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R�sili_silence

Un t�moignage


Alex.Emmanuelle G. nous livre ici un r�cit �mouvant...

Bonjour,

Merci beaucoup de m’avoir r�pondu. Je me rends compte que les personnes � qui j’en parle parfois, qui sont �trang�res � ce probl�me, ont bien du mal � �couter, et encore plus � "participer" � la discussion... Parce que le psy ne suffit pas, c’est m�decin et non pas ami, on a besoin aussi de parler � nos proches et je sens la puissance de ce tabou emp�cher les gens de penser, d’en parler librement.

Si mon t�moignage peut aider des personnes, (car je ne connais personne ayant pass� par l�), j’en serai ravie.

Vous d�tes qu’il faut parfois des moyens d�tourn�s pour que l’inconscient s’exprime. Oui, je l’ai remarqu�.

Je m’exprime par le dessin depuis que j’ai l’�ge de tenir un crayon, et je n’ai jamais cess� de remplir des feuilles, jusqu’� ce jour. Le modelage , la sculpture, font partie de ma vie aussi. Inattentive en classe jusqu’au bac, j’ai pu faire des �tudes d’Art qui m’ont permis d’envisager d’en faire mon m�tier.

Sans la cr�ation artistique, je ne serai plus de ce monde. M�me dans les p�riodes suicidaires, je gardais ce lien avec l’expression plastique, c’est ce qui a sauv� ma vie psychique et physique. Car l’expression artistique mobilise ces deux "corps" � la fois .

Longtemps, pendant mes �tudes, alors que je travaillais beaucoup et engendrais des pi�ces hors du commun, on me demandait d’en parler, c’�tait l’horreur. J’�tais incapable d’aligner trois mots sur mon travail. J’ai mis des ann�es � r�ussir � me dissocier de mes peintures et sculptures, qui, avec tous ces affects mis en jeu, devenaient des "pi�ces-m�moires"...

Longtemps je me suis sentie agress�e par cette obligation de mettre un discours dessus. J’ai rat� le dipl�me de 3e ann�e, je l’ai r�ussi la 2e fois, et ce n’est que le jour du dipl�me de 5e ann�e, devant un jury intransigeant, que quelque chose s’est d�bloqu� et qu’ils ont eu un tr�s bon souvenir de ma pr�sentation orale.

Depuis que je suis sortie des Arts D�cos, les mots ne manquent plus quand il s’agit de parler de mon travail. Je peinais � d�fendre ce qui participait � ma survie�! C’est cela qui nous �tait demand�: nous rendre auteur de nos productions, les d�fendre et les faire vivre devant un public.

Alors oui, l’inconscient utilise des moyens... autres que les mots. Je sais que, enfant, je n’avais pas ces mots, ni la repr�sentation mentale de ce qui m’arrivait. Aujourd’hui, je ne suis plus cet enfant, je connais les mots, et mon cerveau se repr�sente les choses, mais je ne peux pas relier les deux.

Toute ma vie durant, j’ai eu une activit� onirique foisonnante, encore aujourd’hui, chaque nuit, je fais �norm�ment de r�ves et de cauchemars se rapportant � la maison de mon enfance. La voie royale de l’inconscient�!

Oui mais voil�, le jour ou je suis all�e porter plainte, j’avais de la "mati�re"�: des dizaine de dessins d’enfant que j’ai faits tr�s t�t et que n’importe qui peut qualifier de "violents", "suggestifs" avec des sc�nes tr�s pr�cises repr�sent�es, mon dossier m�dical, avec la liste des manifestations "somatiques" de mon mal, des revues tendancieuses ayant appartenues � mon p�re, des extraits de journaux intimes o� entre douze et dix-sept ans, je ne r�ve que de sa mort, et cherche des moyens pour le supprimer.

Tous ces �l�ments ont �t� saisis par la police et la personne en face de moi �tait tr�s motiv�e. Les membres de ma famille ont �t�s entendus et je suis pass�e devant un expert. Tout mon travail de" rassemblement" � �t� r�duit � n�ant par cet "expert" qui avait �t� d�rang� pendant les f�tes de No�l.

Ce qui a �t� tr�s dur, pour moi, a �t� de lire, chez mon avocate, le dossier, avec le t�moignage des membres de ma famille et surtout le portrait que l’expert avait fait de moi.

