� six ans, je suis devenue irr�m�diablement une adulte. J’ai pris conscience que les ��grands�� mentaient et ne feraient rien pour moi.
Jamais.
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F. V. B. raconte.
� six ans, je suis devenue irr�m�diablement une adulte. J’ai pris conscience que les ��grands�� mentaient et ne feraient rien pour moi. Jamais.
C’est seule que j’ai du ruser pour faire face au danger qui chaque nuit me guettait.
� six ans, je me suis sentie abandonn�e, seule. Absolument seule.
Les adultes ne voulaient pas voir la v�rit� alors j’ai fait comme eux, je me suis ��arrang�e�� avec cette r�alit� insupportable pour sauver ma peau. Et ce d�ni me suit encore dans ma vie de femme adulte.
J’ai six ans. Ma m�re me dit un matin�:
Mon silence ensuite attendant sa r�action. Je pensais avoir tout dit dans cette phrase. Je savais cet instant d�cisif. Et sa r�ponse comme un couperet�:
� cette seconde j’ai cess� d’�tre une enfant et je me suis tue 20 ans durant sur cette horrible douleur. � cette seconde j’ai perdu tout espoir car elle n’a pas voulu entendre, elle n’a pas voulu comprendre. Elle a d�ni�, me montrant ainsi la voie du mensonge avec soi-m�me. Quel lourd h�ritage que j’ai � combien honor�...�?
Cela avait commenc� avant mes six ans mais au d�but je ne comprenais pas bien ce que faisait mon p�re. Ce n’est qu’� cet �ge que la situation est devenue intol�rable. J’avais pleur� cette nuit en effet car j’avais eu peur, froid. Encore une fois il m’avait d�rang�e dans mon sommeil. J’osais � peine ouvrir les yeux et ensuite je faisais pipi dans mon lit. Au matin j’avais honte de mes draps qui sentaient mauvais. Ma m�re a m�me voulu m’attacher avec des sangles autour de mon lit ��pour que mes nuits soient moins agit�es�� disait-elle.
Plus rien n’allait dans ma t�te, j’�tais perdue. Alors j’ai trouv� une ing�nieuse parade. Je me levai � 3h du matin, je m’habillais, allumais toutes les lampes de ma chambre et je jouais � la poup�e. J’avais compris qu’il n’oserait pas venir dans la lumi�re, face � une conscience �veill�e. C’est ainsi que j’ai �chapp� au pire et que je me suis � peu pr�t sauv�e physiquement. Il est retourn� vers ma troisi�me s�ur qui elle a souffert plus de quinze ann�es dans sa chair les assauts de ce p�re incestueux.
Mon mouvement d’enfant a �t� interrompu, ma spontan�it� a �t� contrainte. J’ai vu le monde autrement, avec un regard et une conscience d’adulte. Mais j’avais aussi ma demande d’enfant et mes peurs. Tout ceci est encore trop lourd m�me si je commence peu � peu � faire de la place parmi cette accumulation de sentiments contradictoires.
Comme Chlo� dans ��l’Ecume des jours��, un n�nuphar a pouss� dans mes poumons m’emp�chant de respirer vraiment. De l’ext�rieur on ne voyait rien, tout �tait cach�, contr�l�, ma�tris� jusqu’� l’�puisement. Mais la plante �tait bien l� avec ses racines profondes. Elle s’est d�velopp�e avec le temps m’�touffant progressivement jusqu’� l’asphyxie Et je m’�tonne encore de ma claustrophobie�!
Puis l’�lan de vie qui reprend le dessus avec le courage de d�buter un premier travail th�rapeutique. Ouf, �a y est, tout va bien, j’ai coup� le v�g�tal et on y voit que du feu�! C’�tait sans compter sur la force prodigieuse de ses racines qui ont fait repousser la plante. J’avais alors oubli� � quel point �a fait mal un n�nuphar dans la poitrine au niveau du c�ur....Il fallut me rendre � l’�vidence et reprendre une th�rapie.
J’ai fait une radio de mon poumon, j’ai mis le projecteur sur ma plante. J’ai cess� de d�nier son existence. Mon n�nuphar sera en moi � tout jamais.
Je l’arrose r�guli�rement de mes larmes mais me r�volte moins contre le sort. Il n’y a pas de solution, pas de r�ponse � mon mal. Ma vie est dure, mon quotidien envahi par cette fichue plante qui pointe souvent le bout de son nez masqu� par des d�guisements que je commence � reconna�tre.
Sa pr�sence m’am�ne � faire des choix sp�cifiques, elle conditionne une partie de ma vie. Depuis quelques mois il m’arrive de l’oublier car soudainement je constate que je respire � pleins poumons. Alors je pense � elle avec tendresse et me dis que nous formons un joli couple ma plante et moi. Plus je la regarde et plus elle se fait petite. Quand je l’ignore copieusement elle se d�veloppe myst�rieusement jusqu’� m’�touffer.
Que puis-je faire de ce v�g�tal si encombrant�? Je sais qu’il n’y a pas de r�ponse mais je pose encore la question....
Je pourrais dire �galement que ma souffrance est comme une musique interne. Si je ne la prends pas en compte dans l’orchestre de vie, tout est dissonant pour moi. Il m’arrive depuis peu de m’int�grer spontan�ment dans la symphonie de la terre mais c’est de courte dur�e. Toujours ma musique de fond qui reprend, lancinante, m’obligeant sans rel�che � r��crire ma partition, � choisir de nouveaux instruments.
Parfois je trouve sur mon chemin des sons nouveaux qui s’int�grent dans ma musique et je les fais miens. Ma musique est si particuli�re qu’elle ne peut pas cohabiter avec n’importe quelle autre. Alors il me faut tendre l’oreille pour rep�rer les m�lodies qui me sont harmonieuses. Je me suis si souvent �gar�e en poursuivant la musique des autres.
Parfois il m’arrive de baisser le son pour �couter la musique de la terre. C’est la plus belle car elle conduit aux �toiles. Et l� mon orchestre ne joue que tout doucement. Juste pour mettre en valeur cette harmonie terrienne. Et je prie l’�me du monde.....
F. V. B - Juin 2005 , rapport� par�: