[Hommes et Faits] > T�moignages et carnets de bord > Carnet de bord

Hommes et dieux

Mythologie des peuples du golfe du B�nin


Les textes qui seront �dit�s ici sont une invitation � la r�flexion�:�ma vision des l�gendes des dieux du golfe du B�nin n’est pas du tout narrative, elle extrait ce qui en est l’enseignement essentiel, selon moi.

Je ne serai pas le repr�sentant ��officiel�� de la culture des peuples du golfe du B�nin. Vous n’y trouverez ni folklore ni �sot�risme d’aucune sorte. Mon propos ne r�side pas l�, d’autant que cela masque l’essentiel (toujours selon moi). Bien entendu, chacune des explications que je donne repose sur des �l�ments d’analyse que chacun peut �valuer, contester et m�me rejeter.

Pour commencer

Le golfe du B�nin�–�l’Ouest du Nigeria�–�; le sud des r�publiques du B�nin et du Togo�–�est le th��tre d’une pens�e de vie qui m�le tr�s �troitement l’homme et un ensemble de divinit�s dont la manifestation la plus connue est le vodou. On consid�re le vodou comme un culte, c’en est un en effet, mais pas seulement cela, car l’objectif essentiel n’est pas, � mon avis, l’accession, la fusion de l’Etre dans La Divinit� Supr�me�; il est, certes, la recherche du d�veloppement spirituel de l’homme mais surtout, il vise � l’av�nement d’une soci�t� harmonieuse. Comme nous le verrons plus loin cette vision, dans toutes ses caract�ristiques, ne s’arr�te pas aux peuples de la mouvance des dieux du Vodou. Avant d’aborder les donn�es de la mythologie, nous pouvons pr�ter une attention particuli�re au lieu et aux hommes qui y vivent.

Les lieux

L’aire g�ographique qui nous int�resse couvre ce qu’on appelle le golfe du B�nin, un ensemble qui s’�tend de l’Ouest du Nigeria (le pays Yorouba), le sud du B�nin, le sud du Togo et en partie le sud du Ghana.

L’actuel Etat du B�nin constitue la partie centrale de la zone d’influence. Ce que l’on appelle ��La trou�e du Dahomey�� r�sulte d’un particularisme climatique du fait que la pluviom�trie diminue de moiti� environ par rapport � ce qui s’observe de part et d’autre de cette zone. On n’y trouvera pas de foret �quatoriale de p�n�tration tr�s difficile, mais une v�g�tation beaucoup moins dense et donc plus facile � p�n�trer par l’homme. C’est un couloir de passage par lequel des vagues successives d’�migrants vont d�ferler, entra�nant un extraordinaire m�lange d’id�es. Nous avons � faire � un creuset.

Une seconde caract�ristique vient de la pauvret� relative de ce coin d’Afrique, en particulier pour le B�nin et le Togo. Dans ces conditions, nous allons assister � une intense activit� ��intellectuelle�� pour survivre. (Je veux dire que l’absence de rente que serait l’abondance de ressources naturelles obligeait et oblige encore � utiliser sa t�te pour survivre.)

Avant la colonisation, cette n�cessit� de survie va expliquer en partie le dynamisme, voire l’agressivit� des multiples royaumes qui se partagent le territoire et qui ne cessent de se battre soit pour contr�ler le march� de l’esclavage soit pour se fournir en esclaves � livrer aux ma�tres �trangers de la traite. L� appara�t une premi�re contradiction avec la culture de ces peuples, laquelle stipule que�: ��Un roi ne fait pas la guerre � un autre roi�; un peuple ne fait pas la guerre � un autre peuple�� Voil� pourquoi, on l’ignore trop souvent, les rois d’Abomey en particulier, organisaient une c�r�monie � la fin de chaque campagne militaire pour se mettre en conformit�–�en apparence en tout cas�–�avec les pr�ceptes des anc�tres. Cette c�r�monie mettait en sc�ne � l’issue de la campagne les espions du royaume, un corps de serviteurs du roi dont la comp�tence �tait reconnue et redout�e. Le roi pr�sentait � la foule rassembl�e, les espions, artisans de la victoire�; il les r�compensait, mais en m�me temps, ces espions �taient pr�sent�s comme les responsables de la guerre qui venait d’avoir lieu, d�gageant ainsi la responsabilit� morale et spirituelle du souverain et du peuple. C’�tait une forme de la technique de bouc �missaire apr�s coup. La signification d’une telle c�r�monie en direction du peuple �tait que les n�cessit�s de la vie avaient rendu la guerre in�vitable, mais cela ne devait en aucune fa�on signifier le rejet des enseignements des anciens dont l’objet proclam� est la recherche de l’harmonie. Nous avons l�, beaucoup d’hypocrisie bien s�r, mais l’essentiel �tait que les hommes ne perdent pas de vue l’objectif de leur culture.

