Au cours de ce bref article, nous traiterons certains aspects de la religion andine préhispanique rapportés par les chroniqueurs des 16e et 17e siècles, dans lesquels ils nous ont légué une série de discours mythiques et de légendes. Nous centrerons notre étude sur les divinités andines, en précisant le rôle qu’elles jouaient dans la conception religieuse du monde andin.
Nous utiliserons les chroniques en prenant en compte les risques d’erreur et de confusion qui rendent nécessaire une lecture critique : ainsi, par exemple, on a confondu l’apparition des premiers hommes sur terre avec l’apparition des premiers incas.
Notre analyse se base sur le fait que les dieux ou divinités préhispaniques étaient vus et représentés comme des forces ou des énergies qui favorisaient la fécondité et la reproduction de tout ce qui existait dans le monde. Ce concept fut interprété par les espagnols depuis le point de vue judéo-chrétien, en leur attribuant le rôle de créateurs du monde et de l’humanité.
Avant d’analyser le contenu des chroniques et afin de détecter les difficultés d’interprétation qu’elles renferment, il nous semble qu’il convient de consulter les travaux d’autres auteurs contemporains traitant de l’origine du dieu Wiracochaet de sa signification. À ce propos, nous avons pris en compte les travaux de Pierre Duviolset E. Urbano, qui ont approfondi ce sujet.
Duviols, dans la première partie de son article sur Wiracocha, considère cette divinité comme une sorte de Dieu Créateur, également pris pour tel par les évangélisateurs[1]. Il nous montre que les missionnaires essayèrent de faire du dieu Wiracocha un Dieu Créateur, apparemment dans l’objectif de le faire coïncider avec le schéma de la religion chrétienne, affirmant l’existence d’un seul Dieu Universel. Ceci leur aurait permis s’assimiler directement la divinité autochtone et facilitait donc la lutte contre le polythéisme et l’hérésie. C’est ainsi qu’ils introduisirent avec plus de facilité la révélation du Dieu Créateur Chrétien.
Nous considérons que Duviols voit juste quant à la volonté des espagnols de réorienter et restructurer l’identité des divinités locales en adaptant les fonctions sacrées que les indiens attribuaient à leurs dieux, et en les faisant coïncider avec celles du Dieu et des saints chrétiens. Avec cette stratégie, ils pensaient gagner les âmes à la cause chrétienne et ils obtinrent des conversions grâce auxquelles ils faisaient la démonstration de leur zèle évangélisateur devant leurs supérieurs d’Espagne.
Voici donc le concept forgé par les missionnaires, dont nous pouvons donner quelques exemples supplémentaires. Ainsi, Holguín nous dit que Wiracocha était « un épithète du Soleil, dieu des indiens, et que pour élever les espagnols au rang de Dieu, ils les appelaient Wiracocha ». Bernabé Cobo affirme : « Wiracocha est un, mais eux faisaient précéder ce nom de certains mots : parfois Titi Wiracocha, d’autres fois Wiracocha Pachayachachi, Créateur du Monde »[2]. José Acosta rapporte : « Wiracocha doit être interprété comme Suprême Seigneur et Créateur de toutes choses »[3]. Comme on peut le remarquer, il existe une certaine contradiction entre les trois chroniqueurs, mais au travers de ces définitions se présente un concept monothéiste de la religion.
Tout en signalant la tendance à admettre « des interprétations fantastiques, d’influence lamentable », Duviols, implicitement, considère (comme les chroniqueurs) que l’identité de Wiracochaes unique comme Dieu ou divinité, bien qu’il ne fasse aucune analyse concernant l’origine ou la signification du nom de cette divinité, en entreprenant l’explication de Pacha Yachachi, Ticci, Usapo, Caylla.
Nous donnerons plus loin notre point de vue sur la signification de ces noms - en plus de celle de Wiracocha. Mais nous pouvons déjà noter une certaine incertitude dans l’interprétation de Duviols, incertitude qui provient, selon nous, de l’influence chrétienne qui transparaît dans les chroniques.
Nous examinerons en suivant la façon dont Urbano présente le dieu Wiracocha.[4]
Le travail de Urbano a le mérite de faire référence à des chroniques concernant la religion pré inca et inca, qui peuvent faciliter la réflexion de chercheurs intéressés par le sujet. L’analyse que fait Urbano de ces documents n’adopte pas une perspective suffisamment critique, si bien que l’auteur s’écarte de la logique andine.