C’�tait l’�t� dernier, et j’ai encore du mal � dig�rer ce que j’ai lu. Chacun prot�ge mon p�re. Moi je crie mais personne ne m’entend. Cela accentue le traumatisme. Cela baillonne la v�rit� qui avait trouv� le chemin de la lumi�re.

Des preuves, il n’y en a pas. Il n’y a qu’une accumulation de d�faillances d’un syst�me familial repli� sur lui-m�me, o� seules les apparences doivent �tre fermement d�fendues. Sacrifice�! Voil� la seule explication. La petite fille que j’�tais, objet de plaisir, objet sacrificiel, objet de scandale, objet parlant, � faire taire absolument...

Petite fille bourreau, qui d�truit son p�re, pauvre p�re qui l’a toujours g�t�e...

Il faut �tre fort pour supporter tout �a. Pour entendre les personnes, que l’on aurait crues de son c�t�, se mettre � d�fendre celui qu’il faut enfin d�masquer... Du d�but de l’agression jusqu’� la r�v�lation, la culpabilit� est notre pire ennemi. Il faut savoir que dans le cas d’une r�v�lation, un grand "m�nage" va s’op�rer. Moi, il ne me reste que ma m�re et ma s�ur. Ce sont les seules � ne pas s’�tre d�tourn�es de moi, malgr� leur incapacit� � me croire. Les autres ne veulent plus me croiser. Je suis devenue la b�te noire de la famille.

Mais ce n’est pas grave. La s�lection s’est faite toute seule. Je suis contente de ne plus faire partie de leur monde, et vice-versa. Des gens que l’on se force � fr�quenter, sous pr�texte de l’appartenance familiale, non merci�! Les gens malsains, loin de moi�! Et �a, je ne regrette pas. Assainie, la famille se r�duit, mais l’hypocrisie aussi.

Mon p�re, je l’ai ray� de mon arbre. Pour moi, il ne fait plus partie de l’arbre g�n�alogique . Administrativement, il est toujours l�, mais dans mon futur, qui se construit, il n’a plus de place. Il vit toujours dans cette maison.

Un probl�me auquel je pense, est le droit du grand-p�re. Jamais, si j’ai un jour un enfant, je ne lui pr�senterai mon p�re. Et je ne veux pas �tre dans l’ill�galit�. Si lui veut le voir, il en a le droit. C’est horrible de savoir �a. Cela me dissuade presque d’avoir un enfant, que de penser que mon p�re a un droit dessus.

C’est aussi pour cela que j’avais port� plainte.

Voil�, dans les grandes lignes, quelques bribes de ce v�cu. Dans tous les cas, ce qu’il faut garder, dans des affaires aussi dures que celles de l’inceste, c’est l’envie de se battre. Et �a, c’est la restauration de l’estime de soi qui en permet l’existence.

Merci encore pour votre engagement.

Alex.Emmanuelle G


vendredi 5 mai 2006

Les souvenirs

Bonsoir, je viens de d�couvrir la publication de mon t�moignage. Je suis assez �mue de me relire dans ce "cadre". �mue, mais troubl�e aussi, car quelque chose est en train de se rassembler en moi.

Il n’y a plus de proc�dure en cours, ma plainte a �t� class�e sans suite il y a un an. Depuis, j’avais mis cette affaire un peu de c�t�, mais elle "revient" occuper mon esprit assez r�guli�rement. Depuis ma r�v�lation, plusieurs fois, j’ai voulu "forcer" ces souvenirs � remonter � la surface. A chaque fois, des somatisations sont venues "tenir lieu" de r�ponse. (spasmophilie, appendicite, h�morro�des, asth�nie)

Depuis, je laisse l’eau couler sous les ponts. C’est � travers mes r�ves que se profilent ces r�miniscences. Lors de mes s�ances d’analyse, une sensation d’�touffement m’envahit, avec impossibilit� de parler, tristesse, col�re, et honte. J’aimerai pourtant tellement savoir ce qu’il s’est pass� exactement.

Concernant mes p�riodes de toxicomanie, (de 16 � 23 ans, mais plus intens�ment de 18 � 22), je dois dire que c’est la th�rapie analytique qui y a mis fin.

