivit� ou qui nous laisse assez d’espace pour souffler.

L’article 2 de la D�claration Universelle de 1948, stipule que ��les hommes sont dou�s de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternit頻�; pr�cision qui nous renseigne sur la vision qu’avaient les r�dacteurs de la charte�: assurer le lien social plan�taire par l’�quilibre entre conscience individuelle et fraternit�. Ce dernier terme associ� � la notion d’�galit� pr�suppose l’existence d’une confiance sous-tendant l’ensemble des actes sociaux. Peur et suspicion demeurent � l’�cart de ce projet commun. Il n’y est jamais fait r�f�rence. La peur est un levier occulte qui rend ais�es les manipulations de toutes sortes.

La libert� de conscience, �l�ment essentiel et vital, garantit donc le respect de la diversit� et de l’exercice de la diff�rence. Elle est une richesse essentielle � toute soci�t� dont elle garantit le potentiel d’inventivit� donc d’expansion. (Il faut alors s’entendre sur ce que l’on entend par expansion et � quel prix, ou selon quel id�al celle-ci pourrait s’op�rer)

Mod�les instinctuels, mod�les sociaux

� l’int�rieur de ce champ commun, l’individu, d�s sa naissance, dispose de diff�rents mod�les qui orientent ses choix et sa vie, tant d’un point de vue collectif qu’individuel. M�me dans la sph�re individuelle, l’aptitude � �couter son instinct peut �tre judicieusement orient�e aux fins d’�panouissement de l’individu et d’enrichissement du collectif. Prenons un exemple tr�s souvent utilis� par les m�dias et qui servit � un moment de slogan cible � un mouvement contestataire, la ��malbouffe��.

Milieu des ann�es 90, un trublion utilise ce mot pour servir de symbole � la perte de nos coutumes culinaires les plus anciennes. Jos� Bov� ne savait pas que cet appel serait � l’origine d’une agglutination de symboles ���mergents��, appelons cela�: mouvements contestataires. L’intuition de J. Bov� visait juste car elle r�v�lait la perte des mod�les instinctuels primitifs de la soci�t� fran�aise, l’�ducation pr�coce du go�t est un pilier du recours � l’instinct. Il v�hicule une tr�s riche imagerie que la publicit� sait fort bien utiliser quand il s’agit de vanter un produit soi disant du terroir. L’�ducation instinctuelle est un pilier essentiel qui doit d�pendre non de la parole d’experts, mais des transmissions interg�n�rationnelles.

Au-del� du mod�le instinctuel, l’�ducation parentale et sociale �largissent le champ d’�panouissement individuel gr�ce � la transmission de mod�les sociaux et institutionnels. La plupart des domaines de la vie peuvent �tre ��couverts�� par ces mod�les. Dans ces soci�t�s, qui tendent � dispara�tre � grande vitesse, les rites sociaux �chappent aux contraintes impos�s par des lois et des r�gles constrictives. Le mariage, la naissance d’un enfant, les rituels de deuils, les f�tes qui rythment la vie sociale, etc. �chappent au regard de l’institution mais ils s’inscrivent dans sa coh�rence. Ainsi, les consciences individuelles disposent de v�ritables outils qui leur permettent de jouer en synergie au sein d’une soci�t�, dans un �quilibre assur� entre �panouissement individuel et contrainte sociale. C’est ce qui permet de disposer d’une grande r�serve d’�nergie dans une relative s�r�nit�. (Sans aller bien loin, on peut encore observer ce ph�nom�ne dans la cr�ation de coop�ratives, tr�s vivantes en Afrique - Pierre Bamony par exemple)

Or, si l’on observe nos soci�t�s contemporaines, sur tous les continents, rares sont les �v�nements de la vie qui �chappent d�sormais aux r�gles impos�es par l’institution. L’individu, en dehors de quelques rares �lots plus ou moins pr�serv�s, ne peut plus �chapper � l’impact d’une pression collective qui le transforme lentement en un sujet universel, interchangeable et anonyme. M�me son corps est atomis�, coup� en morceaux et objets divers offerts au seul regard des ��experts��. Le sujet n’est plus une entit� dou�e de raison, de dignit� et de libert�, il est un ensemble de morceaux.