Dans le premier chapitre, « Deux cycles mythiques andins : Wiracocha et Ayar », Urbano affirme : « Une des conséquences de la double tradition herméneutique est l’existence de contradictions les plus variées dans la lecture des cycles mythiques andins »[5]. Nous sommes d’accord avec Urbano quand il fait cette affirmation, mais il n’évite pas lui-même de tomber dans cette contradiction, étant donné qu’il situe les deux mythes à une même époque. En réalité, selon la tradition, le mythe du Dieu Wiracocha est de l’époque pré inca, alors que le mythe des Ayar désigne l’origine de la dynastie inca. Le dieu Wiracocha refait apparition postérieurement, à l’époque du sixième Inca, Yawar Huasca. Au moment où les Chancas avançaient vers la ville de Cuzco, Wiracocha apparut dans une lagune au fils de cet Inca. Il lui conseilla de faire front aux Chancas. Le fils de l’Inca gagna la guerre contre les Chancas et à partir de cette date adopta le nom de Wiracocha Inca.
Pour résumer, le mythe du dieu Wiracocha doit être situé à différentes époques :
1. Wiracocha et l’apparition de l’univers (la terre, la vie, etc.)
2. Wiracochaet les héros culturels et civilisateurs pré incas.
3. Wiracocha à l’époque inca.
Urbano ne tient pas compte de ces différentes étapes dans son livre. Il oriente son analyse selon une division tripartite des fonctions andines en suivant le diagramme suivant qui ne fait pas cas de/ qui omet la chronologie.
1) « Réunion de trois héros, que nous suggère le cycle mythique des Wiracocha ».
2) « La fonction primaire doit à présent / alors être décrite et dessinée/représentée en termes de binôme structurel, le contenu étant positif d’un côté, et négatif de l’autre.
Urbano conclut ce chapitre en disant : « Par respect pour les éléments/faits, il me paraît préférable de ne pas aller au-delà de ce que nous ont légué les chroniqueurs utilisés jusqu’alors dans les distinctes hypothèses de lecture. Ce que je propose, quoique précaire, a pour le moins le mérite de garder intacte la logique du cycle mythique et de solutionner certains problèmes controversés, beaucoup d’entre eux étant issus d’erreurs de lecture manifestes. »
Une telle affirmation confirme, chez Urbano, une attitude de prudence et une volonté de fidélité à la Chronique. Mais les mêmes chroniques, expression et interprétation de la pensée andine par des rapporteurs occidentaux, doivent être lues en corrigeant une focalisation qui la mutile ou la déforme.
Jusqu’ici, nous avons pu remarquer que les analyses et interprétations définissent Wiracocha comme Dieu unique et Créateur de tout. En suivant, nous analyserons le sens/signifié de Wiracocha en nous appuyant sur le document le plus pénétré de la mentalité/ l’esprit indigène, puisqu’il fut élaboré par un chroniqueur indien, Santa Cruz Pachacuti, qui nous a laissé un dessin se trouvant, selon lui, dans le temple du Soleil ou Coricancha. Ici seule nous intéresse la figure ovale, qu’il est nécessaire de situer dans le contexte du panthéon indigène.
Santa Cruz Pachacuti écrit trois noms à l’intérieur de l’ovale, qui sont :
Wiracocha Ticci Capacpa Unanachan Wiracocha Pachayachachi Unanchan Wiracocha Tonapa Pachacayocpa Unanchan
D’après Cruz Pachacuti, la figure ovale représente « l’image du créateur du ciel et de la terre », ou plutôt/pour mieux dire, des astres et des planètes (monde d’en haut) et de la terre (monde d’ici).
R. Lehmann-Nitsche nous dit que cette figure représente « un œuf cosmique androgyne » appelé Wiracocha[6]. Selon B. Isbell le dieu Wiracocha de la figure centrale est le « dieu créateur, origine et père de tous les collca, produit final du processus collectif. Ensemble (ovale et collca) ils forment un système fermé qui est le début et la fin du cycle de reproduction »[7]. Se référant au même ovale, Earls et Silverblatt affirment que « Wiracocha exprime l’univers entier, la totalité, l’éternité et l’unité de toutes les dimensions spatiales et temporelles »[8]. Et pour Zuidema : « Wiracocha fut le premier moteur du cosmos, de la course quotidienne du soleil à travers le cycle et le retour de l’astre par l’inframonde »[9].
On a pu remarquer, à la lecture de quatre auteurs, que quand ils se réfèrent à l’ovale central du dessin de Santa Cruz Pachacuti, ils font allusion simplement à Wiracocha alors que l’auteur du dessin trois noms à l’intérieur de cet ovale. Le fait qu’ils aient indiqué le seul nom de Wiracocha est peut-être dû à un souci de simplification.
Si nous examinons, en revanche, les récits des chroniqueurs et les éclaircissements des auteurs de dictionnaires de l’époque de la conquête, nous remarquerons qu’ils donnent de l’importance aux trois autres invocations, ce qui nuance et même contredit la thèse d’une divinité unique, appelée Wiracocha.