La pire des drogues dont j’ai us�e a �t� l’alcool. Avec l’alcool, j’�tais proche de la mort. J’ai eu �norm�ment de chance pour ne pas mourir. Buvant jusqu’� l’amn�sie, j’ai port� atteinte � mon psychisme, autant qu’� mon corps. Aujourd’hui, je ressens beaucoup de tristesse face � ces attentats que j’ai perp�tr�s vis � vis de moi. Ce qui m’a sauv�e a �t� de penser � celle qui m’a enfant�e, ma maman. C’est son amour qui m’a sauv�e des eaux. C’est en pensant � elle, � ma s�ur et � mes neveux que j’ai compris que je n’avais pas le droit de me supprimer, car ils tenaient � moi.

En me voyant dans un miroir, j’ai eu honte de leur faire �a. Les anges gardiens se sont mobilis�s pour que je me r�veille, que je ne m’�touffe pas, que je ne me fasse pas �craser, que je ne tombe pas de mes escalades dangereuses, dans la rue...

Par contre, ils n’ont pas pu �viter le viol que j’ai subi pendant un "coma" �thylique.

Ce qui me r�volte aujourd’hui, c’est que cet homme, mon p�re, continue de c�toyer ma s�ur, et mes neveux. Il s’en vante, car cela "cautionne" sa pr�tendue bonne foi, et ma s�ur lui confie ses enfants sans la moindre h�sitation.

D’ailleurs, elle le dit dans sa d�position "Si j’avais le moindre doute, je ne lui confierais pas mes enfants..."

Comment est-il possible de n’avoir aucun doute sur lui, alors qu’elle me conna�t, qu’elle sait par ou je suis pass�e�? Est-ce un sympt�me courant�? J’ai l’impression qu’elle les lui confierait plus volontiers qu’� moi, comme si j’�tais "poss�d�e" et que le mal venait de moi. Cette situation me cause des tourments, mais je ne peux que m’y r�signer, c’est sa fa�on de proc�der, pas la mienne.

Merci de m’�clairer.


Jeudi 11 mai 2006

R�ves

Je crois que je suis entrain d’int�grer de nouveaux �l�ments dans mon "enqu�te", je ne sais pas si �a ira jusqu’au souvenir, mais quelque chose m’est revenu, hier, en �crivant mes "bribes" de souvenirs � Claudia.

Je me suis simplement souvenue que mon p�re m’emmenait sur son v�lo, le dimanche matin, pour aller en balade et en for�t. Je me suis rappell�e ne pas vouloir y aller, et qu’il insistait. J’ai eu confirmation de ma m�re qui me dit que c’�tait entre 3 et 5 ans, mais pas plus. Par contre, elle dit ne pas se souvenir que je ne voulais pas y aller. Cette nuit, j’ai r�v� que je traversais une "initiation" un peu dans un style chamanique�; on me faisait prendre une "drogue" sens�e m’apporter des visions. Il y avait une autre personne avec moi, qui le faisait aussi. Le chaman (un homme assez �g�, un indien je crois) nous fait prendre la substance en la soufflant sur nous (sorte de poussi�re blanche).

Pas de visions, des vertiges, de l’euphorie, mais une ma�trise de soi. Cela est tr�s bref. L’autre personne en redemande�; je lui dis que ce n’est pas nec�ssaire et que je peux m’en passer. Suite � nos "r�actions", il dit � l’autre qu’il n’en a plus et � me dit que je suis "sage". Puis il ressort un peu de cette poussi�re et nous en souffle dessus encore une fois.

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Plus tard dans le r�ve, je suis dans ma voiture et suis arr�t�e par la police. je leur dis (encore sous l’influence de la substance, en me sentant assez hardie)�: "carte grise, permis, assurance�? Voil�, voil�...", mais je dois fouiller dans un capharna�m avant de les trouver. Je leur pr�cise que c’est la premi�re fois que je me fais contr�ler�! (ce qui n’est encore jamais arriv� dans la r�alit�, j’ai mon permis depuis un peu plus d’un an.)