Fluidit� sociale, inventivit�, mobilit�, souplesse

Tant qu’une soci�t� garde en r�serve ces �nergies en de�� d’une ligne o� chacun trouve un sens au monde, les capacit�s d’invention, de cr�ation et de renouvellement demeurent intactes. Pour que cette fluidit� soit pr�serv�e, il convient toujours d’�tablir un d�licat �quilibre entre les ressources dont dispose l’individu pour �voluer et les r�gles sociales acquises conform�ment aux mod�les en vigueur. D�s que la soci�t�, de mani�re plus ou moins rapide se transforme en ��forteresse��, le champ social se st�rilise, les comportements collectifs se rigidifient, l’opinion publique - que nous pourrions aussi nommer image de la conscience collective - se raidit. Les diff�rences s’abolissent, l’uniformisation introduit un facteur pervers�: la m�fiance de l’autre devenant �tranger car dissemblable. La diff�rence n’est plus per�ue comme richesse mais comme facteur de troubles car porteuse d’une part de myst�re et d’inconnu qui sort des cadres impos�s par les mod�le alourdis de r�gles.

La peur

La peur surgit quand les rep�res qui servaient de base � la soci�t� disparaissent ou se trouvent gravement menac�s. Quand un groupe social doit faire face � la n�cessit� d’une mutation, c’est une confrontation � l’inconnu qui s’impose. Individuellement et collectivement cela se pr�sente comme un saut dans le vide, une confrontation � l’ab�me.

La peur, au fur et � mesure de sa progression dans le champ social, induit des comportements aberrants qui franchissent la ligne rouge de l’humanit� d�finie par les fondamentaux - textes, chartes et usages de cr�ation originels. Ce sentiment n’est pas aussi pur que peut l’�tre cette peur que conna�t un individu devant un danger parfaitement rep�r�, il s’agit l� plut�t d’un agr�gat de sentiments multiples qui peut s’approcher de l’effroi et devenir tr�s puissant - il constelle, en effet, nombre de sentiments, �motions et affects tenus � l’�cart par l’ordre ant�rieur, donc extr�mement dangereux, surtout quand il s’empare d’une foule. La peur n�e de la confrontation au vide s’apparente plut�t � une panique.

Cette peur visc�rale induit souvent des r�actions primaires et inop�rantes car les d�cisions qui sont prises visent d’abord � limiter son impact psychique et/ou social. Leur effet est aveugle. Il s’agira de r�actions d�fensives, purement opportunistes prises sans perspectives ni soucis humanistes. Ainsi on aura tendance � multiplier les r�gles et � rendre les lois plus coercitives ce qui repr�sente l’orientation la plus n�gative qui soit et qui peut aller jusqu’� la barbarie. C’est d’abord gr�ce � une attitude courageuse de prise de conscience que l’on parvient � r�duire les effets de la peur. Affronter le probl�me, de quelque ordre qu’il soit, est le plus appropri�. Faire �merger le probl�me, l’int�grer � la vie et lui faire face est la seule attitude possible. Alors que la multiplication des r�gles rend de plus en plus difficile le r�le inventif corr�l� � la fluidit� sociale. Le d�ni est la forme la plus efficace de r�action au d�sordre meurtrier. La soci�t� se trouve alors incapable d’inventer de nouvelles formes de vie et de comportements�; elle se meurt, l’individu s’ennuie, il ne trouve ni sens ni coh�rence aux faits sociaux... et la conscience collective est min�e par l’effroi car elle fuit une r�alit� en pleine mutation, les �lites dominantes inventant autant de rationalisations justifiant la coercition qu’il pourrait y avoir de raisons d’accepter la mutation et d’y faire face. Champ social fig�, cela veut aussi dire qu’au sein m�me de la tribu primaire - la soci�t� globale originelle - les �quilibres ne sont plus assur�s et les hi�rarchies se rendent imperm�ables. Ainsi, ce que l’on nomme ��ascenseur social�� se bloque et l’on voit appara�tre des ��dynasties�� culturelles, politiques, constitutionnelles, etc. Tel fils de chanteur devient � son tour chanteur ou compositeur, un c�l�bre homme politique voit son fils acc�der aux plus hautes fonctions de l’�tat... comme si la facult� d’invention devenait g�n�tique, que le peuple, la pl�be dusse demeurer aux confins du champ social cependant qu’une �lite poss�derait soudain la facult� h�r�ditaire de transmission des pouvoirs de cr�ation, d’invention et de ma�trise du pouvoir.