Par exemple, Cristóbal de Molina, bien que se référant à une prière qui identifie Wiracocha en tant que « le seigneur des mers » (de la mer du ciel comme de la mer de la terre), transcrit une autre prière qui s’adresse à Ticci Wiracocha « Racine de l’Être, Wiracocha/Dieu toujours proche/ Seigneur de l’habit resplendissant ». Une strophe du poème s’adresse ainsi au dieu : « Où te trouves-tu ? / hors du monde ? / à l’intérieur du monde ? / parmi les nuages ? / ou au milieu des ombres ? ». On affirme donc dans ces vers que Ticci Wiracocha est un être invisible de celui qui ne sait où il se trouve, et qui peut apparaître à n’importe quel moment ou époque. Bernabé Cobo indique qu’il était considéré comme une entité mystérieuse, comme le « fondement divin », et nous le montre de plus comme un reflet de lumière et comme l’amour des eaux, origine de toutes choses et pas uniquement de l’être humain. Quant à Holguín, il associe également Ticci Wiracocha à la lumière puisqu’il nous dit qu’il est comparé au soleil. Nous pouvons ainsi vérifier que l’on semble attribuer au Ticci Wiracocha une fonction spécifique qui le distingue des autres Wiracochas. C’est selon nous une force énergétique qui a été l’origine de tout le système solaire et de tout ce qui se trouve sur terre.
Nous reviendrons plus amplement sur ces attributions spéciales de chaque Wiracocha, après avoir tenté de nous rapprocher du sens même du terme Wiracocha grâce à une analyse étymologique.
Si nous prenons en compte les plus anciens dictionnaires, nous verrons que Domingo de Santo Tomás traduit « Wira » par GRAISSE et « cocha » par LAGUNE. Dans les deux cas, Wiracocha en vient à signifier graisse de mer ou de la lagune, et par analogie, écume de la mer ou du lac.
Il est intéressant d’observer que tous les mythes ou légendes ayant trait à Wiracocha, héros civilisateur de l’époque pré inca, racontent qu’il arrive de la mer et repart vers la mer. Cette vision est celle de chroniqueurs tels que Gutiérrez de Santa Cruz, Cieza de León, Fransisco de Avila, Santa Cruz Pachacuti, etc.
Cette tradition pourrait expliquer que l’on ait qualifié les espagnols de Wiracochas, sens que donne Ludovico Bertonio, en plus de l’acception de « sage ». Cieza de León précise, à ce propos : « les espagnols sont arrivés au Pérou par la mer et c’est la raison pour laquelle on leur donne le nom de wiracocha, qui signifie « écume de mer ».
En examinant attentivement les interprétations des traducteurs et des chroniqueurs espagnols, nous noterons qu’ils s’écartent du sens primitif de Wiracocha. Il est assez risqué d’assimiler « écume de mer » = « créateur du monde », même en admettant que la mer porte une connotation sacrée. Nous trouverions plus digne de foi une interprétation plus objective qui désignerait Wiracocha comme une apparition, semblable à l’apparition des écumes de mer. Si les espagnols furent appelés Wiracochas, ce serait par analogie puisqu’ils arrivèrent, ou « apparurent » par la mer. L’idée de quelque chose ou de quelqu’un qui apparaît subitement est renforcée par le sens de MITIMAE ou ÉTRANGER consigné par Huamán Poma, la dernière acception d’ÉTRANGER étant celle qui perdure de nos jours dans les communautés.
Les difficultés d’analyse des chroniqueurs et des chercheurs sont clairement démontrées du fait des grandes variantes de perspective qu’ils apportent.
Elles transparaissent déjà dans la transcription de Cristobál de Molina que nous citerons à présent et dont la traduction nous paraît très approximative. C’est pourquoi nous en proposons une autre qui essaie de respecter le sens littéral et qui se rapproche ainsi de notre thèse.
QUECHUA ESPAGNOL
ORAISON PREMIERE AU CRÉATEUR / AU DIVIN ARTISAN
Oh Créateur/Artisan !
qui es aux fins
du monde sans égal
qui donnas être
et Valeur aux hommes
qui dis : sois cet homme
et aux femmes :sois cette
femme ;
en disant cela, tu les fis
tu les formas et donnas à être.
Ceux que tu fis, garde-les
pour qu’ils vivent sains et saufs,
si Dangers il y a, qu’ils vivent en Paix.
Où es-tu ?
Dans les hauteurs du ciel ou en bas,
dans les Tonnerres
ou les nuages
des Tempêtes ?
Entends-moi
Réponds-moi et
Accorde-moi et
donne-nous
la vie perpétuelle,
Pour toujours.
de ta main ; cette
offrande
reçois-la
où que tu sois
oh ! Créateur !