Il n’y a pas tr�s longtemps (deux mois), j’ai fait un r�ve tr�s fort avec des am�rindiens, qui me fait penser � celui de cette nuit�:

Je suis avec des gu�risseurs, et ils voient en moi, l’un d’eux parle � un autre et on me traduit la vision�; j’entends "viol, enfant.." On va me gu�rir, un jeune indien s’occupe de moi. Il y a une exposition, je crois que je r�alise une fresque. C’est le vernissage, il y a du monde, il y a mon psy, qui part en me laissant "au soin des indiens". (C’�tait assez long comme r�ve mais j’ai perdu les �pisodes) Je cherche quelqu’un que je ne trouve pas, on me guide vers une personne, c’est le jeune indien je crois, ou un autre. On court ensemble dans les prairies, on va tr�s vite, on va vers la for�t, je fais des bonds comme un chevreuil, assez hauts, on d�vale des pentes, on s’enfonce dans les sous-bois, et l�, un "colon "avec un fusil nous aper�oit et nous vise, sans tirer, on est enfouis sous le sol, on se cache mais il nous voit et finalement repart. On se trouve dans une chambre, un autre indien est l�. Il pose une question au jeune indien, que je ne comprends pas et me montre du doigt. Tout � coup, le vieil indien a un couteau, s’approche du jeune, et l’�gorge en r�cup�rant son sang dans un verre.

Puis il me vise avec un revolver , je crie, et il me tue �galement... Je me r�veille.

Au r�veil, je n’�tais pas angoiss�e comme dans d’autres r�ves de "mort", je suis prise d’un immense amour envers ce peuple que je ne connais pas et que j’ai vraiment l’impression d’avoir approch�. Depuis, cet amour ne m’a pas quitt�e, je me suis document�e sur eux, ai recherch� des plumes, �cout� leur musique...

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Un autre r�ve, fait derni�rement, qui est une �nigme pour moi. Il faut dire que je l’ai fait deux fois, la premi�re fois, en octobre dernier, alors que je vivais encore � Strasbourg, avec quelqu’un qui venait de me quitter. (J’ai tr�s mal v�cu cette rupture, mais �a m’a fait quitter la ville et du coup le plus grand bien) Je suis dans ma maison d’enfance, dans le couloir. Des t�ches de sang au plafond. Elles grandissent, �a goutte et me tombe dessus. Je marche vite, elles me suivent, o� que j’aille le sang me poursuit du haut du plafond.

D’un coup, j’ai des choses qui poussent sur mes jambes et mes cuisses, on dirait des champignons. Ils sont blancs et me font mal. Ma m�re arrive et essaie de m’aider � les enveler. Elle parvient � en extraire un, mais un autre repousse aussit�t. Je crie, je hurle, c’est horrible, ils continuent � prolif�rer.

Je me r�veille , paralys�e, en sueur, avec des douleurs sur les cuisses, devenues sensibles comme si c’�tait vraiment arriv� pendant mon sommeil.

La deuxi�me version, c’�tait il y a 1 mois environ, dans mon nouveau chez-moi.

L’apr�s-midi, (en vrai) mon p�re me t�l�phone pour me dire qu’il a vu mon expo et que �a lui avait plu. Je ne ressens absolument rien, ni haine, ni aggressivit�, ni contentement, rien du tout. Un peu comme la derni�re fois ou je l’ai vu, dans la maison, pour "dominer" ma peur (J’y �tais all�e de mon plein gr�, sans animosit�, juste pour l’�couter, comme pour mettre fin a des r�ves et cauchemars le mettant en sc�ne sans cesse.)

La nuit �pr�s le coup de fil, je refais ce r�ve avec les champignons qui sortent de mes jambes. Encore pires, encore plus grands, qui enflent jusqu’� �clater... Mais pas d’angoisses. Ma m�re arrive, essaie de me soigner, mais les crises continuent. Parfois �a se calme et �a reprend. je me r�veille, sensibilis�e, mais sans affects.


15 mai 2006

La probl�matique amoureuse

L’amour, c’est d�j� un sujet complexe en soi, alors pour moi, qui ai �t� trahie tr�s petite, par mon p�re, c’est encore plus difficile. Je voudrais, par ce t�moignage, parler des "progr�s" et des "r�sidus"qui demeurent au fil de mon exp�rience dans le domaine affectif, amoureux.