L’histoire nous dit que cela a d�j� exist� dans le pass� et plus d’une fois�! Elle nous dit aussi toute la progression du devenir... il suffit de lire.

Le changement�: Tout progr�s, m�me modeste, tout �largissement des attitudes conscientes d’une soci�t� se fonde sur une destruction, m�me partielle, de la totalit� pr�c�dente et de l’�quilibre ant�rieur. La cosmogonie en place doit �tre comprise comme un ensemble autor�gulateur relativement clos � partir duquel la soci�t� peut rayonner. La fluidit� sociale s’op�re entre des seuils sans jamais atteindre les extr�mes. Ensemble autor�gulateur, cela veut dire que les m�canismes de fonctionnement de la soci�t� op�rent en synergie et qu’il n’existe pas de conflit de tendance. La paix et l’harmonie r�gnent ce qui laisse un sentiment de s�curit� toujours propice � l’entreprise individuelle ou collective et � l’invention. Ce n’est pas une paix b�ate, elle est g�n�ratrice d’activit�s car l’�tre humain, depuis la nuit des temps, est un �tre tribal et son sens de la solidarit� est le moteur du dynamisme de sa ��tribu��. L’inventivit� d’une soci�t� est bien autre chose que la simple facult� tout � fait mat�rielle de cr�er des brevets. C’est d’abord, la facult� d’inventer de nouvelles formes de vie en commun - l’architecture, par exemple, est donc concern�e en premier lieu puisque c’est par l’�uvre de l’architecte que nous habitons un site et que nous y faisons prosp�rer nos activit�s citoyennes-�; inventer de nouvelles formes de vie en commun c’est aussi cr�er de nouveaux sch�mas de r�gulation sociale�: d’une gestion de la vie locale � la participation � la vie politique - la res publica -�; c’est aussi cr�er ou adapter les outils contemporains de communication pour �changer, communiquer, commercer avec les autres dans un esprit de respect mutuel fond� sur des id�aux fondamentaux, lesquels doivent �tre au centre de tout ��projet de civilisation��. Dans cette perspective, l’�change de biens, donc l’�conomie, devient un outil de propagation du ��projet de civilisation��. Il ne peut, en aucun cas forger ce dernier ou l’adapter � un quelconque dessein �tranger � la perp�tuation des id�aux fondamentaux.

On ne peut aborder les d�bats actuels autour des mod�les �conomiques�: lib�ral, n�o-lib�ral, social-lib�ral voire anticapitaliste, d�clinaisons toutes aussi hors sujet les unes que les autres sans faire entrer en ligne de compte les �l�ments essentiels qui fondent toute soci�t� sans voir que le v�ritable enjeu est celui des grandes valeurs fondatrices - les grands symboles qui devraient d�sormais �tre partag�s par tous sur la plan�te. Quel sens cela peut-il avoir de vouloir propager les "bienfaits" de nos cultures alors que nous n’y croyons plus nous-m�mes�?

Le v�ritable point focal de nos d�bats doit s’orienter sur le fond des choses et non, comme c’est le souvent cas, sur des d�tails, quand nous avons, depuis plus de 30 ans, perdu ce qui fonde le ciment humain... Depuis ces temps, nous avions cru que le bonheur r�sidait en l’acquisition de biens mat�riels, que le travail consistait en la production de ceux-ci en �change d’un pouvoir d’achat dont certains doutent d�sormais qu’il puisse �tre un but en soi. � quoi bon�? se dit-on de plus en plus, sur une plan�te qui pr�sente encore par endroits un visage idyllique mais dont les contorsions terribles menacent les paisibles champs de bl� d’antan.

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Pour r�f�rence�:

Bibliographies�: Sur l’Imaginaire � l’�uvre dans nos soci�t�s

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Prochains articles�:

Les param�tres contemporains des mutations de soci�t�

    • La mondialisation
      La perte de sens des Institutions
      Les bouleversements climatiques annonc�s et ceux qui sont pressentis
      L’absence de symboles unificateurs
  • Dislocation de l’Ordre et m�canismes de coercition

    • Que deviennent les mod�les r�gulateurs de l’ordre social ant�rieur�?
      Contr�le et asservissement de la conscience libre
      Perte de sens, jacqueries, ph�nom�nes de violences. R�gne de l’impr�visible
      Apparition de la dissidence, m�canisme et illusions
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    juillet 2008 par Illel Kieser ’l Baz


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