(extrait de Fables et rites des Incas, par Cristóbal de Molina)
Notre traduction (qui respecte le sens Wiracocha = Apparition)
Apparition du commencement
Apparition de la lumière
Apparition de l’Habit Brillant
Toi qui fertilises y crées en disant
Que ce soit un homme,
que ce soit une femme,
Toi tu donnes des ordres,
En ordonnant,
En disposant,
Immobile tel un cristal
Sans souffrir de faim.
Où te trouves-tu ?
Regardant sur les montagnes
à ’intérieur des montagnes
au-dessus des nuages
sur ou au-dessus des ombres ?
écoute-moi,
réponds-moi
Blanc ou Noir,[10]
Terre puissante.
Très puissant lever du jour,
Protège-moi,
Couvre-moi,
Hisse-moi,
Si je suis fatigué,
Appelle-moi auprès de toi
Où que tu te trouves,
Apparition.
Plus près de nous, la définition que donne Lehmann-Nitsche de Ticci Wiracocha s’en tient à une traduction littérale qui nous peut nous surprendre. Il nous dit : « De toute l’expression, les deux mots les plus intimement liés sont Huira et Tijsi qui signifient de manière agglutinée « graisse d’origine », pour mieux dire « lave ». Cela veut dire que Ticci Wiracocha, dans l’ensemble, doit être traduit par « lac de lave ».
Duviols, dans une analyse qu’il fait de Ticci conclut : « quant au contenu que nous devons attribuer au mot Ticci uni à Wiracocha, je crois qu’il doit essentiellement être celui de « Fondateur de la lignée », de « Père des Races et des Ethnies ». Ce qui reviendrait à dire origine de la fraction de l’humanité qui le reconnaît comme dieu et le considère, bien sûr, comme origine et commencement/principe. Quant à la notion de fin et de commencement, il est possible qu’elle coexiste avec la première, surtout à une époque tardive, après que la pensée magico-religieuse a évolué vers une étape théologique. » « Pour le moment je propose de traduire Ticci Wiracocha Pachayachachi par Wiracocha, Père de l’humanité, Maître qui sait ordonner le monde ».
Pour trouver une définition de Ticci Wiracocha, Duviols se trouve confronté à un dilemme, dû au fait que son analyse est orientée vers une signification généalogique d’ « origine de la Race », « Fondateur de lignée », « Fondement », et cela contraste avec le sens réel de Ticci « Commencement et fin » au niveau cosmique, qui l’éloigne du concept social. Il finit par proposer une définition de Ticci Wiracocha, mais en y incluant Pachayachachi, sans l’avoir pris en compte dans son analyse. Ainsi, il nous dit que « Wiracocha est le Père de l’humanité », oubliant complètement la définition qu’il avait donnée de Ticci, en alléguant la définition de Pachayachachi « Ordonnateur du monde ».
Quant à Urbano et Earls, ils se limitent essentiellement à analyser le concept de Wiracocha en nous en proposant une définition qui nous paraît vague et incomplète.
Ainsi, Urbano fait référence aux noms du Wiracocha principal (sans préciser lequel d’entre eux) : « On peut affirmer que tous insistent sur un rôle de sage, de maître et responsable des activités des héros wiracochas ». En ce qui concerne Earls, dans sa définition, il parle seulement de Wiracocha, mais il nous semble qu’il se réfère a Ticci Wiracocha en tant que principe de création : « On peut affirmer que Wiracocha représente la totalité, l’éternité, et paradoxalement, sa création ».
On peut constater, à la lecture des chercheurs, et même des chroniqueurs, qu’ils insistent sur le concept de CRÉATION -ce qui nous rapproche de la mythologie chrétienne - alors que les indigènes ont comme fondement de leur propre mythologie le concept d’APPARITION : le monde n’est pas créé mais il « apparaît », non pas selon un schéma spiritualiste et providentiel mais comme phénomène surgi de la conjonction de l’énergie et de la matière.
Pour ce qui suit nous analyserons les documents qui décrivent la divinité appelée Wiracocha Pachayachachi Unanchan et le rôle qu’elle joue dans la religion dans la religion andine.
Voyons ce que disent les chroniqueurs à l’égard de cette divinité. Sarmiento de Gamboa affirme que Wiracocha Pachayachachi signifie « créateur de toutes choses »[11],et nous précise que cette divinité créa en premier le monde (la terre), puis, les êtres vivants. José Acosta dit que les indigènes avaient idée de l’existence d’un Être Suprême, Créateur universel, qu’ils l’appelaient Wiracocha, et à qui ils donnaient le nom qui signifiait « excellence » avec les titres de Pachacamac ou Pachayachachi, c’est-à-dire « Créateur du ciel et de la terre », et de Usapo, c’est-à-dire « admirable »[12]. Acosta montre que Pachayachachi et Pachacamac sont la même divinité. On l’appelle Wiracocha Pachayachachi dans le zone sud et Pachacamac sur toute la côte centrale.