D’abord, j’aimerai pr�ciser, comme vous l’avez d�j� mentionn� dans un article, que le domaine affectif est une des portes qui s’offrent � nous quand on veut se r�parer, exister. Tr�s jeune, j’ai utilis� cette voie pour diriger mes affects�; j’avais toujours quelqu’un � qui penser, il fallait qu’il y ait quelqu’un dans mon coeur, et d�s que cette personne ne correspondait plus aux attentes et � l’id�e que je m’en faisais, il fallait trouver quelqu’un d’autre.

Quand aujourdhui, je relis mes journaux, je suis �tonn�e de voir � quel point j’�tais en demande affective, et souvent comme une naufrag�e, j’investissais de l’�nergie vers des personnes "d�pass�es" par ces attachements.

C’est vers 6 ans que j’ai commen�� � ressentir �a, apr�s �a s’est calm� quand on m’a donn� un chat (qui �tait devenu mon meilleur ami) mais je continuais � porter dans mon coeur quelqu’un, et c’est vers 12 ans que �a s’est acc�l�r�.

Des premiers flirts jusqu’� ma premi�re exp�rience sexuelle, je n’ai jamais cess� d’aimer. Plus tard, dans ma vie d’adulte, j’ai eu de nombreuses relations, j’ai multipli� les relations "foireuses", malgr� une absence de plaisir mais au contraire une source d’angoisse, je recherchais le contact sexuel.

M�me si au d�but, �a allait, brusquement j’�tais prise d’une infinie tristesse, angoisse et d�go�t me submergeant. Comme une crise de panique, accompagn�e d’une certaine paralysie (je n’osais pas toujours laisser parler mes �motions de peur de choquer mon partenaire), je commen�ais � subir ce qu’� la base j’avais cherch�.

Et quand j’�tais "en confiance" avec quelqu"un, je pleurais bruyamment � chaudes larmes.

Plusieurs ann�es de rapports douloureux se passant, j’ai un jour d�cid� que je r�ussirais � trouver �a beau un jour, et que j’allais mener ce combat pour obtenir une chose bien pr�cise�: le plaisir. Comme s’il s’agissait d’un handicap, j’ai lentement appris � m’apprivoiser pour pouvoir appr�cier ces contacts.

Cela ne s’est pas d�roul� dans la paix, des �v�nements traumatisants se sont rajout�s � cette qu�te, des rechutes, des r�gressions, des violences...

Un jour, � 18 ans, un soup�on de plaisir m’a travers�e, r�sultat�: je suis tomb�e enceinte. Il avait 32 ans, c’�tait mon "voisin" (il travaillait dans la maison d’� c�t�) alors que j’�tais en couple avec quelqu’un. Une aventure, que j’ai pay�e tr�s cher.

Le probl�me a �t� que je me suis crue enceinte de la personne avec qui j’�tais, et c’est quand le m�decin a dat� la "b�tise", que je me suis souvenue de la date de la "tromperie". J’y vois l� un �v�nement symbolique. L’oncle que je soup�onnais, au d�but de mes recherches sur mon agresseur, porte le m�me pr�nom que cette personne avec qui j’�tais, mais mon v�ritable agresseur �tait beaucoup plus pr�s de moi... Est-ce un hasard�?

L’avortement s’est tr�s mal pass�. H�pital Civil Universitaire, les m�decins rechignent � faire ce genre de travail, cela ne va pas dans le sens de la m�decine, on ne sauve personne, on tue... Des �tudiants sont alors charg�s de le faire. Etait-ce la premi�re fois pour eux�? Je l’ignore, mais en tout cas, en me r�veillant de l’op�ration, des douleurs �taient pr�sentes. Cela ne s’est pas dissip�, au contraire. Je me suis r�fugi�e chez ma m�re, qui venait de quitter mon p�re au d�but de cette ann�e, et l�, des douleurs insupportables. IL s’est av�r� que j’avais une infection, qu’ils n’avaient pas tout "curet�". J’ai failli �tre r�-op�r�e mais les m�dicaments m’ont fait expulser le reste. Mon corps a mis une ann�e avant que les choses se remettent en place. Pendant cette ann�e, mes rapports se transformaient en "bain de sang"... Honte avec mes partenaires qui ne comprenaient rien... � tout ce sang.

C’est � ce moment l� que j’ai vraiment commen�� � boire. Et que je me suis dit que le sexe n’�tait pas pour moi. En buvant, j’anesth�siais ma libido, je voulais inconsciemment arr�ter le carnage. Et oublier ce que je voulais retrouver.

