L’�criture a �t�, en premier lieu, bien avant l’apparition de la litt�rature, un instrument du pouvoir, sa fonction a d’abord, et pour longtemps, �t� extr�mement pratique, li�e � ce qui deviendra la gestion de l’�tat.
La litt�rature fut ensuite essentiellement la pr�rogative des classes privil�gi�es.
Depuis plus d’un si�cle cependant, on voit s’esquisser un mouvement d’une v�ritable lib�ralisation de l’�criture. Les romantiques allemands commencent en d�clarant que la fonction po�tique appartient � l’homme, le langage et le mythe �tant les produits universels n�cessaires � cette facult�.
��Mais il faut que le peuple s’approprie cette mythologie et qu’il lui donne vie��
L’apparition des ateliers d’�criture depuis une trentaine d’ann�es tend aussi � la rendre accessible � tous.
Aujourd’hui, on voit grossir les rangs de ceux qui constituent d�sormais une soci�t� parall�le. A un tel point qu’appara�t le risque de plus en plus grand d’une v�ritable fracture sociale.
Ainsi face � l’angoisse de nos soci�t�s qui semblent craquer de partout sans le moindre rep�re, avec d’autres, nous esquisserons une hypoth�se et nous la ferons n�tre�: l’humanit� ne doit-elle pas r�apprendre � se laisser guider par son imaginaire�? Du dialogue instaur� avec ce guide appara�trait alors s�rement le trac� de possibles futurs.
Dans une culture o� de plus en plus de gens voient se poser par une marginalisation forc�e, la question de leur existence, il semble de plus en plus important que l’�tre trouve la possibilit� de se d�finir, de construire sa propre vision du monde, ce faisant il se cr�e une image de soi, il acquiert une force qui se trouve au centre de lui-m�me et que nul ne peut supprimer.
Cette d�couverte am�ne une responsabilit� importante o� devenant acteur de sa vie, il ne peut plus �tre question de se r�signer aux mouvances d’une existence passive.
Des r�cits modernes sont porteurs de mythes oubli�s, mythes ressurgissant sous des formes nouvelles�: science-fiction, h�ro�c fantasy ou autres... Mythes que l’on assimile aujourd’hui facilement � des fables... affabulation�! Et dans la repr�sentation de l’homme moderne, le glissement s’insinue. Le mythe, produit de l’imaginaire de l’homme se r�duirait � une fantaisie�?
Pourtant de tels r�cits qui am�nent la notion de perte, de fracture, incluent toujours aussi celle de r�paration. Ainsi parle le mythe, car le mythe est ancr� dans le vivant.
L’histoire nous montre �galement que les changements profonds ne viennent jamais des instances assises d’une soci�t�. Ren�gats, marginaux, exclus de tous poils, ceux qui vivent aux lisi�res d’une soci�t� repue, ceux- l� sont au c�ur du probl�me de l’�criture car ils peuvent avoir la vision de l’ensemble.
Au sein de ces sous-couches, d�potoirs d’une soci�t� rassise, se nichent des germes du renouveau.
L’observateur doit avoir une vue lointaine et d�tach�e. Certains �crivains parlent du sentiment de proximit� qu’ils ont avec les marginaux. Leur droit d’exister, leur capacit� � diffuser leurs �uvres, signent sans doute la grande diff�rence entre l’�crivain , l’artiste et le simple marginal. En d’autres termes, il manque au marginal pour se sentir proche de l’�crivain, la place que la parole prise et diffus�e, conf�re. Il est urgent de reconna�tre l’inconfort d’une telle place, la souffrance qu’elle engendre souvent mais aussi la valeur de cette place qui est une place r�elle, celle qui rend l’�il aigu, le regard plus libre qui peut porter loin.