À la lecture de ces définitions, on n’observe pas de différence essentielle avec les qualités qu’on attribue à Ticci Wiracocha. Cependant, en s’attachant à une analyse étymologique, nous proposerons une traduction du nom de ce nouveau wiracocha : Wiracocha : Apparition, Pacha :Terre, et Yachachi : celui qui enseigne, le sage. L’ensemble voudrait dire : « celui qui sait faire apparaître ou surgir toutes les choses sur terre ».
La majorité des chroniqueurs que nous avons cités s’accordent à dire que le dieu Wiracocha Pachayachachi est l’origine ou l’apparition de tout le système de vie qui existe sur terre. Nous pourrons ajouter qu’autant Wiracocha Pachayachachi que Pachacamac sont la représentation de la terre ou élément féminin duquel surgissent/apparaissent toutes les choses. Santa Cruz Pachacuti le confirme en écrivant au sujet de cette divinité : « Que celle-ci soit femme ». À l’intérieur de la trilogie des divinités de l’ovale, ce Wiracocha Pachayachachi représente donc le principe féminin.
La troisième divinité, appelée Wiracocha Tonapa Pachacayocpa, est aussi, selon Santa Cruz Pachacuti[13], un dieu créateur, mais lui-même a été créé en tant qu’élément masculin, comme l’indique l’inscription : Cay Cari Cachon, qui veut dire « Que lui soit un homme, ou un mâle ».
Par rapport à Tonapa, comme nous allons le vérifier, les chroniqueurs nous disent que Tonapa porte aussi comme noms Tarapaca (=aigle de alcón) ou Cernacuy Camayoc (= celui qui est chargé d’avertir, de prévenir, le prophète), Pachacan (= serviteur), Bichay (= dans les hauteurs), Wiracocha Pachayachachi Cachon (= apparition de la terre productrice).
Si nous analysons les noms donnés actuellement à Tonapa, nous remarquons que Tarapaca signifie « ouragan de sable » et qu’il présente une analogie avec l’expression Bichay Camayoc : « qui concerne les hauteurs, aigle, vent, altitude », désignant ainsi l’espace, le monde d’en haut. Cunay camayoc signifie « celui qui annonce ou provoque l’arrivée de Tonapa masculin sur la terre féminine ». Apparemment, tous ces noms indiquent l’époque des semences, de la fécondation de la terre par l’énergie (air, pluie, foudre).
Santa Cruz Pachacuti décrit Tonapa comme un homme blanc et barbu. L’élément le plus important de la description est que Tonapa porte un bâton dont nous préciserons l’importance ultérieurement. Pachacuti se demande si ce personnage ne serait pas l’apôtre Saint Thomas, et quelques lignes plus loin, il nous apprend qu’on appelle ce personnage Tomapa Wiracocha Pachacan, ce qui veut dire « apparition du rayon/ de la foudre serviteur/ servante ».
Ramos Gavilán [14] affirme qu’il s’agit d’un saint apôtre que les indigènes appelèrent Tupaca, ce qui, d’après lui, signifie « Grand sage et Seigneur/Maître ». La description qu’il fait est quasi identique a celle de Santa Cruz Pachacuti relative à l’histoire de Tonapa, qui finit par s’en aller vers la mer.
Selon Ludovico Bertonio[15], « Il est appelé Tonapa par ces indiens et dans d’autres provinces du Pérou, Equeco (= ancêtre) ». il nous dit également que Tonapa ou Tunapa signifie racine (origine) de parenté/parentèle (ancêtre), pour mieux dire, origine des ancêtres. Ainsi, Tonapa et Equeco sont un seul et même personnage. Le Equeco, à l’époque actuelle, est la divinité de l’abondance, très vénérée dans la région de Puno et de Bolivie.
Si on approfondit un peu plus le sens de Tonapa, nous verrons que, dans la zone Aymara, on donne ce nom à la foudre, alors qu’on l’appelle Illa en quechua. De la même manière, le bâton ou la lance que porte Tonapa est la représentation de la foudre, qui a un rôle de fécondation de la terre.
Nous pouvons conclure, pour résumer, que Wiracocha Tonapa Pachayocpa Unchanchan veut dire : signe et apparition du fécondateur de la terre, qui procrée l’abondance.
À ces trois principales divinités de l’époque pré inca, nous pouvons ajouter trois autres divinités qui sont de grande importance et qui ne furent pas prises en compte par les chroniqueurs comme il aurait convenu. Il s’agit de Konticci Wiracocha, ou simplement Kon, de Imaymana Wiracocha et de Taguapaca.