Apr�s ces ann�es d’errance, o� je ne me liais plus � de jeunes hommes, hormis un professeur de 50 ans, mais je me retrouvais souvent avec eux, aux comptoirs... J’ai rencontr� un S.D.F avec qui j’ai pass� un an de ma vie. Inutile de pr�ciser que ce fut la p�riode la plus alcoolis�e. Mais avec lui, je me sentais prot�g�e. Parce qu’il avait le sens de valeurs introuvables chez d’autres, la loyaut�, l’entraide et le courage. Je suis tomb�e amoureuse de lui, faisant abstraction de sa condition, de sa puanteur, de son auto-destruction. Je l’ai fait beaucoup rire et il m’a fait beaucoup boire.

Avec son apparence, il faisait peur ou choquait les gens. Ca m’amusait�! Je me rappelle qu’avant d’�tre avec lui, j’avais eu une relation avec quelqu’un dont j’�tais tr�s �prise, mais d’une condition sociale plus ais�e (petite noblesse). Un jour, alors que nous avions rendez-vous, Manu, le S.D.F �tait l�. Il a plus ou moins effray� mon baron. D��ue du baron, je suis all�e avec le "m�tabaron".

Un jour, j’ai quitt� Manu, car je commen�ais � vouloir changer et � �voluer. J’ai commen�� ma th�rapie.

Le transfert sur le psy a �t� tr�s intense et tr�s rapide. C’est donc dans ces s�ances que j’ai transf�r� mes affects, et tiss� les premiers fils de ma gu�rison.

Le th�rapeute �tait devenu la personne sur laquelle j’ai tout investi. Son "professionnalisme" m’a aid�e � traverser bien des �tats, notemment dans le transfert, qui, au bout de trois ans, s’est estomp� progressivement... Alors que la d�couverte de la psychanalyse me passionnait, et que je n’aurai rat� une s�ance sous aucun pr�texte, � pr�sent c’est presque comme une corv�e, j’y vais encore de temps en temps, mais c’est dur de me motiver.

Durant mon analyse, il y a 3 ans, j’ai fait la rencontre de quelqu’un qui allait �tre important dans ma vie. Il avait 42 ans, �tait en plein divorce, avait deux grandes filles, et tenait un bar. Je ne pensais pas, � l’�poque, que j’allais passer deux ans avec lui. C’�tait une relation tr�s compliqu�e. Comme dans un jeu de miroir. Quand je l’ai rencontr�, il �tait au plus bas, j’ai voulu l’aider, le sauver. J’ai travaill� avec lui, et suis pass�e "de l’autre c�t� du comptoir"... Tout en poursuivant mes �tudes, je travaillais la nuit, au bar, jusqu’� 4h, et l’apr�s midi, pendant les vacances, dans un man�ge de chevaux de bois. C’�tait une p�riode hors du commun.

Dans son bar, je retrouvais une vie sociale, et en m’exposant � la vue des autres, sur sc�ne (c’�tait un" bar � musique�: blues, jazz, rock)�; j’improvisais avec d’autres musiciens, ou bien je d�corais le bar. Je retrouvais peu � peu confiance en moi. Je ne buvais plus comme avant, J.L avait envie de prendre soin de moi. Notre relation �tait devenue fusionnelle, on �tait tout le temps ensemble. Il souffrait de manque affectif. Quitt� par sa femme, il a d� fermer le bar, trahi par une associ�e.

Venant d’un quartier difficile, ancien enfant abandonn� sa m�re � 7ans, sauv� de la d�linquance en �tant plac� dans une famille � la campagne, repris par sa m�re quand il fut en �ge de travailler, cet homme avait eu une vie difficile. Je l’ai aim� comme jamais j’avais aim� quelqu’un. il avait un appartement, mais je ne voulais myst�rieusement presque jamais aller chez lui, finalement il l’a laiss� et est venu vivre chez moi. Une fois le bar ferm�, il s’est retrouv� sans droits, et a eu tr�s peur d’atterrir dans la rue. On a commen�� � sillonner l’Alsace, des jours et des jours d’errances et de balades au contact de la nature. On la red�couvrait ensemble. On oubliait tout. La ville, les probl�mes, on roulait, il roulait, on fumait, je me laisser porter par la voiture, on �coutait de la musique, on d�lirait... Il a repris go�t � la vie, en red�couvrant les choses �l�mentaires.