Pendant la colonisation, la pauvret� du pays conduira les parents � pousser � l’extr�me l’instruction des enfants, ce qui entra�nait des sacrifices parfois consid�rables des familles. Une alphab�tisation qui ouvrait la porte � l’administration coloniale, source d’emplois�; la fameuse ��Dahomey, quartier latin de l’Afrique�� s’explique ainsi. On allait le plus longtemps possible � l’�cole, n’ayant rien d’autre � faire, et surtout parce que c’�tait le seul moyen d’avoir un emploi stable, et subvenir ainsi � ses besoins mat�riels. De fait, la colonisation allait puiser largement dans cette main d’�uvre�; les hommes de cette partie des colonies s’�taient retrouv�s dans tous les territoires�; ils formaient une diaspora qui posera quelques probl�mes humains plus tard � la fin de la p�riode coloniale.

Voil� donc les lieux et les cons�quences de sa configuration sur la vie des hommes.

Les peuples

Yorouba, Adja, Minas, Fons, Popo P�da, Nago ...

Le golfe du B�nin est probablement la r�gion d’Afrique o� nous trouvons la plus grandes vari�t�s d’ethnies�; cela ne doit pas surprendre �tant donn� le caract�re de ce coin de terre que nous venons de d�couvrir. La facilit� de p�n�tration se traduit par un m�lange incessant de peuples venus en g�n�ral de l’Est.

Le sud de la zone, au B�nin et au Togo en particulier est une r�gion sans reliefs notables parcourue de cours d’eau et parsem�e de lacs, ces points d’eau vont servir de sites de regroupement de la population allant jusqu’� servir de refuge pour des groupes d�faits militairement et en fuite�; il n’est pas �tonnant de voir la naissance de villages sur pilotis dont la vie se d�roulait enti�rement sur l’eau. (On notera qu’au Nord, les points d’eau sont peu habit�s car sources de maladies�–�pr�sence de moustiques�–�et surtout faciles d’acc�s pour les envahisseurs�; l�, ce sont les zones montagneuses qui seront des centres de peuplement.)

On peut consid�rer que dans une r�gion donn�e, la langue ou les langues parl�es constituent un excellent indicateur pour appr�cier l’histoire des mouvements de peuples. Au B�nin, si nous consid�rons cet �l�ment, on note une tr�s grande parent� entre plusieurs des dialectes usit�s�; il en est ainsi du fon, du dialecte adja, du mia, du popo ...�; entre ces parl�s, les diff�rences se situent davantage au niveau du ton et non � celui des termes ou m�me de la structure des phrases. Certes, la tonalit� est un �l�ment essentiel des langues du pays, � tel point que pour ma�triser l’un de ces dialectes, il faut pratiquement y avoir ��go�t頻 d�s le berceau, mais, ce n’est pas une barri�re. Prenons par exemple le mot To, il peut signifier�: oreille, ville ou pays, p�re, rivi�re ou fleuve ... or ce n’est pas le contexte de la phrase qui va d�cider de la signification mais le ton (bas, moyen, ou haut) qui le fera�; et souvent la nuance d’un ton au suivant est tr�s tenue et propre � chacun des dialectes. Une personne qui parle fon comprend tr�s facilement ce qui se dit dans les autres dialectes cit�s plus haut, sans pour autant �tre forc�ment � m�me de le parler sans se rendre ridicule, � moins d’une longue habitude.

Nous allons retrouver cette parent� entre le yorouba et le nago, deux autres dialectes pratiqu�s par une part importante de la population.

Cette situations vient du fait que nous avons des couches successives de migrants, qui une fois sur place vont se scinder en diff�rants groupes formant les ethnies qui, aujourd’hui, peuplent le sud B�nin.