Commençons par analyser les chroniques qui parlent du dieu Kon.
Bartolomé de las Casas y Betanzos[16] disent que Condici Wiracocha (Kon Ticci Wiracocha), nom qui signifie « créateur du monde », se trouve aux confins du monde. Ce dieu avait un fils appelé Taguapica Wiracocha (Tawa Paca Wiracocha), qui faisait tout le contraire de son père. Le dieu Kon jeta son fils à la mer pour faire disparaître le mauvais sort, mais on n’eut jamais la certitude de la mort de Tawapaca.
López de Gómara rapporte : « Au commencement du monde, il vint par le septentrion un homme appelé Kon, qui n’avait pas d’os. Il était très rapide et il écourtait son chemin en abaissant les collines et en élevant les vallées par le seul pouvoir de la parole et de la volonté. Il créa l’homme et la femme, et lui/leur donna beaucoup de fruits, du pain et d’autres choses nécessaires à la vie. »[17]
Las Casas précise que « le dieu Kon Ticci Wiracocha, créateur du monde, se trouvait aux confins extrêmes de ce monde ». si nous nous référons a la conception indigène du monde, et si nous devons choisir parmi les trois « mondes » qui le composent : monde d’en haut, monde d’ici et monde d’en bas, quant à nous, nous conserverions le mode d’en bas, lieu où reposent les ancêtres, pour identifier ces « confins extrêmes ». Effectivement, selon les chroniqueurs, cette divinité est liée à l’apparition des êtres vivants sur la terre. C’est un dieu du monde d’en bas et nous pouvons supposer que ce dieu créateur appartient au premier âge de l’humanité.
En suivant, nous allons essayer de voir qui est la divinité appelée Tawa Paca, le destructeur du monde. Si Kon Ticci Wiracocha a jeté son fils à la mer, cette attitude peut être interprétée de deux manières : tout d’abord, que le fait de l’avoir jeté à la mer a pu être avec l’objectif de le purifier et tout le mal s’en aille avec l’eau. Ensuite, il a pu le punir pour l’éliminer et qu’ainsi « meure le mauvais sort », comme l’écrit Las Casas.
Quand il se réfère à Tawa Paca, Sarmiento de Gamboa[18] nous dit presque la même chose que Las Casas, à la différence que l’identité du père n’est pas celle de KON. « Après le déluge, Wiracocha Pachayachachi, alors qu’il détruisait la terre, sauva trois hommes, dont un s’appelait Taguapaca, pour qu’il lui servît d’aide. Tagua Paca désobéit à Wiracocha Pachayachachi, qui ordonna qu’on le mît sur un radeau sur le lac Titicaca, mains et pieds attachés. Le radeau avec sa charge suivit le fleuve par où se déversent les eaux du lac, et on ne le vit plus jamais »[19].
Dans les deux cas, Tawapaca est lié à l’idée de destruction d’une zone géographique ou de la terre.
Voyons à présent quelle est la signification du nom Tawapaca et quelle est son origine. Tagua ou Tawa veut dire quatre. Quant à Paca, d’après Lira[20]/Liara, ce mot signifie « ce qui est dissimulé, caché, secret, occulte, mystérieux ». Pour Guardia Mayorga[21], Paka a un sens similaire : « caché, secret, mystérieux ». Pour Jesús Lara[22], il signifie « dissimulation ». À partir de ces éléments, nous pouvons déduire que Tawa Paca peut désigner « Les quatre mystères », c’est-à-dire les quatre éléments qui peuvent détruire la terre : l’air (les typhons), la terre (les séismes), le feu (les volcans) et l’eau (les inondations ou les déluges). Dans leurs aspects catastrophiques, ces éléments apparaissent d’une manière imprévisible en détruisant tout, et dans ce cas, en détruisant l’œuvre de Wiracocha Pachayachachi ou de Kon Ticci Wiracocha.
Nous pouvons nous référer à des exemples concrets qui permettent de déterminer à quoi correspond exactement l’idée de Paca, dans son double aspect de mystère et de destruction.
À l’époque actuelle, il existe un rapace, une espèce de chouette à qui on donne le nom de Paca Paca. Cet animal nocturne est, pour les habitants des Andes, de mauvais augure. Si on se réfère au sens précis de Paca Paca, on peut vérifier que la répétition du terme a une fonction d’intensification et renforce ainsi le sens, en insistant sur l’idée de mystère maléfique. Les paysans croient que si la Paca Paca chante sur leur toit, une personne de leur famille va mourir. Ainsi donc, la Paca Paca est considérée comme la messagère de la mort ou de la destruction de la vie.