On retombait en enfance, ensemble, on se connaissait tr�s bien et nous avions une complicit� tr�s forte. On riait beaucoup, nous �tions d�connect�s de la triste r�alit�, qui allait bient�t nous rattrapper. C’est avec lui que j’ai d�couvert le plaisir. En tout cas une grande �tape �tait franchie.

On se sentais forts contre les autres. Car nous n’avions que peu d’appuis. Quelques amis, mais on se sentait �trangers aux autres. Ils ne comprenaient pas toujours nos d�lires. Et il est devenu jaloux. Je commen�ais � sortir avec des amies, il ne supportait pas. Il revivait des abandons. Il fumait beaucoup, �a me faisait mal. J’�tais jalouse, parfois, et possessive. Lui aussi. Nos rapports sexuels ne lui suffisaient pas. De mon c�t�, j’avais fait des progr�s, mais il en voulait plus. Mes progr�s �taient fragiles, il �tait toujours en attente... Et cette attente me bloquait.

Parfois, il ressombrait, je voulais l’aider, et puis il m’attirait au fond... Nos crises devenaient de plus en plus violentes, je criais, je hurlais, je me d�couvrais compl�tement diff�rente, je ne me reconnaissais pas... Je l’ai quitt� plusieurs fois, on recommen�ait pourtant... Mais un jour, j’ai mis toutes ses affaires devant ma porte. Et je ne voulais plus lui ouvrir. J’avais peur de lui, de sa folie. Je n’avais plus confiance, je ne le reconnaissais plus.

Quelques temps plus tard, on se fr�quentait � nouveau. Il avait un peu chang�, avait beaucoup r�fl�chi. Je lui avais toujours fait part de mes recherches concernant mon abuseur, il m’avait toujours bien �cout�e, et c’�tait le seul � manifester de l’int�r�t.

Apr�s la rupture, on en a reparl�, et c’est l� qu’il m’a dit que je devais "secouer" mon p�re, car il ne comprenait pas pourquoi ce dernier ne m’aidait pas dans mes recherches. Il trouvait �a bizarre. Il a deux filles, ados, et quand je les voyais ensemble, j’�tais face � quelque chose d’inconnu�: une grande complicit� entre un p�re (fragile dans l’intimit�... mais fort avec elles) et ses filles, qui l’adoraient...

C’est lui qui m’a ouvert les yeux sur mon p�re�: celui-ci s’int�ressait beaucoup � mon avenir professionnel, mais pas � qui m’avait viol�e... J.L m’a autoris�e � penser que mon p�re �tait m�l� � mon affaire d’abus. Je le pensais secr�tement, mais n’osais pas le formuler. En quelques heures, l’hypoth�se �tait tomb�e�: et si c’�tait lui�? � partir de ce moment, quelque chose s’est remis � fonctionner... Des souvenirs me sont revenues, en vrac, des comportements bizarres, tout est devenu clair. Mais comme cette id�e �tait neuve, j’ai mis du temps � en r�aliser la port�e tant c’�tait irr�el et terrible. Bient�t les id�es se sont rassembl�es, et les choses se sont �claircies.

Cela a fortifi� ma relation avec J.L (il �tait � mes c�t�s pendant toute la dur�e de la r�v�lation) mais je ne pouvais plus envisager une relation avec lui autre qu’amicale...

Lui m�me m’est apparu comme un p�re, je ne pouvais plus �tre avec lui. Pour lui, c’�tait dur�; il �tait affectivement d�pendant de moi, et ne supportait pas de me voir prendre mon envol, suite � cette quantit� consid�rable d’�nergie subitement d�bloqu�e, envol qu’il m’avait permis de prendre...

On n’�tait plus ensemble, il avait retrouv� un appartement, mais souffrait beaucoup de sa solitude. Mieux j’allais et plus il d�sesp�rait de m’avoir perdue. Aujourd’hui nous avons compl�tement coup� les ponts, pour lui permettre de se reconstruire...

Je le vois comme un ami, et il me manque beaucoup.