Il semblerait que le groupe Adja soit l’un des plus anciens et proviendrait d’un groupe plus important dont seraient issus aussi les Yorouba qui, eux-m�mes, vont se r�partir entre le Nigeria et le B�nin pour l’essentiel. Il faudra attendre les r�sultats de fouilles arch�ologiques en cours pour en pr�ciser les origines, probablement de l’Afrique de l’Est (de la zone consid�r�e).

Une question�: pourquoi ces peuples migrent-ils�? La facilit� de circulation dans la zone n’est pas une raison suffisante�; il y a l� en r�alit� un fait de culture qui, � ma connaissance, n’a pas �t� soulign� jusqu’� pr�sent. Certes, les besoins mat�riels suffisent, � l’instar de ce qui se passe dans d’autres contr�s pour justifier les migrations�; mais ici, il faut noter que le golfe du B�nin n’est pas exceptionnellement riche en mati�res agricoles. Reste un principe fondamental des soci�t�s de cette culture que je vais appeler d�sormais Yorouba�; cet �l�ment est le suivant�:

��quand tu n’es pas n�, avec un royaume comme h�ritage, il te faut b�tir le tien��. Ce pr�cepte est v�cu au sens propre�; nous allons le voir en �uvre tout au long de l’histoire des peuples du golfe. En voici une application historique dans le cas du royaume d’Abomey.

Le royaume d’Abomey�–�qu’on appelait DAN HO M� (litt�ralement�: dans le ventre de Dan) qui donnera le Dahomey colonial�–�est probablement le plus connu du B�nin. Ce royaume � une histoire qui d�coule directement du pr�cepte ci-dessus.

L’histoire commence vers le xiiie si�cle�; une groupe de migrants d’origine Yorouba (�?) se fixa � Tado et y fonda un royaume�; des d�cennies plus tard, se posa le probl�me de succession au tr�ne, (probablement, parce que le roi n’avait pas d�sign� de successeur avant de mourir). Il y eut une dispute et finalement, l’a�n� garda le tr�ne de Tado�; le cadet s’en alla vers l’Ouest fonder le royaume d’Allada, n’ayant pas h�rit� de celui de son p�re. Le m�me probl�me se posa une fois encore � l’occasion d’une vacance du tr�ne � Allada des d�cennies plus tard. L� aussi l’a�n� sortit vainqueur de la controverse, h�ritant du tr�ne. Le cadet et le benjamin partirent avec leurs partisans. Le premier fonda le royaume de Porto-Novo, et le second celui d’Abomey.

Un autre exemple nous est fourni par les ethnies qui occupent les r�gions Agou�, An�cho ... (vers la fronti�re du Togo) Ce sont des groupes venus de Accra (Ghana) qui s’y sont install�s. Il y eut plusieurs vagues d’�migrants, qui apr�s avoir perdu la bataille pour le contr�le de Accra ont du fonder ailleurs leur royaume. Voil� donc des ethnies apparemment distinctes qui fonctionnent sur des principes similaires.

Un autre �l�ment culturel intervient dans le d�roulement de ces querelles qui porte sur le r�le que la culture assigne � l’a�n�; c’est un point que j’ai d�velopp� dans ��l’Horloger de Kouti, Le Commencement���; nous aurons l’occasion d’y revenir.

J’ai voulu brosser un tableau succinct de l’�l�ment humain, forc�ment incomplet, qui est la mati�re sur laquelle repose la mythologie que nous allons aborder � pr�sent.

Les caract�ristiques de la mythologie

Absence de gestes surnaturels ou surhumains�–�tout est � la dimension de l’Homme�; tout est au pouvoir de l’Homme)�;

Absence d’agressivit� (que ce soit entre les dieux ou bien que ce soit dans les pr�ceptes en direction de l’Homme�; nous sommes loin de l’image populaire que l’on attache au vodou)�;

Absence de violence, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de querelles, de controverse ou de contestation, ��un roi ne fait pas la guerre � un autre roi. Un peuple ne fait pas la guerre � un autre peuple���;

Absence d’intervention de f�es�;

Une situation g�ographique non sp�cifi�e�;

Groupe ethnique ind�termin�.

Par ces deux derniers points, nous pouvons attribuer une dimension universelle � cette mythologie.

logo

octobre 2000 par Paul Georges Aclinou


Notes�:

Recherche

Derniers commentaires


Cr�ation Lierre & Coudrier �diteur, Maiis, license GPL. Syst�me de publication SPIP.
Tout le contenu de ce site est syndiqu� xml