En lien avec le mot Paca, on peut aussi découvrir le terme de Pacay. Si, comme nous venons de le voir, Paca désigne ce qui est caché, dissimulé, Pacay désigne l’action de se cacher ou de se dissimuler. Pacay est aussi le nom d’un fruit qui est produit dans les vallées tempérées ou en forêt. Ce fruit a la forma d’une grande gousse/cosse. Quand on l’ouvre, on peut voir qu’elle cache une pépin/une graine de couleur bleu noir et que cette graine ou pépin cache à son tour un germe de couleur jaunâtre et blanchâtre dans sa partie centrale. Cette description nous permet de mieux comprendre le concept de PAGUA PACA. Comme on peut le remarquer, dans le fruit, chaque partie en cache ou en couvre une autre.
Nous pouvons noter que les termes de Paca, Paca Paca, et Pacay conservent entre eux une étroite relation dans leur signification. Dans les trois cas, il est fait référence à la disparition ou la destruction de quelque chose. De la même manière, Tagua Paca a quelque chose à voir avec la destruction et la mort, au travers des « quatre mystères » qui sont latents dans la terre et qui menacent l’humanité.
Nous allons à présent nous intéresser à d’autres divinités terrestres qui ont une grande influence sur la production agricole. Il s’agit des divinités appelées Imaymana Wiracocha et Topaco Wiracocha.
Dans le contexte agricole, Cristóbal de Molina[23] nous dit que Pacha Yachachi eut deux fils, l’un appelé Imaymana Wiracocha, et le second Tocapo Wiracocha. Molina ajoute que Imaymana avait en ses mains tous les pouvoirs. Pachayachachi lui ordonna d’aller dans les Andes, d’en parcourir tous les territoires (vallées et montagnes/punas), « et donner des noms aux fleurs et aux fruits qu’il trouverait, en enseignant aux habitants lesquels étaient comestibles et ceux qui ne l’étaient pas, ceux qui pouvaient servir comme remède, ainsi que l’époque à laquelle se développaient/produire les fleurs et les fruits ». Ce fut Imaymana qui enseigna aux hommes les vertus curatives des plantes, et leurs pouvoirs mortels.
Selon nous, Imaymana Wiracocha veut dire : apparition de tous les végétaux, comestibles, médicinaux et de toutes les plantes. Cette divinité représente quant à elle l’époque de floraison des plantes et des fruits, autrement dit, le printemps.
Dans la partie basse du dessin que nous laissa Santa Cruz Pachacuti, on peut lire « les yeux d’Imaymana ». Et plus bas on peut également lire : »mauray cuñay ñawin », ce qu’il traduit par : les yeux qui ordonnent à toutes les choses (mauray : diversité, multiplicité, cunay : ordonner, et ñawin : les yeux).
Voyons maintenant quelle est la signification de « les yeux de toutes les choses » et celle de « les yeux qui ordonnent à toutes les choses ».
Nawin désigne les grains et les tubercules sélectionnés parmi les meilleurs pour être semés. On donne aussi ce nom lors des rituels agricoles à toutes les parts ou portions de toutes sortes qui sont mises de côtés avant d’être offertes à la divinité. Ces portions assignées aux divinités sont appelées coca ñawi pour la coca, ou chicha ñawi pour la chicha, par exemple.
Si nous nous reportons à la seconde traduction, « les yeux de toutes les choses », nous pouvons considérer que l’apparition des sept Pléiades : « les yeux de Imaymana », donne à tous les végétaux l’ordre de se reproduire, et de même qu’à l’homme. Avec l’apparition en décembre de ces étoiles, les indigènes incas savaient que le printemps commençait. Ainsi, Imaymana désigne les sept étoiles dont l’apparition détermine le commencement de la floraison des plantes. Les indigènes considéraient que la nature obéissait à un ordre de Imaymana.
En ce qui concerne le second fils appelé Tocapu, Molina le considère comme « le créateur ». Cette divinité reçut le même ordre que son frère aîné Imaymana, mais il devait aller dans les plaines et travailler « jusqu’au plus bas de ces villages » (la côte)[24].
Si on traduit le mot Tocapu, il veut dire « beauté du vêtement, vêtement luxueux, habit de cérémonie ». Cette interprétation n’a rien à voir avec l’agriculture, à moins qu’on la fasse au niveau métaphorique. Dans ce cas, on pourrait interpréter que Tocapu signifie que la terre, à l’époque du printemps, se vêt de son plus bel habit de verdure brodé de fleurs et de fruits. Tocapu Wiracocha serait la représentation du printemps sur la côte. Ceci pourrait donner un sens au nom de cette divinité : apparition du printemps.
Ces deux personnages mythiques représentent l’apparition des fleurs dans toute la végétation de la terre. Imaymana dans la zone andine et Tocapu dans les vallées tempérées et sur la côte. Ces deux zones géographiques offrent des climats différents : tandis que dans les Andes (montagne), les mois de juin, juillet et août ont un climat d’automne, sur la côte, ces mois sont ceux de l’hiver. Ces différences climatiques sont une raison suffisante pour faire une distinction entre les deux divinités. D’une certaine manière, ces divinités remplissent leurs rôles respectifs pour que vienne le printemps dans les deux zones géographiques.
Comme on a pu l’observer au long de cet article, les divinités ou dieux dont nous avons traité sont liés, dans la conception andine, au concept d’apparition, alors que dans la conception européenne des chroniqueurs, on les donne à voir comme des dieux créateurs du monde.
À partir des documents consultés, nous pouvons constater que la pensée andine prenait en compte les trois premières divinités comme l’origine de l’apparition de notre système solaire. Ils sont « commencement et fin de tout », comme le dit Santa Cruz Pachacuti. Les autres divinités son celles qui font apparaître sur la terre la végétation et les êtres vivants. Chaque divinité ou dieu accomplit un rôle déterminant dans son milieu.
Nous pensons que les chroniqueurs des 16e et 17e siècles ont mal interprété les discours mythiques de l’époque pré inca et inca, étant donné qu’ils connaissaient mal la langue quechua et que les traducteurs quechuas parlaient mal l’espagnol. De là viennent les erreurs dans la chronologie. Ils confondirent les mythes pré incas avec ceux de l’époque inca et vice-versa. L’apparition des premiers hommes sur terre en vint à se confondre avec l’apparition des premiers incas Manco Capac et Mama Ocllo ou des frères Ayar.
Par incompréhension du sens métaphorique du quechua, toutes les interprétations ou analyses furent faites depuis le point de vue de la mentalité européenne de l’époque. Ainsi, par commodité, ils retinrent seulement le nom de Wiracocha, qui veut dire Apparition et non Divinité, sans tenir compte du véritable nom des divinités comme Ticci, Pachayachachi, Tocapu, Imaymana, etc. ces erreurs se sont perpétuées jusqu’à nos jours y beaucoup de chercheurs continuent en persistant à faire de Wiracocha une divinité.
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[1] – Les noms quechuas de Wiracocha « supposé » Dieu créateur des évangélisateurs. Allpanchis n°9, p.53, 63
[2] – Bernabé Cobo, 1964, Historia del Nuevo Mundo, p. 155-156, B.A.E. 12.
[3] – J. Acosta, Historia Natural y Moral de las Indias, Chap. IV p. 142, B.A.E. Madrid.
[4] – Urbano, « Wiracocha y Ayar », p. XXII-XLV, Centro de estudios rurales Bartolomé de las Casas, 1981, Cuzco.
[5] – O. Urbano, op. cit. p. XVIII
[6] – Lehamann-Nitsche, 1928, Astronomía Inca, p.30-31.
[7] – Billy Isbell, « La otra mitad esencial », p. 37-56, Estudios andinos, año 1.
[8] – Earls et Silverblatt, « Realidad física y social en la cosmología andina », p. 318.
[9] – T. Zuidema, 1971, cit. p. 39
[10] – Blanc : en état d’être fécondé (= semence, grain, eau). Noir : en état de gestation
[11] – Sarmiento de Gamboa, Op. cit. p.109-110
[12] – José Acosta, Op. cit. p. 142-143
[13] – Antiguedades de este Reynado. p. 282-283-284.
[14] – Ramos Gavilán, 1621, Historia de nuestra Señora de Copacabana, p. 28, La Paz, 1976
[15] – Diccionario aymara, p.192
[16] – Las Casas, Apologética Historia, B.A.E., Tome 105 p. 433, Betanzos, Suma narración de los Incas, B.A.E., Tome 209 p. 9-11
[17] – Gómara, Historia Natural y Moral de los Indios, Chap. 28, p. 126. Murúa, Historia General del Perú, Tome II.
[18] – Gamboa, 1572, Historia Indica, B.A.E., Tome 135, p. 208-209, Madrid.
[19] – Cieza de León fait allusion à cette légende, Señorío de los Incas, p.8-12, I.E.P., 1967, Lima.
[20] – Liara, 1945, Diccionario Kechua-Español, p. 110, Tucumán
[21] – Guardi Mayorga, 1959, Diccionario Kechua-Español, p. 110.
[22] – Jesús Lara, 1978, Diccionario Qheshwa, p. 158, Ed. Amigos del Libro, Bolivie.
[23] – Cristóbal de Molina, Op. cit. p.12.
[24] – Cristóbal de Molina, Op. cit. p.13.