Ce qui a mis fin � notre relation a �t� la rencontre avec quelqu’un dont j’�tait fortement �prise. Notre relation a dur� 8 mois, on vivait ensemble et faisions des projets pour l’avenir. Pour la premi�re fois, je me voyais en couple, je croyais � nous. Les relations physiques �taient �panouissantes, j’avais atteint mon objectif. Je d�couvrais l’entente, et le plaisir. Mais un reste de manque de confiance en moi et une immaturit� de sa part ont fait que la relation s’est enlis�e... J’�tais tr�s jalouse, et me sentais d�laiss�e � la premi�re occasion. C’�tait quelqu’un qui n’avait pas beaucoup "travaill� sur lui", je remarquais ses carences et il ne supportais pas ce manque d’�galit�. Mais j’�tais tr�s amoureuse. Plus il se d�tachait, plus j’avais peur, et plus je devenais invivable.

Un jour, il m’a quitt�e, du jour au lendemain, alors que la veille on faisait encore des projets. Tout s’est effondr� pour moi. J’ai �norm�ment souffert. J’ai quitt� la ville. Je voulais le retrouver, lui laisser sa libert�. Mais c’�tait d�finitif. J’ai eu mal et me suis sentie incomprise et rejet�e.

J’ai compris que le chemin allait �tre dur pour trouver quelqu’un "� la hauteur", qui conna�trait et accepterait mes failles, en prenant soin de ne pas y "enfoncer le couteau"...

Les failles sont essentiellement la croyance initiale qu’on ne peut pas m’aimer. Qu’on va, un jour ou l’autre, me trahir, se rendre compte que je ne suis pas "normale". Qu’on aura marre de mes handicaps. Qu’on n’aura pas la patience de m’apprivoiser... Qu’on ne mesurera pas, malgr� les explications sur mon v�cu, ma fragilit� et l’importance de mon combat pour vivre sereinement.

Les angoisses, d�clench�es au moindre doute, au moindre signe de d�tournement, d’exclusion, la peur d’�tre quitt�e pour une autre, plus saine, plus forte, la non reconnaissance des progr�s accomplis... Tout ceci fait de moi quelqu’un d’exigeant, d’attentif, de bless�, cherchant quelqu’un d’adulte, de responsable, stable et patient.

J’aspire tellement � plus souffrir dans une relation, que je me d�tache � la moindre inqui�tude. J’ai aussi la crainte de faire souffrir, de ne pas �tre facile � vivre.

J’ai tellement envie de construire quelque chose de solide, et d’avoir des enfants un jour... Mais les personnes que je rencontre, souvent attir�es par moi, et d��ues que je ne veuille pas "construire" avec eux, ne comprennent pas ce que j’ai v�cu. J’ai comme principe de le leur dire, pour qu’ils me connaissent, et pour "tester" leur r�action, d’int�r�t sur la question, ou de fuite la plupart du temps. Une chose est s�re�; je n’entreprendrai jamais une relation avec quelqu’un qui fait la sourde oreille.

Cela fait partie de moi, et j’esp�re un jour trouver quelqu’un � qui cela ne fera pas peur. C’est la condition � un �ventuel bonheur dans un couple... Oui, la r�percussion de l’inceste est grande sur cette "entit�"�!

Alex.Emmanuelle G

T�moignage pr�sent� par�:

mai 2006 par Webma�tre


Notes�:

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  • R�sili_silence

    5 mai 2006, par Kieser

    J’�voque souvent le crime d’inceste mais, dans le droit fran�ais, ce crime n’existe pas. Le viol est qualifi� comme crime et puni comme tel, pas l’inceste.

    C’est pour cette raison que les juges s’appliquent si souvent � rechercher des preuves physiques et mat�rielles dans le cas d’un crime d’inceste. Il s’agit en effet de requalifier l’inceste en viol.

    Le l�gislateur fran�ais n’a pas encore compris la gravit� du crime d’inceste et sa port�e au plan de l’�dification de la personnalit�.

    Mais, d’une mani�re plus g�n�rale, le crime d’inceste et la p�docriminalit� sont des crimes contre l’humanit� et il faudra bien que l’on envisage ces crimes sous cet angle.

    La France a donc beaucoup de retard, y compris dans l’archa�sme, la barbarie m�me des investigations judiciaires�: des juges ignorants, des enqu�teurs non form�s, des experts cyniques...

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